Contenu

Jacques Cartier (1491-1557) 1

Champlain (1567-1638) 1

Jeanne Mance (1606-1673) 3

Paul Chomedy de Maisonneuve (1612-1676) 3

Marguerite Bourgeois (1620-1700) 5

Louis Buade de Frontenac (1622-1698) 5

Mgr François de Montmorency-Laval (1623-1708) 6

Jean Talon (1626-1695) 6

Pierre Le Moyne d'Iberville (1661-1706) 7

Louis Joseph Papineau (1786-1871) 8

François-Xavier Labelle (1833-1891) 14

Honoré Mercier (1840-1894) 15

Wilfrid Laurier (1841-1919) 17

Emma Lajeunesse, Albani (1847-1930) 18

Alphonse Desjardins (1854-1920) 19

Henri Bourassa (1868-1952) 20

Émile Nelligan (1879-1941) 21

Marie Victorin (1885-1944) 22

Maurice Duplessis (1890-1959) 24

Cardinal Paul-Émile Léger (1904-1991) 30

Jean-Paul Lemieux (1904-1990) 32

Armand Bombardier (1907-1964) 32

Gabrielle Roy (1909-1983) 33

Jean Lesage (1912-1980) 34

Félix Leclerc (1914-1988) 37

Jean Drapeau (1916-1999) 38

Paul Gérin-Lajoie (1920- ) 39

Maurice Richard (1921-2000) 39

René Lévesque (1922-1987) 40

André L’Archevêque (1923-2015 ) 45

Claire Kirkland-Casgrain (1924-2016) 46

Jean-Paul Riopelle (1927-1994) 46

Gilles Vigneault (1928- ) 47

André Mathieu (1929-1968) 48

Jacques Parizeau (1930-2015) 49

Hubert Reeves (1932-  ) 50

Michel Tremblay (1942- ) 51

Pauline Marois (1949-  ) 51

Yannick Nézet-Séguin (1975- ) 52

 

 

Jacques Cartier (1491-1557)

 

 

On connaît peu de choses sur la jeunesse de Jacques Cartier. Son acte de baptême ne nous étant pas parvenu, ce n'est que par diverses déductions que des historiens établissent son année de naissance, en 1471, à Saint-Malo. Il épouse, en avril 1520, Catherine, fille de Jacques Granches, connétable et de Francine Du Mast. Ce mariage va améliorer grandement sa condition sociale. Il n'y aura aucune descendance de cette union.

 

Jacques Cartier s'intéresse au monde maritime et juridique. Il tisse des liens sociaux avec la bourgeoisie de Saint-Malo. Selon l'historien Marc Lescarbot, c'est Jacques Cartier qui aurait lui-même proposé ses services à l'amiral Philippe Chabot en 1533. Ce dernier, le présente à son tour au roi de France. Jacques Cartier reçoit finalement du roi, François I, une commission royale qui le nomme chef d'escadre avec mission d'aller découvrir la situation du fleuve Saint-Laurent et de la Nouvelle-France.

 

Cartier y fera trois voyages

 

Le premier a lieu en 1534. Après une traversée rapide de vingt jours, il atteint Terre-Neuve avec ses deux navires et 61 hommes le 10 mai. À partir du 10 juin, il explore minutieusement le golfe Saint-Laurent. En juillet, il rentre en contact avec les Micmacs à la Baie des chaleurs. Le 24 juillet, il débarque à Gaspé et y plante une croix. Les Français rencontrent des Iroquoiens. Leur chef, Donnacona, permet même à Cartier d'amener ses deux fils en France. Cartier rentre en France le 5 septembre.

 

 

Le deuxième voyage a lieu en 1535-1536. L'expédition de Cartier comprend trois navires dont la Grande Hermine. Cartier, qui revient de France avec les deux fils du Chef  Donnacona, remonte le fleuve jusqu'à Stadaconé (Québec). De là, il poursuit sa route sur l'Émérillon jusqu'au Lac Saint-Pierre, puis en barque jusqu'à Hochelaga (Montréal) où il arrive le 2 octobre 1535. Il donne le nom de Mont-Royal à la montagne de l'île.

 

Après quoi, Cartier et ses hommes hivernent dans la région de Québec. Malheureusement, plusieurs de ses hommes souffrent du scorbut et en meurent. Heureusement, il découvre que les Micmacs se soignent avec une infusion d'aiguilles et d'écorce de pins. Plusieurs de ses hommes sont ainsi guéris. Il remet le cap sur la France avec deux navires, abandonnant la Petite Hermine faute d'hommes

 

En 1541-1542 il fait son troisième et dernier voyage. Il éprouve plusieurs difficultés pour l'organisation de ce voyage. Il arrive à Québec en août 1541. Il fait édifier un fort au confluent du Saint-Laurent et de la rivière du Cap Rouge. Il y accumule « l'or et les diamants », qu'il achète aux Iroquois. En 1542, il retourne en France.

 

Aussitôt arrivé, il fait expertiser le minerai qu'il a rapporté de la Nouvelle-France. Il apprend avec regret que son minerai est sans valeur, à savoir de la pyrite de fer et de quartz. Déçu, il se retire dans son manoir de Rothéneuf près de Saint-Malo. Il décède le 1 septembre 1557. Ses restes, retrouvés en 1944, reposent dans la cathédrale de Saint-Malo.

 

Il publie des récits de ses voyages dans les Relations, qui sont traduits en Italien et en Anglais. Il est également le premier explorateur du golfe Saint-Laurent et le premier à tracer la cartographie de ce cours d'eau.

 

 

 

Champlain (1567-1638)

 

 

Samuel Champlain est né à Brouage. Sa date de naissance n’est corroborée par aucun document écrit, mais 1567 semble une date plausible selon plusieurs historiens. Ses parents seraient de religion protestante et auraient fait baptiser leur fils à La Rochelle, Brouage n’ayant pas de temple protestant. Selon son contrat de mariage, il est le fils d’Anthoine Champlain, capitaine de la Marine, et de Marguerite Roy.

 

On connaît peu de chose sur son enfance, mais à l’évidence il reçoit une bonne formation de navigateur, cartographe et rédacteur de textes. Il s’engage d’abord dans l’armée du roi levée par Henri IV pour soumettre le duc Mercoeur, gouverneur de Bretagne, qui pose des gestes politiques à l’encontre de son souverain. Il y sert pendant trois ans jusqu’à la paix de Vervins en 1598. Champlain s’y taille une bonne réputation et finit par décrocher le grade de maréchal des logis. Il reçoit même du roi une rente viagère, dès 1603.

 

 Son premier voyage en Amérique du Nord commence, en 1603, en tant que navigateur et cartographe pour le sieur du Pont dans une expédition de traite des fourrures. Il quitte Honfleur à bord de la Bonne Renommée avec deux autres navires et arrive à Tadoussac le 27 mai. Il entre en contact avec les Montagnais. Cette rencontre se termine par le rituel du Calumet de Paix, marquant ainsi une alliance qui allait mener les Français dans une guerre contre les Iroquois. À la suite de ce voyage, Champlain va dresser avec précision une carte du Saint-Laurent surnommé la Grande rivière. Il fait rapport au roi et publie un compte-rendu de l’expédition.

 

Au printemps de 1604, Champlain participe à une autre expédition pilotée par François Gravé, sieur Du Pont. L’expédition compte deux navires : la Bonne renommée et le Don de Dieu.

On procède à l’installation d’une habitation à l’Île Sainte-Croix, qui devient le premier établissement français en Amérique du Nord. Puis, il fonde Port-Royal, en 1606, et institue l’Ordre de Bon Temps qui sert de distraction au groupe durant l’hiver. L’année suivante, le sieur de Mons perd ses privilèges de commerce. Champlain et son groupe repassent en France.

 

Au printemps 1608, Champlain repart pour la Nouvelle-France comme lieutenant de Pierre de Mons qui reste en France. Il a pour mission de préparer l’établissement d’une colonie permanente le long de la Grande Rivière (le Saint-Laurent). Arrivé le 3 juin à Tadoussac, il gagne le cap Diamant. Il y fait construire trois bâtiments entourés d’une palissade. Cette installation, Abitation de Quebecq, devient la première colonie française à s’installer en Nouvelle-France sur les bords du Saint-Laurent.

 

Durant ce premier hiver, la plupart des 25 hommes restés sur place décèdent du scorbut. Seulement huit d’entre eux survivent. Au printemps, Champlain renoue des alliances avec les Montagnais et les Algonquins. Il découvre un lac immense auquel il donne son nom. Le 29 juillet, il rencontre un groupe d’Iroquois. Le lendemain se sentant menacé par deux cents Iroquois, Champlain avec son arquebuse tue deux de leurs chefs. Cet événement marque le début d’une longue période d’hostilités avec la confédération des cinq nations iroquoises.

 

De retour en France, Champlain tente avec le sieur de Mons de faire renouveler leur monopole des fourrures. Une nouvelle société est fondée. En avril 1610, Champlain est de retour à Québec. Il fait à nouveau campagne contre les Iroquois. Laissant 16 hommes, il rentre en France.

 

En décembre 1610, il épouse Hélène Boullé, une jeune fille de 12 ans. À cause de son bas âge, on stipule dans le contrat de mariage que la cohabitation est remise de deux ans. Cependant, Champlain touche une dot importante qui lui assure une sécurité financière. En 1620, Hélène Boullé accompagne Champlain à Québec. Elle n’apprécie pas tellement son entourage. En 1624, elle retourne en France de façon définitive. Après la mort de Champlain, elle entre au couvent des Ursulines de Paris et y prend le voile. Elle donne tous ses biens à sa communauté. Elle meurt, le 20 décembre 1654, à l’âge de 56 ans.

 

En 1611, Champlain se rend à Montréal à la recherche d’un site pour l’établissement d’une nouvelle colonie. Il donne le nom de Sainte-Hélène, en l’honneur de son épouse, à une grande île qu’il y découvre. À l’automne 1611, il retourne en France où il demande au roi d’intervenir.

 

En octobre 1612, Louis XIII nomme Charles Bourbon, lieutenant-général en Nouvelle-France, avec mission d’y organiser une colonie sur de solides bases. Champlain reçoit le titre de lieutenant avec les pleins pouvoirs.

 

En 1613, il continue ses explorations en remontant la rivière des Outaouais vers le pays des Hurons. En 1615, Champlain quitte Québec et arrive à la baie Georgienne en compagnie de deux français dont probablement Étienne Brûlé. Il atteint ainsi le cœur du pays des Hurons et y voyage de village en village. Avec plusieurs guerriers hurons, il part en guerre contre les Iroquois. Champlain est blessé et forcé de passer l’hiver en Huronie. Il est de retour à Québec le 11 juillet 1616 et retourne en France le 20 juillet.

 

En 1620, le duc de Montmorency, nouveau vice-roi de la Nouvelle-France, confirme Champlain dans ses fonctions. De retour à Québec, celui-ci passe l’hiver à construire le Fort Saint-Louis sur le Cap Diamant.

 

L’année 1627 est une année importante pour la colonie, puisque le Cardinal Richelieu, premier ministre de France, crée la Compagnie des Cent-associés dont Champlain devient membre. En juillet 1628, les frères Kirke envoient une sommation à Champlain pour qu’il cède Québec. Devant son refus, ces derniers font le blocus de la ville avec trois navires. Québec manquant cruellement de vivres, Champlain est forcé de négocier la capitulation de la ville. À la fin d’octobre, il se retrouve à Londres.

 

Lorsqu’il repasse en France en mars 1633, Champlain réclame le titre de gouverneur de la Nouvelle-France à Richelieu. Il obtient plutôt le titre de commandant de Québec. Après une absence de quatre ans, Champlain arrive à Québec le 22 mai 1633 à la tête de trois navires et de 200 personnes. Il se met immédiatement à la tâche pour rebâtir les fortifications de Québec.

 

En octobre 1635, Champlain est frappé de paralysie. Il meurt le 25 décembre 1635. Il est enterré temporairement dans une tombe sans nom. L’emplacement exact du tombeau de Champlain n’a jamais été retrouvé.

 

 

 

Jeanne Mance (1606-1673)      

 

 

Jeanne Mance est née à Langers (Haute-Marne) le 12 novembre 1606. Elle est issue d'une famille bourgeoise puisque son père est procureur du roi de France à Langres. Elle se consacre aux victimes de la Guerre de Trente Ans. En avril 1640, elle rencontre son cousin Nicolas, chapelain de la Chapelle de Paris, qui lui parle de la Nouvelle-France. Jeanne se rend à Paris en résidence chez une cousine où elle fait la rencontre de personnalités importantes dont la princesse de Condé. La reine Anne d'Autriche également tient à la rencontrer.

 

Mais ce sera sa rencontre avec une grande dame fort riche, Mme de Buillion, qui sera déterminante pour la suite des choses. En effet, cette dernière devient sa bienfaitrice et va financer la construction de son hôpital à Montréal.

 

En avril 1641, Jeanne Mance se met en route pour La Rochelle et se prépare pour son long voyage en Nouvelle-France. Elle devient membre de la Société Notre-Dame qui est propriétaire de l'île de Montréal. Maisonneuve est choisi pour assurer le gouvernement de la nouvelle colonie.

 

Arrivés à Québec en août 1641, Maisonneuve et son groupe font face à une vive opposition. Ce n'est qu'en mai 1642, que le groupe commandé par Maisonneuve accède finalement à Montréal. Les travaux du nouvel hôpital commencent en 1645. C'est un modeste bâtiment. La lutte contre les Iroquois est constante et décourage même Maisonneuve. Malgré tout, Jeanne, une laïque, sera secondée par les Soeurs Hospitalières à partir de 1659.

 

Comme la Société Notre-Dame éprouve régulièrement des difficultés financières, Jeanne Mance doit se rendre à trois reprises en France pour solliciter de l'aide.

Cependant, à partir de 1663, de grands changements se produisent dans l'administration de la colonie, Louis XIV prenant en main la direction de la Nouvelle-France. Maisonneuve est rappelé en 1665. Jeanne Mance et Margueritte Bourgeois continuent à oeuvrer à Montréal malgré beaucoup d'embûches. Jeanne Mance continue à diriger son hôpital jusqu'à sa mort en 1673.

 

Ce n'est qu'en 2012, qu'elle sera officiellement reconnue comme cofondatrice de Montréal

 

 

 

Paul Chomedy de Maisonneuve (1612-1676)

 


 

Paul Chomedey de Maisonneuve est membre de la Société Notre-Dame de Montréal, fondateur de Ville-Marie et premier gouverneur de l’île de Montréal.

 

Paul Chomedey de Maisonneuve est baptisé, le 15 février 1612, en l’église Saint-Martin de Neuville-sur-Vanne. Il est le fils aîné de Louis de Chomedey, seigneur de Chavannes et Neuville, et de Marie Thomelin. Il devient sieur de Maisonneuve quand son père lui octroie le domaine de Maisonneuve par acte notarié du 24 février 1614. Il a deux sœurs et un frère.

 

Comme le veut l’usage à l’époque, Paul de Maisonneuve commence très tôt une carrière militaire. Sa rencontre avec le sieur Jérôme Le Royer de la Dauversière est déterminante. En effet, ce dernier décidé à travailler à la conversion des sauvages de la Nouvelle-France, forme à Paris, en 1639, avec l’abbé François Olivier et quelques bienfaiteurs la Société Notre-Dame qui fait l’acquisition de Montréal alors propriété de Jean de Lauson.

 

Cependant, il faut songer à trouver un chef pour conduire cette œuvre naissante. C’est le jésuite Charles Lalemant qui propose Maisonneuve. C’est donc vers lui que se tourne la Société Notre-Dame pour diriger la nouvelle colonie que l’on veut fonder à Montréal.

 

Le 9 mai 1641, deux navires quittent le port de La Rochelle. Dans l’un des vaisseaux on retrouve Maisonneuve et 25 colons et  dans l’autre, entre autres, Jeanne Mance, un jésuite, Jacques La Place, et 12 hommes. Le navire transportant Jeanne Mance se rend à bon port au bout de trois mois. Toutefois, le navire de Maisonneuve subit de violentes tempêtes et arrive à Tadoussac beaucoup plus tard, soit à la fin du mois de septembre.

 

Les nouveaux arrivants sont accueillis avec une certaine hostilité à Québec. Puisque la saison est tardive, ils doivent hiverner à Québec. On lui déconseille Montréal et lui offre même l’Île d’Orléans pour lui et les siens. Maisonneuve reste déterminé à se rendre à Montréal, puisque telle est sa mission.

 

À Québec, Maisonneuve doit se préoccuper du logement de ses hommes. Il fait la rencontre à Sainte-Foy d’un riche marchand, Pierre de Puiseaux, qui demande d'entrer dans la Société Notre-Dame et offre ses deux seigneuries de Sainte-Foy et Sillery. On y procède rapidement à la construction d’abri pour l’hiver.  Il y a une antipathie naturelle entre le gouverneur, Monsieur de Montmagny, et Maisonneuve.

 

Le 17 mai 1642, Maisonneuve prend officiellement possession de l’île de Montréal. La première grand-messe y est célébrée le dimanche 18 mai.

 

Au mois d’août, l’arrivée de France de Pierre Legardeur enthousiasme les Montréalistes. En effet, 12 nouveaux colons font leur arrivée avec des denrées, des munitions de guerre et surtout de bonnes nouvelles. En France, le nombre d’Associés de Notre Dame a augmenté donnant ainsi plus d’importance au développement de la nouvelle colonie.

 

En 1642, une forte inondation met en danger les bâtiments de la colonie. Maisonneuve promet de porter une croix jusqu’au sommet du Mont Royal s’ils sont épargnés. Apparemment, ses prières furent exaucées et la tradition de la Croix sur le Mont-Royal débute.

 

Dès 1643, la menace iroquoise fait son apparition. Les Iroquois harcèlent la colonie par des attaques surprises incessantes. C’est une vie très difficile pour les colons et les victimes sont très nombreuses.

 

En juillet 1643, Monsieur de Montmagny, gouverneur de la Nouvelle-France, vient à Montréal pour annoncer à Maisonneuve que le roi de France Louis XIII accorde à la nouvelle colonie un navire appelé Notre-Dame qui doit faire un voyage annuel, permettant ainsi à la colonie de recevoir des effets de toutes sortes. En septembre, un gentilhomme, Louis D’Ailleboust, arrive avec de nouveaux colons. Les attaques iroquoises continuent avec des embuscades sur le territoire entourant Montréal.

 

À la mort de son père à l’automne 1645, Maisonneuve part pour la France. Il va prendre possession du domaine dont il vient d’hériter. De retour après un an d’absence, il doit retourner d’urgence en France où sa présence est requise pour des affaires importantes.

 

 

En 1645, de grands changements pour le commerce des fourrures surviennent avec la fondation de la Communauté des Habitants du Canada. La nouvelle compagnie s’engage à faire passer en Nouvelle-France 20 colons par année contre l’exclusivité du commerce des fourrures. On offre à Maisonneuve le poste de gouverneur de la Nouvelle-France en remplacement de Monsieur de Montmagny. Il le refuse et propose à la place Louis d’Ailleboust.

 

Jeanne Mance doit s’embarquer pour la France, quelques-uns des bienfaiteurs de la colonie dont Monsieur de la Dauversière étant malades. En effet, elle doit aller à la recherche de nouveaux financements. Elle revient l’année suivante ayant réussi sa mission. La Société Notre-Dame peut revivre grâce à l’appui de Monsieur Olier. Les attaques répétées des Iroquois, en 1651, mettent la survie de la colonie en sérieux danger.

 

À l’automne 1651, Maisonneuve retourne en France à la recherche de 200 hommes pour défendre Ville-Marie. La mystérieuse bienfaitrice de Jeanne-Mance, Mme Claude de Bullion, sollicitée par Maisonneuve est suffisamment impressionnée et accepte de fournir une importante somme d’argent pour activer le recrutement de colons-soldats.

 

En 1653, Maisonneuve s’embarque pour la Nouvelle-France avec 120 colons. Ils arrivent à Québec seulement le 22 septembre après une pénible traversée. Ces hommes vont permettre la survie de Ville-Marie et ainsi de l’ensemble de la Nouvelle-France.

 

Parmi les nouveaux arrivants, on retrouve Marguerite Bourgeois dont la venue en Nouvelle-France va marquer le début de l’instruction des jeunes filles de Ville-Marie. Une paix est signée avec les Iroquois en 1655. Maisonneuve se dirige à nouveau vers la métropole à la recherche d’ecclésiastiques pour assurer le ministère paroissiale. Ce sont finalement les Sulpiciens qui vont répondre à la demande.

 

À la suite du décès du procureur ruiné des Associés, la Société Notre-Dame cède en date du 6 mars 1663, la seigneurie de Montréal aux Sulpiciens. En 1663, la colonie est rattachée au domaine royal sur l’ordre de Louis XIV. Le 30 juin 1665, le marquis de Tracy nouveau gouverneur-général de la Nouvelle-France, arrive à Québec avec quatre compagnies de soldats. Entre le 13 et le 19 juin quatre autres compagnies arrivent de France et annoncent l’envoi du célèbre régiment de Carignan-Salières. Le roi ayant décidé de mettre un terme aux attaques iroquoises, le salut du Canada était assuré. Cependant, Maisonneuve reçoit du nouveau gouverneur l’ordre de retourner en France après 24 ans de service.

 

Il passe en France à l’automne 1665 pour ne plus revenir en Amérique. Il meurt 11 ans plus tard et est inhumé en l’abbaye de Saint-Étienne-du-Mont.

 

 

Marguerite Bourgeois (1620-1700)

 

 

Marguerite Bourgeois est née le 17 avril 1620 à Troyes en France. Elle est la fille d’Abraham Bourgeois et de Guillemette Garnier. En 1640, à l'âge de 20 ans, elle sent l'appel pour une vocation religieuse. C'est alors qu'elle devient membre d'une congrégation externe composée de jeunes filles qui se vouent à l'enseignement dans les milieux pauvres. La directrice de cette association est la soeur de Maisonneuve dont Marguerite fait la connaissance. On  lui propose de venir en Nouvelle-France pour instruire les enfants des colons. Elle accepte et s'embarque pour la Nouvelle-France.

 

Elle arrive à Ville-Marie en novembre 1653. En 1658, Maisonneuve lui donne l'étable de pierres de la Commune pour en faire une école. Elle et ses compagnes vivront dans le colombier qui devient le dortoir du groupe.

 

Marguerite, qui a besoin de compagnes pour l'assister, retourne en France et revient avec quatre compagnes en 1659. En 1672, lors d'un deuxième voyage en France elle recrute six nouvelles jeunes filles. La même année, les Lettres patentes reconnaissant officiellement son groupe qui prend le nom de  « Filles séculières de la Congrégation Notre-Dame». L'approbation de Mgr Laval vient en 1676.

 

Elle se voit confier la mission de recevoir les Filles du Roi, jeunes filles destinées à fonder des familles pour le peuplement de la colonie. En 1668, elle organise l'exploitation d'une ferme à Pointe Saint-Charles. Elle va y accueillir les Filles du Roi de 1668 à 1673. En 1680, elle fait un troisième voyage en France pour obtenir des renforts. Mgr Laval l'oblige plutôt à recruter des filles du pays.

 

 

 

En 1693, Marguerite Bourgeois cède sa place comme supérieure. En 1698, Mgr de Saint-Vallier, nouvel évêque de Québec, approuve les Règles de la communauté. Malade elle décède le 12 janvier 1700. Son corps est conservé en la chapelle Notre-Dame-de-Bon-Secours située dans le Vieux-Montréal. Elle est canonisée le 31 octobre 1982.

 

Sa communauté pendant trois siècles continuera son œuvre éducative au Québec et même dans d'autres pays comme les États-Unis et le Japon.

 

 

Louis Buade de Frontenac (1622-1698)

 

 

Louis Buade de Frontenac, comte de Frontenac et Palluau, est né le 12 mai 1622 au château de Saint-Germain-en-Laye. Son père était gouverneur du château de Saint-Germain-en-Laye et sa famille proche de la famille royale. Il a comme parrain le roi Louis XIII. À l'âge de 17 ans, il se joint à l'armée française et participe à plusieurs campagnes militaires. Le 28 octobre 1648, Frontenac épouse Anne de la Grange-Trianon, héritière d'une immense fortune. Son père s'oppose à ce mariage et le déshérite. Le couple aura un fils, François-Louis.

 

Le couple a une vie fastueuse et est endetté. Anne de la Grange va servir en haut lieu les intérêts de Frontenac. Le 7 avril 1672, il obtient du roi Louis XIV la charge de gouverneur de la Nouvelle-France. Dès son arrivée, il entre en conflit avec Mgr Laval au sujet du commerce des fourrures et de l'eau-de-vie. Frontenac se dresse contre l'autorité de l'intendant et du Conseil souverain. Il pratique certainement le commerce des fourrures à des fins personnelles.

 

Cependant, son premier mandat est marqué par les nombreuses explorations. Ainsi, la découverte du Mississippi est faite par Louis Jolliet et le père Marquette à la même époque. Il entretient des relations avec les Bostonnais. Il assure l'alliance avec les Abénaquis et maintient la paix avec les Iroquois.

 

À la suite de tous ses conflits avec les autorités religieuses et laïques, il est finalement rappelé en 1682. En 1689, il reçoit une nouvelle mission soit celle de prendre le commandement d'une troupe qui a pour mission d'attaquer la colonie anglaise devenue menaçante pour la survie de la Nouvelle-France. Frontenac comprend qu'une victoire relèverait le moral de la colonie. C'est ainsi qu'en 1690, il dirige une attaque contre trois établissements anglais.

La même année les Anglais organisent un plan de campagne par terre et par mer contre la Nouvelle-France. La flotte de l'amiral Phips remonte le Saint-Laurent et vient assiéger Québec. Jouant de subterfuges, il répond à l'envoyé de Phips ces paroles devenues célèbres « Dites à votre maître que je lui répondrai par la bouche de mes canons ». La menace est ainsi écartée, du moins temporairement. En juillet 1696, une nouvelle attaque est organisée contre les colonies anglaises avec une armée de 2150 hommes.

 

Frontenac continue à favoriser l'établissement de nouveaux postes de traite dans l'ouest. Alors que les expéditions sont financées par le trésor royal, les bénéfices du commerce des fourrures reviennent à Frontenac et ses associés. À l'automne 1698, la santé de Frontenac se dégrade rapidement. À la mi-novembre sentant sa fin venir, il fait la paix avec l'intendant et l'évêque. Il meurt le 28 novembre 1698. Il est inhumé à l'église des Récollets de Québec.

 

 

Mgr François de Montmorency-Laval (1623-1708)

 

 

L’Église de la Nouvelle-France comme celle de la mère patrie jouit des avantages d’une Église d’État, mais en subit les inconvénients. Au niveau matériel, elle dépend très étroitement du roi. Une controverse s’installe contre la nomination de Mgr Laval, l’archevêque de Rouen considérant la Nouvelle-France comme le prolongement de son diocèse. Finalement, le roi de France choisit Mgr Laval. François de Laval est né le 30 avril 1623 à Montigny-sur-Avre. Il est le fils D’Hugues de Montmorency-Laval, seigneur de Montigny. Il est ainsi membre de la haute noblesse française. Il fréquente le collège des Jésuites de La Flèche. Il est ordonné prêtre le 1 mai 1647. Il est nommé évêque de Pétrée le 11 avril 1658. Le 8 décembre de la même année, il devient vicaire apostolique de la Nouvelle-France.

 Mgr Laval arrive à Québec en 1659. Il s’absente régulièrement de son diocèse et séjourne très souvent en France pour quémander de l’aide. À la mort de ses frères, il devient chef de famille. Il renonce à son héritage et aux honneurs dus à son rang. Il est prêt à tout abandonner pour la gloire de Dieu et il a peu d’ambition personnelle. Il agit avec rectitude et ne participe pas aux tractations qui vont amener sa nomination comme vicaire apostolique. Il ne devient évêque en titre du nouveau diocèse de Québec qu’en 1674.

Dès son arrivée en Nouvelle-France, Mgr Laval travaille en collaboration avec les Jésuites et s’attaque à la formation d’un clergé diocésain qui sera à la source d’une Église canadienne. Pour assurer le recrutement du clergé, il fonde en 1663, le Grand séminaire de Québec. Il surveille très étroitement son clergé et veille aux bonnes moeurs de la population par son intermédiaire. Le Séminaire devient le pivot de la nouvelle Église en prenant la responsabilité de son clergé dont il assure la subsistance. À l’époque, la population ne pouvait soutenir son clergé.

 

Par contre, l’État ne vient pas en aide au séminaire. Pour subvenir aux besoins matériels de ses curés, Mgr Laval institue, en 1663, la dîme. Cette participation doit couvrir une partie des besoins des curés. Les catholiques sont tenus par la loi de payer leur dîme. Plusieurs habitants vont s’opposer à cette nouvelle taxe. Cependant, en plusieurs endroits, la dîme ne suffit pas à couvrir les dépenses des curés de paroisse. De plus, pour assurer les besoins matériels de la communauté des prêtres, il acquiert de 1664 à 1668 la seigneurie de Beaupré.

En 1680, le 12 avril au presbytère de Saint-Josse à Paris il fait la donation de ses biens à la communauté des prêtres du Séminaire de Québec. En 1685, il démissionne de son poste d'évêque de Québec et rentre en France. Après plusieurs demandes au roi Louis XIV, il obtient finalement l'autorisation de revenir en Nouvelle-France.

Il se retire au Séminaire de Québec et se met au service du nouvel évêque Mgr de St-Vallier qu'il remplace occasionnellement lorsque celui-ci séjourne en France.

Il meurt le 6 mai 1708. Sa dépouille est inhumée dans la cathédrale de Québec. Il est déclaré bienheureux par le Pape Jean-Paul II, le 22 juin 1980, et canonisé par le pape François, le 3 avril 2014.

 

Jean Talon (1626-1695)

 

 

Jean Talon est né le 8 janvier 1626 à Châlons en France. Son père, Philippe Talon et sa mère, Anne de Burry, eurent 12 enfants dont trois auront des fonctions dans l'administration publique. Jusqu'en 1645, il étudie au collège de Clermont à Paris, dirigé par les Jésuites.

 

En 1653, il est nommé intendant de l'armée de Turenne et commissaire de guerre en Flandres. En 1655, il obtient le grade d'intendant de Hainaut. Il participe à la fortification de la ville de Quesnoy. Il occupe cette fonction pendant dix ans jusqu'à sa nomination comme intendant de la Nouvelle-France.

 

En date du 24 mars 1663, la Nouvelle-France est réunie au domaine royal. Un gouvernement royal est donc institué. Il comprend un gouverneur qui a les pleins pouvoirs pour ce qui concerne la guerre, les militaires et les officiers de l'administration.

 

Sous les ordres du gouverneur apparaît une nouvelle fonction qui va jouer un rôle essentiel dans l'administration quotidienne de la colonie : l'intendant. Ce dernier doit s'occuper d'une façon plus immédiate de la justice, de la police et des finances.

 

Un autre corps institutionnel est créé: le Conseil souverain. Il est composé du gouverneur et de l'évêque qui doivent nommer conjointement de cinq à sept conseillers. L'évêque et le gouverneur sont sur un pied d'égalité ce qui causera de nombreux conflits entre ces deux personnages. Ce conseil doit s'occuper du commerce des pelleteries et de l'administration de la justice avec le pouvoir de nommer les juges. Ce conseil peut être également un tribunal de première instance et un tribunal d'appel. La justice est administrée à deux niveaux : la justice royale à Québec et Trois-Rivières. Dans le reste de la Nouvelle-France il y a une justice seigneuriale.

À Montréal il y a une justice seigneuriale qui relève du seigneur de l'île, les Sulpiciens.

 

Jean Talon est de la noblesse et possède des seigneuries près de Reims. Au Canada, il achète de nombreuses terres dont celle de Sillery en plus de trois bourgs détachés de Notre-Dame-des-Anges qu'il fait élever au rang de baronnie, puis de comté.

 

Talon prône l'autonomie économique de la Nouvelle-France. Il veut une colonie prospère économiquement avec une population suffisamment nombreuse. L'échec de la plupart des industries qu'il lance vient ternir sa réputation d'administrateur redoutable.

 

En 1665, il commence son premier mandat. En 1666, il organise un premier recensement qui indique une population de 3579 personnes. C'est alors que Colbert et Talon décident de prendre différents moyens pour augmenter la population. On veut augmenter l'immigration des engagés et des filles du roi. On encourage les soldats et les officiers du régiment de Carignan-Salières à s'établir dans la colonie. De plus, il encourage les familles nombreuses en établissant une sorte d'allocations familiales.

 

Il fait la promotion de l'agriculture en multipliant de nombreuses seigneuries sur les rives du Saint-Laurent et du Richelieu. Pour échapper aux critiques des seigneurs, Talon demande au roi d'ordonner la révocation des seigneuries inactives et cela au grand désagrément des Jésuites et autres communautés religieuses.

 

De retour en France en 1668, le roi le renvoie en Nouvelle-France en 1670 pour un terme de deux ans. Il agrandit le territoire de la Nouvelle-France en encourageant les explorateurs comme Louis Jolliet et le père Marquette le long du Mississipi. Pour sa part, Robert de la Salle est envoyé dans l'Ouest.

 

Son état de santé se dégradant il retourne définitivement en France en 1672 où il continue sa carrière au service du roi. Il meurt le 23 novembre 1695 à Paris.

 

 

 

Pierre Le Moyne d'Iberville (1661-1706)

 

 

Pierre LeMoyne d'Iberville est né à Montréal, le 16 juillet 1661. Il est le fils de Charles LeMoyne, seigneur de Longueuil, et de Catherine Thierry. Pierre LeMoyne était destiné à la prêtrise selon le choix de sa mère.

 

Pierre refuse ce choix et s'engage à l'âge de 12 ans comme mousse à bord d'un voilier. En 1676, alors qu'il revient à Montréal après une absence de trois ans, son père l'envoie avec un de ses associés faire le commerce des fourrures près du lac Supérieur.

 

D'Iberville, devenu cadet de la marine royale, commence sa carrière militaire en 1686 dans une mission à la Baie d'Hudson sous le commandement de Pierre de Troyes. Au cours de cette mission, Pierre LeMoyne montre ses qualités de chef et l'expédition s'empare de deux forts et d'un voilier. En 1687, on le retrouve comme capitaine de la frégate le Pélican dans plusieurs expéditions contre les Anglais. En 1695, Frontenac, gouverneur de la Nouvelle-France, l'envoie en service commandé à Terre-Neuve et au Labrador où il doit procéder à l'expulsion des Anglais. D'Iberville détruit presque complètement les villes et villages de la côte est de Terre-Neuve.

 

En 1697, il est choisi par le ministre de la Marine pour mener une expédition d'exploration à l'embouchure du fleuve Mississippi. Avec son frère, Jean-Baptiste, il remonte le fleuve jusqu'à Biloxi. Il construit le fort Maurepas en 1699. Laissant une garnison de 81 hommes il retourne en France où il reçoit l'ordre de Saint-Louis pour services rendus. Il recommande au roi la colonisation et l'exploitation de la Louisiane. Il veut ainsi contrer la menace anglaise.

 

En 1706, d'Iberville prend l'île anglaise de Nièves dans les Caraïbes. Il se rend à la Havane pour demander l'appui des Espagnols pour combattre les Anglais.

Il est atteint de la fièvre jaune et meurt le 9 juillet 1706. Il repose aujourd'hui au musée de la ville de la Havane.

 

Son frère, Jean-Baptiste, fonde la Nouvelle-Orléans en 1718. Il avait épousé Marie-Thérèse Pollet, le 8 octobre 1693, après plusieurs années de fréquentation.

 

 

 

Louis Joseph Papineau (1786-1871)

 

 

Parlons d’abord du père de Louis Joseph, puisque le sort de ses deux personnages sera intimement lié durant une période cruciale de notre histoire. Joseph Papineau, fils d’un tonnelier est envoyé au séminaire de Québec grâce à l’intervention d’un prêtre. Il y fait d’excellentes études et entre au bureau d’un géomètre-arpenteur pour y faire son apprentissage. En 1773, il est reçu arpenteur. De plus, il devient notaire l’année suivante. Il a comme clients des communautés religieuses ainsi que le Séminaire de Québec qui lui confie l’administration de deux seigneuries qu’ils tiennent de Mgr Laval: celles de l’Île Jésus et de la Petite-Nation sur la Rive-Nord de la rivière Ottawa. En 1779, il épouse Rosalie Cherrier, fille du notaire de Saint-Denis-sur-Richelieu. Il aura dix enfants dont Louis-Joseph, né en octobre 1786. En 1802, Joseph Papineau reçoit en paiement des sommes qui lui sont dues comme notaire les 3/5 de la seigneurie de la Petite-Nation et fait l’acquisition de l’autre partie.

 

 La constitution de 1791

 

La constitution de 1791 est à la base de la formation d’un esprit très nationaliste chez la petite bourgeoisie canadienne-française. Elle divise le Québec en deux provinces : le Haut-Canada à l’ouest, où les loyalistes dominent, et le Bas-Canada à l’est, majoritairement canadien-français. Chacun des territoires aura sa législature comprenant une chambre élue par le peuple et un Conseil dont les membres sont nommés par la couronne. La population du Haut-Canada est de 40 000 habitants pendant que celle du Bas-Canada est de 150 000. Le Conseil exécutif comprend neuf membres, dont quelques Canadiens. Le Conseil législatif est composé majoritairement de conseillers anglais, tandis que les Canadiens sont choisis parmi les seigneurs et les bourgeois les plus dociles. Joseph Papineau est élu député lors de la première élection de 1792.

 

La question de la langue est cruciale et marque le début d’un combat qui perdurera. Après maintes discussions, on trouve un compromis en proposant que les procès-verbaux soient rédigés dans les deux langues. Pendant que Joseph Papineau décide de faire lui-même la mise en valeur de sa seigneurie de la Petite-Nation, il laisse à son fils Louis-Joseph l’aspect politique.

 

En effet, Louis-Joseph est élu le 18 juin 1808 dans le comté de Kent et commence ainsi une longue et tumultueuse carrière politique. Déjà les passions politiques apparaissent. Dans les autres provinces comme au Québec les réformistes demandent le principe de la responsabilité ministérielle. La réponse du gouverneur Craig ne se fait pas attendre. Brusquement, il annonce la dissolution de la Chambre. À la nouvelle législature, Joseph Papineau siège à côté de son fils comme membre de l’Assemblée. Les débats ont pour unique sujet le contrôle du budget. Le Gouverneur désire un vote global d’approbation des crédits de la couronne. L’Assemblée veut contrôler les dépenses. De plus, la Chambre vote une loi rendant les juges inéligibles. À nouveau, Craig dissout la chambre. On en est à la troisième élection en dix-huit mois. Le gouverneur demande l’appui du clergé dont il surestime l’influence. L’opposition revient plus forte. Au bout du compte, la loi sur l’inéligibilité des juges est votée par les deux Chambres. Craig démissionne et retourne en Angleterre. Partout dans les colonies anglaises ce sont les mêmes demandes qui se manifestent : la responsabilité ministérielle, l’autorisation de la Chambre pour tout emploi de fonds publics, la fin des privilèges de l’Église anglicane, etc.

 

Puis, c’est l’invasion ratée des Américains au Canada. La bataille de Châteauguay permet à un canadien, Salaberry, de s’illustrer. Montréal est sauvé et Salaberry, commandant des troupes canadiennes, devient un héros. Les Canadiens français ont joué dans cette guerre un rôle essentiel. Louis Joseph devient le chef incontesté de la majorité parlementaire. En avril 1818, Louis-Joseph Papineau, orateur de la Chambre et seigneur de la Petite-Nation, se marie à Julie Bruneau. La question budgétaire revient à l’ordre du jour à la session de 1819. Pendant que l’administration souhaite le vote d’une liste civile pour la vie du roi, les députés réformistes sous l’influence de Papineau demandent de voter un budget annuellement. Le gouvernement manque de fonds pour l’administration courante. Papineau demeure le chef incontesté des Canadiens français et sa lutte pour la reconnaissance des droits de la Chambre devient celle de tout un peuple.

 

 Le nouveau gouverneur Dalhousie propose à Papineau de devenir membre du Conseil exécutif. Papineau refuse et voit dans cette offre une tentative pour ruiner son ascendant sur les membres de la Chambre. Il fait prendre conscience à ses compatriotes de leurs droits et de leur force. Dalhousie demande à la Chambre de voter les subsides en bloc et pour la vie du roi. Papineau défend le contrôle par l’Assemblée du budget, ce qui lui donnerait le contrôle de l’administration.

Le gouverneur Dalhousie continue d’approuver le projet d’interdire l’usage de la langue française à la Législature. Papineau est pour le moins aussi agressif et il critique sévèrement le gouverneur et les dépenses somptuaires de son gouvernement. En dernier lieu, le bill des subsides est adopté et voté pour un an, mais avec une réduction de 25%. La session se termine avec la bataille sur le contrôle intégral du budget par l’Assemblée. Après un voyage à Londres où le projet d’union lui est refusé, Dalhousie est de retour et reprend sa fonction. À la session de 1826, le bill des subsides est à nouveau rejeté. La majorité des députés est galvanisée par Papineau et exige le contrôle intégral du revenu public. L’animosité entre Papineau et Dalhousie atteint son paroxysme à la session de 1827 où la Chambre, dominée par Papineau, refuse à nouveau de voter le budget. Dalhousie réagit avec promptitude en venant proroger à nouveau la Chambre. Aux élections, c’est une lutte à finir entre Papineau et le gouverneur. Les partisans de Papineau prennent le nom de patriotes.

 

Papineau sort vainqueur encore une fois aux élections. En novembre 1827, l’antagonisme se poursuit entre Papineau et Dalhousie. En effet, Papineau est réélu président de la Chambre à la consternation du gouverneur, qui somme les députés d’élire un nouveau président. La Chambre se mobilise et refuse l’ultimatum du gouverneur. Devant ces faits, le gouverneur proroge à nouveau la Chambre et appelle de nouvelles élections. Toute la province est en ébullition. Une pétition est envoyée au roi dans laquelle on dénonce Dalhousie. Celui-ci est nommé commandant militaire en Inde.

 

L’administration du nouveau gouverneur Kempt s’annonce plus paisible. En effet, ce dernier reconnaît Papineau comme orateur de la Chambre. Le budget est finalement voté et Papineau doit enfin admettre la bonne volonté du nouveau gouverneur. Pendant ce temps, dans le Haut-Canada, Mackenzie critique le monopole de l’Église anglicane et demande le gouvernement responsable.

 

Le bill des fabriques oppose le clergé aux réformistes dont Papineau se fait le porte-parole. Il vise essentiellement à donner aux propriétaires d’une paroisse le contrôle sur son budget. Ce droit fondamental des propriétaires terriens qui payent la dîme provoque chez le clergé une opposition farouche. L’Église refuse tout contrôle de l’État sur les paroisses. Papineau joue de son influence et entraîne ses partisans à voter le bill. L’affaire prend une importance nationale. Les patriotes exigent la participation des notables aux assemblées de fabriques où la coutume voulait que ce soit les marguilliers en place qui nomment leurs successeurs, un genre de «Family Compact» comme dans le Haut-Canada. Ce projet de loi est important dans l’histoire du XIXe siècle, parce qu’il contribue à la méfiance du clergé à l’égard des réformistes. Le clergé agit auprès du Conseil législatif. Ce dernier renvoie finalement l’adoption du bill aux calendes grecques et ce, au grand soulagement du clergé.

Papineau rentre en conflit avec le Conseil législatif qui s’oppose très souvent aux projets de loi venant de la Chambre d’Assemblée. En effet, il n’a pas pardonné au Conseil le rejet du bill des fabriques. Il désire ardemment rendre le Conseil législatif électif. Ce dernier est outré par les articles parus dans la Minerve et le Vindicator qui appuient les demandes des réformistes sur son élection. Le Conseil législatif ordonne l’arrestation des propriétaires des deux journaux qui sont sermonnés et envoyés en prison jusqu’à la fin de la session. La session est prorogée le 25 février 1832. Cette session est importante, puisqu’un fossé existe désormais entre le clergé et le Parti des patriotes. De même, le parti se divise entre les radicaux représentés par Papineau et certains députés plus modérés regroupés autour de John Nelson.

 

À la session de 1833, le contrôle du budget et l’élection du Conseil législatif constituent toujours les principales demandes de Papineau. La façon de contester de Papineau consiste à voter un bill des subsides tel que le rejet par le Conseil exécutif soit inévitable. Comme prévu, le Conseil refuse de voter ce bill. Il n’y a donc pas de budget forçant le gouverneur à faire toutes sortes de manoeuvres pour faire fonctionner l’administration. Une crise majeure s’annonce à court terme. Papineau continue sa campagne contre l’administration à travers le Bas-Canada. Partout, il est reçu comme un héros, il triomphe. Papineau réclame toujours essentiellement la responsabilité ministérielle, le contrôle intégral du budget par la Chambre et l’élection des conseillers législatifs. Il possède un pouvoir absolu sur ceux qui l’entourent.

 

Les 92 Résolutions

 

En 1834, les demandes des patriotes sont codifiées dans un document connu sous le nom des 92 Résolutions. Ces demandes sont adoptées par la Chambre d’assemblée. Elles contiennent les éternelles demandes des réformistes sur les pouvoirs de la Chambre d’assemblée. On se plaint de «l’infériorité politique» des Canadiens français et on demande plusieurs changements sur l’ensemble de l’administration. Papineau prend le leadership du combat qui s’annonce. Les résolutions sont adoptées par 56 voix contre 23.

 

Les 92 Résolutions établissent directement la doctrine du Parti des patriotes. Les chefs des patriotes lancent une campagne qui doit couvrir toute la province. De plus, la Chambre refuse à nouveau de voter le budget. On assiste donc à la paralysie de l’administration du Bas-Canada. Le 24 juin 1834, la fête nationale des Canadiens français est instituée lors d’un célèbre banquet de la Saint-Jean-Baptiste.


 

Les élections, de 1834 deviennent celles des 92 Résolutions. Une nouvelle vague de choléra vient accentuer le mécontentement contre le gouverneur et son administration. Toutefois, aux élections, les réformistes remportent une victoire éclatante en faisant élire 77 députées contre 11 pour leurs adversaires. Les nouveaux députés patriotes sont en général jeunes et d’ardents partisans de Papineau et souvent anticléricales. Lord Aylmer sait qu’une crise est éminente.

 

La Chambre refuse toujours de voter le budget. Bientôt elle est elle-même victime de ses actions, puisqu’elle doit demander une avance monétaire au gouverneur pour continuer à fonctionner. La session traîne en longueur et est pratiquement paralysée. Aylmer n’a plus le choix et en vient à proroger la législature le 18 mars 1835.

 

À Saint-Denis, c’est un Canadien anglais, le Dr Wolfred Nelson, qui devient l’âme dirigeante du mouvement patriote et révolutionnaire. Entre temps, Aylmer est rappelé et un nouveau gouverneur, Lord Gosford, est nommé. Ce dernier accepte certaines demandes des 92 Résolutions, sauf celles jugées primordiales par Papineau comme l’élection du Conseil législatif et le contrôle complet du budget par la Chambre d’assemblée.

 

Le gouvernement nomme deux commissaires qui avec Lord Gosford reçoivent pour mission de formuler des recommandations afin de régler si possible la situation politique dans les deux Canadas. Il ne faut pas oublier que le climat est également tendu dans le Haut-Canada. Gosford promet une complète impartialité dans la distribution des postes qui seront attribués selon le mérite et non la nationalité.

 

Pendant ce temps, Mgr Lartigue, évêque de Montréal, refuse que les questions ecclésiastiques soient soumises à la Chambre. Mais comme il existe de multiples questions où la collaboration entre le clergé et le gouvernement est inévitable, Mgr Signay croit que l’on doit participer à des échanges avec la commission. Dans le Haut-Canada, Mackenzie, à l’instar de Papineau, refuse de reconnaître la commission d’enquête. Le 4 octobre, le gouverneur n’a d’autre choix que de proroger encore une fois la Chambre. Le gouvernement est laissé pour une quatrième année sans le vote des subsides.

 

Le rapport des commissaires dirigé par Gosford est présenté le 2 mars 1837. Les demandes de la Chambre se résument ainsi:

-L’élection du Conseil législatif

-La responsabilité directe du Conseil exécutif devant la Chambre

-Le contrôle absolu par la Chambre de tous les revenus de la province.

Le rapport conclut qu’accorder ses demandes équivaudrait à créer une république française au Canada.

 

Le gouvernement anglais répond par l’intermédiaire de Lord Russell, ministre de l’Intérieur. Ce sont les 10 Résolutions Russell dont les plus importantes sont:

 

-La quatrième, qui repousse le principe d’un Conseil législatif électif

-La cinquième, qui ne reconnaît pas la responsabilité ministérielle

-La huitième, qui autorise le gouverneur à prélever sur le revenu de la province le montant requis pour payer les arrérages dus aux fonctionnaires et ce sans l’autorisation de la Chambre. On a donc refusé l’essentiel de la demande des réformistes.

 

Les esprits s’échauffent et Adam Thom organise un corps de carabiniers pour défendre les intérêts de la Couronne britannique qu’ils jugent en danger dans le Bas-Canada. Ce groupe deviendra le Doric Club. Papineau dénonce avec force la formation de ce groupe de paramilitaires. Entre temps, les réformistes continuent dans une atmosphère survoltée de réclamer le contrôle de tous les subsides dont le gouvernement a besoin.

 

Le gouvernement anglais sent la crise venir et nomme, Sir John Colborne, le lieutenant-gouverneur à poigne du Haut-Canada, comme commandant en chef des forces armées. La violence se prépare des deux côtés.

 

Les subsides sont votés que pour six mois. Le gouverneur ne contrôle plus les évènements. Le Conseil législatif rejette presque tous les bills venant de la Chambre. Le gouverneur est forcé à nouveau de proroger la Chambre en mars 1836.           

 

L’assemblée de Saint-Laurent

 

La nouvelle de l’adoption des Résolutions Russell à la mi-avril 1837 provoque une indignation généralisée. Pour sa part, Lord Gosford croit qu’en nommant une majorité française au Conseil exécutif et au Conseil législatif, cela aurait pour effet de calmer les esprits. Les réformistes, en réponse aux Résolutions Russell, constatent dans un premier temps que le refus des subsides ne suffit plus. Ils proposent le boycottage des produits importés et exigent des droits de douane. On suggère autant que possible l’emploi des produits domestiques. Les chefs des patriotes donnent l’exemple en se vêtant d’étoffes fabriquées au pays.

 

C’est dans la vallée du Richelieu que la résistance se manifeste en premier. Nulle région de la province ne respire une telle aisance. Il y règne une effervescence intellectuelle et politique animée par la petite bourgeoisie que constitue les notaires, les avocats, les médecins. Ceux-ci sont souvent des fils de cultivateurs prospères. La première assemblée se tient à Saint-Ours. L’assemblée décide de faire de la contrebande et proclame surtout son admiration pour Papineau qui devient le sauveur de la nation.

Une autre grande assemblée est prévue à Saint-Laurent.  Selon la tradition, l’assemblée doit se tenir après la messe. Le curé Saint-Germain change l’heure de la messe afin de nuire aux organisateurs. Il réussit en partie, mais l’assemblée se tient quand même. Papineau y prononce un discours important où il s’attaque de plein front au gouverneur et à son administration. Il propose au peuple le boycott des produits importés. Le peuple acclame Papineau. Le sort en est jeté, des évènements tragiques se préparent.

 

L’Été de 1837

 

Dès juillet 1837, Colborn nouveau commandant en chef des forces armées, recommande au gouverneur Gosford une réaction énergique, mais ce dernier n’en voit pas la nécessité. Gosford convoque à nouveau le Parlement du Bas-Canada. Il nomme dix nouveaux conseillers législatifs dont sept Canadiens français, mais les manifestations régionales continuent.

 

À l’ouverture de la session, les députés partisans de Papineau se présentent vêtus d’étoffes du pays. Papineau exige toujours un Conseil législatif élu. Les députés persistent dans leur refus de voter les subsides et le gouverneur fait rapport à Londres de la situation politique difficile mettant la faute sur Papineau et sa mauvaise influence sur l’ensemble des députés.

 

Des jeunes de Montréal désirant participer à la rébellion qui s’annonce fondent la ligue des «Fils de la liberté» dont les membres sont recrutés d’abord parmi les bourgeois et les étudiants. Ils désirent émanciper le Canada de toute autorité qui n’est pas élue démocratiquement. Ils se tiennent prêts à passer à l’action si nécessaire. Toutefois, ni Papineau ni ses députés ne sont responsables de cette initiative Les milieux officiels ne croient pas à une insurrection, mais pensent que Papineau bluffe.

 

Les patriotes désirent tenir une assemblée monstre qui fera sa marque et Saint-Charles est choisi pour ce grand rassemblement. Ce sera une assemblée des six comtés de la région de la vallée du Richelieu. Le curé Blanchet de Saint-Charles observe une neutralité bienveillante. En tout, quelque cinq mille personnes, dont 13 députés, se réunissent. Une escorte qui grossit d’un village à l’autre vient chercher Papineau à Longueuil. Devant la fureur de la foule, Papineau s’effraie et déconseille le recours aux armes. Le Dr Côté déclare: « Le temps des discours est terminé, c’est du plomb qu’il faut envoyer à nos ennemis». Louis-Hippolyte Lafontaine se dégage de l’influence de Papineau comme d’autres députés plus modérés. Mgr Lartigue, évêque de Montréal, réagit immédiatement à l’assemblée de Saint-Charles en publiant un mandement sur les devoirs d’un catholique envers la puissance civile. Les patriotes sont choqués par la lettre de l’évêque. La situation est à la veille d’exploser.


Cependant, le clergé se prépare à intervenir. L’abbé Prince, futur évêque Saint-Hyacinthe, est l’initiateur d’une requête aux autorités britanniques qui demande «d’accorder aux sujets de Sa Majesté tout ce que la justice et la générosité d’un gouvernement paternel peut donner». Mgr Bourget à Montréal craint que le clergé par excès de zèle loyaliste ne perdre l’affection du peuple. Gosford promet de transmettre la requête à Londres. Colborne ne cesse de lui rappeler que les limites de la tolérance sont atteintes et qu’il faut réagir. Mgr Lartigue lui-même demande l’arrestation préventive de quelques meneurs. En dernier lieu, Gosford accepte d’agir. Papineau sera le premier visé. On conseille donc à Papineau de s’éloigner du moins momentanément. Papineau sent le sol se dérober sous ses pieds. Il perd sa belle assurance. À Varennes, un conseil de guerre réunit Papineau et quelques chefs patriotes pour savoir s’il est opportun de convoquer une assemblée qui proclamerait un gouvernement provisoire. Papineau voit la désorganisation des patriotes et ne dit rien. Gosford lance finalement 26 mandats d’arrestation dans le district de Montréal. Le gouverneur souhaite que les chefs patriotes fuient vers les États-Unis pour éviter des troubles politiques majeurs. C’est finalement ce qui se produit. Le gouvernement croit faussement avoir jugulé une insurrection naissante.

 

Les évènements se précipitent et l'ordre est donné d’arrêter deux chefs patriotes à Saint-Jean : le notaire Desmarais et le Dr Davignon. Une escorte y est envoyée rapidement afin de procéder aux arrestations. Au retour, un groupe de patriotes alertés décident de libérer les prisonniers. Pendant ce temps, John Colborne envoie une colonne à Saint-Denis où Wolfred Nelson défie les autorités.

 

Une autre colonne est également envoyée à Saint-Charles. Lafontaine craignant une répression qui pourrait ressembler à la déportation des Acadiens s’enfuit à son tour aux États-Unis.

 

La nouvelle du coup de main de Longueuil (on a délivré Desmarais et Davigon) excite les patriotes. Une forte colonne de soldats britanniques part de Sorel pour venir à bout des patriotes. Nelson retrouve Papineau à Saint-Denis où il exige son départ immédiat, parce qu’il pourrait être plus utile à la cause ailleurs que sur un champ de bataille. Dans un premier temps, Papineau refuse carrément de laisser ses amis à l’heure du danger. Le départ de Papineau déconcerte les patriotes, mais Nelson a tôt fait de les rassurer.

 

La victoire des patriotes force le retrait de la colonne militaire qui retourne à Sorel. À Saint-Charles, le sort en décide autrement. Les patriotes sont vaincus et s’enfuient. Les représailles se préparent. Une colonne de militaires est envoyée à Saint-Denis pour arrêter les rebelles.

 

Cependant, ses habitants envoient un parlementaire pour offrir leur soumission. Le commandant annonce que les propriétés des rebelles vont être incendiées. En réalité, le village en entier est saccagé. La plupart des combattants de Saint-Denis et ceux de Saint-Charles qui ont pu s’échapper fuient vers les États-Unis. Papineau se cache chez sa soeur à Saint-Hyacinthe. Une importante récompense est promise pour ceux qui appréhenderont le chef des patriotes. Pour Papineau, le temps est maintenant venu de partir. Il réussit à gagner les États-Unis et se réfugie à Albany. Le peuple se soumet. Ces évènements vont marquer le subconscient collectif des Québécois pendant des générations.

 

Mgr Lartigue réitère ses instructions aux curés des paroisses où les troubles ont eu lieu : pas de sépulture ecclésiastique et pas de service public pour les rebelles décédés à moins qu’ils se soient rétractés publiquement avant de mourir. Les curés des paroisses en rébellion hésitent à communiquer les instructions des évêques par sympathie ou par crainte d’être dénoncés par les patriotes qui ont souvent le clergé en garde à vue. Une colonne est envoyée à Saint-Eustache où un noyau de patriotes résiste. Il n’y a plus de patriotes qu’au couvent, au presbytère et dans l’église. Le feu est mis au couvent et au presbytère. Colborne ordonne de bombarder les portes de l’église qui résistent dans un premier temps. Quelques soldats réussissent à forcer la porte de la sacristie. Le sort des patriotes est scellé. Le village est mis à feu et à sac. Colborne rentre à Montréal en vainqueur avec une centaine de prisonniers. Pendant ce temps, les patriotes réfugiés aux États-Unis se retrouvent sans argent, sans travail et sans nouvelle de leurs familles. Ils sont découragés. Des réquisitoires sont écrits contre Papineau. Ce dernier commence un long exil. Les réfugiés désirent envahir le Canada et proclamer son indépendance, ce à quoi s’oppose vivement Papineau.

 

Mgr Lartigue s’engage dans une lutte contre l’Union politique des deux Canadas. Mgr Signay, évêque de Québec, compte sur Gosford pour combattre le projet d’Union.

 

Finalement, Gosford quitte le Canada laissant l’administration aux mains de Colborne. Nelson réunit trois cents réfugiés dans la région de Champlain qui sont prêts à envahir le Canada. Lui et sa troupe traversent symboliquement la frontière où il proclame la république du Bas-Canada. L’armée américaine veut demeurer neutre et force Nelson et les siens à retraverser la frontière et remettre leurs armes au général Wood.


 

Lorsque Colborne prend l’administration, il y a plus de 500 prisonniers. Les libérations se font nombreuses et bientôt il ne reste plus que 200 prisonniers, majoritairement les instigateurs de la rébellion. Mais la nomination de Lord Durham comme gouverneur et enquêteur suscite beaucoup d’espoir chez les modérés francophones.

 

Celui-ci veut entourer sa mission d’un faste éclatant pour impressionner l’imagination des coloniaux. Des troupes sont également envoyées. Pendant ce temps Nelson organise une société secrète, les Frères Chasseurs.

 

Cette société hautement hiérarchisée a pour mission de préparer le soulèvement général de la population du Bas-Canada. Durham fait une entrée fracassante avec sa nombreuse escorte au son du canon. Il prend bonne note dès son arrivée de la collaboration offerte par Mgr Lartigue au nom du clergé dont il surestime l’influence. Mais, dans un sursaut de dignité, Mgr Lartigue refuse au gouvernement de retransmettre ses proclamations civiles. Il déclare que le clergé ne doit parler qu’au nom de Dieu. Par contre, à Québec, Mgr Signay accepte de retransmettre les documents du gouvernement.

 

Les Frères Chasseurs sous la direction de Nelson préparent une nouvelle tentative d’invasion qui devrait se doubler d’un soulèvement des patriotes. Le président américain, Van Buren, lance une proclamation interdisant aux Américains d’aider les rebelles.

 

Durham doit prendre une décision au sujet des prisonniers. Il en reste environ 140. Un procès pourrait susciter les passions. Huit patriotes, qui ont signé un aveu de culpabilité, sont envoyés en exil aux Bermudes, pendant que tous les autres sont amnistiés. Pour sa part, Cartier réfugié aux États-Unis est déprimé et sollicite la permission de rentrer au Canada, ce qui lui est accordé. Pour Papineau, il n’est pas question de faire une telle demande. Nelson continue toujours à travailler à l’organisation d’une éventuelle invasion à la grande déception de Papineau.

 

L’amnistie, décidée par lord Durham, d’abord bien accueillie en Angleterre, est rapidement décriée et condamnée comme illégale. Au bout du compte, le gouvernement de Londres désavoue l’ordonnance de Durham, le 10 août 1838. Ce dernier réagit assez rapidement dès qu’il prend connaissance de la décision du gouvernement et annonce sa démission, le 9 octobre 1838. Ces nouveaux événements fouettent l’ardeur de Nelson et de ses partisans, pendant que Papineau se tient loin des contestataires.


 

Lord Durham est mis au courant d’une possible nouvelle insurrection. Le 26 octobre, il s’embarque pour l’Angleterre laissant l’administration à Colborne. Les préparatifs d’une nouvelle insurrection continue, mais sans l’appui de Papineau.

 

L’attaque générale est prévue pour le 3 novembre. Nelson et ses compagnons doivent se diriger sur Napierville, pendant que les patriotes du Canada doivent s’emparer de plusieurs villes comme Chambly, Laprairie etc. George-Étienne Cartier, rentré d’exil, conseille à ses compatriotes de ne pas participer à l’insurrection.

 

Napierville devient la base des opérations. C’est tout un défi de nourrir, loger et discipliner près de deux mille hommes. Bientôt il y a un manque d’armes. On pense à s’emparer des armes des Indiens de Sault Saint-Louis (Caughnawaga). Mais les Indiens mis au courant attendent les insurgés de pied ferme et les repoussent sans merci. Partout c’est l’échec qui attend les patriotes.

 

Colborne fait proclamer la loi martiale rapidement. On procède à l’arrestation de plusieurs suspects. Plusieurs d’entre eux sont arrêtés dont LaFontaine. Colborne prend également des mesures militaires, il forme une armée pour marcher sur Napierville. Pendant ce temps au camp des insurgés à Napierville, la majorité des partisans n’ont pas d’armes. L’indiscipline règne et les désertions sont tellement nombreuses que le 8 novembre au matin il ne reste que neuf cents hommes.

 

Nelson joue le tout pour le tout et veut combattre des loyalistes rassemblés à Odelltown, mais une mutinerie éclate dans la troupe où plusieurs refusent son commandement. Après un bref combat, les patriotes sont défaits et Nelson retourne vers les États-Unis. L’insurrection de 1838 est vaincue avant que Colborne n’ait eu le plaisir de la mater. Le 10 au matin, il est à Napierville. Partout au Québec, les patriotes se rendent. Tout est terminé. Colborne rentre à Montréal en vainqueur. L’Église conseille aux patriotes de rendre les armes. Maintenant, c'est la répression qui s’annonce. Plusieurs églises sont profanées par la troupe, entre autres à Saint-Athanase et L’Acadie. La prison de Montréal est comble. Les arrestations continuent à travers le Bas-Canada où les dénonciations sont nombreuses. Mgr Bourget garantit le loyalisme du clergé auprès de Colborne. Le gouvernement américain proclame à nouveau sa neutralité.

 

Le gouvernement de Colborne ne peut accorder aux récidivistes de 1838 la clémence octroyée aux insurgés de 1837. Il faut faire des exemples. Pour être sûr d’arriver à ses fins, Colborne forme un tribunal militaire.


 

La première sentence de la Cour martiale est la condamnation à mort de onze patriotes avec recommandation à la clémence du Conseil exécutif. Colborne a le sort des insurgés entre ses mains. Il décide de l’exécution de Cardinal et Duquet qui avaient déjà bénéficié de la clémence de Durham. Un peu plus tard, c’est au tour des chefs du camp de Napierville à subir leur procès. Quelques-uns sont graciés, les autres condamnés à la pendaison. Les procès se succèdent à un rythme infernal et les condamnations à la peine de mort pleuvent. En tout, la rébellion de 1838 aboutit à la condamnation de 99 patriotes dont 12 sont pendus, 58 sont exilés en Australie, deux sont bannis du pays pendant que les autres sont libérés. Papineau songe à un voyage en France pour demander son aide, puisque l’appui d’un gouvernement étranger paraît indispensable.

 

Le rapport Durham

 

D’après Durham, qui a passé cinq mois au Canada, il y a dans ce pays deux races que séparent la langue, la religion et l’éducation. Il reconnaît la supériorité des Anglais qui ne doivent pas se soumettre à une majorité canadienne-française. Il remonte au traité de 1763 qui a concédé à tort aux vaincus les moyens de rester français. Il faut assimiler les Canadiens français pour leur bien. De plus, il propose un gouvernement responsable dans une assemblée dont les élus représenteront une population assimilée à la culture anglaise. Durham suggère enfin l’union du Haut et du Bas-Canada.

 

Papineau débute sa mission en France. Il insiste sur le caractère essentiellement français du mouvement, au grand mécontentement de Robert Nelson. On réclame la déchéance de Papineau comme porte-parole des patriotes. La réputation de Papineau continue de souffrir des rumeurs où il est présenté tantôt comme un exalté, tantôt comme un lâche qui a fui à Saint-Denis. Ce dernier songe à vendre sa seigneurie, car il manque cruellement d’argent.

 

Il essaie vainement d’intéresser les autorités françaises au sort du Bas-Canada. Au même moment, la présentation du projet d’Union est imminente à Londres. Mgr Lartigue redoute énormément le bill d’Union. En France, Papineau constate l’échec de sa mission et se rend compte que tous les partis politiques français veulent plutôt s’entendre avec l’Angleterre. En 1839, Julie son épouse et sa famille décident d’aller le rejoindre en France.

 

Projet d’Union

 

Un nouveau gouverneur, Sir Charles Bagot, est nommé dont la mission essentielle est de faire accepter l’Union. Cette nouvelle constitution suscite une vive opposition dans le Bas-Canada et même dans le Haut-Canada. En effet, dans le Bas-Canada c’est le conseil spécial composé de non-élus qui accepte finalement le projet d’Union, mais sans l’assentiment du peuple. Dans le Haut-Canada, la Chambre pose des conditions comme l’union de la dette des deux Canadas. Alors que le Haut-Canada s’est endetté pour la construction de canaux sur les Grands Lacs, le Bas-Canada est sans dette. En plus de l’usage exclusif de la langue anglaise, on exige 62 députés pour le Haut-Canda et seulement 50 pour le Bas-Canada qui est plus peuplé.


 

Dans l’ensemble, les esprits évoluent vers la soumission et la paix. Des détracteurs de Papineau continuent à dénoncer sa trahison à Saint-Denis. Pendant ce temps, Papineau, à Paris, revoit avec bonheur sa femme et sa famille enfin réunie, mais l’argent fait toujours grandement défaut.

 

L’abbé Chartier, réfugié aux États-Unis, doit se rendre à Rome pour défendre sa cause. Il passera par Paris où il doit rencontrer Papineau et voir ce qu’il a fait de sa mission auprès du gouvernement français. Il constate par lui-même l’impossibilité d’intéresser la France à la cause canadienne.

 

Au bout du compte, ce dernier est assez indulgent envers Papineau qui dans les circonstances et dans la mesure de ses moyens a défendu du mieux qu’il pouvait la cause des patriotes auprès de la France.

 

Le clergé dans une requête au gouverneur s’élève contre le projet d’Union qui menace d’enlever aux Canadiens leur religion et leur langue et qui ferait payer les dettes du Haut-Canada qu’ils n’ont jamais contractées. Malgré toutes les requêtes, le projet reçoit la sanction royale le 23 juillet 1840 et entre en vigueur le 1er février 1841. Le débat se déplace maintenant à la nouvelle Chambre d’assemblée où la lutte doit reprendre pour la sauvegarde de la langue française et du Code civil.

 

Aux premières élections, La Fontaine qui a remplacé Papineau comme chef des réformistes, constate toute une série d’irrégularités. En effet, on voit des députés de langue anglaise élus dans des circonscriptions presque entièrement de langue française. Constatant ces faits, il décide de retourner à la vie privée.

 

Les Papineau à Paris, comme son fils Amédée à Saratoga, manquent d’argent. Pour sa part, Amédée qui vient de terminer son droit aux États-Unis ne peut se trouver un emploi convenable et songe même à revenir au Canada où ses compétences pourraient lui être reconnues. Le nouveau gouverneur, Sir Charles Bagot, cherche à susciter la participation des Canadiens français au Conseil exécutif.

 

La Fontaine est sollicité à son tour. Il accepte de rentrer au Conseil Exécutif à la condition qu’il y ait égalité dans la représentation du Haut et du Bas-Canada. Il écrit une page d’histoire en prononçant son premier discours en français, malgré que seule la langue anglaise soit reconnue dans l’Acte d’union. Un changement de garde vient de se produire. La Fontaine s’est substitué à Papineau comme chef politique des Canadiens français. Plusieurs personnalités demandent une amnistie générale y compris pour Papineau. Julie Papineau rentre au Canada avec deux de ses enfants. Amédée gagne Montréal en passant par Saint-Jean. On incite Papineau à revenir au Canada et à demander une amnistie.


 

Montréal devient la capitale du pays et l’Assemblée s’installe tant bien que mal au marché Sainte-Anne réaménagé à cette fin. Amédée, devenu protonotaire au Palais de justice, fait vivre sa mère et ses frères.

À la session de 1844, La Fontaine, chef de l’opposition, propose l’envoi d’une adresse à la reine demandant l’amnistie pour les délits politiques commis durant les insurrections de 1837 et 1838. Les 38 rapatriés de l’Australie s’embarquent pour le retour vers le Canada en novembre de la même année. L’abbé Chartier, toujours en exil aux États-Unis, rentre à son tour au Canada. Il ne manque que le retour de Papineau, ce qui ne saurait tarder.

 

Les députés canadiens-français se tiennent autour de La Fontaine, nouveau leader du groupe francophone. Papineau se décide enfin à rentrer au Canada. À la fin septembre 1844, il est enfin de retour. Il a vieilli, mais n’a pas changé et a conservé son tempérament de fer. Il ne désire pas une rentrée politique, du moins dans l’immédiat. Il reçoit un montant appréciable d’argent qui représente le traitement intouché durant les années de crise.

 

Il décide de retourner dans sa seigneurie pour assurer son développement. Il s’y fait construire un luxueux manoir. Les réformistes remportent facilement les élections et reçoivent l’appui de Papineau. Le ministère La Fontaine-Baldwin est formé et le principe de la responsabilité ministérielle est définitivement reconnu.        

 

Papineau hésite à se présenter sous la bannière des réformistes dont le chef incontesté est La Fontaine, son ancien lieutenant. Il se décide finalement pour le comté de Saint-Maurice où il est élu le 24 janvier 1848. À la session qui s’ouvre en février 1848, Papineau est toujours reconnu comme un grand tribun, mais il n’est plus entouré par des disciples. Il est un parmi le parterre des députés. Malgré les reproches de Papineau, LaFontaine fait voter les subsides.

 

Le Dr Nelson, héros de Saint-Denis et nouvellement élu député, s’oppose avec violence verbale à Papineau à qui il continue à reprocher sa lâcheté pour avoir abandonné les patriotes au moment de la grande bataille. Pour plusieurs dont le journal L’Avenir, Nelson reproche à Papineau d’avoir fui à Saint-Denis alors qu’il est prouvé qu’il ne l’a fait que sur les conseils de Nelson lui-même. Papineau se sent de plus en plus isolé en Chambre. Il n’a plus aucun disciple. En plus, il s’oppose à La Fontaine à qui il fait reproche d’avoir participé au gouvernement de 1842 en trahissant ainsi les patriotes dont il faisait jadis parti.


 

Le gouvernement propose d’indemniser ceux qui ont été les victimes durant les insurrections de 1837-1838. Une telle mesure avait été prise pour le Haut-Canada, mais quand il est question d’appliquer la même mesure pour les habitants du Bas-Canada cela provoque une levée de boucliers chez les Britanniques.

 

Les spectateurs dans les galeries de la Chambre protestent, vocifèrent et montrent bruyamment leur mécontentement. Lord Elgin qui vient lire l’adresse à l’ouverture du parlement reçoit des oeufs pourris lancés par la populace anglophone en colère. Le feu est mis au parlement. Les émeutiers s’en prennent même aux résidences privées des chefs réformistes. On décide alors de changer de capitale en faisant l’alternance entre Toronto et Québec, où le climat politique est plus calme. Papineau continue toujours de réclamer un Conseil législatif élu. Cependant, d’autres préoccupations viennent le tourmenter avec le projet d’abolir la tenure seigneuriale, dernier important vestige de la Nouvelle-France. En effet, de cette manière on s’attaque directement à Papineau, fier seigneur de la Petite-Nation. Il réclame l’égalité politique, mais s’oppose à l’égalité sociale. Il doit surtout subir des difficultés financières occasionnées par la construction de son luxueux manoir. Presque toute sa vie, il aura de sérieux problèmes financiers.

 

Papineau s’occupe activement du développement de son domaine. Il y a, en 1851, plus de 471 cultivateurs, 317 manoeuvres, 47 draveurs, un médecin, un notaire, etc. Une nouvelle session s’ouvre en mai 1851 où La Fontaine et son gouvernement proposent la construction d’un chemin de fer reliant Québec à Halifax. Un rapport est déposé sur l’abolition du régime seigneurial et le rachat par le gouvernement des droits seigneuriaux, projet auquel s’oppose toujours fortement Papineau. La Fontaine, faisant suite à la démission de Baldwin, décide également de prendre sa retraite.

 

Lord Elgin dissout le Parlement, le 6 novembre 1851, et convoque de nouvelles élections. Papineau qui défend les droits seigneuriaux avec passion ne peut représenter un comté agricole où l’abolition de la tenure seigneuriale est bienvenue. Il décide de se présenter à Montréal. Il a, cependant, un homme politique important contre lui : John Young, un nouveau ministre. Papineau n’a pas le temps de faire campagne et est finalement battu. Il se retire à la Petite-Nation où il ronge son frein. Plus tard, on lui propose de se présenter dans le comté des Deux-Montagnes où il est élu député le 9 juillet 1852. Il se rend à Québec pour la session qui est convoquée pour le 19 août 1852. Une foule compacte l’accueille comme dans le bon vieux temps. Les amis de Papineau souhaitent vainement qu’il soit élu à nouveau président de la Chambre. Deux grandes questions tiennent la Chambre occupée : les réserves du clergé dans le Haut-Canada et la tenure seigneuriale dans le Bas-Canada. Papineau a perdu toute influence, le coeur n’y est plus. À 68 ans, il décide de renoncer définitivement à la vie publique. La page est tournée, mais le tribun continuera pendant encore longtemps d’exercer un magnétisme chez les Canadiens français.


 

En 1854, deux réformes sont adoptées : la sécularisation des réserves du clergé et l’abolition de la tenure seigneuriale.

 

Une cour spéciale, dite Cour seigneuriale, déterminera les indemnités à verser à chaque seigneur aux dépens du Trésor public et d’une autre partie payable par les censitaires.

 

La Cour seigneuriale continue à siéger pour établir le montant des indemnités que l’on versera aux seigneurs. Avec la compensation qu’il doit recevoir, Papineau compte bâtir un village modèle qu’il veut appeler Montebello, en l’honneur d’un ami français, le duc de Montebello, fils d’un général de Napoléon. Son épouse, Julie, s’effraie devant l’engagement des dépenses. Mais Papineau fait débuter les travaux avant d’avoir reçu les indemnités

 

Devant les difficultés pour le gouvernement de l’Union à se maintenir en place avec le principe de la double majorité, John Macdonald, premier ministre de l’Union, ne voit pas la nécessité de changer de régime politique. Le gouvernement Macdonald-Cartier perd la confiance de la Chambre après huit mois seulement. À l’automne 1858, Cartier, premier ministre, se rend à Londres pour demander au gouvernement impérial de l’aide pour la construction d’un chemin de fer intercolonial. Les élus canadiens constatent que l’Angleterre a perdu tout intérêt pour le Canada. On devra apprendre à se débrouiller sans la mère patrie.

 

Papineau se plaint toujours du manque d’argent. Cela ne l'empêche pas de mener un grand train de vie avec de nombreux domestiques à Montebello et leur maison de Montréal. Julie Papineau meurt subitement le 18 août 1862. Elle est suivie par son fils, Lactance, qui décède à son tour en fin de la même année.

 

Le gouvernement Macdonald doit lutter contre les pressions nombreuses pour un système représentatif proportionnel à la population (Rep by pop) maintenant que le Haut-Canda est plus populeux que le Bas-Canada.


 

Pendant que Cartier continue à travailler ardemment à l’expansion du Canada par l’Ouest, la santé de Papineau se détériore rapidement. En septembre 1872, Papineau prend froid en faisant visiter son domaine à un visiteur français. Il refuse les derniers sacrements. Son enterrement va causer un problème puisqu’il ne croit pas, surtout en l’Église.

 

Il compte sur la miséricorde de son Créateur. Le 23 septembre il décède. Il ne reçoit pas la sépulture ecclésiastique. Son corps est déposé dans la chapelle funéraire de la famille. Le plus grand homme politique canadien-français s’éteint. Il a participé grandement à l’affirmation débutante de la nation québécoise


 

 

François-Xavier Labelle (1833-1891)

 

 

François-Xavier Labelle est né le 24 novembre 1833 à Sainte-Rose de Laval. Il est le fils d'Antoine Labelle, cordonnier, et d'Angélique Maher. En 1844, il entre au petit séminaire de Sainte-Thérèse où il y poursuit ses études classiques jusqu'en 1852. Il est reconnu comme une personne qui s'intéresse au développement de la science et de la technique. Il étudie la théologie au petit séminaire de Sainte-Thérèse de 1852 à 1855, tout en assumant différentes fonctions. Puis, après une année passée au Grand Séminaire de Montréal, il est ordonné prêtre le 1 juin 1856 dans son village natal.

 

Il fait trois ans et demi de vicariat au Sault-au-Récollet puis à Saint-Jacques-le-Mineur. Il est nommé curé dans un premier temps à Saint-Antoine-Abbé de 1859 à 1863, puis à Saint-Bernard-de-Lacolle de 1863 à 1868. Ce sont des paroisses relativement pauvres. Il y connaît des années difficiles où le découragement est souvent présent. Écrasé de dettes, il demande, le 12 novembre 1867, à son évêque de le laisser partir pour un diocèse américain où un salaire plus élevé lui permettrait de payer ses dettes. Cependant, Mgr Bourget le nomme, le 15 mai 1868, curé de la prospère paroisse de Saint-Jérôme.

 

Le curé Labelle y fait rapidement sa marque et milite activement pour le Parti conservateur aux deux niveaux de gouvernement. Il combat les ultramontains. Labelle se trouve bien placé pour demander des subsides pour la construction de son chemin de fer.

 

Mais c'est surtout par son œuvre de colonisateur qu'il se fait connaître. Pour lui, la colonisation est une nécessité pour assurer la prédominance du catholicisme et la survie du peuple français. Le territoire des Laurentides devient la terre promise du peuple canadien-français. Il veut ainsi lutter de toutes ses forces contre l'émigration massive des francophones vers les États-Unis.

 

Il désire de plus une prospérité économique non seulement agricole, mais encore minière, manufacturière et touristique.

En somme, il veut un développement complet de l'économie du Nord. C'est ainsi qu'il joue un rôle important à l'établissement de l'usine de papier Rolland à Saint-Jérôme et qu'il travaille fortement à la construction d'un chemin de fer qui sera finalement inauguré officiellement le 9 octobre 1876.

 

Labelle explore lui-même la forêt à pied ou en canot. De cette manière, il fait plus de 45 voyages d'exploration. On peut estimer qu'une vingtaine de paroisses sont fondées où vont s'établir plus de 5000 colons.

 

En 1879, l'écrivain Arthur Buies devient son propagandiste pour développer la colonisation. En 1879, le curé Labelle fonde même une loterie dans le but de ramasser des fonds pour la cause des colons. Cette tentative a cependant un succès mitigé.

 

De février à août 1885 il parcourt l'Europe dans le but de faire venir des immigrants francophones. En 1887, il milite pour la création d'un diocèse à Saint-Jérôme. En 1887, il franchit une autre étape en devenant sous-commissaire au département de l'Agriculture et de la Colonisation sous le gouvernement d'Honoré Mercier. Dans ses nouvelles fonctions, il travaille d'abord à la rédaction d'une nouvelle loi qui est sanctionnée le 12 juillet 1888. Cette nouvelle législation a pour effet de supprimer les réserves forestières et d'abolir la réserve perpétuelle de bois de pin. Une autre loi accorde à toute famille qui compte 12 enfants vivant s 100 acres de terre gratuitement.

 

Hélas, la fin de sa vie est plus dramatique. En effet, plusieurs conservateurs le combattent et font des pressions auprès de Mgr Fabre, évêque de Montréal, pour que ce dernier le confine à sa cure. Mercier obtient de Rome que le curé Labelle soit nommé protonotaire apostolique et cela au grand mécontentement de Mgr Fabre. En 1890, Mgr Labelle se rend à Rome pour défendre sa cause et obtenir ainsi la création d'un diocèse à Saint-Jérôme. Mais Mgr Fabre, usant de son influence, réussit à faire avorter ce projet.

 

C'est la mort dans l'âme que le curé Labelle se sentant abandonné décide de démissionner le 26 décembre 1890. Il meurt peu de temps après, le 4 janvier 1891, à la suite d'une brève maladie.

 

François-Xavier Labelle compte parmi les figures les plus percutantes du Québec au milieu du XIXe siècle. Il a joué un rôle prédominant dans le développement de la colonisation au Québec. Il a assumé un rôle à la fois religieux et politique. Pour lui, la survivance du peuple canadien-français demeure au centre de son agir.

 

 

 

Honoré Mercier (1840-1894)

 


 

Honoré Mercier est né le 15 octobre 1840 à Saint-Athanase près d'Iberville. Il est le fils de Jean-Baptiste Mercier, cultivateur et Marie Kimener. À 22 ans, il devient l'éditeur du journal Le Courrier de Saint-Hyacinthe. Il s'oppose au projet de la confédération, dès 1864. En 1871, il fonde le Parti national et il est élu à la Chambre des communes. Il devient chef du PLQ en 1883.

 

Honoré Mercier vit dans une période tourmentée de la nouvelle confédération. L’affaire Riel va susciter une poussée nationaliste importante. En effet, cette question cause des problèmes au gouvernement. Devant l’invasion de leurs terres par les arpenteurs du gouvernement fédéral qui viennent pour diviser leurs terres ancestrales, Louis Riel et ses amis forment un Comité national de Défense. Ils veulent bien entrer dans la Confédération, mais à la condition de négocier le pacte en hommes libres. Riel s’empare du fort Garry et capture des prisonniers. Un orangiste, Thomas Scott et sa bande tentent un coup de force contre le gouvernement provisoire. Fait prisonnier, il est condamné à mort et fusillé. Le gouvernement canadien envoie une colonne pour mater les rebelles. Riel s’enfuit aux États-Unis. L’opposition entre les deux peuples fondateurs ne fait que commencer. Mercier, chef des libéraux provinciaux et nationaliste convaincu, profitant du mécontentement populaire, fait revivre le Parti national et prend le pouvoir en janvier 1887.Il comprend qu’il peut organiser un parti politique autour des notions de national, français et catholique. En ce sens, il défend le caractère national du Canada français ainsi que sa spécificité. Il nomme le curé Labelle comme sous-ministre de l’agriculture. En juin 1888, il règle l’affaire des biens des jésuites.

 

 

 

Ce litige qui remontait à plusieurs années en arrière revient hanter le gouvernement lorsque les jésuites revinrent au Canada à la demande de Mgr Bourget en 1842. Il offre la somme de 40 000$ en règlement d’une valeur de 2 000 000$. Cette mesure est acceptée par le Vatican.

 

En 1890, Mercier remporte les élections avec une majorité accrue. Il considère cette victoire comme une approbation de sa politique d’autonomie. Mercier part en voyage pour l’Europe à la recherche d’un prêt de 10 000 000$. Il fait une tournée triomphale, est décoré par le président de la République française, le roi des Belges et le pape Léon XIII. Il obtient un prêt de 4 000 000 $. Cependant, un scandale éclate sur une commission de 100 000$ qui aurait été versée au Parti libéral par un syndicat financier afin d’obtenir un contrat pour le chemin de fer de la Baie-des-Chaleurs. Le lieutenant-gouverneur nomme une commission d’enquête. Sur son rapport, le gouvernement Mercier est révoqué le 16 décembre 1890. Un nouveau gouvernement conservateur est mis en place qui découvre d’autres scandales. Aux élections de 1892, Mercier perd ses élections et est élu avec difficulté dans sa circonscription. À son procès, en octobre 1892, il est acquitté.

 

Lors d’un discours prononcé devant 6000 personnes, en avril 1893, il se prononce pour l’indépendance : « Hommes, femmes et enfants à vous de choisir; vous pouvez rester esclaves dans l’état de colonie, ou devenir indépendants et libres au milieu des autres peuples qui nous convient au banquet des nations ». Malade, il meurt en octobre 1893. Son influence perdure pendant plusieurs décennies, parce qu’il incarne l’esprit du Canada français.

 

Nationaliste, il est avant tout attaché à sa langue. Pour lui, le Québec est la première patrie des Canadiens français, car il est le seul endroit où ils sont majoritaires. Il considère la Confédération comme une «tromperie». Il dénonce les pouvoirs résiduaires du gouvernement fédéral (pouvoirs qui ne sont pas mentionnés dans la constitution), le pouvoir de désavouer les lois provinciales et le pouvoir de dépenser dans tous les domaines qu’il juge nécessaires. Pour Mercier, les États-Unis sont davantage une fédération. Il souhaite la formation d’une vraie confédération où le gouvernement fédéral serait la créature des provinces et non le contraire. C’est dans cet esprit qu’il convoque la première conférence des premiers ministres des provinces canadiennes. Malgré les maigres résultats de cette conférence, le prestige du Québec est accru.

 

Mercier et les chemins de fer

 

L’une des principales tâches qu’il assigne aux chemins de fer c’est de promouvoir la colonisation. L’un ne va pas sans l’autre. Ainsi, les subventions vont au développement des chemins de fer dans les régions de colonisation.

 

Le chemin de fer est développé au Lac Saint-Jean, région propice au développement de la colonisation et dans les Laurentides, fief du curé Labelle. De plus, cela encourage la jeunesse à demeurer au Québec plutôt que d’émigrer aux États-Unis. Le rail va également aider au développement des villes et des manufactures aussi bien que des richesses naturelles. Sa politique des chemins de fer entre en conflit avec les intérêts du Pacifique canadien. Son programme de subventions laisse présager qu’il entend augmenter les rôles économique et social de l’État. Il veut par sa politique ferroviaire adapter les structures économiques du Québec à celle d’une société moderne. Il croit fermement que la Confédération se brisera bientôt et que le Québec doit être prêt à assumer ses pleines responsabilités.

 

Mercier et la colonisation

 

À cette époque, la colonisation joue un rôle prépondérant dans la société québécoise. Tous les éléments de la société, intellectuels, syndicats, clergé, en sont les promoteurs.

 

C’est surtout dans le but d’éviter une saignée de Canadiens français vers les États-Unis que l’on propose ce mouvement. Pour aider à la colonisation, il faut aider les colons dans le processus d’allocation des terres, la construction de routes et régler les conflits entre les marchands de bois et les colons. Mais, Mercier sait que la colonisation n’est pas le remède à tous les maux économiques dont souffre le Québec. Pourtant, il légifère afin de distribuer une terre gratuite aux parents de douze enfants. La terre devient un patrimoine familial insaisissable. Les conflits apparaissent entre les commerçants et les colons pour le partage du bois sur les terres qui leur sont allouées. En effet, le gouvernement Mercier désire que les colons puissent avoir le droit exclusif d’exploiter le bois de leurs terres, ce à quoi vont s’opposer avec succès les marchands de bois anglophones. Le clergé joue un rôle indispensable dans le développement des nouvelles paroisses. La présence du prêtre missionnaire devient indispensable au développement du territoire. C’est ainsi qu’il invite l’abbé Labelle à l’aider au ministère de l’Agriculture en tant que sous-ministre. Ce geste est très apprécié du grand public. Grâce au mouvement de colonisation, plusieurs régions du Québec seront peuplées par des Canadiens français.

 

Pour aider l’agriculture, il développe des écoles et des programmes de conférences subventionnées par l’État. Peu à peu, l’industrie laitière apparaît comme la solution aux problèmes agricoles du Québec. Mercier souhaite une économie rurale prospère et rentable qui saura s’intégrer aux exigences d’une économie capitaliste. Il développe donc une politique interventionniste. Il considère la ville comme un milieu de progrès et de civilisation au grand mécontentement du clergé.

En somme, un Québec tourné vers l’avenir suivra l’exemple des États-Unis dont il admire le dynamisme économique.

 

Mercier et l’éducation

 

Mercier se fait l’instigateur d’une éducation à l’avantage des masses axée sur l’enseignement primaire et pratique, soit une instruction qui prépare à l’industrie et au commerce. L’instruction devient la gardienne d’un gouvernement démocratique. Pour lui, «s’instruire c’est s’enrichir». L’instruction permet à chaque citoyen de profiter de la prospérité nationale. C’est le seul moyen de sortir les Canadiens français de leur situation d’infériorité socio-économique. Mercier prend donc le parti des non-instruits étant lui-même issu d’une famille de cultivateurs. Il croit à l’instruction obligatoire, ce qui ne fait pas l’affaire du clergé qui revendique le contrôle de l’éducation.

 

Il déplore les mauvaises conditions de travail des enseignants. À l’époque, ces derniers sont souvent payés de 50$ à 60$ par année, pendant qu’aux États-Unis leur salaire est souvent supérieur à 1000$. Il favorise nettement les enseignants laïques pour l’école primaire.

 

Mercier doit composer avec le Conseil de l’instruction publique formé, depuis 1875, de tous les évêques du Québec pour une moitié et de laïcs pour l’autre moitié. Cela laisse l’emprise du clergé sur l’ensemble du système d’éducation publique. Il favorise également l’école du soir pour permettre à un plus grand nombre possible d’analphabètes d’apprendre les rudiments de l’écriture, de lecture et de calcul. Il reçoit pour ce projet l’appui de l’Église. Mercier comprend qu’à cause de ses moyens financiers limités, l’État ne peut exclure le clergé de ses entreprises sociales.

 

Honoré Mercier est un homme d’avant-garde. Il considère que le Québec constitue une nation, car les Québécois possèdent une religion, une langue, un territoire et un État. Il désire établir des relations avec l’extérieur. Il croit fermement que les investissements publics vont susciter des financements privés, ce qui va favoriser le développement des villes et des campagnes. Il a la conception d’un État moderne qui joue un rôle important pour la collectivité. Il croit que l’État doit exercer une forme de contrôle sur les différentes composantes des activités économiques et sociales. Il favorise une fonction publique forte et compétente. Il considère que le système d’enseignement doit être axé davantage sur l’apprentissage des métiers de l’industrie. L’idéologie qu’il propose est différente de celle proposée par l’Église, celle-ci étant davantage basée sur la tradition. Il propose un État provincial qui devient la plate-forme de la nationalité. Il pense finalement que le droit du Québec au titre de nation ne pourra se réaliser qu’en modifiant le pacte confédératif.

 

Il est donc le représentant d’une idéologie libérale et nationaliste qui veut renforcer le rôle de l’État. Cependant, celle-ci est en contradiction avec les groupes dominants de la société québécoise que sont le clergé et les grands pouvoirs économiques anglophones. Sa pensée sera reprise en partie par Godbout et, plus tard, par la Révolution tranquille de Lesage.

 

Malheureusement, le Scandale de la Baie des Chaleurs où son gouvernement est accusé de détournement de fonds durant la construction du chemin de fer. Le 16 décembre 1891, il est démis de ses fonctions par le lieutenant-gouverneur, Auguste-Réal Angers. Battu aux élections de 1892, il cède sa place à Félix-Gabriel Marchand. La même année il subit un procès et est trouvé non coupable. Malade, il meurt en 1894 à l'âge de 54 ans.

 

 

 

Wilfrid Laurier (1841-1919)

 

 

Wilfrid Laurier est né le 20 novembre 1841 à Saint-Lin-des-Laurentides. Il était le fils de Carolus Laurier et de Marie-Marcelle Martineau. Son père est instruit et parle anglais, puisqu'il est arpenteur de profession. Wilfrid n'a que sept ans lorsque sa mère meurt de la tuberculose, maladie très répandue à l'époque.

 

Il fait ses études primaires à Saint-Lin et passe deux ans dans le village voisin, New Glasgow, principalement habité par des anglophones. Par la suite, il poursuit son cours classique au Collège de l'Assomption. Il est un élève assidu mais à la santé fragile. Il poursuit son droit à l'université McGill, à l'époque bilingue. Il se joint à l'Institut Canadien, un groupe politique libéral radical.

 

Il souffre de bronchite chronique et chaque hiver sera pour lui très pénible. Lorsque le projet d'une confédération apparaît, Laurier se battra comme tous les libéraux contre cette union.

 

Laurier se présente une première fois à l'élection provinciale de 1871 dans le comté Drummond-Arthabaska où il est élu avec une faible majorité. Déçu du Parti libéral du Québec, il décide de se présenter au niveau fédéral aux élections de 1874 dans le comté Drummond-Arthabaska. Il y est élu et devient ministre du revenu en 1877. Aux élections de 1874, les libéraux sont défaits et Laurier se retrouve dans l'opposition.

 

En 1887, le chef libéral, Seword Blake, démissionne et Laurier est choisi comme chef du Parti libéral, devenant ainsi le premier Canadien-français à être désignée comme chef d'un parti national.

Il devient un chef d'opposition très efficace et conduit son parti au pouvoir aux élections de 1896.

 

Wilfrid Laurier va diriger le Canada durant une période de croissance d'industrialisation et d'immigration. Il travaille à affirmer le rôle du Canada au niveau international face au Royaume-Uni.

 

Laurier doit trouver une solution à la question des écoles catholiques de langue française du Manitoba. Son compromis appelé Compromis Laurier-Greeway, décrète que les francophones du Manitoba peuvent bénéficier d'une école française et catholique si un nombre suffisant le justifie. Ce compromis donne peu de résultats permettant tout au plus aux francophones d'avoir une demi-heure d'enseignement religieux à la fin des classes. Finalement, cette entente est très mal acceptée tant au Canada-Anglais que Français.

 

Laurier doit faire face à un autre problème majeur en tant que membre de l'Empire britannique lors de la guerre des Boers. En effet, pendant que les Canadiens anglais appuient fortement le Royaume-Uni, les Canadiens français s'y opposent énergiquement. Devant cet état de chose, Laurier opte finalement pour l'envoi d'une force militaire composée de volontaires.

 

En 1905, Laurier préside à l'entrée de l'Alberta et de la Saskatchewan dans la Confédération. Lorsque les Britanniques demandent plus d'argent pour construire des navires afin de contrer la puissance navale de l'Allemagne, Laurier propose la création d'une marine royale canadienne. Cette idée très impopulaire au Canada-anglais va contribuer à sa défaite électorale  en 1911.

 

Mais c’est la controverse sur le traité de réciprocité commerciale avec les États-Unis qui va précipiter la chute du gouvernement Laurier aux élections de 1911. Laurier a beaucoup de difficultés à maintenir l'unité dans son parti. Il se prononce contre la conscription, ce qui conduit à la formation d'un gouvernement unioniste auquel il refuse de se joindre. Toutefois plusieurs libéraux se joignent au gouvernement conservateur de Borden.

 

La crise de la conscription de 1917 lui permet de se réconcilier avec son électorat francophone. D'ailleurs, les Québécois continueront à voter libéral jusqu'en 1984. Laurier meurt le 17 février 1919 et a droit à d'imposantes funérailles nationales.

 

Laurier n'aura pas d'enfant avec son épouse Zoé. Cependant, il entretiendra une liaison avec Émilie Barthe, femme de son associé, l'avocat Joseph Lavergne. Une rumeur de l'époque laisse entendre que de cette relation naquit Armand Lavergne. Mais cette dernière n'a jamais été confirmée.

 

Quel est l'héritage laissé par Wilfrid Laurier ?

 

Une légende s'établit sur la personnalité de Wilfrid Laurier en tant qu'homme politique. Il s'est illustré d'une façon particulière pour assurer au Canada une autonomie plus grande par rapport à la Grande-Bretagne. Il a su également soutenir le développement économique du Canada en favorisant une impressionnante immigration.

 

Cependant les actes qu'il a posés pour la défense de la langue française sont très critiqués. Par ses reculs successifs il met en péril la survie de cette langue dans l'ensemble canadien. Laurier considéré comme un progressiste dans son temps peut être perçu comme un conservateur de nos jours. Néanmoins, il demeura pour les Québécois l'exemple du Canadien-français qui réussit à s'élever au-dessus de la masse et à devenir le symbole de tout un peuple.

 

 

Emma Lajeunesse, Albani (1847-1930)

 

 

Marie-Louise-Emma-Cécile Lajeunesse est née le 1 novembre 1847 à Chambly. Elle est la fille aînée de Mélina Migneault et Joseph Lajeunesse. Elle commence à étudier le piano à l’âge de cinq ans. Son père, Joseph Lajeunesse, est un musicien professionnel accompli. Il enseigne la harpe et le piano à Emma. La famille vit à Plattsburgh de 1852 à 1856. Cette année-là, Mélina Lajeunesse meurt en donnant naissance à son troisième enfant. Joseph est engagé comme professeur de musique dans un couvent des Dames du Sacré-Cœur. Le talent musical remarquable d’Emma est rapidement reconnu par les religieuses et elle commence à se produire en public.

 

En août 1860, elle chante lors de la visite du Prince de Galles à Montréal. En 1862, en compagnie de sa sœur elle participe à un grand concert à la Salle des Artisans. Ce concert est organisé dans le but d’amasser des fonds pour lui permettre d’aller étudier en Europe. Comme les résultats sont minces, Joseph décide d’aller s’installer à Albany où il vient de décrocher un poste de professeur.

 

Emma est engagée comme soliste à l’église Saint-Joseph. Son don artistique est rapidement reconnu et des concerts sont organisés pour recueillir un capital afin de lui permettre de se rendre en Europe pour parfaire son art.

 

En 1863, grâce aux économies de son père et de la somme amassée avec plusieurs concerts, elle s’embarque pour la France. Elle étudie d’abord avec Gilles-Louis Duprez, professeur au Conservatoire de Paris et premier ténor de l’Opéra de Paris.

 

 

Quelques mois plus tard, elle se rend en Italie pour étudier avec Francesco Lamperti à Milan. C’est à ce moment, que sur les recommandations de son professeur d’élocution, elle prend le nom d’Albani.

 

Emma, commençant à manquer d’argent, obtient un engagement à l’Opéra de Messine, en Sicile. Elle fait toute la saison 1869-1870 chantant dans plus de 44 représentations de trois opéras dont La Sonnambula de Bellini. L’accueil est enthousiaste et promet un bel avenir à la nouvelle cantatrice.

 

En 1870, elle se produit en autres à Florence et Malte. Au cours de son séjour elle y fait la connaissance de soldats anglais qui la persuade d’aller à Londres. Elle s'y rend, en juin 1871, pour auditionner au Her Majesty’s, mais, par mégarde, elle aboutit à Covent Garden où après l’avoir entendu le directeur, Frederick Gye, lui offre un contrat de cinq ans. En fait, elle restera attachée à ce théâtre durant toute sa vie active jusqu’en 1896.

 

Elle retourne en Italie pour poursuivre ses études avec Lamperti. En avril 1872, elle fait finalement ses débuts à Londres dans La Somnambula où elle obtient un triomphe. En 1873, elle se rend à Moscou où elle est remarquée par le tsar.

 

À l’automne de 1874, elle s’embarque pour une tournée aux États-Unis dont New-York où elle n’a que quinze jours pour apprendre son rôle dans Lohengrin de Wagner. Elle y triomphe. Elle continue de faire de nombreuses tournées, Venise, Paris, Nice, Irlande, Écosse.

 

Le 6 août 1878, elle épouse Ernest Gye qui vient de succéder à son père comme directeur de Covent Garden. L’année suivante elle donne naissance à un fils, Frédérick Ernest, lequel aura une carrière diplomatique importante. Il meurt célibataire à Londres en 1955.

 

Ses innombrables tournées en font une des divas les plus choyées de l’époque. En 1883, elle retourne à New-York et séjourne enfin à Albany. En mars 1883, elle se rend à Montréal où une foule délirante l’accueille.

 

Elle reviendra au Canada en 1889 où elle performera à Montréal, Toronto, London avant de retourner aux États-Unis. Dans les années 1880, elle rencontre plusieurs compositeurs célèbres comme Franz Liszt, sir Arthur Sullivan et même Johannes Brahms  dont elle interprète un extrait du Requiem allemand. On dit que Brahms en fut ému jusqu’aux larmes. En 1896, elle entreprend une nouvelle tournée au Canada qui la conduit de l’Atlantique au Pacifique.

 

En 1896, elle fait sa dernière saison à Covent Garden. Puis elle entreprend un périple qui la conduit en Australie, Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud. En 1901, elle chante en solo aux dernières cérémonies à la St. George’s Chapel qui marque le décès de la reine Victoria dont elle était une intime. Le 14 octobre 1911, à l’âge de 54 ans, Emma Albani se produit une dernière fois en public.

 

A sa retraite, de mauvais placements font connaître de graves difficultés financières à son couple. En 1920, le gouvernement anglais lui vote une pension de cent livres par  année. En 1925, son mari décède ce qui empire sa situation économique. Des concerts organisés à Londres et Chambly permettent de recueillir plus de 4000$ lui assurant ainsi une existence confortable jusqu’à sa mort en 1930. Elle avait publié ses mémoires à la suite de sa retraite du monde musical. En 1967, on republie huit de ses enregistrements à l’occasion du centenaire du Canada. Elle a été la première canadienne à connaître un succès aussi important au niveau international. Sa voix exceptionnelle s’ajoute à ses qualités de musicienne et sa connaissance de quatre langues : français, anglais, italien et allemand.

 

                

Alphonse Desjardins (1854-1920)

 

 

Alphonse Desjardins, né le 5 novembre 1854, était membre d'une famille de 15 enfants. Son père, François, alcoolique, était un journalier qui n'avait pas d'emploi stable. Sa mère, Clarisse Miville, doit travailler comme femme de peine pour joindre les deux bouts.

 

Alphonse, après ses études primaires, fréquente le Collège de Lévis de 1864 à 1870. Il y suit quatre années de cours commercial et un an de cours classique. En 1870, il doit quitter le collège, probablement à cause du coût que cela impliquait.

 

Puis, Desjardins fait son service militaire où il occupe la fonction de sergent-major. Après une courte carrière militaire, il entre à l'emploi de l'Écho de Lévis en 1872. La faillite de ce journal l’oblige à entrer au service du Canadien. C'est ainsi qu'en 1877, il se voit confier la couverture de l'Assemblée législative. Il est très actif au sein du Parti conservateur. De 1879 à 1889, il occupe les fonctions de rapporteur officiel de l'Assemblée législative où il doit résumer les interventions des députés à l'Assemblée.

 

Au cours de ces années, il est très actif dans plusieurs organismes à vocation culturelle et économique. En 1889, avec le changement de gouvernement, il perd son emploi. Il a alors recourt à ses amis politiques pour trouver un nouvel emploi. C'est ainsi, que le 22 avril 1892, il est nommé sténographe français de la Chambre des communes où il occupera ce poste jusqu'à sa retraite en 1917.

 

Inspiré par l'encyclique papale, Rerum novarum parue en 1891, il s'intéresse aux sociétés d'entraide et de secours mutuels.

 

Bouleversé par les nombreux exemples de prêts usuraires et par les difficultés pour la classe ouvrière de pouvoir emprunter, il veut trouver une solution pour faciliter le crédit.

 

Au fil du temps, Desjardins intéresse plusieurs personnes à ce problème, particulièrement son curé, François-Xavier Gosselin. C'est pour cette raison, que la Caisse populaire de Lévis est fondée, le 6 décembre 1900, au cours d'une assemblée regroupant une centaine de personnes. C'est une société coopérative d'épargne et de crédit à capital variable et responsabilité limitée.

 

La fonction principale de la caisse est d'organiser le crédit populaire à partir de l'épargne populaire. La Caisse populaire de Lévis connaît un succès immédiat. L'appui du clergé lui est acquis, dès le début. En novembre, cette première caisse compte plus 721 membres.

 

Desjardins doit légaliser son organisme par une loi. Il use de son influence pour l'adoption d'une loi au niveau fédéral. Mais ses tentatives demeurent vaines.

 

En 1905, en désespoir de causes, il décide de se tourner vers le gouvernement provincial. Le gouvernement de Lomer Gouin, nouvellement élu, veut prendre le temps qu'il faut pour étudier la question. Desjardins s'inquiète de toute protection juridique et de la responsabilité personnelle que cela implique. Le couple Desjardins est découragé. Les nombreuses tentatives pour régler la situation juridique tant au niveau fédéral que provincial n'ont rien donné. Desjardins est même prêt à tout liquider.

 

Cependant, en 1906, tout s'arrange. En effet, le 28 février, Gouin dépose un projet loi sur les syndicats corporatifs. Cette loi devient le modèle de base sur lequel seront dorénavant organisées les coopératives de crédit et d'épargne du Québec.

 

Desjardins travaille toujours à faire adopter une loi au niveau fédéral. Cette fois-ci c'est le Sénat qui s'y oppose. De 1907 à 1915, Desjardins encourage avec l'aide du clergé la fondation de nouvelles caisses. Pour lui, la caisse populaire n'est pas qu'une simple entreprise économique, mais une œuvre également sociale pour contribuer au mieux- être de la classe ouvrière.

 

Il veut ainsi freiner l'exode rural en aidant les agriculteurs. Les évêques reconnaissent les caisses populaires comme une œuvre sociale catholique et la recommande au clergé. Sous la recommandation de Mgr Bégin, l'un de ses fervents partisans, le pape Pie X confère le titre de commandeur de l'ordre de Saint-Grégoire-le-Grand à Alphonse Desjardins en reconnaissance de sa contribution aux œuvres sociales. De 1907 à 1915, plus de 136 caisses sont créées.

 

À compter de 1908, la renommée des caisses traverse la frontière canadienne. Des caisses sont ainsi créées aux États-Unis dans les communautés francophones.

 

À partir de1914, Desjardins ressent les premiers symptômes de l'urémie. Deux ans plus tard, il est obligé d'abandonner sa fonction de sténographe à la Chambre des communes. Il veut regrouper les caisses dans une fédération qui mettrait à leur disposition des services techniques et aurait comme responsabilité d'inspecter les caisses annuellement. Mais les caisses refusent un organisme à qui elles devraient payer une cotisation annuelle.

 

Il décède à Lévis le 31 octobre 1920 laissant dernière une institution qui deviendra selon L'Action Nationale « la base solide de la fortune nationale canadienne-française »....

 

 

Henri Bourassa (1868-1952)

 

 

Henri Bourassa est né en 1868. Il est le fils de Napoléon Bourassa, peintre et romancier, et d’Azélie Papineau. Il est donc en filiation directe avec le grand Papineau, son grand-père. Il perd sa mère très jeune et c’est sa tante, Ézilda Papineau, qui s’occupe de son éducation. Il fait des études d’abord chez les Sulpiciens, mais ce sont les Jésuites dont l’un des membres, Frédéric André, professeur de français, aide au développement de sa curiosité intellectuelle.

 

Très jeune, il sera influencé par un important événement politique: la mort de Riel. Il étudie également au Holy Cross College à Worcester au Massachusetts. En 1887, il s’installe à Montebello pour assumer la responsabilité de la seigneurie familiale. Ces nouvelles responsabilités lui confèrent un certain prestige. Il se fait un devoir de rencontrer les paysans dont il écoute les doléances envers les grands marchands de bois.

 

Il est élu maire de Montebello, en 1890, à l’âge de 22 ans. Il y acquiert une réputation d’un homme juste et droit. En 1892, une nouvelle circonscription électorale est créée englobant Montebello et les environs, ce qui incite Laurier à le recruter comme candidat libéral. Bourassa accepte, mais à la condition de garder sa liberté de parole même si cela contrevient à la discipline du parti. Il est facilement élu et à l'âge de 28 ans et devient le plus jeune député de la Chambre des communes.

 

En 1890, le Manitoba avait annulé les anciens droits des catholiques en abolissant les écoles séparées, malgré la garantie contenue dans sa constitution de 1870. Un long combat s’engage alors pour la reconnaissance du droit des francophones. Le gouvernement fédéral refuse d’intervenir pour des raisons électorales. Le Conseil Privé de Grande-Bretagne, la plus haute instance de justice pour le Canada à cette époque, confirme la décision du Manitoba.

Laurier, nouveau premier ministre, envoie deux négociateurs pour trouver une solution. Henri Bourassa et Israël Tarte sont désignés pour cette mission. Un compromis peu satisfaisant est trouvé. Le gouvernement du Manitoba accepte d’autoriser une demi-heure d’instruction religieuse quotidienne là où il y a plus de dix élèves français. Cette instruction peut se faire en anglais ou en français. Insatisfaits de cette solution, les francophones reprennent le combat avec à leur tête Mgr Langevin, archevêque de Saint-Boniface. Bourassa défend énergiquement en chambre le droit des francophones pour des écoles séparées, mais ne reçoit que peu d’appui.

 

En octobre 1899, il démissionne comme député pour marquer sa dissidence à l'égard de la politique du premier ministre Wilfrid Laurier qui appuie la participation du Canada à la seconde guerre des Boers. Réélu par acclamation comme député indépendant dans une élection partielle, il continuera de siéger comme député jusqu'au moment de sa démission en 1907.

 

Il rêve d’un Canada fondé sur l’égalité des deux peuples fondateurs et d’un pays débarrassé de l’impérialisme britannique. On parle ici d’un patriotisme canadien et d’une nation canadienne.

 

Aux élections provinciales de 1908, Bourassa est élu comme député à l'Assemblée législative de Québec dans la circonscription de Saint-Hyacinthe. Il ne se représente pas aux élections de 1912.

 

Entre temps, il fonde le quotidien, Le Devoir en janvier 1910. Il en restera directeur jusqu'en 1932. La même année, il prononce un discours demeuré célèbre sur l'usage du français dans l'Église en Amérique en réponse à des propos tenus par le cardinal britannique Francis Bourne au Congrès eucharistique de Montréal.

 

Son épouse, Joséphine Papineau, meurt en janvier 1919 lui laissant la charge de huit enfants. En 1925, il retourne à la politique comme député fédéral indépendant du comté de Labelle. Il reste en poste jusqu'à sa défaite de 1935. Entre 1940 et 1945, il sort de sa retraite pour appuyer un nouveau parti politique, le Bloc populaire, qui s'oppose à la conscription au Canada. Il décède le 31 août 1952 à l'âge de 83 ans.

 

Homme de devoir, perçu à l'occasion comme la conscience de son peuple, Henri Bourassa était avant tout un grand catholique soumis aux directives du pape. Son attitude, mal comprise, lui a aliéné quantité de supporteurs jusqu'à ses plus fidèles disciples nationalistes. La génération nationaliste québécoise des années 1960 s'est éloignée de ses idées jugées trop franchement canadiennes.

 

L'ensemble de la pensée de Bourassa n'a pas plu à la majorité de ses compatriotes canadiens-anglais protestants qui l'ont abusivement traité de destructeur de l'unité canadienne, de diviseur des races, de trouble-fête. Certes, la vive expression de son catholicisme intransigeant n'avait rien pour les attirer au type de nationalisme qu'il défendait. On constate aujourd'hui que Bourassa fut un fier adepte de l'esprit et de la lettre de la constitution canadienne, un nationaliste canadien dévoué au Canada, sa seule patrie.

 

Émile Nelligan (1879-1941)

 

 

Émile Nelligan est né le 24 décembre 1879 à Montréal. Il est le fils de David Nelligan, un Irlandais, et d'Émilie Amanda Hudon. Il a deux jeunes soeurs. Il vit dans un milieu aisé entre la maison de Montréal et la maison de campagne de Cacouna. Dès son bas âge, il s'absente souvent de l'école, sa mère prenant alors la relève.

 

Dès l'âge de 16 ans, il envoie des poèmes au journal Le Samedi lequel publie son premier poème, le 13 juin 1896, Rêve fantastique .Il se lie d'amitié avec le poète Arthur Buissière et est ainsi admis à l'École littéraire de Montréal récemment fondée. La poésie de Nelligan est en butte au conservatisme littéraire de l'époque. Au printemps 1898, son père, qui ne cautionne pas la vie de bohème d'Émile, l'envoie en Angleterre. Émile revient précipitamment et doit se trouver un emploi. C'est ainsi qu'il travaille comme comptable pendant quelques semaines chez un marchand de charbon.

 

En 1898, il est réadmis à l'École littéraire dont il avait démissionné l'année précédente. Le 26 mai 1899, il fait la lecture de trois poèmes dont son très connu Romance du vin. La même année, il est diagnostiqué comme souffrant de graves psychoses. À la demande de ses parents, il est interné le 9 août 1899 à la retraite Saint-Benoît dans l'est de Montréal. Cependant en 1925, il est transféré à l'asile de Saint-Jean-de-Dieu où il vivra jusqu'à son décès le 18 novembre 1941.

 

L'oeuvre du poète nous a été transmise par Louis Dantin qui est à l'origine de la première publication de ses oeuvres complètes en 1904. Pendant que nombre de ses poèmes sont des pastiches, on retrouve dans certains l'originalité d'un poète de grand talent. Il est très influencé par Baudelaire, Verlaine, Rimbaud et d'autres poètes français. La publication de ses écrits en 1904 le fait connaître en Belgique et en France. Plusieurs spécialistes s'intéressent à son oeuvre après sa mort.

Ainsi, Yvette Francoli, dans Le Naufragé du Vaisseau d'Or, tente à démontrer que Louis Dantin est le principal auteur de l'oeuvre publié d'Émile Nelligan.

 

Quoiqu'il en soit, Nelligan acquiert avec les années une place très importante dans la littérature québécoise. Il est généralement considéré comme le premier grand poète québécois.

 

Ces trois oeuvres les plus connues sont : La Romance du vin (1899), Le Vaisseau d'or (1899) et Soir d'hiver (1903). Une multitude d'oeuvres ont été créées en son honneur dont l'opéra  Nelligan, création d'André Gagnon et Michel Tremblay en 1990.

 

Marie Victorin (1885-1944)

 

 

Joseph-Louis Conrad Kérouac est né à Kinsey Falls le 3 avril 1885. Il est le fils de Cyrille Kérouac un riche commerçant de grains et de farine, et de Philomène Luneau. Il a cinq sœurs. Son grand-père d’origine bretonne devient maire de Saint-Sauveur en banlieue de Québec et occupe plusieurs fonctions importantes dans la ville de Québec.

 

Vers 1890, Cyrille Kérouac et sa famille déménagent à Saint-Sauveur. Conrad y passe une enfance heureuse. Sa santé fragile force ses parents à l’envoyer à la campagne durant les vacances d’été. À Saint-Sauveur, Conrad fréquente l’école des Frères des Écoles chrétiennes. Il apprend à lire rapidement. Bon élève, il entre par la suite à l’Académie Commerciale de Québec pour y faire l’équivalent de son secondaire. Déjà, à cette époque, il vient en aide à des confrères moins doués.

 

À seize ans, il termine son cours, premier de sa promotion. Il se sent attiré par la vie religieuse et une vie intellectuelle plus intense. Il décide d’entrer chez les Frères des Écoles chrétiennes. Son père lui offre un voyage en Europe, qu’il refuse. C’est ainsi que le 5 juin 1901, il fait son entrée au Mont-de-La-Salle à Maisonneuve sur l’île de Montréal. Au bout de deux mois, il prend l’habit. C’est durant cette période qu’il est initié à la botanique par le frère Fred son professeur d’anglais.

 

Le collège de Saint-Jérôme ayant besoin d’un enseignant le frère Marie-Victorin y est envoyé en 1903. On lui donne d’abord la classe de 5ième avant de le transférer en 4ième année. Il y révèle déjà des dons pédagogiques étonnants quoique sa santé demeure toujours précaire. En décembre 1903, il subit cinq hémorragies. Il souffre d’une forme de tuberculose et on lui prescrit le grand air. Pour se distraire, il travaille à l’érablière la nature l’intéressant de plus en plus.

 

En 1904, on l’envoie au collège de Westmont. Il n’aime pas tellement l’endroit et les conditions physiques y étant difficiles. Finalement, on le dirige vers le Collège de Longueuil situé en milieu rural. C’est là qu’il approfondit ses connaissances en botanique. En 1905, le professeur Rolland-Germain fait son entrée au collège et c’est le début d’une collaboration qui va perdurer toute sa vie. En 1906, il fonde un cercle littéraire pour les étudiants du collège. On y monte des pièces de théâtre et on encourage la musique par un orchestre collégial. Puis il fonde un Cercle des Anciens.

 

Marie-Victorin s’intéresse de plus en plus à la botanique. Son père lui offre d’ailleurs un microscope. Déjà il explore les environs du collège et commence à herboriser. De 1913 à 1920, avec le frère Rolland-Germain il fait des excursions qui les mènent à plusieurs endroits du Québec dont l’Île d’Anticosti. Il ébauche un grand projet, qui le tiendra occupé durant 25 ans, soit d’écrire  sur la flore du Québec.

 

Il correspond avec des botanistes européens et continue à augmenter ses connaissances scientifiques. Ses explorations avec le frère Rolland-Germain au Témiscouata l’amène à la publication en 1916 de La Flore du Témiscouata . De plus, il publie des articles dans le Bulletin de la Société de Géographie de Québec.

 

Le frère Marie-Victorin s’intéresse autant à la littérature que la science. Il écrit énormément. Il tient un journal intime de 1903 à 1920 et écrit plusieurs pièces de théâtre dont un drame historique sur Charles LeMoyne qui connaît un vif succès, la pièce étant reprise à plusieurs reprises. Il écrit également des textes dans le Devoir où ses convictions politiques et patriotiques son clairement établies. Il publie deux ouvrages de mouture littéraire les Récits laurentiens et Croquis laurentiens. Il est donc à la fois poète et scientifique.

 

En 1920, la vie académique du Marie-Victorin change. L’Université de Montréal vient d’obtenir son autonomie en s’affranchissant de l’Université Laval. On crée la Faculté des sciences et un nom s’impose pour la chaire de botanique : celle du frère Marie-Victorin. Ce dernier est profondément attaché au Collège de Longueuil. Il décide finalement de séparer sa tâche également entre son Collège et l’Université où il est nommé professeur agrégé à la Faculté des sciences. Le matériel manque mais déjà le frère Marie-Victorin commence à constituer un herbier.

 

Mais le frère doit régler un problème académique : il n’a pas de degré universitaire. On décide alors de régler le problème promptement. La faculté à cause de ses nombreuses années d’enseignement vote une dispense pour le baccalauréat et la licence. En mai 1922, il soutient sa thèse de doctorat qu'il obtient avec Très grande distinction.

 

Le mois suivant il est nommé professeur titulaire. En 1929, il est appelé à donner des cours à l’université d’Havard. En 1931, il reçoit le prix David pour l’ensemble de ses contributions à l’Université de Montréal. En 1923, il participe à la fondation de l’ACFAS (Association canadienne-française pour l’avancement des sciences) On veut ainsi rassembler les savants de langue françaises en Amérique. Elle réunit en premier lieu 9 sociétés montréalaises. En 1933, cette société a progressé puisqu’elle fédère 28 sociétés scientifiques.

 

En 1931, il collabore à la fondation des CJN (cercles des jeunes naturalistes) et participe ainsi à l’éclosion de la science au Québec où, jusque-là, la formation classique constituait la base des étudiants qui se destinaient aux études universitaires.

 

L’Université du Montréal continue d’être en crise. L’enseignement traverse une période pénible. Les carences au niveau scientifique se manifestent de plus en plus. Le niveau secondaire, qui est dominé par le cours classique, est un obstacle majeur au développement de la culture scientifique. Les traditionalistes veulent conserver intégralement l’enseignement des humanités classiques : latin, grec, lettres, philosophie, etc. Les modernes veulent une ouverture vers les sciences. En 1932, devant les difficultés économiques l’Université songe à fermer des départements dont celui de botanique, ce qui serait catastrophique pour le frère Marie-Victorin.

 

De 1924 à 1928, il explore avec un confrère l’Anticosti-Minganie où il découvre trois espèces nouvelles. Son herbier universitaire comprend maintenant 25 000 spécimens. Durant l’été 1929, il s’embarque pour l’Afrique du Sud où a lieu un important congrès de la British Association for the Advancement of Sciences.

 

Avec son confrère, Francis Lloyd, délégué de l’Université McGill, il en profite pour faire une expédition qui va les amener dans plusieurs pays de l’Afrique dont l’Égypte. Par la suite, ils se rendent en Europe, traversant l’Allemagne la Bulgarie, la Yougoslavie, la Hongrie et la Tchécoslovaquie.

 

Mais ce qui va marquer l’œuvre de Marie-Victorin c’est la Flore laurentienne. Cette œuvre majeure va exiger plusieurs années de travail avec la collaboration d’une équipe de plusieurs botanistes. La rédaction d’une nouvelle flore nécessite un important travail : il faut traduire et adapter plusieurs ouvrages étrangers, faire de nouvelles monographies lorsque nécessaire, etc.

 

Enfin la Flore paraît le 1 avril 1935. À l’occasion du lancement de la Flore laurentienne en présence du maire de Montréal, Camillien Houde, le frère Marie-Victorin en profite pour relancer son projet de Jardin botanique à l’occasion du 300e de Montréal. L’ouvrage comprend 917 pages et 2 800 illustrations. Cet ouvrage important constitue la première analyse de la flore du territoire. Avec cette publication la renommée du frère Marie-Victorin s’impose à travers le monde. Elle permet également au Canada-français de faire son entrée dans le monde scientifique.

 

Le jardin botanique

 

L’idée vient de plusieurs jardins visités en Europe. C’est le 14 décembre 1929 dans un discours qu’il expose pour la première fois son projet. Il propose comme emplacement le Parc Maisonneuve. Ce terrain avait déjà appartenu aux Frères des Écoles chrétiennes qui l’avaient vendu à la ville de Montréal. Il est depuis lors abandonné. En janvier 1930, la Société canadienne d’histoire naturelle crée l’Association du Jardin botanique de Montréal et lui procure une charte officielle en 1931. En mars 1932, une résolution est votée et le Comité exécutif alloue une somme de 100 000 $ à la construction d’un Jardin.

 

Les premiers travaux de canalisation sont intégrés aux travaux de chômage. Le frère Marie-Victorin a recours à un architecte-paysagiste du New-York du Botanical garden, Henry Teuscher. Un petit pavillon, une serre et une chaufferie sont construits. Les dépenses ainsi engagées sont considérées comme somptuaires par plusieurs autorités universitaires. À cause de la crise économique, le frère Marie-Victorin se voit forcé de suspendre les travaux pour un temps indéterminé.

 

L’espoir renaît avec la réélection de Camillien Houde comme maire de Montréal. En avril 1933, un crédit de 20 000$ est octroyé par le Comité exécutif pour poursuivre les travaux. En 1938, plus de six millions de dollars ont déjà été dépensés. Deux sections sont déjà ouvertes au public. Le frère Marie-Victorin désire déménager L’Institut botanique au Jardin.

 

Mais un dernier obstacle se dresse. En effet, Adélard Godbout, nouveau premier ministre du Québec, décide avec le nouveau ministre des Travaux publics T.-D. Bouchard de céder le Jardin à toute institution qui le voudra pour la somme symbolique de 1,99$. Finalement, une entente est faite avec l’échange de l’immeuble où siège la Cour des jeunes délinquants qui appartient à la Ville de Montréal avec celui du Jardin botanique qui appartient au gouvernement provincial. La Ville de Montréal devient ainsi propriétaire de l’entité des lieux. Le Jardin botanique est aujourd’hui l’un des plus importants au monde et fait la fierté des montréalais.

 

En 1938, c’est le début d’une série de voyages à Cuba. Le frère Marie-Victorin a besoin de repos et on lui recommande un pays chaud pour contrer le rude hiver canadien.

 

Un de ses ex-confrères, le frère Léon Sauget, l’invite depuis longtemps à venir à Cuba où les Frères des Écoles chrétiennes ont plusieurs maisons. Le frère ira à Cuba chaque année jusqu’en 1944. Il y fera de nombreuses explorations. Tous ses voyages donneront naissance à trois volumes : Itinéraires botaniques dans l’Île de Cuba

 

Le frère Marie-Victorin connaît une fin tragique dans un accident d’automobile alors que le véhicule dans lequel il prend place est violemment heurté par une auto roulant en sens inverse. Il décède alors qu’il est en route pour l’hôpital.

 

Le frère Marie-Victorin a marqué son époque. Il a contribué profondément au développement d’institutions scientifiques au Québec. Sa renommée a traversé les frontières et contribué à ouvrir la voie aux hommes de science du Canada-français.

 

Maurice Duplessis (1890-1959)

 

 

Maurice Duplessis fut premier ministre de 1936 à 1944 et de 1948 jusqu’à sa mort, en 1959. Plusieurs intellectuels le considèrent comme un dictateur. C’est à travers ce personnage que nous traiterons de l’évolution du Québec vers son affirmation nationale. Duplessis a contribué, à sa manière, à une certaine affirmation nationale tout en usant de moyens peu orthodoxes.

 

Il naît le 20 avril 1890 à Trois-Rivières. En 1890, son père, un jeune avocat, est élu grâce à l’aide de Mgr La Flèche, évêque de Trois-Rivières, député conservateur du comté de Saint-Maurice à l’Assemblée législative. Au Québec, Mgr La Flèche a été l’initiateur des ultramontains qui prônaient la primauté de l’Église sur l’État. Il voyait la nation canadienne-française unie par la foi, la langue et les coutumes. La mission de cette nation étant d’être le berceau du catholicisme en Amérique du Nord.

 

Maurice Duplessis est donc élevé dans un environnement propre à la petite bourgeoisie où la religion tient un rôle important. Son père, défait aux élections de 1900, poursuit une carrière municipale d’abord comme échevin puis comme maire de Trois-Rivières. Pour sa part, Maurice fréquente d’abord le collège Notre-Dame de Montréal où il devient l’ami du Frère André. Plus tard, il est admis au séminaire de Trois-Rivières. Très jeune, il montre un attachement pour la vie rurale et ses traditions. À la fin de ses études secondaires, il s’inscrit en droit qui est un tremplin pour pratiquer la vie politique. Son père devient juge à la cour supérieure. Le fils fait ses premières armes dans un bureau d’avocats. C’est à cette époque, qu’il commence à boire et à mener la «grande vie».

 

Il fréquente pendant un certain temps, Augustine Delisle, dont le père est marchand de charbon. Sa famille désapprouve un mariage avec la fille d’une famille plus modeste. Maurice se plie aux demandes de celle-ci, mais non sans amertume.

 

En février 1923, il se présente aux élections provinciales comme candidat conservateur et subit la seule défaite de sa carrière de député. C’est en 1923, qu’il prend à son service, Auréa Cloutier, qui sera sa secrétaire durant toute sa carrière politique. Aux élections de 1927, il est élu député de Trois-Rivières. Le gouvernement Taschereau est le maître incontesté du Québec. Camillien Houde, élu maire de Montréal en 1928, devient chef du parti conservateur à la suite de la démission d’Arthur Sauvé (le double mandat est alors possible). Camillien Houde s’absente souvent de l’Assemblée législative à cause de sa fonction de maire. C’est ainsi, que Duplessis devient à toute fin pratique chef de l’opposition.

 

En août 1931, la Chambre est dissoute. Duplessis est facilement réélu dans son comté, mais c’est la débâcle pour les conservateurs. En effet, pendant que 79 libéraux sont élus, 11 conservateurs seulement retournent à l’Assemblée législative. Pire, Camillien Houde chef de l’opposition, est défait dans son comté. Pour répliquer à cette sanglante défaite, Houde demande une contestation judiciaire dans presque tous les comtés où les conservateurs ont été défaits. Duplessis est contre cette tentative qu’il trouve exagérée. Le leadership de Houde est alors remis en cause. Taschereau pense régler le problème des contestations judiciaires en faisant proposer une loi exigeant que le dépôt de 1000$ nécessaire pour entreprendre la contestation judiciaire doive provenir de la fortune personnelle du plaignant. De plus, cette loi est rétroactive. Du coup, elle met un point final à la majorité des contestations.

 

Pendant ce temps, la crise économique poursuit ses ravages. Au Québec, on cherche des solutions et plusieurs membres de l’élite proposent le retour à la terre et la colonisation de nouvelles régions. C’est la plus sûre garantie pour conserver nos traditions. Alors qu’ailleurs en Amérique du Nord on travaille sur l’industrialisation, ici c’est l’agriculture qui est proposée comme solution au chômage chronique.

 

Durant cette même période, l’idéologie corporatiste se développe. Cette forme de socialisme accorde à la religion et au culturel une prédominance sur le matériel. Paul Gouin en est l’un des principaux propagandistes. Il est l’un des chefs de file de l’Association catholique de la jeunesse canadienne-française. Il est un ardent défenseur de la colonisation et de l’électrification rurale. Il aidera, quelques années plus tard, Duplessis à prendre le pouvoir. L’hydro-électricité devient la seule industrie moderne où le Québec domine. Il ne faut donc pas s’étonner que plus tard, sa prise en main par les Québécois devienne le fer de lance des nationalistes canadiens-français.

 

Au début de 1933, Maurice Duplessis occupe pour la première fois le siège de chef de l’opposition. Les pressions sont fortes pour la tenue d’une convention qui remplacerait l’ineffable Camillien Houde. Finalement, après maintes intrigues, le congrès conservateur est convoqué pour les 4 et 5 octobre 1933. À ce congrès, Duplessis fait insérer une clause demandant l’électrification rurale et un vaste projet de colonisation. Le scrutin donne une victoire sans équivoque à Duplessis : 332 voix pour et 214 contre. Duplessis prend en main un parti qui avait connu la défaite aux neuf dernières élections.

 

À la même époque, Paul Gouin, un libéral mécontent, s’associe à des nationalistes comme le Dr Hamel, Édouard Lacroix et d’autres pour fonder l’Action libérale nationale (ALN). À Trois-Rivières, en juin 1934, Gouin est choisi comme chef de ce parti. Son programme est en avance sur l’époque. On désire le salaire minimum, l’assurance-maladie, l’élimination des taudis.

 

Duplessis, à son tour, dénonce le gouvernement en affirmant que la terre, la religion et tout ce qui était patriotique sont jetés par-dessus bord. Comme l’Action nationale, il est en faveur de la colonisation et l’électrification rurale et pense à une alliance avec l’Action nationale. Des échanges ont lieu par personnes interposées entre les deux partis politiques.

 

Cette alliance avec l’ALN pourra se réaliser en autant qu’il demeurera chef de l’opposition. En juillet 1935, Oscar Drouin, un député libéral, annonce son adhésion à l’ALN ce qui intéresse grandement Duplessis. L’ALN compte plusieurs orateurs et personnes intéressantes, mais est financièrement dépourvue. Duplessis voit qu’en s'unissant avec l’ALN tout est possible. Il ne reste que quatre semaines avant les élections et aucune entente formelle n’a été faite entre les deux groupes. Le temps presse. Des négociations s’engagent entre les deux partis. À la fin du compte, un nouveau parti né de la fusion du Parti conservateur et de l’ALN est formé le 7 novembre 1935, c’est l’Union nationale. Il y est convenu que Maurice Duplessis en assure le leadership, mais que la majorité des candidats et des membres du cabinet advenant une victoire seraient choisis dans les rangs de l’ALN

 

Duplessis prend le contrôle du nouveau parti en envoyant des conservateurs dans des comtés où l’ALN n’a pas d’organisation. Le résultat des élections est une catastrophe pour les libéraux qui obtiennent seulement 48 sièges, pendant que l’Union nationale en a 42. Duplessis commence immédiatement à affirmer son autorité sur l’Union nationale en profitant des différends parmi les membres de l’ALN

 

Au lendemain des élections, plusieurs libéraux tentent de remplacer Taschereau devenu encombrant. On lui offre la Cour suprême où des Taschereau se sont déjà illustrés, mais il refuse. Des réunions ont lieu et on pense à Godbout pour lui succéder.

 

Pendant que Gouin se voit à la tête d’un gouvernement d’unité nationale, Duplessis infiltre, dès 1936, les rangs de son parti.

 

Cependant, l’Union nationale éprouve certaines difficultés notamment dans son organisation. En effet, elle a théoriquement deux chefs : Duplessis et Gouin, deux organisateurs Masson et Drouin, deux trésoriers, enfin tout ce qu’il faut pour semer la zizanie. L’Assemblée législative est convoquée pour le 24 mars 1936 et voit T.D. Bouchard s’illustrer comme le nouveau sauveur du gouvernement en qui Taschereau a mis toutes ses complaisances.

 

C’est au comité des comptes publics que le sort du gouvernement va se régler tout en permettant à Duplessis de devenir le véritable chef de l’Union nationale.

 

Ce dernier y dénonce avec succès les nombreuses primes qui avaient été versées pour la construction des ponts et pour les projets de la colonisation. En faisant témoigner des hauts fonctionnaires, il met à jour le système de corruption généralisé du gouvernement Taschereau. Chaque séance s’avère plus dramatique tout en bénéficiant d’une immense publicité. Tout y passe : pots de vin et détournements de fonds impliquant jusqu’au frère du premier ministre, secrétaire de l’Assemblée législative. Le 11 juin 1936, Taschereau démissionne comme premier ministre et c’est Adélard Godbout qui le remplace. L’époque de Taschereau passe à l’histoire et une nouvelle ère se prépare, celle de Maurice Duplessis.

 

L’ALN réclame dès juin les deux tiers des candidats aux prochaines élections. Mais Duplessis a tout prévu en s’assurant la mainmise sur l’Union nationale. À une réunion du parti à Sherbrooke, le 20 juin, plusieurs congressistes reprochent à Gouin son manque de leadersphip lors de la dernière session. Plusieurs députés se rallient à Duplessis qui prend le contrôle du parti et nomme Oscar Drouin comme organisateur en chef.

 

Les élections sont annoncées pour le 26 août 1936. La campagne se fait sur les résultats du Comité des comptes publics. Duplessis fait le tour de la province en se moquant des «culottes à Vautrin». En effet, Vautrin, ministre de la Colonisation, avait pris la peine de venir expliquer au comité des comptes publics qu’il avait retourné au ministère les culottes empruntées pour visiter les colons, d’où les calembours sur les culottes à Vautrin.

En juillet, l’Union nationale porte un grand coup en publiant le Catéchisme des électeurs. Cette brochure de petit format expose l’état pitoyable de l’administration publique sous la forme de questions-réponses comme dans le catéchisme de l’Église catholique. Le jour du scrutin, le résultat donne raison à Duplessis qui fait élire 76 députés contre seulement 14 pour les libéraux. Godbout est défait dans sa circonscription de l’Islet. Les victoires libérales sont surtout dues aux candidats eux-mêmes plutôt qu’au parti. Le Dr Hamel de l’ALN exige de Duplessis qu’il s’engage à étatiser la Beauharnois Power Company. Duplessis se montre agacé de l’insistance de Hamel et lui offre le poste de ministre sans portefeuille. Hamel va refuser et Duplessis clôt ainsi son alliance avec l’ALN. Le nouveau gouvernement modèle sa politique sur la philosophie personnelle de Duplessis. L’agriculture demeure l’industrie de base et la famille est la cellule de la société.

Son aide-principale ira aux cultivateurs avec le crédit agricole. Le nouveau gouvernement établit, dès le départ, une collaboration avec le clergé, mais il demeure prudent en ne favorisant jamais le clergé par rapport à l’État. Au Frère Marie Victorin qui vient lui demander 60 000 $ pour son jardin botanique, son ministre promet une garantie de 600 000 $ à la grande surprise du savant qui n’en demande pas tant.

 

Duplessis convoque le Comité des comptes publics qui met de nouveau en évidence les scandales du gouvernement Taschereau. En février 1937, Drouin adresse un véritable ultimatum à Duplessis en affirmant qu’il ne pourrait plus faire partie d’un gouvernement à moins qu’une Hydro provinciale soit créée. Cette société pourrait nationaliser certaines compagnies existantes et prendre en main l’énergie non concédée. Duplessis ne peut accepter cet ultimatum. Drouin démissionne comme ministre et organisateur de l’Union nationale. Le dernier lien avec les réformistes de l’ALN est définitivement rompu.

 

Duplessis met sur pied un système d’échanges de renseignements avec le cardinal Villeneuve sur toutes les activités communistes. En mars 1937, il fait voter la fameuse «loi du cadenas» qui permet au procureur général la fermeture de tout établissement servant de local à la publication de littérature communiste. Il accorde des subsides aux Sulpiciens en faillite devenant ainsi leur sauveur. Il établit également un programme d’électrification rurale. Le monde rural demeurera toujours la base de son électorat.

 

Pour répondre aux demandes de l’Église son gouvernement refuse l’aide sociale aux filles-mères et aux couples vivant en concubinage. Lors de son premier mandat, Duplessis confronte les syndicats. Pour lui les grèves sont comme une guerre et cela est intolérable. La loi du salaire raisonnable lui permet, avec la bénédiction de la haute hiérarchie du clergé, de se passer des syndicats et d’imposer des conditions de travail. Les syndicats catholiques menacés dans leur existence vont entrer dans une lutte à finir avec Duplessis pendant plusieurs décennies.

 

Duplessis dans ce cas précis fait alliance avec l’Église et la haute finance. Le premier ministre s'oppose vigoureusement au gouvernement fédéral, la défense des droits des provinces devenant le fer de lance de cette lutte.

 

Le chef de l’Union nationale montre son autorité d’une façon imprévue sur ses ministres. En effet, le ministre de la Voirie, François Leduc, qui a un comportement arrogant aux yeux de Duplessis, reçoit l’ordre de démissionner. Après une semaine, Leduc n’est pas encore passé à l’action. Devant ce fait, Duplessis se rend chez le lieutenant-gouverneur, offre la démission de son gouvernement et fait de nouveau assermenter les membres de son gouvernement, François Leduc en moins. Cela donne un indice du savoir-faire de Duplessis pour parvenir à ses fins. En avril 1939, la session se termine sans que Duplessis n'ait présenté une législation importante. Godbout et Bouchard forment maintenant une équipe plus forte. Une chaude lutte s’annonce.

 

Un grave problème divise le pays, à savoir la participation directe du Canada à la guerre. Les libéraux avaient bien promis que le Canada ne participerait pas à une guerre en Europe. Cependant, des pressions de plus en plus fortes venant du côté anglophone apparaissent pour que le Canada entre en guerre.

 

Pour affermir la solidarité entre le Canada et l’Angleterre, une tournée royale y est organisée en 1939. C’est une mission royale importante. Dans un discours, Duplessis au nom du gouvernement du Québec réaffirme la fidélité de la province de Québec à la couronne britannique. Les problèmes financiers du Québec sont sérieux. Duplessis doit emprunter d’importantes sommes aux Américains. Le Canada entre en guerre en septembre 1939 et le débat sur la conscription reprend de plus belle. Ernest Lapointe, le plus influent ministre libéral à Ottawa, promet à nouveau qu’il n’y aura pas de conscription. Pendant ce temps à Québec, Duplessis fait face à une situation financière tellement préoccupante qu’il envoie son ministre, John Bourque, à Ottawa pour obtenir la permission de la Banque du Canada pour un emprunt de quarante millions. Cette demande est refusée. Duplessis décide alors de précipiter les choses en demandant la dissolution de l’Assemblée, le 24 septembre 1939, pour des élections devant avoir lieu le 25 octobre. Il est alors persuadé que le gouvernement de King se sert de la loi des mesures de guerre pour tenter une nouvelle incursion dans les compétences des provinces.

 

Les libéraux provinciaux avec l’appui du Parti libéral canadien soutiennent l’idée qu’un vote pour Duplessis est un vote pour la conscription, car les ministres canadiens-français les plus importants du gouvernement King, Cardin, Lapointe et Power, menacent de démissionner si Duplessis est réélu, privant ainsi le Québec de ses défenseurs naturels contre la conscription.

Godbout, le chef du Parti libéral du Québec, s’engage à quitter son parti si un seul Canadien français est mobilisé contre son gré.

 

La coalition de l’Union nationale que Duplessis avait formée avec beaucoup d’habileté s’effondre. Gouin et l’Action nationale décident de présenter un candidat dans chaque comté du Québec. Pour Maurice Duplessis, le résultat des élections se présente comme une catastrophe. En effet, pendant que le Parti libéral fait élire 70 députés, l’Union nationale doit se contenter de 14 élus. Camillien Houde qui s’est présenté comme indépendant dans Sainte-Marie est élu. Pour sa part, l’Action nationale ne fait élire aucun de ses candidats.

 

Après la défaite écrasante des dernières élections, certaines pressions se font pour remplacer Duplessis comme chef du parti. Mais ce dernier est bien en selle et n’est pas homme à se laisser intimider facilement. À l'Assemblée législative, l’une des premières lois présentées par le gouvernement libéral porte sur le droit de vote des femmes. Duplessis, suivant en cela la position de l’Église, se prononce contre cette loi. Malgré tout, la loi est adoptée le 11 avril 1940. La Deuxième Guerre mondiale rejoint les membres de l’Assemblée. En effet, le gouvernement King présente une mesure de conscription pour le service militaire domestique.

 

Le député Chaloult revient avec une motion anti-conscriptionniste. Duplessis appuie cette motion qui est finalement défaite par la majorité libérale. Un autre événement va susciter la colère chez les nationalistes, soit l’arrestation de Camillien Houde, maire de Montréal. Ce dernier proclame son refus de s’inscrire en préparation de la conscription et conseille à tous de suivre son exemple. Par contre, le cardinal Villeneuve pousse la collaboration avec le gouvernement en proposant une souscription générale de bons de la victoire. Le prélat fait tout son possible pour favoriser l’effort de guerre, au grand dam de l’ensemble de la population québécoise. Ernest Lapointe, le puissant ministre libéral, décède et est remplacé par Louis Saint-Laurent qui deviendra éventuellement le principal adversaire de Duplessis.

 

King promet qu’il n’y aura pas de conscription sans que le peuple soit consulté, ce qui annonce un plébiscite. Au Québec, on se met à rêver d’un tiers parti pour lutter contre la conscription. La Ligue pour la défense du Canada est fondée. Le 11 février 1942, une grande assemblée est convoquée où plus de vingt mille personnes viennent entendre des orateurs. Henri Bourassa y prononce un célèbre discours pendant lequel une émeute éclate. Le plébiscite est fixé au 27 avril 1942. Godbout se prononce à nouveau contre la conscription.

 

Duplessis sort de l’hôpital, en avril 1942, où il se fait soigner pendant plusieurs semaines pour une grave pneumonie, pour lutter contre l’abandon des droits fiscaux de la province. En effet, l’impôt sur le revenu emprunté «provisoirement» au Québec durant la Première guerre mondiale est toujours détenu par le fédéral. Les résultats du plébiscite sont désastreux pour le gouvernement fédéral au Québec où près de 90% des francophones votent contre la conscription. Au Canada, la tendance est inverse le oui l’emportant avec une très forte majorité. La division du Canada est sans équivoque. Cardin, le plus important ministre libéral à Ottawa, doit démissionner. En 1942, Duplessis prononce plusieurs discours nationalistes et anticonscriptionnistes.

 

De plus, on assiste à la formation d’un parti nationaliste, le Bloc populaire canadien avec Chaloult, Gouin et Lacroix. En 1943, après une longue hospitalisation, Duplessis décide de cesser complètement de boire. C’est un tournant pour lui et également pour le Québec.

 

Le chef de l'Union nationale défend maintenant le nationalisme en proclamant qu’il faut devenir maître chez nous. Godbout, en 1943, propose deux importantes législations : l’instruction obligatoire pour tous les enfants du Québec et l’étatisation de certaines forces hydrauliques.

 

Aux élections d’août 1944, l’Union nationale fait élire 45 députés, le Parti libéral 37 tandis que le Bloc populaire doit se contenter de 4 élus. Maurice Duplessis reprend le pouvoir qu’il va conserver le reste de sa vie

 

Duplessis, le Chef                                                                                                                                        

 

L’Union nationale incarne alors le Québec traditionnel. Duplessis qui en est le représentant le plus populaire de l’époque réussit à rallier tous ceux pour qui catholicisme et capitalisme priment sur les autres valeurs. Le clergé et l’Église en général appuient le principe de l’autonomie provinciale.

 

Duplessis réussit à se maintenir au pouvoir pendant plusieurs décennies grâce à une caisse électorale bien garnie. C’est Gérald Martineau qu’il nomme comme trésorier du parti. Ce dernier en assure l’administration jusqu’à la mort du Chef. La caisse augmente graduellement durant le long règne de Duplessis et vaut dix-huit millions de dollars à sa mort. Tous les contrats donnés par le gouvernement à une entreprise sont soumis à une «taxe» qui va directement dans les coffres du parti. On distribue ainsi des milliers de dollars à des nécessiteux ou des opportunistes qui viennent quémander des faveurs au parti. Ce système paternaliste assure la réélection de l’Union nationale. Maurice Duplessis récompense les uns et punit les autres, selon leur loyauté envers le Parti.

 

C’est l’institution du favoritisme comme modus vivendi. Duplessis répète souvent «si vous voulez une école (hôpital, pont, etc) montrez-le-moi  le jour de l’élection ». Les comtés qui n’élisent pas les candidats du gouvernement sont punis. Le Parti en temps d’élection peut compter sur des sommes considérables qui servent à «acheter» le vote de certains électeurs hésitants et à récompenser tous les fidèles partisans. En somme, toute une population est dépendante du bon vouloir du chef : avocats, entrepreneurs, membres du clergé et même de nombreux évêques. Seuls les plus puissants, comme le cardinal Léger, peuvent demeurer indépendants du système.

 

Duplessis ne cherche pas à s’enrichir personnellement. Son compte en banque était presque toujours à sec. Il est très prudent dans la façon de distribuer ses faveurs financières. Ainsi, dans son comté c’est sa secrétaire, Auréa Cloutier, qui distribue les montants le lundi après le départ du Chef pour Québec. Mais c’est lui qui décide des montants requis et des bénéficiaires du moment. Une bonne conduite est récompensée par un voyage à l’étranger ou une enveloppe pleine d’argent.

 

Au contraire, les récalcitrants sont punis sur le champ. Ainsi, Antonio Barrette, ministre du Travail, qui a eu la mauvaise idée de se servir à même le contrat de construction du sanatorium de Joliette tombe en disgrâce pendant plus d’un an.

 

Duplessis personnifie le gouvernement. Seul Paul Sauvé peut parler à l’Assemblée sans avoir peur de se faire interrompre. Ainsi, à son ministre des finances Onésime Gagnon, qui a tendance à allonger ses discours Duplessis lance «C’est assez Nézime».

 

Duplessis a une connaissance approfondie des rouages de chaque ministère, ce qui lui permet de tout contrôler. Rien ne peut être fait sans son approbation. Cependant, il a une haute estime pour Paul Sauvé qui exerce une certaine autorité morale sur lui. Comme ministre de la Jeunesse, malgré les réticences des évêques, il ne cède jamais aucune de ses prérogatives.

 

Duplessis encourage le culte rendu à son personnage politique et aime être considéré comme le sauveur de la race. Il se méfie de certains de ses ministres comme Joseph-Damase Bégin, son organisateur en chef et ministre de la Colonisation qui s’enrichit rapidement. Il est mis sous haute surveillance. Mais Bégin, comme Martineau, sont des hommes indispensables dans l’organisation de l’Union nationale et Duplessis sait très bien qu’il ne peut se passer d’eux.

 

Le chef n’accorde jamais une grande attention à l’ensemble du caucus. Ce sont les organisateurs de l’Union nationale dans chaque comté qui le tiennent au courant de tous les scandales ou commérages.

De cette façon, face à ses députés, il a une autorité incontestable. Ses partisans se font toujours un devoir de renseigner le chef sur toutes nouvelles du comté dans l’espoir d’obtenir certaines gratifications. Ainsi, Duplessis exerce un paternalisme qui ne pourra lui survivre. À son décès le Québec est mûr pour des changements radicaux.

 

L’Union nationale à son apogée

 

À l’apogée de l’Union nationale, Duplessis a connu une période autonomiste. Il fait adopter le Fleur de Lys, fait changer le nom de la résidence du lieutenant-gouverneur de Spencer Wood en Bois-de-Coulonge et surtout il reprend les prérogatives fiscales provinciales prêtées au fédéral pour la durée de la guerre. Duplessis fait des efforts pour rallier à l’Union nationale les nationalistes qui se sont laissé tenter par l’Action libérale et le Bloc populaire. Il s’attaque aux libéraux et les accuse d’être responsables de la conscription et de la centralisation. Duplessis accuse les libéraux d’être infestés par les communistes. Cet argument sur les communistes revient plusieurs fois durant son long règne. Lorsque l’on désire se sortir d’une mauvaise situation on accuse les communistes d’en être la cause.

 

Il reproche à Godbout de vouloir noyer le peuple canadien-français dans un flot d’immigrants britanniques. Pour lui, l’autonomie est le plus sûr rempart contre le communisme. En 1948, Duplessis est réélu avec une écrasante majorité (84 députés sur un total de 92). Godbout se retire de la vie politique au niveau provincial et est nommé au sénat. Les libéraux sont obligés de se réorganiser et Georges-Émile Lapalme est nommé chef de l’opposition. C’est un personnage qui fera sa marque durant la Révolution tranquille.

 

Lors des élections de 1952, Duplessis doit faire face à une opposition nouvelle, soit celle du journal Le Devoir qui lui reproche son intimité avec les capitalistes américains et surtout son autoritarisme et son manque de scrupule en temps d’élections. Duplessis attaque les libéraux surtout pour avoir cédé des prérogatives financières au gouvernement fédéral. C’est toujours l’aspect autonomiste qui prend le dessus. Il martèle dans tous ses discours que les libéraux ont vendu les droits du Québec au fédéral. La meilleure protection pour protéger le peuple canadien-français contre l’invasion fédérale est de reporter le gouvernement de l’Union nationale au pouvoir. Il promet à Montréal de construire un centre culturel si la ville demeure fidèle à son parti. Cette vieille tactique que Duplessis employait généralement en milieu rural lui porte fruit. Il remporte la victoire, mais les libéraux font élire une quinzaine de députés de plus. Ainsi, le Québec laisse Duplessis «continuer son oeuvre»

 

 

Le Québec continue à être dirigé par une association étroite entre l’État, l’Église et le capitalisme. Les valeurs traditionnelles sont protégées tout en poursuivant l’industrialisation du Québec. Duplessis est devenu ainsi une sorte d’incarnation du Québec. Aux élections de 1956, Duplessis est considéré comme le chef imbattable d’un parti politique qui a cependant vieilli. À cette élection, il annonce peu de nouvelles politiques. C’est une élection qui se joue sur le passé. Cependant, la question de l’autonomie provinciale refait surface Duplessis promettant de ne jamais signer d’entente permanente avec le gouvernement fédéral. Une autre question qui a fait sa marque pendant des décennies est soulevée : la vente de la margarine.

 

Duplessis se dresse en protecteur des agriculteurs en défendant la vente de la margarine dans tout le Québec. Un slogan est répété durant toute la campagne « Les libéraux donnent aux étrangers : Duplessis donne à sa province.» Le Chef défend une politique nationaliste mais conservatrice. Il prône une confédération décentralisée laissant aux provinces tous les pouvoirs nécessaires pour assurer leur survie, particulièrement celle des Canadiens français. Lapalme, nouveau chef du parti libéral, a de la difficulté à s’imposer devant un Duplessis plus sarcastique.

 

Duplessis se présente comme le défenseur de la culture française et de la foi. Malgré une vaste coalition, les libéraux ne savent pas comment contrer la redoutable machine électorale de l’Union nationale dont les coffres bien garnis lui permettent de récompenser ses partisans et «d’acheter» les hésitants. L’Union nationale remporte une victoire incontestable en faisant élire soixante-treize députés avec 52% du vote populaire. C’est l’une des plus importantes victoires de Duplessis. Lapalme vient ainsi de terminer son mandat comme chef du Parti libéral où d’importants changements s’annoncent.

 

Voyons maintenant la personnalité de Duplessis à travers certains litiges qui l'opposent à divers secteurs de la société : L’une des affaires les plus célèbres est la fameuse Loi du Cadenas. Cette loi est dictée pour combattre les témoins de Jéhovah. Elle permet au gouvernement de mettre sous scellés pendant un an tout local susceptible d’appartenir à un communiste. Elle défend expressément la distribution de tout document de propagande communiste. Mais c’est Duplessis qui détermine ce qu’est un document communiste. Cela lui permet de se servir de cette loi contre les syndicats, les Témoins de Jéhovah et de tous ceux qui osent s’opposer à son gouvernement. Une longue lutte juridique perdure de 1949 à 1957. Finalement, la Cour suprême déclare la loi nulle et anticonstitutionnelle. Duplessis proteste pour la forme, mais avant tout cette loi est une fameuse mesure publicitaire. En effet, cela lui permet de confirmer sa position autonomiste. En général, la population du Québec appuie la position de Duplessis en cette matière et cela est électoralement très rentable pour l’Union nationale.

 

Un autre fait célèbre est la chute du pont Duplessis à Trois-Rivières. Ce pont qui enjambe la rivière Saint-Maurice avait été nommé ainsi l’honneur du père de Maurice Duplessis. Inauguré en grande pompe en avril 1947, le pont s’écroule en janvier 1951. Duplessis et l’Union nationale font circuler la rumeur que les communistes ont peut-être commis un sabotage. Une commission d’enquête en vient finalement à la conclusion que ce n’est la faute ni de l’entrepreneur, ni celle du gouvernement. Mais c’est avec le scandale du gaz naturel que l’administration de l’Union nationale est mise à rude épreuve. L’Hydro-Québec ayant cédé à une entreprise privée, la Corporation du gaz naturel du Québec, son réseau de distribution de gaz naturel, six ministres dont peut-être Duplessis en personne, ont spéculé sur les actions. Ces révélations faites par Le Devoir font mal à l’Union nationale. La fin du régime commence à poindre à l’horizon.

 

Du point de vue constitutionnel, Duplessis exige le respect intégral du pacte confédératif. Il affirme que les provinces ne doivent pas dépendre des subsides du fédéral. Il se dit l’héritier de Mercier et de Gouin. Durant son deuxième mandat, de nombreuses conférences fédérales-provinciales eurent lieu. Duplessis se fait le champion de l’autonomie provinciale. Il revient avec la taxe directe du gouvernement fédéral qui avait «emprunté» pour le temps de la guerre la taxation directe (impôt sur le revenu).

 

Le fédéral décide de conserver ce pouvoir de taxation en offrant en compensation des subsides aux provinces. Il s’objecte fermement à l’intrusion du fédéral en matière de sécurité sociale et d’éducation. Au Québec, il rallie à sa position toutes les forces nationalistes dont la société Saint-Jean-Baptiste. À son retour de la conférence d’avril 1946, Duplessis est accueilli en héros par des milliers de personnes. Ottawa cherche à convaincre les provinces d’abandonner plusieurs pouvoirs fiscaux en échange d’une rente qui serait accordée aux provinces annuellement, selon le bon vouloir du ministre des Finances. Duplessis refuse cette concession.

 

Le gouvernement fédéral développe une nouvelle stratégie avec celle des ententes séparées selon la bonne vieille tactique de diviser pour régner. Seul le Québec refuse et tient bon. Duplessis décide d’innover devant l’impasse créée par les propositions fédérales. Il se prépare à instituer un impôt provincial. Cela va permettre d’affirmer le droit des provinces d'imposer un impôt sur le revenu. De longues discussions s’amorcent avec les provinces. Le premier ministre du Canada accepte de rencontrer le premier ministre du Québec à l’hôtel Windsor, le 5 octobre 1954. La rencontre est cordiale et les négociations se poursuivent. Au début de 1956, le gouvernement fédéral accorde plusieurs mesures fiscales pour venir en aide aux provinces. De plus, il consent à une réduction de l’impôt fédéral de 10% pour les provinces qui voudraient percevoir un impôt provincial. Au Québec cette nouvelle entente est perçue comme une victoire de Duplessis. La voie est tracée pour de futures ententes.

 

Duplessis et l’autonomie provinciale

 

L’autonomie devient l’un des chevaux de bataille les plus importants de la carrière politique de Duplessis. L’autonomie n’est pas un concept subversif comme le séparatisme, mais au contraire légitime et permise par la constitution canadienne. Pour lui cette dernière comporte trois volets : la langue française et ses traditions, la religion catholique et le statut distinctif du Québec. Initiée par Honoré Mercier, la notion d’autonomie est ranimée par Duplessis avec succès. Cette doctrine devient inséparable de l’Union nationale. Durant le long règne de Duplessis, la question des taxes porte à la controverse avec la plupart des questions fédérales-provinciales.

 

Lorsque le gouvernement libéral de Louis Saint-Laurent établit une commission royale sur les Arts, les Lettres et des Sciences au Canada, Duplessis institue sa propre commission d’enquête sur les affaires constitutionnelles présidée par son ami le juge Thomas Tremblay. La Commission Massey dépose un rapport où on recommande, entre autres, l’aide fédérale aux universités canadiennes. De longues négociations s’amorcent entre les deux niveaux de gouvernement. Duplessis se montre hostile au financement fédéral, parce qu’il ne donne pas suite à ses demandes répétées de subventionner les collèges classiques. En fin de compte, il avise le gouvernement fédéral qu’il refuse les subsides pour l’année 1953.

 

À chaque année, le gouvernement fédéral propose au Québec des subventions que Duplessis s’empresse de refuser. En effet, il les considère comme une intrusion dans une compétence provinciale. Les sommes auxquelles la Province de Québec a droit sont mises de côté par le fédéral de 1953 à 1959. C’est le premier ministre Antonio Barette, deuxième successeur de Duplessis après le décès de Paul Sauvé, qui signe finalement une entente avec Ottawa. Avec le décès de Duplessis, c'est la disparition de l’autonomisme qui va faire place à un concept plus novateur : le nationalisme

 

Le clergé, l’Église et Duplessis

 

Par l’éducation qu’il avait reçue, Duplessis est profondément religieux. Une fois au pouvoir, il a un profond respect envers certains membres du haut clergé, tandis que d’autres doivent subir à l’occasion certaines formes d’humiliation dont Duplessis est particulièrement fier. Ainsi, il respecte le cardinal Villeneuve, archevêque de Québec et tient en estime son autorité. Il en est de même pour son successeur Mgr Maurice Roy. Le cardinal Léger a un statut spécial, car il dispose d’une indépendance financière qui le met à l’abri des suppliques continuelles au gouvernement. De plus, le cardinal Léger détient une influence importante au Vatican.

 

Par contre, certains évêques, comme Mgr Desmarais, évêque d’Amos, sont très près du pouvoir, s’en faisant même à l’occasion les propagandistes. Pour d’autres prélats que Duplessis trouve peu influents, il est parfois mesquin les faisant volontiers attendre dans son antichambre. Duplessis est partisan de l’autorité et en l’Église qui l’exerce. Au Québec, le catholicisme est puissant et absolu. Le premier ministre accepte volontiers le rôle de l’Église dans l’éducation et les soins hospitaliers. Ainsi, celle-ci joue un rôle majeur dans la structure sociale du Québec en assurant la survivance de la langue française et de la religion catholique. Pour le gouvernement de l’Union nationale, le rôle important joué par l’Église dans la société québécoise lui permet d’économiser, les communautés religieuses devant se contenter de sommes dérisoires pour leurs oeuvres.

 

Dans un cas bien connu, Duplessis fait jouer son influence à Rome pour se débarrasser de Mgr Charbonneau évêque de Montréal. Celui-ci ose soutenir les mineurs d’Asbestos en grève. Plusieurs évêques appuient Duplessis dans la lutte qui s’amorce contre Mgr Charbonneau. En février 1949, la grève est déclarée à Asbestos par 2000 ouvriers. Comme les ouvriers refusent l’arbitrage tel que stipulé par la loi, Duplessis déclare la grève illégale et envoie un contingent de policiers provinciaux pour rétablir l’ordre. En avril, la violence éclate, des policiers et des grévistes sont blessés. La loi de l’Émeute est lue et plus de cent personnes sont arrêtées. Pour plusieurs, cette grève est vue comme une des premières manifestations du mouvement de libération des Québécois envers un système politique sclérosé qui a fait son temps. Mgr Charbonneau, dans un discours percutant, dénonce du haut de la chaire «un complot pour détruire la classe ouvrière». De plus, il organise une quête spéciale pour venir en aide aux grévistes. Devant ces faits, Duplessis et même plusieurs évêques du Québec sont offusqués. Mgr Courchesne, évêque de Rimouski, est chargé par Duplessis de coordonner les efforts pour se débarrasser de l’évêque de Montréal. Duplessis fournit même des fonds pour que l’opération donne des résultats positifs.

 

Toujours est-il qu’en février 1950, Mgr Charbonneau démissionne et est envoyé en exil à Victoria en Colombie-Britannique, où il agira comme simple aumônier dans un couvent. Mgr Paul-Émile Léger, intime de Pie XII, est nommé nouvel évêque de Montréal.

 

Les évêques du Québec apprennent ainsi que Duplessis n’abdiquera jamais ses prérogatives temporelles au profit de la hiérarchie cléricale. Les rapports entre le cardinal Léger et Duplessis sont plutôt tièdes et chacun garde ses distances.

 

Ainsi, Duplessis prend bien garde de transformer les grandes cérémonies comme les dévoilements de monuments, inaugurations d’hôpitaux et autres cérémonies où les deux se trouvent réunis, en assemblées électorales. La majorité des membres du haut clergé préfèrent Duplessis parce qu’il se proclame ouvertement catholique et laisse à l’Église toute la place qu’elle désire dans la société québécoise. En somme, il existe une alliance entre les deux puissances de l’Église et de l’État, mais jamais l’État ne se soumet au dictat de l’Église sous Duplessis.

 

Duplessis et le développement économique

 

Après la guerre, le Québec est développé à tous les points de vue. Duplessis compte sur l’Église pour s’occuper de l’éducation et des affaires sociales avec une intervention minimale de l’État. De même, le gouvernement de l’Union nationale se fie sur les capitaux étrangers pour industrialiser le Québec, toujours avec une intervention minimaliste de l’État. Il n’est donc pas question du «maître chez nous» que la Révolution tranquille apporte la décennie suivante. Ainsi, Duplessis renonce rapidement à faire l’acquisition des compagnies de pouvoir hydroélectrique à cause des lourds emprunts qui seraient nécessaires. C’est le développement de la Côte Nord avec ses mines de fer qui est le principal domaine où Duplessis avec les capitaux étrangers veut développer le Québec. Durant les années 50, son gouvernement est accusé maintes fois d’avoir vendu la Côte-Nord aux exploiteurs étrangers. Le gouvernement Duplessis en profite directement par le patronage et l’enrichissement de sa caisse électorale.

 

Duplessis et la société québécoise

 

Toute sa vie Duplessis fait de grands efforts pour laisser croire qu’il n’a pas lu un seul livre et qu’il n’a aucun intérêt pour la culture. Pourtant il se passionne pour la lecture, notamment pour les biographies. Il aime également beaucoup la peinture dont il est un collectionneur reconnu par ses pairs.

 

Il fait graduellement perdre de l’importance à la fonction de lieutenant-gouverneur pour prendre une place de plus en plus grande dans les cérémonies officielles où le drapeau du Québec a toujours la place d’honneur. En général, les Québécois se retrouvent en lui durant les années cinquante. Il est souvent magnanime envers d’anciens adversaires. C’est ainsi qu’il sauve la ferme expérimentale de Godbout d’une banqueroute certaine. Par contre, il n’a pas une très grande estime pour Jean Lesage, le nouveau chef du Parti libéral dont l’allure hautaine et le style ampoulé sont tout à fait contraires à l’image que Duplessis aime se donner.

 

Duplessis croit profondément en deux choses: L’Église catholique et le Québec. Il a une haute idée sur la mission des Canadiens français. Sa mort va permettre l’éclosion d’une véritable révolution qui est déjà en marche durant les dernières années de son long règne. C’est l’Église qui la première subira les conséquences de cette révolution. Duplessis parti, l’Église qui détenait depuis près de quatre siècles un rôle prépondérant en éducation et dans les hôpitaux doit céder la place à la laïcité.

 

Duplessis meurt subitement à Schefferville le 7 septembre 1959 pendant un voyage avec des hommes d’affaires. L’heure est maintenant aux changements.

 

On retiendra de Duplessis qu'il était doué d'une intelligence exceptionnelle et d'une très grande mémoire. Il prend bien soin de son image d'homme du peuple autant dans son langage que dans son habillement. Il appuie sa politique sur les valeurs traditionnelles qui ont cours dans le monde rural.

 

Il pratique une politique ouvrière répressive. De plus, il a une vision minimaliste de l'État. Il gère la province de façon économique en s'appuyant pour les systèmes d'éducation, de la santé et des services sociaux largement sur les communautés religieuses qui étaient sous-payées. Il pratique un nationalisme traditionnel même si cela mettait parfois en péril le développement du Québec.

 

On a qualifié pendant plusieurs décennies où il a été en poste de « grande noirceur ». Plus récemment on commence à porter un jugement plus nuancé. C'est ainsi qu'on reconnaît que sa défense des pouvoirs provinciaux de taxation et son refus de transférer au fédéral sa compétence dans le domaine des pensions ont sauvegardé la capacité d'action du Québec pour le futur.

 

Cardinal Paul-Émile Léger (1904-1991)

 

 

Paul Émile Léger est né le 25 avril 1904. Il est le fils d’Ernest Léger et d’Alda Masson. Ses parents s’installent d’abord en banlieue de Valleyfield. À l’invitation de son oncle qui possède un magasin général à Saint-Anicet, il s’y établit et travaille comme commis dans le magasin.

 

Lorsque l’oncle prend sa retraite, Ernest achète le magasin général en juin 1913. Le magasin est le centre du village et Paul-Émile y voit défiler tous les paysans du coin. L’enfant est maladif et souffre de l’asthme durant la saison hivernale. Malgré tout, il participe activement au fonctionnement du commerce.

 

Il fait ses études classiques au séminaire de Sainte-Thérèse de 1916 à 1925 avec quatre années d’interruption pour cause de maladie. Ses parents vendent leur commerce et vont finalement s’installer à Lancaster, en Ontario, pour y ouvrir un nouveau commerce.

 

Après quelques années, ses parents reviennent au Québec, plus précisément à Saint-Polycarpe, pour y ouvrir un autre magasin général. Il passe quelques mois au noviciat des Jésuites qui le jugent trop émotif. En novembre 1925, il va au Grand Séminaire de Montréal.

 

Il est ordonné prêtre le 25 mai 1929 et entre chez les Sulpiciens. Il fait son noviciat à Issy-les-Moulineaux près de Paris en 1929. Il étudie ensuite le droit canonique à l’Institut catholique de Paris. En septembre 1933, il est de retour au Canada. Peu après, il est envoyé au Japon pour y fonder un séminaire. Il apprend rapidement la langue et fait également du ministère paroissial.

 

Sa mission au Japon s’avère difficile à plusieurs points de vue. En effet, il reçoit peu d’aide du Canada. De plus, il est parfois découragé devant ce peuple qui se montre peu réceptif aux enseignements chrétiens. En 1935, il revient au Canada à la recherche de financement. Il ne peut compter sur l’appui financier des Sulpiciens qui sont en faillite. Mais son retour au Japon sera de courte durée. En avril 1939, il quitte le Japon quatre mois avant le début de la Deuxième Guerre mondiale.

 

En 1940, il laisse provisoirement les Sulpiciens pour devenir vicaire général du diocèse de Valleyfield. En 1942, il est nommé prélat domestique. Il y fait sa marque et se fait connaître comme un orateur de premier plan. En 1941, des rumeurs circulent sur sa prochaine nomination comme évêque auxiliaire de Montréal. Malheureusement pour lui, cette nomination lui échappe. En 1947, il est nommé recteur du Collège canadien à Rome.

 

Il voue une admiration sans borne à Pie XII. Il devient un proche du Pape, ce qui lui ouvre toutes les portes de Rome. Mgr Léger accompagne tous les évêques en visite à Rome lors de leurs rencontres avec le Pape. C’est ainsi que Paul-Émile Léger se trouve malgré lui mêlé à l’affaire Charbonneau. Mgr Courchesne, évêque de Rimouski, fait campagne pendant quelques années au nom de plusieurs évêques du Québec contre Mgr Charbonneau. Les idées de gauche de ce dernier sont loin de plaire à certains évêques ainsi qu’au premier ministre de l’époque, Maurice Duplessis. En janvier 1950, Mgr Charbonneau est invité à démissionner comme évêque de Montréal. Dès lors, la machine vaticane se met en marche pour lui trouver un successeur et la rumeur le désigne déjà prochain évêque de Montréal. Paul-Émile est finalement nommé évêque de Montréal le 25 mars 1950 et sacré évêque en la basilique Sainte-Marie-des-Anges, le 26 avril de la même année.

 

La tâche qui l’attend est très lourde. Il doit assumer tous les évènements qui se sont succédé à la suite de la démission de Mgr Charbonneau. Tourner la page ne sera pas facile. Lors de l’intronisation officielle du nouvel évêque, le premier ministre du Québec se fait représenter. Déjà le courant passe difficilement entre les deux hommes. Maurice Duplessis se vantait du fait que les évêques «mangeaient dans sa main». Hors, Mgr Léger tient une conduite très différente. Il veut tenir une distance entre lui et le premier ministre, évitant ainsi de mêler le spirituel avec la politique.

 

Il remporte un grand succès avec sa croisade du chapelet qu’il récite à la radio de CKAC tous les soirs. Il pratique une politique d’ouverture envers ses fidèles. Il se lance dans de grandes corvées pour construire des lieux de résidence pour les plus démunis. Mgr Léger constate que la ferveur religieuse s’affadit et que par conséquent il en est de même pour l’influence du clergé.

 

En 1952, il ordonne dix-neuf nouveaux prêtres alors qu’il en aurait besoin d’une cinquantaine. Extérieurement, il s’exprime avec une grandiloquence d’une époque révolue.

 

Mgr Léger est en voyage à Rome. Au moment de son départ, il apprend qu’il est élevé à la pourpre cardinalice. Il reçoit la barrette au consistoire du 12 janvier 1952. Une nouvelle page apparaît dans la vie de Paul-Émile Léger. Ce sera en premier lieu la vie glorieuse. Sa nomination comme cardinal lui donne une importance nouvelle dans la société québécoise. Le retour du cardinal se fait dans l’apothéose.

 

 Au Concile Vatican II qui a lieu de 1962 à 1965, le cardinal joue un rôle déterminant. Il y supporte la liberté de religion, le contrôle des naissances et le rôle des laïcs dans l’Église.

 

L’après concile se révèle difficile. La société québécoise est en profonde mutation et l’Église en perte de vitesse. Le cardinal, qui avait jusqu’alors joué un rôle de premier plan au Québec, ne s’y retrouve plus. Il cherche alors une nouvelle voie.

 

À la surprise générale, il démissionne de son poste le 9 novembre 1967. Il se tourne dès lors vers l’Afrique qui deviendra sa nouvelle mission. En décembre 1968, il se rend au Sénégal et au Dahomey afin de visiter les centres de lutte contre la lèpre. À Étang-Ébé, au Cameroun,  il met sur pied plusieurs projets pour venir en aide aux handicapés. Le Prince de l’Église s’adresse volontiers au Président de la république pour obtenir des routes fonctionnelles. Il dépense beaucoup d’argent en se disant qu’il pourra toujours trouver de nouveaux fonds au Canada. Il revient au Canada d'octobre 1969 à janvier 1970 pour recueillir des fonds. Sa mauvaise gestion et sa générosité souvent incontrôlée lui occasionnent des gros problèmes financiers. Le 15 janvier 1972, il inaugure officiellement son Centre de rééducation des handicapés. Cependant, il est souvent dépressif et neurasthénique. De plus, il apprend que son principal bailleur de fond, Fame Pereo, a les caisses vides. Le Cardinal a plus d’un million de dettes. C’est l’abîme. Le Cardinal aspire alors à de nouvelles fonctions possiblement à Rome où sa réputation semble plutôt négative.

 

Il revient finalement au Canada en 1973 où il se retire au couvent des Sœurs de Sainte-Anne. Il est par la suite nommé curé de la paroisse Sainte-Madeleine-Sophie-Barat de Montréal, en décembre 1974, mais démissionne après quelques mois. Il retourne en Afrique, en 1976, où il devient brièvement aumônier d’une communauté religieuse féminine. Il se retire officiellement en 1979.

 

Il continue cependant ses œuvres caritatives en visitant les camps de réfugiés au Laos au Cambodge, Vietnam et Thaïlande en 1980-1981.

 

À l’automne 1980, il se rend à Calcutta voir Mère Teresa. Le cardinal constate les ratés de l’aide internationale «l’argent sert souvent à payer des salaires élevés aux fonctionnaires avec limousine et chauffeur». En froid avec Mgr Grégoire, évêque de Montréal, il quitte l’évêché pour se réfugier à nouveau chez les sœurs de Sainte-Anne à Lachine. Il se sent terriblement seul.

 

Durant les dernières années de sa vie de retraité, il devient un nouvel homme : serein et en paix avec lui-même. Fini, la grandiose éloquence et l’amour du faste. Il apparaît comme un homme simple et aimé des Québécois. Il continue à promouvoir ses œuvres et devient un habitué de plusieurs talk show où il se montre un habile communicateur.

 

Il consacre les dernières années de sa vie à développer ses œuvres qui deviennent les oeuvres du Cardinal. Il favorise le partenariat avec les pays sous-développés. La fin des années 80 marque le début de l'épilogue de l’implication active du cardinal. Il se déplace seulement qu’en chaise roulante. Il s’installe finalement au vieux séminaire des Sulpiciens. Il ne porte plus ses habits de cardinal que lorsqu’il visite les résidences d’aînés.

 

Pour Mgr Turcotte, nouvel évêque de Montréal, la démission du Cardinal Léger en 1967 s’explique par les changements dans l’Église et la société québécoise. Le Cardinal ne se sentait plus comme l’homme de la situation.

 

Il décède à Montréal le 13 novembre 1991.

 

De son passage comme évêque de Montréal, on doit reconnaître qu’il a été un homme de conciliation. Il a participé à sécularisation de l’éducation et des hôpitaux au Québec où les communautés religieuses étaient omni présentes.

 

Il a laissé une œuvre durable qui vient en aide aux tiers-monde. À l’image d’un Québec qui évoluait, il a réussi a changé sa personnalité d’un homme grandiloquent en celui d’un homme humble et près des siens. C’est peut-être là sa plus belle réussite personnelle.

 

 

Jean-Paul Lemieux (1904-1990)

 

 

Né le 18 novembre 1904 à Québec. Sa famille vient d’un milieu aisé. C’est ainsi qu’il passe ses étés à la Kent House près des chutes Montmorency où il rencontre le peintre paysagiste américain Charles Parnell. Il se met au dessin très tôt. Après un court séjour aux États-Unis, sa famille s’installe à Montréal. Il étudie d'abord au Mont-Saint-Louis. Puis, en 1926, après avoir fréquenté pendant quelque temps l’atelier de Marc-Aurèle de Foy Suzor-Côté, il entre à l’École des beaux-Arts de Montréal. En 1929, il s’installe pendant quelque temps en Europe avec sa mère.

 

En 1930, il fonde une entreprise d’art commercial qui ferme ses portes au bout de six mois. La même année, Lemieux voyage aux États-Unis où il visite plusieurs musées. L’année suivante, il s’inscrit à nouveau à l’École des beaux-arts de Montréal où il obtient son diplôme en 1934. Il devient alors professeur à l’École du meuble que dirige Jean-Marc Gaudreau. En 1937, il entre à l’École des beaux-arts de Québec où il enseigne jusqu’en 1965.

 

La même année il épouse Madeleine Desrosiers qui est également peintre. En 1938, il expose conjointement avec son épouse à la galerie Morency de Québec. Au cours des quinze années suivantes, il continue à peaufiner son style. Durant l’été, il fait des séjours dans Charlevoix. Entre 1940 et 1949, il peint assez peu.

 

Les années 50 marquent une relance de sa carrière. En 1953, il remporte le Grand Prix de peinture au Concours artistique de la Province de Québec avec Les Ursulines et il devient membre associé de l’Académie royale canadienne des beaux-arts. Ses œuvres sont de plus en plus dépouillées, ce qui va caractériser son art dans les années suivantes. Sa renommée grandit et il participe à de multiples expositions solos ou collectives.

 

Dans les années 1960, il remporte plusieurs honneurs. En effet, il devient membre en titre de l’Académie des beaux-arts du Canada. L’année suivante, il est fait Compagnon de l’Ordre du Canada et reçoit plusieurs doctorats honoris causa. Divers documents biographiques lui sont consacrés dont un film documentaire Tel que Lemieux de Guy Robert.

 

Il remplit plusieurs commandes dont le portrait contesté d’Élizabeth II. Il participe également à l’illustration de quelques romans dont Maria Chapdelaine de Louis Hémon et La petite poule d’eau de Gabrielle Roy. Entre 1960 et 1975, Lemieux peint plus de 400 tableaux.

 

Sa dernière exposition solo, Horizons et figures a lieu en 1987 à la Villa Bagatelle à Sillery, Québec. Il décède, le 7 décembre 1990, à l’Île-aux-Coudres où il avait élu domicile.

 

Lemieux dans sa période primitive est influencé par le Groupe des Sept, peintres paysagistes canadiens, pour se distancer graduellement du figuratif. Dans les années cinquante, ses paysages sont de plus en plus épurés et réduits à quelques éléments visuels. Ses tableaux deviennent linéaires pour évoquer l’atmosphère du sujet qu’il veut illustrer.

 

Lemieux se libère de la peinture traditionnelle canadienne pour trouver sa propre identité tout en demeurant à sa manière figurative. Il s’interroge sur la précarité de la vie humaine. Ses personnages sont isolés et dans l’attente de quelque chose qui va briser leur solitude. Lemieux, malgré son style particulier, demeure profondément enraciné à ses origines.

 

La valeur des peintures de Lemieux n’a pas cessé de grandir. En novembre 2001, l’un de ses chefs-d’œuvre, 1910 Remembered, a trouvé preneur pour la somme de 2 millions$, établissant un record pour une peinture canadienne, dépassant ainsi le record précédent de 1, 6 million$ établi par Riopelle pour son oeuvre Il était une fois une ville. On voit ainsi l’importance des peintres québécois dans la société canadienne.

 

 

Armand Bombardier (1907-1964)

 

 

Armand Bombardier est né, le 16 avril 1907, à Valcourt dans une grande famille. Dès son enfance, il s'intéresse au fonctionnement des appareils mécaniques. C'est ainsi qu'à l'âge de 13 ans, il fabrique un jouet mue par un mécanisme d'horlogerie: un modèle réduit de locomotive. Il aime remonter et défaire des moteurs.

 

À l'âge de 14 ans, son père l'envoie poursuivre ses études au Séminaire de Sherbrooke. En effet, celui-ci souhaite que son fils se dirige vers la prêtrise. Cependant, à l'âge de 15 ans, de retour chez lui pour les vacances de Noël, il construit un premier véhicule pouvant se mouvoir sur la neige. À 17 ans, il quitte le séminaire et va faire son apprentissage dans un garage.

 

À 19 ans, il ouvre un garage à Valcourt. Durant l'hiver, il développe un véhicule capable de circuler sur la neige car le gouvernement du Québec ne déneige pas les routes rurales. En 1933, il invente un moteur plus léger. L'année suivante il perd un enfant durant une tempête hivernale où tous les déplacements deviennent impossibles. Ce qui le fait redoubler d'effort pour vaincre enfin la saison froide.

En 1935, il invente un système de traction barbotin-chenille qui est breveté en décembre 1936. Durant l'hiver 1936-37, il vend ses premières autoneiges nommées B7. Le succès est instantané. En 1941, Bombardier met au point une nouvelle autoneige, le B12, d'une capacité de 12 places.

Cependant, l'entrée en guerre du Canada va freiner momentanément le développement de la compagnie. Le gouvernement lui confie le mandat de mettre au point une autoneige militaire pour le transport des troupes en zone  enneigée. Pour répondre à cette demande, il doit s'installer dans des locaux plus vastes à Montréal. De 1942 à 1946, plus de 1900 véhicules pour des fins militaires seront ainsi produits. Le 10 juillet 1942, la société Autoneige Bombardier Limitée est constituée.

 

Après la guerre, l'autoneige B12 connaît un bon succès. Puis c'est le C-18 qui peut accueillir 18 passagers qui est lancé sur le marché. Cependant, en 1948, le gouvernement du Québec décide de déneiger les routes. Bombardier perd ainsi la plupart de ses clients et doit diversifier sa production en fabriquant des véhicules tout terrain.

Dans les années 1950, la compagnie décide de produire elle-même ses chenilles, ce qui rend possible la production de petites motoneiges pour une ou deux personnes.

Les années 50 marquent une période faste pour Bombardier avec l'invention d'une nouvelle motoneige commercialisée sous le nom de Ski-Doo. La petite machine remporte un vif succès auprès des sportifs et des amateurs de randonnées.

Mais Joseph Bombardier ne verra pas l'essor fantastique de cette motoneige. En effet, il décède prématurément à l'âge de 56 ans, le 18 février 1964. Il aura marqué de façon indéniable l'industrie québécoise.

 

Gabrielle Roy (1909-1983)

 

 

Gabrielle Roy est née à Saint-Boniface au Manitoba. Elle est une élève brillante de l'Académie Saint-Joseph. Elle poursuit ses études au Winnipeg Normal Institute pour devenir enseignante. De 1928 à 1937, elle enseigne dans plusieurs villages du Manitoba, puis finalement à l'Académie Provencher. Durant cette période, elle fait du théâtre avec la troupe du Cercle Molière. En 1937, elle part pour l'Europe pour étudier l'art lyrique d'abord à Londres puis à Paris.

 

C'est au cours de cette période qu'elle découvre sa véritable vocation: l'écriture. Elle rédige quelques articles pour un hebdomadaire français. À cause de la guerre, elle doit rentrer au Canada en 1939 et elle s'établit à Montréal. Elle gagne sa vie comme auteur à la pige. C'est à ce moment qu'elle fait la rencontre de René Soulard, rédacteur en chef du Bulletin des agriculteurs. Pendant cinq ans, elle va collaborer à ce magazine montréalais. C'est ainsi qu'elle va parcourir la province puis l'Ouest canadien. Elle va y perfectionner son art et débuter son parcours littéraire. Durant ce temps, elle écrit son premier roman Bonheur d'occasion. Dans ce roman, elle fait un portrait réaliste de la vie des habitants de Saint-Henri, quartier ouvrier de Montréal. Ce premier roman lui vaut plusieurs prix et une reconnaissance universelle. Dans un premier temps, elle reçoit le Prix du Gouverneur général du Canada et en 1947 le prestigieux prix Femina en France. La traduction anglaise The Tin Flute connaît un énorme succès en Amérique du Nord. Le roman est choisi « book of the month » par la Literary Guild of America et les droits d'adaptation cinématographique en sont acquis par Hollywood.

 

 

En 1947, elle épouse Marcel Cabotte, un médecin de Saint-Boniface. Le couple part pour l'Europe où Marcel va étudier la gynécologie pendant que Gabrielle poursuit son travail d'écrivain.

 

Ils sont de retour au pays en 1950. Deux ans plus tard le couple déménage à Québec et devient propriétaire d'un chalet à la Petite-Rivière-Saint-François. C'est là que Gabrielle passe ses étés et rédige plusieurs de ses romans dont la majorité est traduite. Dans les années 1970 elle publie plusieurs livres dont La Rivière sans repos(1970), Cet été qui chantait (1972), Un jardin au bout du monde (1975) et Ces enfants de ma vie ( 1977). Ce dernier connaîtra un énorme succès et remettra son œuvre au goût du jour. La Détresse et l'Enchantement, son autobiographie, sera publiée à titre posthume en 1984.

 

Gabrielle Roy meurt le 13 juillet 1983 à Québec à l'âge de 74 ans. Elle est considérée comme l'une des plus importantes figures de la littérature canadienne du 20e siècle et reconnue dans le monde entier. Elle a porté le roman à un très haut niveau. Elle décrit la vie avec toute « sa détresse » et son « enchantement ».

 

Elle a reçu de nombreux prix littéraire dont le prix Femina, et à trois reprises, le Prix du Gouverneur-général. En 1967, elle reçoit le titre de Compagnon de l'Ordre du Canada. De plus, elle obtient à deux rerpises le Prix Athanase-David, le Prix Duvernay et le Prix Molson. Elle demeure l'une des figures marquantes de la littérature canadienne, voir universelle.

 

 

Jean Lesage (1912-1980)

 

                            

 

Jean Lesage est né à Montréal le 10 juin 1912. Il fait ses études au séminaire de Québec et en droit à l’université Laval. Il est admis au barreau le 10 juillet 1934. Il est d’abord élu député libéral à la Chambre des communes dans le comté de Montmagny-L’Islet, en 1945. En 1953, il est nommé ministre des Ressources naturelles et du Développement économique dans le cabinet de Louis Saint-Laurent. Par la suite, il devient ministre du Nord canadien jusqu’en1957, au moment de la défaite du Parti libéral.

 

En 1958, Jean Lesage, appuyé par plusieurs amis libéraux fédéraux, songe à se présenter comme chef du Parti libéral. Paul-Émile Lapalme, alors chef du parti, a de la difficulté à affirmer son autorité. Mais Lesage sait pertinemment qu’il ne pourra être élu que si Lapalme se retire ou, encore mieux, l’appuie. Après plusieurs hésitations et voyant que le vent ne lui est plus favorable, Lapalme fait savoir à Lesage qu’il va finalement le soutenir. L’aspect financier restait à être finalisé.

 

Après consultations avec des financiers de Montréal, on promet à Lesage une somme de 25 000$ par année en attendant son élection à l’Assemblée législative. Après une brève campagne où il doit affronter Gérin-Lajoie, Jean Lesage est facilement élu chef du Parti libéral du Québec.

 

Immédiatement, Lesage forme un comité des finances et limite les pouvoirs du trésorier. C’est avec le scandale du gaz naturel qui éclabousse l’Union nationale que le nouveau chef du Parti libéral peut espérer une victoire aux prochaines élections. Avec la mort subite de Duplessis et l’arrivée au pouvoir de Paul Sauvé, Lesage voit les chances d’une victoire libérale diminuée dangereusement. Cependant, le sort devait en décider autrement. Paul Sauvé décède à son tour subitement, après à peine cent jours au pouvoir.

 

Lesage reprend l’offensive avec son slogan «C’est le temps que ça change ». Les sondages sont toutefois peu encourageants pour son parti. Il faut donc trouver un élément qui pourrait permettre une victoire libérale. Étrangement, c’est Paul-Émile Lapalme qui va se démarquer davantage comme auteur du programme libéral. Après quelques changements mineurs, Lesage l’approuve. Ce nouveau programme propose la création de nouveaux ministères dont un ministère des Affaires culturelles. On veut également mettre fin au patronage. L’Union nationale, maintenant dirigée par Antonio Barette, ne propose aucun programme précis. Le Parti libéral compte sur une équipe forte dont une toute nouvelle recrue : René Lévesque. Rapidement, ce dernier devient la plus grande «vedette» du groupe.

                                                         

Le Parti libéral est élu en 1960, remportant 51 sièges sur 95 et 51% du vote populaire. Jean Lesage devient le nouveau premier ministre du Québec avec ce que l'on surnommera l'équipe du tonnerre. C’est alors que commence une période clé de l’histoire du Québec. Il est intéressant d’analyser quelques aspects du renouveau dans la société québécoise.

 

L’Église dépouillée de ses pouvoirs

 

Le changement le plus drastique se produit avec la dépossession des pouvoirs de l’Église dans la société québécoise. C’est un tournant majeur dans l’évolution de cette collectivité. Alors que dans bien des pays, l’avènement de la société laïque a donné lieu à des tensions sociales très fortes voir à des conflits armés, ici rien de tout cela. L’Église s’est retirée sans faire de vagues. Il faut préciser que cette époque coïncide avec une remise en question du rôle de l’Église à l’échelle mondiale à cause du concile Vatican II. Désormais, les francophones s’affirment comme Québécois. L’Église devient étrangère au nouveau projet de société que les Québécois élaborent dans l’euphorie.

 

C’est pourtant un membre influent de l’Église, Mgr Alphonse-Marie Parent, recteur de l’université Laval, qui est nommé président de la commission d’enquête qui va proposer la réforme de l’éducation. Les évêques constatent qu’après avoir dominé pendant trois siècles les principales institutions de la société, l’évolution du Québec peut se faire sans l’Église. Celle-ci, à la consternation de beaucoup de catholiques, n’a plus le leadersphip moral des siècles passés. On assiste à la chute de la pratique religieuse qui passe rapidement de 60% à 30% pour se situer quelques années plus tard autour de 10%.

 

La débandade est aussi importante dans le clergé. Des centaines de prêtres, de religieux et religieuses demandent la laïcisation. À ce problème déjà crucial se rajoute celui du recrutement. C’est ainsi que les communautés religieuses peuvent très difficilement trouver de nouvelles vocations.

Le vieillissement des effectifs religieux et l’absence de nouvelles recrues vont précipiter la fin de l’influence du clergé et le réalignement de son rôle dans la société. La voix des évêques se fait de plus en plus discrète. Le rôle de l’école par rapport à la formation religieuse change avec la laïcisation du monde scolaire. En somme, la société québécoise s’est coupée de la racine qui a assuré sa survie pendant quelques siècles. Ce sont maintenant des valeurs nouvelles qui prennent la place graduellement. C’est l’État qui assure la survivance de la collectivité autant dans les domaines sociaux qu’économiques.

 

L’État et la réforme de la fonction publique

 

Un des premiers gestes importants du nouveau gouvernement est de rétablir la Commission de la fonction publique. En 1960, il n’y a ni concours publics ni de critères sérieux pour l’embauche des fonctionnaires. La nouvelle commission s’attache à la tâche du classement des postes de la fonction publique et l’organisation de concours publics.

 

Il faut alors s’attaquer à l’embauche d’un personnel mieux qualifié. Les principales sources de recrutement demeurent alors les facultés de sciences sociales de l’Université Laval et de l’Université de Montréal. Des personnes compétentes sont recrutées, telles Josaphat Brunet de la GRC, nommé directeur de la Police provinciale, et de l’historien Guy Frégault, nommé sous-ministre des Affaires culturelles.

 

L’État doit faire face à un autre grave problème. En effet, comme les conditions de travail de la fonction publique sont à ce moment fixées par le cabinet des ministres, les syndicats exigent des changements importants. Dès 1960, la CSN demande la syndicalisation de la fonction publique. Lesage refuse net et rappelle le principe britannique : la reine ne négocie pas avec ses sujets. Le débat s’élargit et René Lévesque donne son appui à la syndicalisation de la fonction publique. En mai 1964, le débat approche de son dénouement.

 

Dans un premier temps, le droit de grève est enfin accordé aux employés des hôpitaux, des écoles publiques et autres services parapublics, mais toujours refusé aux fonctionnaires. Ce n’est qu’en août 1966, que l’ensemble de la fonction publique obtient le droit d’association. Les effectifs de la CSN passent de 94,114 membres à 200,436. Le patronage est mis à l’index. Les conditions de travail et les salaires devenant meilleurs, le recrutement d’une fonction publique plus professionnelle se met en place. Le gouvernement Lesage a jeté les bases d’un État moderne. L’État voit ainsi son rôle s’accentuer dans l’affirmation du peuple québécois.

 

La réforme de l’éducation

 

Pour Jean Lesage et le Parti libéral, l’éducation demeure la principale préoccupation. Ainsi dans son programme de 1960, le Parti libéral s’engage à fournir l’enseignement gratuitement à tous les niveaux, l’université comprise. L’âge de la fréquentation scolaire obligatoire sera porté de 14 à 16 ans. De plus, le gouvernement absorberait les dettes des commissions scolaires. Mais il n’est pas encore question d’un véritable ministère de l’Éducation. Historiquement, l’éducation a toujours été l’affaire de l’Église.

 

Depuis 1867, l’éducation est sous l’autorité d’un Conseil de l’Instruction publique. En 1875, le gouvernement de Charles Boucher de Boucherville permet aux évêques de siéger au Conseil renforçant ainsi la mainmise de l’Église sur l’éducation. Il y a bien eu un ministère de l’Instruction publique, mais il n’agit que sur les ordres du Conseil de l’Instruction publique.

 

Aucun gouvernement n’ose contester l’autorité de l’Église en ce domaine. Il faudra attendre le gouvernement libéral de Godbout dans les années 40 pour qu’une législation impose la fréquentation scolaire obligatoire. Le gouvernement Duplessis prit position en faveur de l’autorité de l’Église en cette matière. Les subventions accordées aux commissions scolaires et aux collèges privés furent intégrées aux pratiques du patronage. À la fin du régime de Duplessis, le nombre de Canadiens français qui fréquentent l’école pendant onze ans est inférieur de la moitié de celui des anglophones du Québec.

 

C’est à Paul Gérin-Lajoie que l’on doit la grande réforme scolaire. Arthur Tremblay, l’une des vedettes montantes dans le monde de l’éducation, propose la création d’un ministère de l’Éducation. Il est d’ailleurs nommé conseiller spécial du nouveau ministre de la Jeunesse de qui relevait l’éducation dans le gouvernement du Québec. Le cardinal Léger, plus ouvert aux réformes que d’autres évêques, conseille fortement à Gérin-Lajoie de prendre l’initiative de la réforme.

 

Le geste le plus important du ministre est la création de la Commission royale d’enquête sur l’éducation sous la présidence de Mgr Alphonse-Marie Parent, recteur de l’Université Laval. Outre Mgr Parent, la commission comprend sept membres tous des personnalités reliées au monde de l’éducation. La plus importante question que doit étudier la commission est la création d’un ministère de l’Éducation. Un débat très vif s'engage. Jean Lesage, dans la tourmente, promet dans une allocution demeurée célèbre qu’il n’y aura jamais de ministère de l’Éducation tant qu’il sera premier ministre. Le Conseil de l’Instruction publique, sentant son existence en péril, propose même l’élargissement de l’autorité du Conseil de manière à ce qu’elle s’étende à toutes les formes de l’éducation.

En plus de recevoir des mémoires, la Commission voyage beaucoup à l’étranger examinant les différents types de régimes scolaires. La Commission se rend compte rapidement qu’il est impossible de conserver un régime scolaire confessionnel.

 

En avril 1963, la Commission présente un premier volume où elle recommande la création d’un ministère de l’Éducation. Face à un tel avis, le gouvernement se sent coincé. En effet, Jean Lesage ne veut pas indisposer la hiérarchie de l’Église. Le projet de loi est présenté à Mgr Roy, archevêque de Québec. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’Église reçoit froidement cette réforme majeure. En juin, le gouvernement présente la loi 60 que l’on veut faire voter avant la fin de la session. Cependant, Jean Lesage décide d’ajourner le débat et demande à Gérin-Lajoie de partir en mission à travers le Québec pour vendre son projet auprès de la population. La loi est finalement votée et entre en vigueur le 13 mai 1964. En septembre, le gouvernement met en branle l’opération 55 pour la création de 55 commissions scolaires d’enseignement secondaire. La réforme se poursuit à une vitesse vertigineuse.

 

Les polyvalentes se construisent dans tout le Québec. Tout le monde a maintenant la chance de faire un cours secondaire public. «Qui s’instruit, s’enrichit» répète le slogan du Ministère de l’Éducation. Un système d’enseignement postsecondaire permettant l’accès à l’université est suggéré. Il sera connu sous le nom de CÉGEP. Le mouvement est lancé. Ce sera le gouvernement de l’Union nationale de Daniel Johnson qui finira la réforme.

 

La nationalisation de l’électricité

 

L’Hydro-Québec tient une place particulière dans l’histoire du Québec et de son affirmation nationale. Avec la réforme de l’éducation, c’est un des événements les plus importants de cette période exaltante de notre histoire. C’est la concrétisation par excellence du slogan des élections de 1963 qui ont comme enjeu la nationalisation de cette richesse naturelle.

 

Remontons un peu dans le temps pour connaître les principales étapes qui ont créé cette institution nationale. Née, en 1944, d’une loi votée par le gouvernement Godbout, l’autorisation d’exproprier la Montréal Light Heat& Power et créant l’Hydro-Québec se limitait à la région métropolitaine, le reste du territoire étant la propriété de compagnies privées et de quelques coopératives. L’idée de nationaliser l’hydroélectricité n’est pas nouvelle, puisque dans les années 1930, des personnalités comme le Dr Hamel et Paul Gouin avaient lancé une vaste offensive à ce sujet.

 

C’est à René Lévesque que l’on doit l’idée d’une nationalisation des sept compagnies privées qui couvrent l’ensemble du reste du territoire. René Lévesque pose cette nationalisation comme condition de sa candidature aux élections de 1962. Pour lui, les ressources naturelles appartiennent au peuple québécois. Dès le début, il avertit les capitalistes étrangers que le gouvernement entend exploiter les ressources naturelles selon ses priorités. C’est un outil de planification indispensable à une société moderne. De plus, une entreprise publique mettrait fin aux disparités régionales et entraînerait la francisation de ce secteur industriel.

 

Le gouvernement songe à négocier un achat plutôt que de recourir à l’expropriation, plusieurs ministres refusant d’appuyer cette action. René Lévesque doit revenir à la charge en plusieurs occasions, afin de convaincre le conseil des ministres. Il se lance à la conquête de l’opinion publique. À mesure que Lévesque poursuit sa campagne publique, la pression monte. Les compagnies s’opposent vigoureusement à tout projet de nationalisation en menaçant même d’en rendre le financement impossible. René Lévesque et ses conseillers se tournent alors vers les États-Unis pour sonder le terrain et voir s’il serait possible d’emprunter 225 millions.

 

Devant la réponse affirmative des milieux financiers américains, il ne reste qu’à convaincre l’ensemble du Conseil des ministres. À la réunion du Lac à l’Épaule, Jean Lesage accorde finalement son appui au projet et convoque des élections de manière à recevoir l’approbation du peuple. Le slogan «Maître chez nous» devient le principal outil promotionnel des élections générales du 14 novembre 1962. Un vent de victoire souffle tout au cours de la campagne électorale. Aux élections, le vote populaire en faveur des libéraux passe de 51% à 56%. Ces derniers font élire 63 députés, dont tous les membres du cabinet.

 

Après les élections, les évènements se précipitent : La somme totale de la nationalisation s’élève à 604 millions dont la moitié doit être payée comptant. Le premier résultat concret de la nationalisation est la prise en charge par des Canadiens français de la plupart des postes importants autrefois occupés par des anglophones. L’Hydro-Québec est maintenant en mesure de jouer un rôle majeur sur la scène économique du Québec.

 

La survivance culturelle

 

Pour Georges-Émile Lapalme, rédacteur du programme libéral, «C’est par notre culture plus que par notre nombre que nous nous imposerons». En 1960, Jean Lesage considère qu’il est important de créer un ministère des Affaires culturelles. En mai 1961, le gouvernement Lesage présente à l’Assemblée législative le projet de loi créant le nouveau ministère.

Avec la création d’un Office de la langue française qui veillera à sa correction et sa protection, on met en place des instruments qui vont en permettre l’épanouissement. Georges-Émile Lapalme devient le premier titulaire du nouveau ministère. Celui-ci prend en charge les Archives provinciales, le Musée provincial, la Bibliothèque Saint-Sulpice, la Commission des monuments historiques et le Conservatoire de musique et d’art dramatique. L’historien, Guy Frégeault, est choisi comme sous-ministre. L’Office de la langue française prend une importante décision au niveau symbolique en bannissant le mot province de Québec pour le remplacer par État du Québec.

 

Cependant, la principale fonction du ministère demeure la distribution de subventions aux différents organismes culturels. C’est là que les conflits entre Lesage et Lapalme prennent naissance. Ce dernier, dont l’administration n’était pas la qualité première, croit, à tort, qu’une fois le budget de son ministère approuvé il peut en disposer à sa guise. C’est sans compter sur l’étroite surveillance exercée par les représentants de la Trésorerie qui examinent soigneusement tous les achats de son ministère. Il est tellement outré du peu de considération que lui porte Jean Lesage qu’il décide de démissionner en 1964. Pierre Laporte lui succède. Il a plus le sens de l’organisation et défend mieux ses dossiers face à la Trésorerie. Ce ministère va aider fortement à l’affirmation nationale du peuple québécois.

 

L’État devient un levier dans l’affirmation économique du Québec

 

En 1960, au niveau économique on doit d’abord constater selon Jacques Parizeau un vaste sentiment d’impuissance. Premièrement on assiste au vieillissement de nos structures industrielles. Si les forces du marché ne corrigent pas la situation, il faut une intervention d'urgence de l’État. En deuxième lieu, les francophones ne jouent aucun rôle important. Encore une fois, l’État doit devenir le moteur économique qui va permettre aux francophones d’occuper la place qui leur revient. Pour Lesage, le principal agent de la croissance économique doit être le ministère des Ressources naturelles.

 

La Société générale de financement est créée en 1962. Elle a pour mission de contribuer au développement économique du Québec en investissant dans des entreprises québécoises pour établir des partenariats rentables et durables. La SGF doit également permettre aux Canadiens français de devenir graduellement maîtres de l’économie québécoise. Dans ces premières acquisitions, elle achète surtout des entreprises familiales. Parmi celles-ci, on ne peut passer sous silence l’achat de la Marine Industries qui appartient à la famille Simard. Cette entreprise de construction navale est en difficultés financières. En somme, certains achats furent rentables et d’autres beaucoup moins.

 

La Caisse de dépôt et placement créée, en 1965, doit servir de gestionnaire des fonds pour la Régie des rentes du Québec. Après de longues et pénibles négociations avec le gouvernement fédéral, Jean Lesage présente un projet si bien fait que le premier ministre Pearson déclare que le plan du Québec est supérieur à celui du gouvernement fédéral. La Caisse doit faire fructifier l’avoir des déposants tout en favorisant le développement économique du Québec. Les premiers achats de la Caisse sont surtout constitués d’obligations du Québec et d’Hydro-Québec. Les placements de la Caisse servent à financer le développement de Churchill Falls au Labrador. Elle devient rapidement l’investisseur institutionnel le plus important du Canada. D’autres institutions sont fondées au cours des années soixante comme la SIDBEC (Sidérurgie québécoise) et la SOQUEM (Société québécoise d’exploitation minière). Cette époque marque l’affirmation des francophones québécois dans le domaine économique.

 

Les services de santé et le domaine social

 

En 1961, un grand pas est franchi au niveau social au Québec avec l’instauration de l’assurance-hospitalisation. Nouvellement élu, le gouvernement Lesage décide d’agir rapidement dans le dossier de l’assurance-hospitalisation que réclame fortement la société québécoise. Les médecins sont très majoritairement contre cette mesure sociale.

 

Le gouvernement qui paie maintenant l’hospitalisation exige le contrôle sur l’usage des fonds publics et prend conscience de l’incohérence du système existant : duplication de service, mauvaise répartition des établissements, chasse gardée de quelques hôpitaux au profit de quelques médecins, etc.

 

On assiste à des changements radicaux dont en tout premier lieu la syndicalisation des employés d’hôpitaux à la suite d’une longue période d’exploitation. Mais la transformation la plus importante est la laïcisation du personnel. En effet, la majorité de nos hôpitaux étaient la propriété de communautés religieuses. Les effectifs religieux étant en forte baisse et les communautés religieuses habituées de s’autogérer sans contrôle gouvernemental, tout cela incite celles-ci à se retirer du domaine hospitalier. Les religieuses travaillaient pour des salaires très faibles. Leur disparition dans le domaine hospitalier fait grimper les budgets de façon vertigineuse. En 1966, le gouvernement libéral met sur pied la Commission Castonguay qui doit faire des recommandations sur la rémunération des médecins. Ce n’est qu'en 1969, que sera finalement instituée l’assurance-santé, au grand mécontentement des médecins. C’est un pas décisif dans la réorganisation du domaine de la santé au Québec. C’est en définitive une réforme majeure qui accompagne les réformes faites dans d’autres domaines et qui ont contribué à changer profondément la société québécoise.

 

Conclusion

 

Jean Lesage demeure premier ministre jusqu’à la défaite du Parti libéral aux élections de 1966. Il est chef de l’opposition de 1966 à 1970. Suite à sa démission comme chef du Parti libéral, il occupe le poste d’administrateur de plusieurs compagnies. Il décède à Sillery le 12 décembre 1980 à l’âge de 68 ans.

 

Cette période clé dans l’histoire du Québec voit des changements se produire dans tous les domaines du vécu de la société québécoise: réforme du système de l’éducation, assurance-hospitalisation, nouvelle fonction publique, nationalisation du réseau d’électricité, ouverture sur le tiers monde. La société québécoise trouve son identité et se donne des outils pour entrer dans la modernité.

 

Avec la Révolution tranquille, le nationalisme redevient un trait dominant de la politique québécoise. Jean Lesage a le génie de se servir de cette nouvelle force pour l’incorporer dans le champ d’action gouvernemental. Nous avons souligné plus haut les effets tangibles de la Révolution tranquille. Il y a également des effets à plus long terme. Le gouvernement Lévesque prendra le relais autour d’un projet national d’indépendance. Même si le projet de Lévesque ne s'est pas réalisé, il n’en demeure pas moins que la Révolution tranquille marque un pas décisif dans la recherche d’une identité nationale.

 

Félix Leclerc (1914-1988)

 

 

Félix Leclerc est né, le 2 août 1914, à la Tuque province de Québec. Il est le fils de Léo Leclerc et de Fabiola Parrot. Son père est un commerçant. En 1928, il quitte sa famille pour le Juniorat des Pères Oblats à Ottawa. En 1931, il étudie en Lettres à l'Université d'Ottawa. À cause de la crise économique, il quitte l'Université et retourne travailler sur la terre de ses parents.

 

Entre 1934 et 1937 il est animateur de radio à Québec. En 1937, il retourne pour un temps travailler sur la ferme paternelle. En 1939, il fait la rencontre de Guy Mauffette entre à l'emploi de Radio-Canada et compose une de ses plus belles chansons « Notre Sentier ».

 

En 1942, il devient membre de la Compagnie « Les compagnons de Saint-Laurent ». La même année il épouse Andrée Viens avec qui il a un fils, Martin. Entre 1943 et 1946, il publie trois œuvres : Adagio, Allegro et Andante. En 1946, il publie Pieds nus dans l'aube et écrit Le fou de l'Île.

 

En 1950, il fait une rencontre qui sera déterminante dans sa carrière de chansonnier, Jacques Canetti. Ce dernier, un des plus importants impresario de France, lui fait enregistrer à Québec 12 chansons et signer un contrat d'exclusivité de cinq ans. Il fait la conquête de Paris et de toute la France. Il y séjourne deux ans. Il reçoit pour la première fois le grand prix du disque français de l'Académie Charles-Cros.

 

En 1953, retour triomphale au Québec après sa consécration en France. En 1956, sa comédie Sonnez les matines est présentée au Monument National. Deux ans plus tard, il obtient pour une seconde fois le grand prix du disque Charles-Cros. En 1958, parution à Paris d'un livre important dans son œuvre : Le fou de l’Île.

 

En 1962, Félix son père et son fils Martin sont victimes d'un grave accident d'automobile. En 1963, il monte au Gésu L'auberge des morts subites. Deux ans plus tard, il rompt son lien artistique avec Canetti qui l'avait découvert. Les années 1966 et 1967 sont marquées par des tournées en France.

 

En 1968, il divorce et épouse Gaëtane Morin qui lui donnera deux enfants : Nathalie et Francis. En décembre de la même année, il fait l'acquisition d'une terre à l'île d'Orléans. En 1970, il est de retour au Québec et il écrit L'alouette en colère.

 

En 1973, il reçoit pour une troisième fois le grand prix du disque Charles-Cros.

 

L'année suivante marque une étape importante dans sa vie artistique, puisque le 13 août 1974, il participe sur la scène des plaines d'Abraham devant 120 000 spectateurs au spectacle J'ai vu le loup, le renard, le lion avec Gilles Vigneault et Robert Charlebois.

 

En 1975, il chante en France au Théâtre Montparnasse pendant sept semaines à l'occasion de ses 25 ans de vie artistique en France. La même année il reçoit le prix Calixa-Lavallée de la Société Saint-Jean-Baptiste et la médaille Bene Merenti de Patria.

 

En 1978, il sort son dernier disque Mon fils. En 1982, Félix reçoit un doctorat honorifique de l'Université Laval. Le 26 juin 1985 il reçoit les insignes de l'Ordre National du Québec. En 1986, il reçoit les insignes de Chevalier de la Légion d'Honneur.

 

Le 8 août 1988, il meurt chez lui à l'Île d'Orléans. Il est le premier chansonnier du Québec, une voix puissante du nationalisme québécois et un important défenseur de la langue française.

 

 

Jean Drapeau (1916-1999)                                              

 

 

Jean Drapeau est né à Montréal le 18 février 1916. Il était le fils de Joseph-Napoléon Drapeau, courtier d'assurances et conseiller municipale et de Berthe Martineau. En 1937, il obtient une licence en sciences sociales, économiques et politiques de l'Université de Montréal. De 1938 à 1941, il complète sa formation en droit.

En 1942, il commence à affirmer sa personnalité politique. En effet, la crise de la conscription lui permet de faire sa marque dans le mouvement d'opposition qui s'organise. Il se présente dans le comté d'Outremont contre le ministre du gouvernement libéral de King, le major-général L.R. Laflèche. Il participe également au Bloc populaire, parti politique qui lutte contre la conscription.

Pendant quelques années, il pratique comme avocat criminaliste. En 1945, il épouse Marie-Claire Boucher avec qui il aura trois enfants. En 1950, il devient l'adjoint du procureur, Pacifique Plante, dans l'enquête judiciaire sur la police de Montréal présidée par le juge François Caron. Le rapport Caron est publié quelques semaines avant les élections de 1954.

Jean Drapeau se présente à l'élection municipale comme candidat à la mairie sous la bannière de la ligue d'action civique. Il est élu maire de la métropole et se donne comme mandat principal d'épurer le service de la police. Son alter ego, Pierre Desmarais, devient président du conseil exécutif. Ce premier mandat est difficile. Le gouvernement Duplessis appuie le sénateur Sarto Fournier qui est élu maire aux élections de 1958.

En 1960, il fonde le Parti civique. Drapeau et son parti sont élus avec une vaste majorité. Il sera réélu comme maire de Montréal durant les 26 années suivantes.

 

Durant les années 1960, Drapeau réalise de nombreux projets de prestige tels que le métro, la Place des Arts, l'exposition universelle de 1967 et la venue d'un club de baseball, les Expos en 1969. Lors des élections d'octobre 1970, Drapeau profite largement de la crise d'octobre pour discréditer l'opposition et assurer sa réélection.

Les années 1970 sont marquées par la préparation et la tenue des Jeux Olympiques. Le projet mal géré entraîne des dépassements de coûts astronomiques. En fait, la construction du stade aura coûté un milliard de dollars. Après les Jeux Olympiques, sa popularité chute rapidement. Drapeau est critiqué pour son style autoritaire et sa mauvaise administration. Il ne se représente pas aux élections de 1986. En 1987, le premier ministre du Canada le nomme ambassadeur du Canada au siège de l'Unesco à Paris, poste qu'il occupe de 1987 à 1991.

 

Jean Drapeau décède en 1999. Il a réussi à donner à Montréal une place exceptionnelle sur la carte mondiale. Il aura gouverné Montréal pendant 29 ans, ce qu'aucun autre maire n'aura réussi.

 

Paul Gérin-Lajoie (1920- )

 

                                                    

 

Paul-Gérin Lajoie est né le 23 février 1920 à Montréal. Il est membre d'une famille dont sont issues plusieurs personnalités du Québec. Il fait ses études en droit à l'Université de Montréal et devient membre du Barreau en 1943. Boursier Rodhes en 1945, il étudie à Oxford où il obtient un doctorat en droit constitutionnel en 1948.

 

Il se présente à l'élection de 1956 et dans une partielle, en 1957, subissant la défaite à deux reprises. Finalement, il est élu député de Vaudreuil-Soulanges aux élections de 1960 comme candidat libéral. Il devient ministre de la Jeunesse dans le gouvernement Lesage de 1960 à 1964.

 

Après de longs débats, il devient le premier ministre en titre de l'Éducation le 13 mai 1964. Il joue un rôle primordial dans la réforme du système de l'éducation en créant la Commission Parent et y donnant suite. Cette réforme majeure est à la base de la démocratisation de l'éducation au Québec. Il démissionne comme député en 1969 à la suite de la défaite du Parti libéral en 1966.

 

De 1970 à 1977, il est président de l'Agence canadienne du développement international. De 1981 à 1985 il est nommé directeur général de la Société des Vieux-Port de Montréal.

 

Cependant, une de ses grandes réalisations est la création de la fondation Paul Gérin-Lajoie en 1977. Cette dernière apporte une aide financière à l'éducation de base des enfants dans les pays sous-développés.

 

Maurice Richard (1921-2000)

 

 

Maurice Richard est né à Montréal le 4 août 1921. Il est le fils d'Alice Laramée et Onésime Richard. Dès son jeune âge, il fait partie d'équipe hockey. Il se fait remarquer rapidement pour son talent hors du commun. C'est ainsi qu'il signe un premier contrat avec le Canadien le 29 octobre 1942 pour un salaire de 5000$. Le 23 mars 1944, au cours des séries éliminatoires contre les Maple Leafs de Toronto, il compte les 5 buts de son équipe. Il refait le même exploit le 1 février 1945 cette fois-ci aux dépens des Reds Wings de Détroit.

 

En octobre 1957, il devient le premier joueur de la Ligue nationale à obtenir 500 buts en carrière. En fait, il aura à son actif 544 buts durant sa vie professionnelle, lorsqu'il prend sa retraire en mars 1960. Il reçoit plusieurs honneurs après sa retraite dont celle de Compagnon de l'Ordre du Canada en 1998.

 

L’époque de Duplessis voit les premières manifestations de l’émancipation d’un peuple. Le feu couve sous la cendre. Les francophones protestent de plus en plus contre la domination anglophone au niveau économique et social. Les prémisses de la Révolution tranquille sont en place. Une fois le mouvement lancé, tout se bousculera.

 

À l’époque, Maurice Richard, vedette de hockey du club Canadien de Montréal, apparaît pour les Canadiens français comme un symbole de réussite et de revanche. Pour une rare fois, un des leurs a pu s’élever au-dessus de la moyenne et faire partie d’une élite. Pourtant, Maurice Richard est l’illustration même du Canadien français typique : discret et timide en dehors de la patinoire. Sur la patinoire, il est fougueux et têtu. C’est cette attitude de gagnant que les Canadiens français aiment retrouver en lui.

 

Un incident sur la patinoire va occasionner un événement important dans l’histoire du Québec. En effet, Maurice Richard reçoit un coup de bâton de Hal Laycoe des Bruins de Boston.

Devenu furieux par cette attaque sournoise, il se rue sur son assaillant et lui donne une solide droite à un œil en plus de le frapper avec un bâton dans le dos. Un juge de ligne essaie de retenir Maurice Richard, mais il est à son tour poussé sur la bande et reçoit une droite à la figure. Comme suite à l’affaire, Campbell, président de la ligue nationale, le suspend pour le reste de la saison. Cette affaire met alors en péril le championnat de la ligue et surtout la première place au classement des marqueurs.

 

Les partisans montréalais sont enragés, considérant cette punition injuste parce qu’elle vient d’un président anglophone qui s’attaque à leur héros.  Le 17 mars, le président Campbell commet une véritable provocation en se présentant au forum. La foule réagit immédiatement et lui lance des oeufs pourris. Une bombe lacrymogène éclate forçant l’évacuation du forum. La foule aux cris de «Richard persécuté» et «Insulte à la race canadienne-française!», se met à fracasser des vitrines et à saccager tout ce qui lui tombe sous la main. L’émeute du forum vient d’entrer dans la mémoire collective des Québécois. Elle est considérée par plusieurs, à tort ou à raison, comme un événement qui a mené à la Révolution tranquille.

 

Il décède le 27 mars 2000 laissant le souvenir d'un héros national.

 

René Lévesque (1922-1987)                                                  

 

 

René Lévesque est celui qui à travers son personnage représente le mieux le microcosme du Québec des années 60. Sa vie se confond avec celle du Québec. En effet, il est né dans un village où les entrepreneurs sont anglophones et le clergé omni présent dans la communauté francophone. Les Québécois se projettent en lui. Il a toutes les qualités, mais aussi tous les défauts d’un peuple qui se cherche. Il représente surtout un nouveau type d’homme politique québécois. Il est honnête et transparent. Il dit les choses telles qu’elles sont. C’est ce qui lui donne l’appui de toute une nation pour la nationalisation de l’électricité, premier jalon de la libération économique des Québécois.

 

Après la défaite libérale aux élections de 1966, il aurait pu choisir la voie facile de la sécurité financière en acceptant une fonction importante dans l’entreprise privée. Il choisit plutôt de fonder un parti politique qui représente l’essentiel de ses idées. Comme les Québécois, il ressent un profond désabusement lorsqu’il rencontre des obstacles majeurs qui l’empêchent de réaliser des réformes importantes. On lui doit malgré tout beaucoup puisqu’il a permis aux Canadiens français de s’affirmer au niveau économique et de faire les premiers pas pour prendre en main leur destin.

 

C’est à René Lévesque que nous devons le premier pas de l’affranchissement économique du Québec avec la nationalisation du réseau hydro-électrique du Québec. Après la Conquête, les activités économiques passent aux mains des britanniques. Dans les années 60, les Québécois se tournent vers l’État pour prendre en main leur économie. Il faut agir et la nationalisation du réseau hydro-électrique est un geste économique et symbolique important. «Maître chez nous» devient le leitmotiv de tout un peuple. Ainsi, seulement avec l’intervention de l’État, un développement économique dynamique va permettre d’assurer la survivance financière et culturelle du Québec.

 

René Lévesque, l’homme

 

René Lévesque est né à New Carlisle, village anglophone de la baie des Chaleurs en Gaspésie, le 24 août 1922. Son père est avocat. Dès son enfance, il acquiert la connaissance du français et de l’anglais. Il est doué et apprend à lire en bas âge. Il est considéré comme un marginal, c’est à dire différent de son entourage.

 

En 1933, René fait son entrée au collège des Jésuites de Gaspé où il est considéré comme un élève doué, mais quelque peu rebelle. Son village demeure pour lui un port d’attache dont il se souviendra toute sa vie.

 

1937 est une année marquante dans la vie de ce fils de la Gaspésie puisque son père meurt à l’âge de 48 ans. La même année, René occupe durant ses vacances d’été le poste de rédacteur et d’annonceur des nouvelles au poste CHNC de New Carlisle. En 1938, la famille déménage à Québec. Il y poursuit ses études au Collège Garnier où il collabore au journal du collège en y écrivant plusieurs articles. Le journaliste en devenir est déjà là.

 

C’est finalement au séminaire de Québec qu’il termine son baccalauréat ès Arts. En 1941, il entreprend des études en droit. Durant cette période, il travaille comme annonceur au poste de radio CKCV. L’année suivante, c’est à la station française de Radio-Canada à Québec, CBV, qu’il poursuit sa carrière de journaliste. Ses études en droit ne l’intéressent plus et en 1943 il quitte l’université.

 

Il se sent alors prêt pour relever un nouveau défi. À 21 ans, il offre ses services au Bureau d’information en temps de guerre de l’Armée américaine qui cherche des candidats bilingues. Sa famille est très inquiète de le voir partir pour l’Europe en guerre. L’armée le convoque à Montréal où il doit cesser tout contact avec sa famille, car on craint les espions allemands. Il est amené rapidement à Halifax où des convois escortés par des destroyers quittent le Canada pour l’Angleterre. Cependant, le bateau sur lequel il est assigné quitte l’Amérique sans escorte. En Europe, il travaille à la section radiophonique francophone de la radio américaine.

 

Puis en 1945, il est envoyé avec l’Armée américaine en Alsace. Il poursuivra sa carrière de correspondant de guerre jusqu’à la défaite de l’Allemagne. Il fait partie des premiers journalistes qui découvrent le camp de concentration de Dachau avec toutes ses horreurs. Il réussit à faire des entrevues avec des personnalités politiques françaises qui avaient été retenues prisonnières durant la guerre comme Daladier et Renaud, respectivement ancien premier ministre français et ancien ministre de la Justice.  


Une fois son engagement terminé, il en profite pour voyager dans cette Europe dévastée par la guerre. Il est déjà reconnu comme vulgarisateur des évènements de la scène internationale.

 

À son retour au pays, il entre à Radio-Canada où il travaille comme annonceur et reporter. Durant la guerre de Corée, il fait à nouveau sa marque comme reporter de guerre. Il est déjà reconnu comme vulgarisateur des événements de la scène internationale.

 

C’est en 1956, qu’a lieu sa célèbre première émission à Radio-Canada, Point de Mire. Cette émission de vulgarisation populaire s’intéresse à différents problèmes de la vie quotidienne. René Lévesque s’y montre un vulgarisateur hors pair. Son émission devient un événement de la semaine. Les cotes d’écoute sont astronomiques. Pourtant, il a recourt à un simple tableau noir pour expliquer et décortiquer des événements complexes d’ordre local ou international.

 

Mais un événement majeur vient changer le cours de l’histoire et c’est la grève des réalisateurs de Radio-Canada. René Lévesque prend fait et cause pour les grévistes. La grève dure plus de deux mois. C’est là, qu’il comprend que les dirigeants anglais du pays (gouvernement Diefenbaker) accordent peu d’importance aux problèmes qui concernent la minorité canadienne-française. Lévesque décide alors de faire tout en son possible pour changer cette situation. Un nouvel homme politique est né.

 

À la fin de la grève de Radio-Canada, Lévesque se sent prêt à relever de nouveaux défis. Il a une forte admiration pour Georges-Émile Lapalme, auteur du programme électoral du Parti libéral de 1960. Il a le désir d’aider ce parti à se défaire de l’Union nationale. De plus, il veut une équipe qui lui permettra d’aider à l’évolution des Canadiens français dans la société québécoise. Il croit qu’il est nécessaire de permettre à l’État d’intervenir pour le développement économique du Québec.

 

Élu député de Laurier, il est nommé ministre des Travaux publics. Il lutte avec férocité contre le patronage. Les «vieux libéraux» longtemps privés des faveurs du pouvoir s’accommodent mal du zèle du nouveau ministre et réclament rapidement son renvoi. Comme ministre il se montre marginal et contre toutes les conventions.

 

Quelques mois plus tard, il est nommé, à sa demande, ministres des Richesses naturelles. Rapidement, il est mis au courant des problèmes de la distribution électrique en Gaspésie. En effet, les coûts sont très élevés, la qualité de la distribution laisse à désirer et les compagnies ne désirent pas investir. Il fait donc entreprendre des études sur la possibilité de nationaliser les compagnies privées d’électricité du Québec.

L’Ontario avait déjà nationalisé ses  compagnies depuis fort longtemps.

 

Lévesque doit lutter non seulement contre les propriétaires des compagnies, mais encore contre le sentiment d’impuissance répandu dans l’appareil gouvernemental et dans la population. Très convaincu, il entreprend une tournée provinciale pour convaincre les Québécois de la nécessité de nationaliser l’électricité. De vives discussions ont lieu au sein du Parti libéral.

 

Finalement, en septembre 1962, Jean Lesage convoque une réunion spéciale au chalet du Lac-à-l’Épaule. Les débats y sont parfois orageux. Georges Maler, représentant de la minorité anglophone et du monde des affaires, s’oppose farouchement à toute nationalisation.

 

Contre toute attente, c’est finalement Georges Émile Lapalme qui apporte son soutien au projet. Lesage décide sur le champ d'en faire un enjeu électoral. C’est là également que le fameux slogan «Maîtres chez nous» fut mis de l’avant. Le gouvernement Lesage gagne son pari en remportant la victoire aux élections de 1962. Après quelques mois, la nationalisation devient une réalité.

 

Les retombés sont rapides et bénéfiques. Pour la première fois, des Canadiens français deviennent cadres supérieurs d’une importante société de production en électricité. De 1962 à 1966, René Lévesque continue sa bataille pour l’affirmation des Canadiens français dans tous les domaines. Il est d’abord favorable à la Confédération en autant qu’il n’y ait pas d’ingérence du gouvernement fédéral dans les juridictions du Québec.

 

La défaite du Parti libéral en 1966 va accentuer son projet pour des changements constitutionnels indispensables à l’épanouissement du Québec. Le message de Charles de Gaule du balcon de l’Hôtel de ville de Montréal et son «Vive le Québec libre» provoque une secousse sismique dans la société québécoise. Le Parti libéral étant dans l’opposition, le temps de la réflexion est maintenant arrivé.

 

Un groupe informel se forme autour de René Lévesque avec des députés libéraux tels que Robert Bourassa, Gérin-Lajoie, Kierans et d’autres. Johnson, devenu premier ministre, a déjà fait son nid et souhaite un changement rapide de la constitution actuelle. Il exprime ses idées dans un livre au titre révélateur Égalité ou indépendance. Le Parti libéral ne peut être en reste et doit trouver une proposition originale. C’est alors que naît le concept de la souveraineté-association.

 

Dès lors, Robert Bourassa quitte le groupe parce qu’il n’est pas d’accord avec le plan économique d'une association avec le Canada

 

 Les dirigeants du Parti libéral comprennent qu’ils doivent se débarrasser de René Lévesque puisqu’il suscite la controverse et qu’il nuit aux assises plutôt conservatrices du parti. Au Congrès du Parti libéral, René Lévesque démissionne étant suivi par un certain nombre de fidèles. La rupture est définitive.

 

Lévesque et quelques-uns de ses partisans fondent le Mouvement Souveraineté-Association, mieux connu sous l’abréviation MSA. Un livre qui aura un grand succès paraît alors sous le titre Option Québec. Il y déclare «Au coeur de cette personnalité se trouve le fait que nous sommes français. Tout le reste est accroché à cet élément essentiel». Après avoir constaté les échecs successifs des négociations fédérales provinciales, il proclame : «que le Québec doit devenir au plus tôt un État souverain».

 

La tenue des États généraux du Canada français, dont la grande majorité des délégués se prononcent pour l’autodétermination du Québec, va précipiter la naissance d’un nouveau parti politique avec le MSA comme noyau central. Deux autres partis politiques existants, le RIN., dont le chef est Pierre Bourgault et le Rassemblement national, ( RN) avec Gilles Grégoire, décident pour le bien de la cause de se joindre au nouveau parti. Ainsi, en octobre 1968, un nouveau parti souverainiste apparaît : le Parti québécois.

 

Les temps durs

 

René Lévesque doit traverser un long désert. L’Union nationale étant en fin de règne est contestée de toute part. Le premier ministre, Jean-Jacques Bertrand, décide de déclencher des élections. Le Parti québécois doit faire face à trois adversaires: le Parti libéral dirigé par Robert Bourassa, l’Union Nationale avec Jean-Jacques Bertrand et le Ralliement créditiste de Camille Samson.

 

De plus, l’affaire de la Brinks réussit à faire peur à certains électeurs. En effet, un photographe de la Gazette, journal anglophone de Montréal, publie une photographie montrant un camion de la Brinks chargé de millions de dollars qui pour des raisons sécuritaires au cas où les souverainistes prendraient le pouvoir, fait route vers l’Ontario.

 

Robert Bourassa et le Parti libéral remportent la victoire en faisant élire 72 députés. 17 députés unionistes sont élus ainsi que 12 députés du Ralliement créditiste. Pour sa part, le Parti québécois, malgré ses 23% des voix, ne remporte que sept comtés. René Lévesque est défait dans le sien.

 

Un drame vient rapidement frapper le nouveau gouvernement, en 1970, avec l’apparition du FLQ et l’assassinat du ministre Pierre Laporte. Lévesque et quelques autres personnalités s’élèvent à la fois contre la violence et contre les actions du gouvernement Bourassa qui se soumet trop docilement aux dictats du gouvernement fédéral de Pierre Trudeau. Robert Bourassa, profitant du momentum, déclenche de nouvelles élections. Il remporte une éclatante victoire en faisant élire 102 députés sur 110.

 

Pour une deuxième fois, René Lévesque est défait. La contestation du leader du parti se fait plus bruyante. René Lévesque pense même à démissionner. Le deuxième mandat du gouvernement Bourassa est mouvementé. C’est d’abord le problème de la langue qui remonte à la surface. Le gouvernement Bourassa décide de passer à l’action en faisant passer la loi 22. Cette loi fait du français la seule langue officielle et oblige les enfants des immigrants à s’inscrire à l’école française. La seule exception est pour les enfants qui réussissent à démontrer «une connaissance suffisante» de l’anglais. De plus, on oblige l’affichage avec une prédominance du français. Cette loi est décriée à la fois par les anglophones qui la trouvent infâme et pour les francophones qui la considèrent comme une trahison.

 

Et puis, c'est la crise constitutionnelle de Victoria. Dans un premier temps, Bourassa croit que la formule de rapatriement proposée par le gouvernement Trudeau est susceptible d’un accord. Devant les pressions des différents milieux politiques et médiatiques du Québec dont l’influent Claude Ryan, directeur du devoir, Bourassa refuse l’accord de Victoria à la grande déception de Pierre Elliot Trudeau. Ce dernier menace même de rapatrier la constitution de façon unilatérale. Bourassa sentant son leadersphip remis dangereusement en question décide de convoquer des élections pour le 15 novembre 1976, journée incontournable où le miracle de René Lévesque et son parti va se produire.

 

Le premier mandat du gouvernement Lévesque (1976-1980) :l’apogée

 

«...C’est tellement vite dans l’histoire d’un peuple. On n’est pas un petit peuple, on est peut-être quelque chose comme un grand peuple» (René Lévesque, le 15 novembre 1976)

 

L’impossible vient de se réaliser. De façon inattendue, le Parti québécois remporte une victoire décisive au soir du 15 novembre 1976. Tous les espoirs sont permis, l’euphorie est généralisée.

 

La première tâche qui attend le premier ministre est la formation d’un conseil des ministres. Les talents sont nombreux et les susceptibilités tout autant. On y retrouve des noms prestigieux comme Jacques Parizeau, Camille Laurin, Lise Payette, Claude Charon, Claude Morin qui feront leurs marques comme ministres. Selon plusieurs analystes, c’est un des meilleurs cabinets que le Québec ait eus.

 

Celui-ci se met à l’oeuvre rapidement. Les problèmes à régler sont nombreux et le temps presse. L’un des premiers cas auxquels le nouveau gouvernement s’attaque est celui du financement politique. René Lévesque souhaite que cela devienne la loi numéro 1 de la session du printemps 1977. Mais à la consternation du premier ministre, il y a un blocus procédurier de la part du parti libéral.

 

Mais peu importe la procédure, la nouvelle loi a pour principe d’accorder aux seuls électeurs ayant droit de vote le droit de financer un parti politique jusqu’au montant de 3000 $  déductible d’impôt. L’état s’engage, par contre, à fournir aux partis politiques un montant de 0,25 $ par électeur. Des amendes sévères sont prévues pour les contrevenants. Malgré toutes les embûches de l’opposition, la nouvelle loi est votée au mois d’août 1977 et devient une référence dans le domaine. Les compagnies et les syndicats sont maintenant exclus du financement des partis politiques.

 

La loi 101

 

C’est avec la loi sur la Charte de la langue française que les combats sont les plus ardus. La loi 22 étant devenue inacceptable pour tout le monde, il faut agir. C’est Camille Laurin, psychiatre de Montréal et ardent défenseur de la langue française qui est chargé du dossier. Camille Laurin est une personne tenace qui ne craint pas la controverse. René Lévesque, pour sa part, déteste l’obligation de légiférer au sujet de la langue.

Il s’y résout après bien des hésitations en constatant qu’il n’y pas d’autres issues. La défense de la langue française réfère à la survie d’un peuple puisque cela marque son identité. Il faut donc accorder au français la première place tout en respectant les droits de la minorité anglophone. Il y a malheureusement un fossé socio-économique, les francophones étant tenus au second rang. De plus, comment accepter qu’une majorité laisse les immigrants s’intégrer à la minorité, c’est un non-sens.

 

Cependant, René Lévesque tient mordicus à maintenir intact le système scolaire anglophone, ce qui suscite de longs débats au conseil des ministres. Il y a une unanimité pour l’abolition du libre choix que défendent avec acharnement les libéraux. Le docteur Laurin soutient son projet avec détermination. Son ascendance intellectuelle s’impose. Le «doc», comme on le surnomme, sait bien reconnaître en René Lévesque le microcosme du Québécois moyen avec tous ses complexes.

 

Essentiellement, cette loi assure la primauté de la langue française au Québec autant dans le milieu de travail que dans l’affichage. De plus, elle oblige les enfants des immigrants à fréquenter les écoles françaises, sauf pour les nouveaux arrivants du reste du Canada dont l’un des parents a fréquenté l’école anglaise.

 

Cette législation est appuyée par la grande majorité de francophones. Elle devient un objet de fierté et réaffirme l’identité première des Québécois francophones. C’est un pas décisif dans l’affirmation nationale.

 

Loi sur l’assurance automobile

 

Pour René Lévesque, l’intérêt général doit toujours primer sur l’intérêt particulier. C’est spécialement vrai dans le domaine de l’assurance où l’intérêt des compagnies d’assurances et des avocats a toujours prévalu. Voilà donc que le gouvernement Lévesque décide d’agir fermement en ce domaine. La nouvelle ministre, Lise Payette, est chargée du dossier. Là encore, les pressions internes et externes sont très fortes. Finalement, un livre blanc est publié où les grandes lignes de la loi sont établies. En premier lieu, le livre blanc propose une assurance universelle obligatoire couvrant les dommages corporels sans égard à la faute (no fault). Une deuxième assurance relevant des assureurs privés couvrira les dommages matériels.

 

La loi du zonage agricole

 

Une autre législation va marquer le premier mandat du gouvernement Lévesque, à savoir la loi sur le zonage agricole. Cette fois-ci, la mission est donnée au ministre de l’Agriculture, Jean Garon. Elle a pour but de protéger les terres agricoles contre les spéculateurs.

 

René Lévesque tient particulièrement à faire voter cette loi le plus tôt possible. Jean Garon obtient finalement l’appui de l’UPA (Union des cultivateurs). Plusieurs cultivateurs qui désiraient vendre leurs terres sont très mécontents, car certaines fermes qui valaient à l’époque 350 000$ n’en vaudront plus que 150 000 $. Le premier territoire visé comprend 614 municipalités sur plus de 3000. C’est une autre loi dont les effets seront importants pour l’avenir du territoire du Québec.

 

Fête nationale et le référendum de 1980

 

En 1977, René Lévesque demande à l’Assemblée nationale de proclamer le 24 juin Fête nationale du Québec. C’est un pas symbolique, mais une autre affirmation de l’identité spécifique du Québec.

 

Et puis, c’est le moment tant attendu par plusieurs : le référendum. Après de multiples réformes, le Parti québécois doit faire face à cet événement incontournable et qui est à la base de sa fondation.

 

René Lévesque a retardé le plus possible cet ultime rendez-vous avec la nation, car il sait que les Québécois avec leur indécision naturelle ne sont pas prêts à faire le grand saut. Pierre Elliot Trudeau, après avoir annoncé son intention de démissionner, revient au pouvoir et est prêt à se battre contre les «séparatistes».

 

Le référendum est fixé au 20 mai 1980. Lévesque a comme principal objectif d’aller au moins chercher la majorité des voies chez les francophones. La campagne commence et déjà les tenants du Non ont recourt à la peur de l’inconnu comme cela c’était produit, en 1962, lors de la campagne pour la nationalisation de l’électricité. La campagne du OUI a du mal à décoller, car ses partisans ne voient pas la victoire à l’horizon.

 

Deux événements viennent torpiller la campagne du OUI qui bat déjà de l’aile. Le premier est l’affaire des «Yvette». Lise Payette dans un discours a la malencontreuse idée de comparer, à tort, l’épouse de Claude Ryan, chef de l’opposition à une Yvette.

 

Ce prénom d’Yvette provenait d’un exemple tiré d’un manuel scolaire où Yvette est décrite comme une petite fille modèle qui fait le ménage, la vaisselle, etc. Bref, il s’agit du stéréotype de la femme parfaite des années 40. Inutile de dire que les libéraux ont vite fait de récupérer l’évènement et organisent deux immenses rassemblements pour les Yvette. Ceci a pour résultat de relancer la campagne du NON.

 

L’autre fait est l’entrée en scène de Pierre Trudeau dans la campagne. Le plus important de ces rassemblements a lieu, le 14 mai, au Centre Paul-Sauvé. Il y déclare : « Nous députés du Québec nous demandons aux Québécois de voter Non et nous avertissons les autres provinces que ce NON ne devra pas être interprété comme la preuve que tout va bien. Au contraire, c’est dans le but d’en arriver à changer les choses que nous mettons nos sièges en jeu». Mais quels changements ? Trudeau ne le dit pas...On verra plus tard quelles sont ses véritables intentions.

 

Malheureusement, les résultats sont accablants pour les tenants du OUI. En gros, 60% votent pour le NON et 40% pour le OUI. La victoire du NON allait avoir un coût politique.

 

Le deuxième mandat (1981 -1985) : Le déclin

 

Après un automne douloureux, le gouvernement, à la surprise générale, est reporté au pouvoir en faisant élire 80 députés sur 122. La tempête politique pointe à l’horizon.

 

En novembre, Pierre Trudeau veut passer à l’action et convoque une ième conférence fédérale-provinciale ayant comme but ultime le rapatriement de la constitution accompagné d’une formule d’amendements. De plus, le projet fédéral inclut une charte des droits et libertés ainsi que l’enchâssement du caractère bilingue du Canada dans la nouvelle constitution. Pour de multiples raisons et craignant avec raison l’intrusion du gouvernement fédéral dans les domaines de compétence provinciale, huit provinces décident de faire front commun contre le gouvernement fédéral. Le Québec accepte de céder son droit de veto contre un droit de retrait avec pleine compensation. Trudeau refuse catégoriquement ces propositions et charge son ministre de la Justice, Jean Chrétien, d’aplanir les difficultés pour en venir à un accord rapidement.

Trudeau lance une perche à Lévesque. En effet, il fait la proposition suivante : si les pourparlers ne débouchent pas, on aurait recours à un référendum où la population serait appelée ultimement à se prononcer. Lévesque accepte de relever le défi. Cependant, Trudeau n'a pas révélé les conditions préalables avant que l’on en vienne à un référendum. Lévesque s’aperçoit rapidement qu’il a mal manoeuvré. Dépité, il se retire avec sa délégation à Gatineau.

 

C’est alors qu’entre en scène Jean Chrétien, l’homme de main de Trudeau. Ce sera la «nuit des longs couteaux». En effet, Jean Chrétien passe une partie de la nuit à négocier un compromis qui peut se résumer ainsi : pour modifier la Constitution, il faudra l’accord de sept provinces représentant 50% de la population. Une province qui refuse un amendement peut se retirer, mais sans droit de compensation. Une clause dérogatoire apparaît, mais elle ne s’applique cependant pas à l’enseignement dans la langue de la minorité. Le Québec se voit donc imposer une constitution dont il est exclu et refuse de signer cette entente qu'il n'a toujours pas acceptée.

 

Les effets de cette percutante défaite du gouvernement Lévesque ne se font pas attendre. Extrêmement déçus, les membres de l’aile radicale du Parti québécois exigent une réaction énergique.

 


En décembre 1981, au huitième congrès du Parti québécois, les délégués adoptent une résolution selon laquelle, advenant l’élection d’un gouvernement péquiste, l’indépendance du Québec serait proclamée. De plus, on élimine toute référence à l’association avec le reste du Canada.

 

En réplique aux nouvelles positions du parti, René Lévesque annonce qu’il ne se sent pas lié par ses résolutions et qu’il va prendre un temps de réflexion. Au bout de quelques jours, René Lévesque et les membres de l’exécutif du parti décident d’avoir recourt à un référendum mieux connu sous le sobriquet de «rénérendum» où  les  300 000 membres auront à s’exprimer sur trois questions :

 

1-L’accession du Québec à la souveraineté doit-elle pour se réaliser de façon démocratique exiger l’accord majoritaire des citoyens.

2-Tout en éliminant le lien obligatoire qu’on établissait jusqu’à maintenant avec la souveraineté, notre programme doit-il comporter l’offre d’une association avec le Canada?

3-La troisième question porte sur le respect des minorités et reconnaît le droit à la minorité anglophone à ses institutions scolaires.

 

Près de 50% des membres vont s’exprimer. De ce nombre 95% répondent oui aux trois questions.

 

La crise était résolue, du moins temporairement

 

Les problèmes du gouvernement péquiste continuent. Une grave crise financière frappe tout le Canada. Les taux d’intérêt montent en flèche et frisent les 20%. La situation est grave. Le déficit du Québec approche les trois milliards. Le gouvernement a besoin de 700 millions pour équilibrer le budget. Il faut décider où on va couper. Le gouvernement décide de ne pas verser au secteur public les augmentations prévues dans la convention collective. En effet, après avoir vainement tenté de s’entendre avec la fonction publique, le gouvernement décide de passer à l’action. La loi 70 présentée à l’Assemblée nationale accorde à la fonction publique les augmentations prévues à la convention, mais par une ponction pouvant atteindre 20%, récupère les mêmes montants sur une période de trois mois.

 

Les syndicats refusent et votent la grève générale. Le gouvernement réplique en faisant d’abord voter la loi 105 qui non seulement décrète une ponction sur le salaire des syndiqués, mais impose 109 nouvelles conventions collectives à toute la fonction publique.

 

De plus, une autre loi, la loi 111, impose un retour au travail avec de lourdes sanctions en cas de refus. Les conséquences pour le Parti québécois sont désastreuses. Des syndiqués qui sont membres du Parti québécois le quittent massivement. Entre 1982 et 1983, le parti perd la moitié de ses effectifs. D’autre part, plusieurs ministres pour différentes raisons partent comme Robert Burns, Pierre Marois, Claude Charron, Lise Payette....

 

Le beau risque

 

Pendant qu’en octobre 1983, Robert Bourassa fait un retour triomphal à la tête du Parti libéral, au Parti québécois on voit venir les nouvelles élections. René Lévesque décide de donner un gros coup de gouvernail. Profitant de l’élection d’un nouveau gouvernement conservateur à Ottawa et d’une plus grande ouverture de sa part, il pense que le temps est venu de donner la chance au coureur. Il décide de renoncer pour un temps à son objectif premier, l’indépendance, pour «le beau risque» que lui propose le gouvernement conservateur de Mulroney.

 

Sept membres importants du cabinet des ministres et de la députation péquiste démissionnent : Jacques Parizeau, Denise Leblanc, Gilbert Paquette, Denis Lazure, Camille Laurin, Louise Harel et Jacques Léonard. Le Parti québécois est en déroute. Le chef du parti commence à ressentir l’usure du pouvoir. Selon les témoins de l’époque, René Lévesque subit une grave dépression et sa conduite au quotidien est souvent erratique. Des membres influents des parlementaires péquistes parlent maintenant ouvertement de sa démission. Après quelques mois d’hésitation, René Lévesque remet finalement sa démission le 20 juin 1985. Une page importante de notre histoire vient d’être tournée. Pierre Marc Johnson lui succède comme chef du parti et premier ministre le 29 septembre 1985.

 

René Lévesque se lance dans la rédaction de ses souvenirs dans Attendez que je me rappelle...Peu de temps après son retour comme journaliste, il meurt subitement le 1er novembre 1987. Il a fait du Québec un peuple qui n’a malheureusement pas été au bout de sa démarche. René Lévesque, par la loi 101, a su sauver la collectivité francophone d’une disparition peut-être inévitable. Il lui a redonné une fierté perdue au cours de plusieurs siècles de colonialisme.


 

 

André L’Archevêque (1923-2015 )

 

 

André L’Archevêque est le huitième de douze enfants. Son père, Eugène, est propriétaire d’une imprimerie qui publie entre autres un hebdomadaire humoristique dans lequel, dès l’âge de seize ans, il publie ses premières caricatures sur l’actualité.

 

Il étudie à l’école des Beaux- Arts de Montréal et également la technique de la gravure à la Guide graphique de Montréal. Puis, il passe à l’université Sir Georges William avant de compléter sa formation académique au Famous Artists School de New York où il apprend l’illustration publicitaire. De plus, il fait des stages en France.

 

En 1946, il travaille à l’illustration de romans en fascicules. Quelques milliers d’histoires sont ainsi éditées dans tous les genres du roman d’amour en passant par les drames policiers et d’espionnage. Pour ce faire, il utilise comme médiums les huiles, caséines aquarelles et pastels. On lui doit l’illustration des aventures d’IXE-13 de Pierre Saurel, pseudonyme du comédien Pierre Daignault. Finalement, André l’Archevêque signera plus de 5 000 couvertures de ces petits romans. Cette première période de sa carrière  se termine à la fin des années 1950.

 

C’est l’illustration publicitaire qui constitue sa deuxième carrière. Il illustre entre autres  l’Histoire du Québec en images. En 1961, le ministère du Tourisme du Québec, lui commande onze tableaux peints à la caséine et reproduits dans les grands magazines américains comme Time Magazine, Life National Geographic. Sa carrière comme dessinateur connaît alors un sommet et il se sent prêt pour une nouvelle carrière, celle d’artiste peintre.

 

Il peint quelques toiles entre 1960 et 1972 qu’il considère comme des essais. En 1972, il quitte son travail en publicité. Jusqu’au début du XXIe siècle il va produire plus de 2 000 œuvres surtout des huiles. Le succès est immédiat. La demande est forte.

 

En 1973, il vend ses premières toiles comme artiste-peintre : paysages d’Oka, scènes de rue de Montréal, natures mortes. En 1976, il voyage en Europe et participe à une exposition de groupe à la Burnaby Art Galery de Vancouver.

 

En 1978, c’est sa première exposition à la Galerie Bernard Desroches. En 1980, une deuxième exposition a lieu à la même galerie. En 1986, il réalise un tableau pour la Banque Nationale reproduit à 10 000 exemplaires. Une importante rétrospective a lieu au Centre d’Arts du Mont-Royal en janvier 1983. Ses œuvres comprennent principalement des paysages champêtres représentant les quatre saisons et des scènes urbaines surtout de Montréal. Installé au bord du lac à Oka, il s’inspire également du décor champêtre.

 

L’Archevêque travaille d’abord les petits formats. Puis il s’intéresse à de plus grands formats. Au début, l’artiste reste près du sujet pour graduellement le transformer. Les arbres deviennent des éléments importants de l’espace de ses œuvres. En hiver, ce sont les épinettes et les pins   qui sont illustrés.

 

L’œuvre de l’Archevêque laissera à la postérité son lien avec un passé qu’il ne veut pas oublier, cherchant avant tout une continuité et non une rupture.

 

Il décède le 7 mai 2015 à Ville de Laval

 

 

Claire Kirkland-Casgrain (1924-2016)  

                                                        

Claire Kirkland-Casgrain est née le 8 septembre 1924 à Palmer (Massachusetts). Elle est la fille du docteur Charles-Aimé Kirkland, député libéral de Jacques-Cartier et ministre dans le gouvernement Lesage et de Rose Demers.

Elle étudie au Collège Villa-Maria et fait son droit à l'Université McGill. Par la suite, elle complète ses études universitaires en Europe. Elle devient membre du barreau en 1952. Tout en pratiquant le droit à Montréal elle s'implique activement dans les activités du Parti libéral.

Son père meurt en fonction et elle est élue à l'élection partielle du 14 décembre 1961. Elle devient ainsi la première femme à siéger à l'Assemblé nationale et, en 1962, la première à devenir ministre dans le cabinet de Jean Lesage où elle occupe successivement  les fonctions de ministre du Transport, du Tourisme, de la Culture et de la Chasse et Pêche.

Durant sa période politique elle fait progresser la cause des femmes en faisant adopter en 1964 une loi qui mettait fin à l'incapacité juridique des femmes mariées. En 1969, alors qu'elle siège dans l'opposition, elle fait adopter un projet de loi concernant les régimes matrimoniaux et l'établissement de la société d'acquêts.

Elle laisse la scène politique à la suite de sa nomination à titre de juge de la cour provincial et présidente de la Commission du salaire minimum le 14 février 1973. En 1980, elle devient juge du district de Montréal jusqu'à sa retraite en 1991.

On lui doit également la création de l'Institut du tourisme et d'hôtellerie du Québec. De plus en 1971, elle fait adopter la loi qui crée le Conseil du statut de la femme deux ans plus tard.

Elle est  faite Chevalier de l'ordre national du Québec en 1985 et Membre de l'ordre du Canada en 1992. De plus en 2012, un monument lui est érigé à proximité de l'Assemblée nationale lui rendant hommage ainsi qu'à trois autres pionnières de la lutte pour les droits des femmes, Idola Saint-Jean, Marie-Gérin Lajoie et Thérèse Casgrain.

 

Jean-Paul Riopelle (1927-1994)

 

 

Jean-Paul Riopelle est né à Montréal le 7 octobre 1927. Au primaire, il fréquente l’école Saint-Louis de Gonzague. Il suit des cours privés de dessin avec Henri Buisson. Durant l’hiver, il est joueur de hockey dans la même ligue que Maurice Richard. Une blessure au genou met fin prématurément à sa carrière. Il étudie brièvement au Mont Saint-Louis. Il s’inscrit à l’École polytechnique par goût des mathématiques. L’été à Saint-Fabien-sur-mer il peint énormément. Cadet aviateur, il s’entraîne dans le Bas-du-fleuve.

 

Au début des années 40, il suit pendant quelques semaines des cours du soir de l’École des Beaux-Arts. Il préfère cependant la nouvelle École du meuble où Borduas le prend en main. Il se joint alors aux automatistes.

 

En 1945, ses parents déçus par sa décision d’être peintre lui coupent les vivres. En 1946, il participe à une première exposition des automatistes à Montréal. Il s’engage comme palefrenier sur un cargo à destination de la France où il séjourne 15 jours avec la ferme intention d’y revenir.

 

Il épouse Françoise Lespérance dont il aura deux filles, Yseult auteur de son catalogue raisonné et Sylvie. Il signe le manifeste du Refus global. En 1947, c’est le départ définitif pour Paris. Il présente sa première exposition solo à la Galerie La Dragonne à Paris en 1949. Les années 50 sont celles de sa consécration à Paris. C’est la période de ses grandes mosaïques peintes à la spatule.

 

Durant les années 60, il fait de nouvelles expériences avec l’aquarelle, l’encre sur papier, la lithographie. Sa pièce maîtresse de cette époque est son tableau, Point de rencontre,  qui se retrouve à l’opéra de la Bastille. Il travaille dans plusieurs ateliers dont celui de sculpture à Vannes. Il devient collectionneur d’automobiles de luxe.

 

En 1972, à la suite du décès de sa mère, il revient au Québec et aménage un studio à Sainte-Marguerite-du-Lac-Masson dans les Laurentides, en plus d’avoir un autre atelier à Saint-Cyr-en-Arthies.

 

Un voyage dans le Grand Nord lui fait connaître des paysages noirs et blancs insoupçonnés. À l’automne 1990, il fait un séjour à l’Île-aux-Oies. De 1994, à sa mort il vit à l’Île-aux-Grues où il achète l’ancien manoir seigneurial de l’île.

 

L’hommage à Rosa Luxembourg en 1992 est considéré comme la pièce maîtresse des dernières années de sa vie. Elle est aujourd’hui exposée au musée national de Québec.

 

Il décède en 1994, à l’Île-aux-Grues.

 

 

Gilles Vigneault (1928- )

 

 

Gilles Vigneault est né le 27 octobre 1928 à Natashquan au Québec. Il est le fils de Placide William Vigneault et de Marie Appoline Landry. Cette dernière était enseignante en Beauce entre de l'âge de 16 et 25 ans. Elle jouait de l'harmonium. C'est sur cet instrument et l'harmonica que Gilles apprend à reconstituer des reels c'est-à-dire de la musique d'inspiration celtique. Willie, son père, a exercé plusieurs métiers comme pêcheur, inspecteur des pêcheries, trappeur, etc. Il occupe également les fonctions de maire de Natashquan et de commissaire d'école.

 

Les Vigneault sont les descendants d'un couple venu s'installer à l'origine au Québec. Une branche de cette famille va s'établir en Acadie. Puis, lors de la déportation de 1755, les Vigneault se retrouvent d'abord près de Boston, puis à Miquelon et finalement à Natashquan.

 

Gilles connaît une enfance choyée dans ce petit village de pêcheurs. À la fin de son cours élémentaire, il gagne un concours en français ce qui lui permet d'aller faire son cours classique à Rimouski au frais de Mgr Labrie qui ne demande rien en retour.

 

Au collège de Rimouski, il est surnommé le « poète ». Il participe au journal collégial. Il compose déjà des poèmes qu'il envoie à sa mère. À la fin de ses études au collège de Rimouski, il va étudier les lettres à l'Université Laval dans le but de devenir professeur. Il est d'ailleurs professeur à la Garnison de Québec, puis à l'Institut de technologie de Québec où il enseigne l'algèbre et le français. Parallèlement, il participe à plusieurs activités culturelles. Ainsi, il prend part à la fondation d'une revue de poésie l'Émourie, anime une émission de musique folklorique à la radio et est scripteur pour la télévision de la radio d'état à Québec.

 

 

En 1961, il fait son premier grand récital solo au Gésu. L'année 1964 marque une étape importante dans sa vie de compositeur puisqu'il crée la chanson Mon Pays. En 1965, il reçoit le Prix du gouverneur général pour son recueil de poèmes Quand les bateaux s'en vont.

 

En 1968, il débute sa carrière internationale avec une première grande tournée dans les pays francophones. En 1970, il remporte le Grand Prix de l'Académie Charles-Gros pour son album Du milieu du pont.

 

En 1974, c'est le fameux spectacle de la Superfrancofête avec Félix Leclerc et Robert Charlebois. En 1975, sortie de l'album J'ai vu le renard et le lion qui immortalise le spectacle de la Superfrancofête et création de la chanson Gens du Pays lors du spectacle de la fête nationale sur le Mont-Royal. Celle-ci devient presque l'hymne national du Québec.

 

En 1985, il est nommé Chevalier de l'Ordre national du Québec. L'année suivante il donne plus de 258 spectacles en France. En 1999, il est fait Commandeur des Arts et des Lettres de la République française.

 

En 2000, il est promu Grand Officier de l'Ordre du Québec. En 2008, il refait l'Olympia de Paris pour souligner ses 80 ans.

 

Il est l'auteur de plus de quarante livres. Il acquiert avec les années le statut d'une véritable légende vivante dans la francophonie.

 

André Mathieu (1929-1968)

 

 

André Mathieu est né à Montréal le 18 février 1929. Il le fils de Wilhelmine Gagnon et Rodolphe Mathieu, musicien et compositeur. Très jeune il démontre des dons exceptionnels pour la musique et suit des leçons de piano avec son père. À l’âge de 4 ans il compose Trois études descriptives dont Les Gros Chars. L’année suivante, il continue ses compositions dont la Procession d’éléphants.

 

Le 25 février 1935 il donne à l’hôtel Riz-Carleton un récital de ses œuvres. En 1936, il est soliste pour son Concertino no :1 à la radio. Boursier du gouvernement du Québec, il se rend à Paris pour étudier le piano et la composition musicale. Un concert qu’il donne à la salle Pleyel à Paris connaît un vif succès.

 

À l’été 1939, il revient à Montréal pour les vacances, mais la Deuxième guerre mondiale l’oblige à demeurer au Canada. Puis il se tourne vers les États-Unis où il donne un concert au Town Hall de New-York le 3 février 1940. Il y poursuit des études avec Harris Morris tout en donnant des concerts.

 

En 1941, il crée son concerto no :2 et le Concertino no :2 avec les Concerts symphoniques de Montréal. De plus, il remporte un concours organisé par l’orchestre philharmonique de New-York pour les jeunes compositeurs où il est louangé par Sergueï Rachmaninov.

 

Il revient au Québec en 1943 et y donne de nombreux concerts. À l’âge de 17 ans, il retourne seul à Paris où il étudie avec Arthur Honegger. Mais il s’ennuie et revient à Montréal. En 1947, il compose un Concerto romantique pour piano et orchestre. Ce concerto rebaptisé Concerto de Québec est joué dans le film canadien La Forteresse.

 

C’est alors que sa carrière décline. Il s’adonne à l’alcool et participe à des «pianothons» qui déçoivent grandement ceux qui croyaient encore en lui. Il passe graduellement à l’oubli. Évidemment, ses détracteurs s’en donnent à cœur joie pour déprécier son œuvre pour piano qu’ils considèrent comme des «amusettes». Sa santé décline et il meurt en 1968 oublié par les siens.

 

En 1976, il connaît une première résurrection puisque la musique du chant de bienvenue des Jeux olympiques est composée à partir d’extraits de ses œuvres.

 

C’est cependant à Alain Lefèvre que l’on doit la reconnaissance internationale de son talent. Il trouve dans le Concerto romantique écrit à l’âge de 12 ou 13 ans l’expression d’un compositeur de génie. Sur les sept concertos qu’André Mathieu aurait écrits, il nous en reste deux. Lefèvre a passé plus d’un an a reconstitué ce puzzle musical. Il a dû corriger plus de deux cents erreurs. On sait aujourd’hui que son père, Rodolphe, qui était jaloux du talent de son fils, l’a fait boire quand il avait à peine six ans pour qu’il produise davantage.

 

Mais pour comprendre la personne de Rodolphe il faut connaître un peu son parcours artistique. Il est né en 1890 à Grondines. Il vient à Montréal à l’âge de 16 ans où il étudie le piano avec des professeurs reconnus dont Alphonse Martin et l’harmonie avec Alexis Contant. À 17 ans, il devient l’organiste de l’église Saint-Jean-Berchmans.

 

En 1920, il part pour Paris pour parachever sa formation musicale. Il étudie la direction d’orchestre avec Vladimir Golschmann. Il s’inscrit au Collège de France dans un cours de psychologie expérimentale. En 1923, il obtient la première bourse du gouvernement du Québec accordé à un compositeur.

 

De retour à Montréal en 1927, il se consacre à l’enseignement et à la composition. Il fonde sa propre école de musique : l’Institut canadien de musique. Il laisse de nombreuses œuvres qui malheureusement ne sont pas reconnues par ses contemporains. On peut dès lors comprendre le sentiment d’envie qu’il éprouve envers son fils au talent si prometteur.

 

À la suite du travail acharné d’Alain Lefèvre, la musique de Mathieu est jouée par plusieurs orchestres importants dont la philharmonique de Berlin où Alain Lefèvre a joué comme soliste le fameux Concerto romantique à l’automne 2012.

 

Mais André Mathieu continue à susciter la controverse dans le milieu et certains chroniqueurs comme Claude Gingras voient en André Mathieu un compositeur de seconde classe et ses oeuvres sans grande valeur musicale.

 

Excédé, Alain Lefèvre déclare à l’été 2012 «C’est fini…je ne suis plus capable» heureusement pour nous le succès remporté à travers le monde avec la musique d’André Mathieu lui a permis de retrouver un second souffle pour le plus grand plaisir de ses admirateurs.

 

Jacques Parizeau (1930-2015)

 

 

Jacques Parizeau a marqué l’histoire du Québec d’une façon importante. En effet, il a été l’un des architectes de la Révolution tranquille où il a joué un rôle prépondérant dans plusieurs réalisations économiques et sociales qui ont marqué cette période: la nationalisation de l’électricité, la création de la Caisse de dépôts et de placements et la mise en place de la Régie des rentes du Québec. Plus tard, comme ministre des Finances du gouvernement péquiste, il a appuyé l’implantation du Régime d’épargne-actions qui va aider à l’émancipation du capitalisme québécois.

 

En 1984, lorsque René Lévesque met en évidence son idée «du beau risque» avec le nouveau gouvernement fédéral de Brian Mulroney, Jacques Parizeau et plusieurs de ses collègues démissionnent du gouvernement. Il retourne à l’enseignement tout en continuant à suivre de très près le nouveau chef du Parti québécois, Pierre-Marc Johnson.

 

Deux ans après la défaite du Parti québécois aux élections de 1985, Pierre-Marc Johnson démissionne comme chef de parti laissant toute la place à un Jacques Parizeau qui n’en demande pas plus. En mars 1988, il devient le troisième chef du Parti québécois et Chef de l’opposition officielle le 28 novembre de la même année.

 

Comme Chef de l’opposition, il assiste aux échecs successifs des accords constitutionnels du Lac Meech et de Charlottetown. La situation politique canadienne a bien changé : le Bloc québécois dirigé par Lucien Bouchard fait élire 54 députés aux élections de 1993, devenant même l’opposition officielle. D’autre part, Robert Bourassa démissionne comme premier ministre le 14 septembre 1993. Daniel Johnson, fils de l’ancien premier ministre Daniel Johnson et frère de Pierre Marc Johnson qui fut brièvement premier ministre du Québec à la fin de l’ère péquiste, est à son tour assermenté comme premier ministre le 11 janvier 1994.

Un autre parti fait également son apparition et c’est l’Action démocratique avec Mario Dumont. Ce dernier reflète l’incertitude de plusieurs Québécois qui hésitent entre la souveraineté et le fédéralisme.

 

À l’élection générale de septembre de 1994, le Parti québécois fait élire 77 sièges contre 47 libéraux avec seulement 44,75% des voies pendant que le Parti libéral en obtient 44,40%. Jacques Parizeau devient le 26e premier ministre du Québec le 24 septembre 1994. Le Parti québécois s’est fait élire avec la promesse d’un deuxième référendum sur l’indépendance du Québec.

 

Dès son retour aux affaires, Jacques Parizeau centre tous ses efforts sur l’organisation du deuxième référendum. Durant la même période, Lucien Bouchard fait un retour remarqué en politique active après une période de trois mois de maladie causée par la «bactérie mangeuse de chair». À ce moment, il jouit d’un véritable culte dans tout le Québec. Pour sa part, Jacques Parizeau a déjà déposé un avant-projet de loi à l’Assemblée nationale et mit sur pied dix-sept commissions pour consulter la population. Lucien Bouchard juge qu’il y a précipitation.

 

Mais déjà la lutte s’engage entre les deux partenaires sur le libellé de la question. Pour Jacques Parizeau, il n’est pas question d'un mandat pour la négociation d'une nouvelle union politique. Lucien Bouchard pense, au contraire, que cela est indispensable si on veut gagner le référendum. En mars, les sondages sont à 46% pour le OUI et 54% pour le NON. Pour Jacques Parizeau, il faut tout mettre en oeuvre pour que les Québécois appuient le OUI. Les rencontres se multiplient entre les stratèges du Bloc et du Parti québécois pour trouver un terrain d’entente entre les deux partis sur l’association politique avec le reste du Canada. Finalement, le référendum que Jacques Parizeau désire pour le printemps est reporté à l’automne afin d'éviter de précipiter les événements.

 

Pour Bouchard, il n’est pas question de tenir un référendum coûte que coûte, tandis que son partenaire Parizeau veut s’en tenir à l’engagement qu’il a pris durant la dernière campagne électorale. La tension se fait toujours sentir entre les deux groupes politiques. Parizeau sent rapidement qu’il ne peut aller en référendum sans la participation de Lucien Bouchard, ce dernier jouissant d'une popularité qui dans certains cas frôle l’adoration. Lors des assemblées populaires, on le prend pour une sorte de miraculé, on veut le toucher, etc.

 

En mai, un nouveau sondage donne une victoire du OUI avec 53% lorsqu’on inclut l’association avec le reste du Canada dans la question. Devant ce nouveau résultat, la tendance d’une référence à une association avec le reste du Canada devient inéluctable. En juin, une entente tripartite voit le jour avec une association PQ-BQ-ADQ.

 

Mais une nouvelle controverse pointe à l’horizon. De fortes pressions, appuyées par des sondages, incitent Jacques Parizeau à céder la présidence de la campagne à Lucien Bouchard. Pour Parizeau, Lucien Bouchard souffre du syndrome du Canadien français qui hésite toujours à s’affirmer. Il y a des tiraillements sur la date du référendum. Lucien Bouchard et ses supporters ne se sentent toujours pas prêts à partir en campagne. Par contre, le premier ministre est catégorique : il faut faire la campagne au plus tard à l’automne.

 

En septembre, Parizeau et ses alliés sont convaincus que le temps est venu de passer à l’action. Le décret ministériel fixe le référendum pour le 30 octobre 1995. La campagne débute avec une adresse à la nation du premier ministre du Québec le 1er octobre.

 

Pendant ce temps, des financiers québécois se préparent à contrer une éventuelle crise financière que le reste du Canada s’empresserait de provoquer en cas de la victoire du OUI. Ainsi, l’Hydro Québec et la Caisse de dépôt et de placement font le nécessaire pour que le Québec puisse avoir des liquidités jusqu’à la hauteur de 17 milliards de dollars. D’autres institutions financières comme la Banque Laurentienne et la Banque Nationale se regroupent, animées d’un esprit nouveau qui permettrait au Québec de tenir éventuellement tête au milieu financier anglophone. Rapidement, les stratèges du camp du OUI se rendent compte qu’il faut donner la première place à Lucien Bouchard si on veut gagner le référendum.

 

Jacques Parizeau doit céder sa place et devenir dans les faits vice-président du comité du OUI. C’est alors que réapparaît l’idée déjà exprimée de nommer Lucien Bouchard comme négociateur en chef pour les négociations avec le Canada advenant un référendum gagnant du OUI. C’est ici qu’il faut voir la magnanimité de Jacques Parizeau qui accepte finalement de laisser la première place à Lucien Bouchard pour le bien de la cause. Parizeau essaie de rallier à la cause Pierre Bourgault qui pose des conditions inacceptables au premier ministre. Celui-ci doit se passer d’un tribun qui aurait été très utile à la cause.

 

Des sondages à partir de la mi-octobre donnent le OUI majoritaire. C’est alors la panique dans le camp du NON et le premier ministre Jean Chrétien décide de s’impliquer très activement dans la campagne. Le 27 octobre 1995, la campagne du NON réussit son meilleur coup avec un grand rassemblement où 100 000 personnes venant en grande partie de l’extérieur. Le camp du NON dépense pour cette activité plus de quatre millions de dollars alors que le budget de chaque option est limité à cinq millions. Les dépenses de chaque camp sont ainsi bien inégales donnant à ce propos un net avantage au NON. Pour Jacques Parizeau, la fin de la campagne est difficile parce qu’il se sent mis à part et délaissé.

 

Les premiers résultats au soir du 30 octobre sont très favorables au OUI. Cependant, au fur et à mesure que sortent les résultats du West Island ces derniers deviennent de plus en plus serrés. En fin de compte, le OUI obtient 49,4% tandis que le NON a 50,6% des votes. C’est une dure défaite qui plonge Jacques Parizeau dans un effondrement total.

 

À la télévision, Jacques Parizeau fait alors une déclaration très controversée «On a été battu au fond par quoi ? Par l’argent, puis des votes ethniques, essentiellement». Il est fortement critiqué et Bernard Landry, entre autres, l’incite clairement à démissionner. Le lendemain du scrutin, il annonce son départ. Il demeurera en fonction jusqu’à l’élection d’un nouveau chef du Parti québécois. C’est Lucien Bouchard qui prend la place en devenant le 27e premier ministre du Québec.

 

Jacques Parizeau a démissionné, mais ne s’est pas retiré de la scène politique pour autant. En effet, lorsqu’il le juge à propos et au grand dam des chefs du Parti québécois, il intervient régulièrement et critique avec sévérité les décisions du gouvernement péquiste qu’il trouve inappropriées. Il aura été membre de la courte liste des personnes qui ont réalisé la Révolution tranquille. Il a aussi défendu de toute son âme l’idée de la nation québécoise. Pour cela, nous lui sommes redevables.

 

Il décède le 1 juin 2015.

 

 

Hubert Reeves (1932-  )

Hubert Reeves est né à Montréal le 13 juillet 1932. Enfant, il s’intéresse très jeune à la science à travers l’Encyclopédie de la jeunesse que son père apporte à la maison. Il y découvre le cosmos.

Il s’inscrit à l’Université de Montréal où il obtient une licence en physique en 1953. En 1955, il présente un mémoire de maîtrise à l’Université McGill. Par la suite, il poursuit ses études en astrophysique à l’Université Cornell où il soutient une thèse de doctorat en 1960.

De 1960 à 1964, il enseigne la physique à l’Université de Montréal et agit comme conseiller de la NASA.

Durant cette période, un mouvement francophile prend forme chez plusieurs professeurs de l’Université de Montréal pour l’utilisation de manuels scolaires francophones. Certains de ses collègues lui font des remarques aigres à ce sujet. Puis, le refus de collaboration entre les professeurs de l’Université de Montréal et celle de McGill détermine Hubert Reeves à quitter le Québec.

L’Université de Montréal lui accorde une année sabbatique ce qui lui permet de déménager à Bruxelles, en 1964, où il enseigne à l’Université libre de Bruxelles. Il fait également un séjour à l’Académie des sciences de Moscou la même année.

En 1965, il reçoit une offre pour travailler au CNRS français. Reeves et sa famille décident alors de déménager en France. Il y fait des recherches en astrophysique.

Dans les années 1970, il commence sa carrière de vulgarisateur. Il rédige Patience dans l’azur qui connaît un grand succès à la suite de sa présentation à l’émission Apostrophes de Bernard Pivot.

En 1984, il publie Poussières d’étoiles dans lequel il rappelle que les atomes qui composent la Terre et ses habitants ont été constitués à l’intérieur des étoiles et ont été disséminés dans l’espace lors de la disparition de ces dernières. Il anime également une série d’émissions-conférences télévisées intitulée Histoire de l’Univers.

Vers l’an 2000, il devient un militant pour la défense de l’environnement. En 2005 et 2006 il publie deux livres qui reprennent ses chroniques diffusées à France culture : Chroniques du ciel et de la vie et Chroniques des atomes et des galaxies.

De son premier mariage il aura quatre enfants. Il épouse en deuxième noce Camille Scoffier, journaliste.

Il demeure toujours très actif au niveau de la vulgarisation.

Michel Tremblay (1942- )        

 

 

Michel Tremblay est né à Montréal le 25 juin 1942. Il vit sur le Plateau Mont-Royal dans un logement de 7 pièces avec trois familles, pour un total  de 12 personnes. Il est entouré de femmes qui tiendront une place prépondérante dans son oeuvre. Au secondaire, il écrit des pièces de théâtre et des contes fantastiques. C'est à l'âge de 13 ans, qu'il découvre Gabrielle Roy à travers Bonheur d'occasion durant un voyage en Gaspésie. À 19 ans, il s'inscrit à l'Institut des arts graphiques pour devenir linotypiste. De 1963 à 1966, il exerce son métier tout en continuant à écrire.

 

En 1964, il participe au Concours des Jeunes Auteurs organisé par Radio-Canada. Sa pièce Le Train y gagne le premier prix, ce qui lui vaut une bourse du Conseil des Arts du Canada. La deuxième pièce de Tremblay, Les Belles Soeurs, écrite en 1965, est montée par le Théâtre du Rideau Vert en août 1968. La création de cette pièce cause un gros scandale. L'impact est très important puisqu'elle remet en cause les principes du théâtre québécois souvent bourgeois écrit pour l'élite dans une forme classique française. De plus, la langue du peuple employée dans la pièce provoque de vifs débats de la part des critiques.

 

Michel Tremblay profite du renouveau apporté par la révolution tranquille pour imposer un nouveau style à la dramaturgie québécoise. Un nationalisme nouveau y est omniprésent. Il nous présente une société ouvrière dominée par l'Église. Il participe ainsi au mouvement sur l'identité québécoise et sur une possible indépendance.

 

Puis il publie dans les années 1970 Les Chroniques du Plateau Mont-Royal, une série de six romans qui viennent appuyer magistralement sa description de la société québécoise. Il y multiplie les liens avec plusieurs de ses pièces de théâtre. Dans les années 1980, il écrit une autre pièce majeure, Albertine en cinq temps où son personnage principal est représenté à cinq époques de son existence.

 

L'oeuvre de Michel Tremblay est colossale. Plusieurs de ses pièces sont jouées à l'étranger. Il a reçu plusieurs prix de distinctions dont l'Ordre des arts et des lettres de France, le prix du Québec (Athanase-David) et le prix Victor-Morin de la Société Saint-Jean-Baptiste.

 

Pauline Marois (1949-  )

 

 

Pauline Marois est née le 29 mars 1949. Elle est la fille de Grégoire Marois et de Marie-Paul Gingras. Après ses études primaires, elle est admise, en 1961, au collège Jésus-Marie de Sillery, un collège privé fréquenté surtout par la bourgeoisie de Québec. En 1968, elle s'inscrit au programme en maîtrise en service social de l'Université Laval. En 1969, elle épouse Claude Blanchet. Ce dernier est un entrepreneur qui en même temps poursuit des études en administration. Dans les années 1970, elle occupe diverses fonctions dans le domaine social en Outaouais.

 

Le couple s'établit à Montréal et Pauline s'inscrit à l'École des hautes études commerciales de l'Université où elle obtient un MBA en 1976. Membre depuis longtemps du Parti québécois, elle devient chef du cabinet de la ministre à la Condition féminine, Lise Payette, en novembre 1979.

 

Elle est élue pour une première fois à l'Assemblée nationale comme députée de la Peltrie en 1981. Elle devient ministre d'État à la Condition féminine le 30 avril 1981. Puis, elle occupe successivement les fonctions de vice-présidente du Conseil du trésor et de ministre de la Main-d'oeuvre et de la Sécurité du revenu. Au départ de René Lévesque, elle se présente à la direction du Parti québécois.

 

Elle est défaite lors de l'élection générale du 2 décembre 1985. Elle occupe les fonctions de conseillère au programme du Parti québécois en 1988 à la demande de Jacques Parizeau. Elle revient à l'Assemblée nationale en tant que députée de Taillon, en 1989, et y est réélue en 1994, 1998 et 2003. Durant cette période, elle occupe une dizaine de charges ministérielles dont celles de ministre de l'Éducation et ministre des Finances. En 2001, après le départ de Lucien Bouchard, Bernard Landry devient le nouveau chef du Parti québécois au détriment de Pauline qui rate sa chance une deuxième fois.

 

En 2004, Pauline demande la démission de Bernard Landry. En 2005, celui-ci démissionne à son tour et Pauline se lance dans la course à la direction du Parti québécois et à nouveau connaît la défaite aux mains d'André Boisclair. Le 20 mars 2006, elle annonce qu'elle quitte la vie politique après 25 ans de vie politique active.

 

À la suite du départ d'André Boisclair, le 8 mai 2007, Pauline Marois revient pour une ultime fois dans la course à la direction du Parti québécois. Cette fois sera la bonne et elle devient chef du Parti québécois le 30 juin 2007.

 

Par la suite, elle se présente dans une élection partielle dans le comté de Charlevoix où elle est élue le 24 septembre 2007.

 

Aux élections de 2008 elle devient chef de l'opposition officielle avec une députation de 51 députés. Aux élections générales de 2012, elle fait élire un gouvernement minoritaire. Alors qu'elle prononce un discours devant ses partisans le soir des élections, elle subit un attentat au Métropolis dont elle sort indemne.

 

 

Durant son cours mandat, elle s'illustre par son sens de compassion durant le drame du Lac-Mégantic. Elle est finalement défaite aux élections d'avril 2014. Elle aura marqué l'histoire du Québec en devenant la première femme a occupé la fonction de premier ministre.

 

 

Yannick Nézet-Séguin (1975- )

 

 

Yannick Nézet-Séguin est né le 6 mars 1975 à Montréal. Il étudie le piano à l'âge de cinq ans et va s'intéresser au métier de chef-d'orchestre à peine âgé de dix ans. Il poursuit ses études secondaires au Collège Mont-Saint-Louis et ses études collégiales au Collège Bois-de-Boulogne. Concurremment, il est admis au Conservatoire de Musique et d'art dramatique du Québec à Montréal. Il étudie la direction chorale au Westminster Choir College à Pinceton au New Jersey auprès de Joseph Flummerfelt. À 19 ans, il fait la rencontre du chef Carlo Maria Giulini qu'il suit en répétitions.

 

Il est nommé directeur musical du Choeur polyphonique de Montréal en 1994. L'année suivante, il fonde l'ensemble vocal et instrumental La Chapelle de Montréal avec qui il dirige de deux à quatre concerts par année.

 

À l'opéra de Montréal de 1998 à 2002, il occupe les fonctions de chef de choeur et d'assistant chef d'orchestre. En mars 2000, il prend son envol comme chef d'orchestre, puisqu'il prend la direction de l'Orchestre Métropolitain de Montréal. De plus, il réalise de nombreux enregistrements sous étiquette Atma classique. De 2003 à 2006, il occupe la fonction de chef invité principal de  l'Orchestre symphonique de Victoria.

 

En 2004, sa carrière internationale démarre. Il est, en effet, invité à diriger plusieurs orchestres prestigieux en Europe et aux États-Unis dont l'Orchestre philharmonique de Berlin, de Vienne et de Philadelphie. En 2008, il est engagé comme directeur de l'Orchestre philharmonique de Rotterdam.

 

Yannick Nézet-Séguin participe à plusieurs productions d'opéras au Canada. Le 31 décembre 2009, il fait ses débuts au Metropolitan Opera de New-York dans une production de Carmen. Depuis novembre 2012, il est directeur de l'Orchestre de Philadelphie.

En juin 2016, il devient le directeur artistique du Metropolitan Opera de New-York

 

C'est une étoile montante dans le monde des orchestres symphoniques. Il est détenteur du Prix canadien du Centre national des Arts, du Prix Denise Pelletier, la plus haute distinction en arts au Québec. Il est Compagnon de l'Ordre du Canada (2012) et Officier de l'Ordre national du Québec (2015).

 

          

 

 

Revision finale 22 juin 2017