Les oeuvres littéraires marquantes pour le Québec

Cette page est dédiée aux auteurs et aux œuvres littéraires qui ont marqué le Québec. De courts extraits d'œuvres importantes sont cités pour divers auteurs, dans un but d’illustrer l’évolution de la littérature et son importance pour la société québécoise.

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Les débuts, jusqu’à 1900

François-Xavier Garneau : 1809-1866

Philippe Aubert de Gaspé : 1786-1871

Laure Conan : 1845-1924

Arthur Buies : 1840-1901

Apparition de la poésie et des romans du terroir : 1900-1945

Lionel Groulx : 1878-1967

Émile Nelligan : 1879-1941

Louis Hémon : 1883-1913

Frère Marie-Victorin : 1885-1945

Robert de Roquebrune : 1889-1978

Claude-Henri Grignon : 1894-1976

Période 1945-1960

Germaine Guèvremont : 1893-1968

Philippe Panneton (Ringuet) : 1895-1960

Léo-Paul Desrosiers : 1896-1967

Alain Grandbois : 1900-1975

Mgr Félix-Antoine Savard : 1896-1982

Rina Lasnier : 1910-1997

Hector de Saint-Denys-Garneau : 1912-1943

Félix Leclerc : 1914-1988

Gabrielle Roy : 1909-1983

Anne Hébert : 1916-2000

Roger Lemelin : 1919-1992

Période 1960 à nos jours

Jean-Paul Desbiens  (Frère Untel) : 1927-2006

Gilles Vigneault : 1928-

Antonine Maillet : 1929-

Michel Tremblay : 1942-

Gaston Miron : 1928-1996

Hubert Aquin : 1929- 1977

Marcel Dubé : 1930-2016

Jacques Godbout : 1933-

Jacques Poulin : 1937-

Marie-Claire Blais : 1939-2021

Dany Laferrière : 1953-

Arlette Cousture : 1948-

Ouvrages consultés

Les débuts, jusqu’à 1900

François-Xavier Garneau : 1809-1866

Né de parents pauvres, François-Xavier fréquente pendant quelques années l’école d’un instituteur de quartier. Par la suite, il se retrouve dans une école gratuite mise sur pied par le protonotaire Joseph François Perrault qui devient son mentor.  Ce dernier l’engage dès l’âge de quatorze ans comme clerc. Il apprend rapidement.  À l’âge de seize ans, il est engagé par Archibald Campbell pour faire son apprentissage de la profession de notaire.  Il profite de sa bibliothèque  bien garnie pour lire les auteurs classiques comme Shakespeare, Boileau et beaucoup d’autres. Il y prend goût à l’écriture et à la poésie. À 21 ans, il devient notaire et fait rare sans avoir fréquenté le Séminaire de Québec.  En accédant à la petite bourgeoisie, il développe un esprit critique sur le peuple canadien-français.

De 1831 à 1833, il séjourne en France et en Angleterre. Il en profite pour visiter les monuments et palais de la mère-patrie. En Angleterre, il est engagé comme secrétaire de Denis-Benjamin Viger, délégué de la chambre d’Assemblée pour plaider la cause de la colonie.  Il se consacre à sa carrière de notaire tout en commençant à s’intéresser à l’histoire du Canada.

Durant les rébellions de 1837  et 1838 il se tient loin des débats politiques. Il veut protéger les siens. À cause de l’Acte d’Union de 1840,   il se joint  à l’action politique des libéraux.

De plus en plus, il songe à écrire l’histoire des Canadiens pour leur rendre justice et définir le rôle primordial qu’ils ont joué dans l’histoire de l’Amérique du Nord.  

Afin de mieux se consacrer à son projet, il devient traducteur à la Chambre d’Assemblée, puis greffier pour la ville de Québec, ce qui lui donne amplement le temps de se consacrer à sa nouvelle tâche d’historien.

L’histoire du Canada

Son premier volume met en relief le courage des premiers découvreurs comme Colomb, Cartier, Champlain, La Salle etc. En fait, ce premier volume est l’histoire de nos origines et des bâtisseurs du Canada. Il y présente un monde exotique où les Européens viennent «civiliser» les autochtones.

Dans son deuxième volume, il constate que la «civilisation» l’a emporté et que la coexistence avec les Amérindiens est maintenant faite. La colonie a  progressé. Il met en relief le manque de soutien de la France et le rapide développement des Treize colonies anglaises, ce qui voue l’aventure de la Nouvelle-France à l’échec.

Dans le troisième tome, il explique la Guerre de la Conquête et la croissance du Canada jusqu’à l’Acte constitutionnel de 1791. Cette constitution permet au peuple de s’exprimer par la création d’une Chambre d’Assemblée. Ces représentants tel un Joseph Papineau deviennent les défenseurs des Canadiens de souche française.

Le quatrième volume  raconte essentiellement les luttes parlementaires. Garneau partage certaines idées de Durham dont l’établissement d’un gouvernement responsable.

Le récit historique de Garneau prend fin en 1828. Dans sa conclusion, il engage les siens à demeurer unis mais fidèles à leur passé.

L’analyse historique du rôle de l’Église amène celle-ci a organisé un  boycott de ses livres dans les bibliothèques et les collèges. L’Histoire du Canada est publiée entre 1845 et 1852.

Garneau est notre premier grand écrivain et historien. Il a permis à son  peuple de prendre conscience de sa valeur et de la nécessité de la défendre.  

Son œuvre connaît plusieurs rééditions. De son vivant, François-Xavier Garneau devient une figure de proue dans la collectivité canadienne-française.

Philippe Aubert de Gaspé : 1786-1871

Philippe Aubert de Gaspé est né à Saint-Jean-Port-Joli. Il passe son enfance dans le manoir seigneurial paternel. Il fait ses humanités  au Séminaire de Québec. Par la suite, il poursuit des études en droit sous la direction du juge Olivier Perrault de 1808 à 1811. Il est finalement admis au barreau la même année. Il est nommé shérif en 1816. En novembre 1822, il est destitué de son poste. Accusé de détournement de fond, il se réfugie au manoir familial de 1823 à 1838. Condamné et incapable de payer l’amende imposée, il est incarcéré à la prison de Québec où il est interné jusqu’en 1841. Il est finalement  libéré par une loi spéciale de l’Assemblée législative. Après quoi, il retourne vivre  en permanence dans son manoir de Saint-Jean-Port-Joli.

À  l’âge de 74 ans, il se met à l’écriture d’un roman, Les anciens Canadiens.  C’est un hommage à l’ancien régime où il s’applique à décrire la vie quotidienne des seigneurs et de leurs familles. Il y raconte également les phases décisives de l’histoire canadienne et la chute du régime français par l’abandon de la mère-patrie : la France.  Fort de son succès, l’auteur publiera  une suite, Mémoires, qui seront publiées en 1866. Dernier seigneur de Saint-Jean-Port-Joli, il y décède en 1871. Il repose aujourd’hui sous le banc seigneurial de l’église de Saint-Jean-Port-Joli.      

Les anciens Canadiens

Ce premier roman de Philippe Aubert de Gaspé, considéré comme le premier classique de la littérature canadienne veut d’abord mettre en relief  la vie magnifiée d’une strate de la société de la Nouvelle-France, celle des seigneurs. Pour parvenir à raconter ses souvenirs, il crée des personnages comme ceux de la famille d’Haberville de Saint-Jean-Port-Joli et du mystérieux Archibald Cameron de Locheill, un jeune écossais venu en Nouvelle-France  afin de parfaire son éducation.

En deuxième lieu, il veut démontrer les effets de la guerre de la Conquête en blâmant sévèrement l’abandon de la Nouvelle-France par la mère-patrie. Si la conquête cause la ruine de la noblesse seigneuriale, elle permet finalement, comme le démontrera l’intrigue du roman, d’expliquer la fusion souhaitable entre les deux nations.

En effet, dans cette première partie (chapitres 1 à 11) l’auteur donne quelques exemples de l’art de vivre des anciens Canadiens. Ainsi en est-il sur la description d’un banquet dans un manoir seigneurial : «Le menu du repas était composé d’un excellent potage (la soupe était alors de rigueur, tant pour le dîner que pour le souper), d’un pâté froid, appelé pâté de Pâques, servi, à cause de son immense volume, sur une planche recouverte d’une serviette ou petite nappe blanche, suivant ses proportions. Ce pâté qu’aurait envié Brillat-Savarin, était composé d’une dinde, de deux poulets, de deux perdrix, de deux pigeons, du râble et des cuisses de deux lièvres : le tout recouvert de bardes de lard gras…» (p.106).   

 Par la suite, il décrit un manoir seigneurial : « C’était une bâtisse à un seul étage, à comble raide, longue de cent pieds, flanquée de deux ailes de quinze pieds avançant sur la cour principale. Un fournil attenant du côté du nord-est à la cuisine, servait aussi de buanderie.» (p.133)   Nous avons donc ici une résidence imposante qui suscite l’admiration et le respect des censitaires.

De plus, chaque année, les censitaires venaient rendre hommage à leur seigneur à l’occasion de la fête du Mai. Ainsi le Mai consistait : « Un bâton peint en rouge, de six pieds de longueur, couronné d’une girouette peinte en vert et ornée d’une grosse boule rouge de même couleur que le bâton…» (p.153)  

Une délégation  de censitaires se présentait au manoir pour demander la permission d’y planter le Mai. Un fois celle-ci accordée, un coup de fusil annonçait le début de la fête.

Après cet hommage rendu au seigneur, ce dernier invitait tout son monde à déjeuner. La fête se poursuivait ainsi tout au long de la journée.

Les relations entre le seigneur et ses censitaires étaient généralement excellentes, ceux-ci le considérant comme un père.

La deuxième partie (chapitres 11à 14) aborde les conséquences néfastes de la guerre de la conquête.

 « Un  voile sombre couvrait toute la surface de la Nouvelle-France, car la mère-patrie en vraie marâtre, avait abandonné ses enfants canadiens. » (p.217)

Une bataille perdue à l’avance. Plusieurs habitations de la Côte-du-Sud sont réduites en cendre. Les deux principaux personnages, Jules et Archibald, se retrouvent dans les camps opposés. Archibald, devenu officier de l’armée anglaise, reçoit l’ordre d’incendier les habitations de la Côte-du-Sud, y compris le manoir des Haberville. D’où le drame qui se pose aux amis de jeunesse. Archibald est bouleversé par la scène qu’il voit devant lui. Il a malheureusement dû obéir aux ordres :

«Là, assis sur la cime du cap, il contempla longtemps, silencieux et dans des angoisses indéfinissables, les ruines fumantes à ses pieds. » (p.227)

Le peuple manque de tout. Malgré cela, Philippe Aubert de Gaspé fait une étonnante constatation à la suite de ces évènements tragiques :

« Je suis loin de croire cependant que tout soit perdu : la cessation du Canada a peut-être été, au contraire, un bienfait pour nous; la révolution de 93 avec toutes ses horreurs, n’a pas pesé sur cette heureuse colonie, protégée alors par le drapeau britannique. »  (p.218)   

 Mais le sort en est jeté :

 « La Nouvelle-France, abandonnée de la mère patrie, fut cédée à l’Angleterre  par le nonchalant Louis XV, trois ans après cette glorieuse bataille  qui aurait pu sauver la colonie. » (p.260)

La troisième partie (chapitres 15 à 18) est celle de la réconciliation et du retour à une vie normale.  

Cependant les effets de cette guerre sont terribles pour les habitants :

 « Le plus difficile étant de se nourrir, car la disette des vivres étant affreuse dans les campagnes ; la plupart des habitants mangeaient bouilli le peu de blé qu’ils avaient récolté, faute de moulin pour le moudre. » (p.275)

Malgré tout, l’espoir renaît :

«Sous son administration, et muni en outre de puissantes recommandations que notre ami Locheill lui a procurées, Jules a tout espoir d’occuper une poste avantageux dans la colonie.» (310)

Et ultime conseil du seigneur d’Haberville :

 «Sers ton souverain anglais avec autant  de dévouement, de loyauté, que j’ai servi le monarque français et reçois ma bénédiction. » (p.310)

Le souhait est limpide c’est l’intégration à la nouvelle nation.  À ce sujet, Jules constate :

«Nos pertes sont en grande partie réparées, et nous vivons plus tranquilles sous le gouvernement britannique que sous la domination française. » (p.346)

Ainsi se termine ce premier classique de la littérature québécoise. Il est à la fois un roman dans lequel  Philippe Aubert de  Gaspé fait revivre la vision qu’il se fait du temps glorieux de la Nouvelle-France, du choc de la conquête et de l’avenir de la nouvelle colonie britannique. Le roman a connu dès sa parution un vif succès. Il demeure encore aujourd’hui une référence sur le passé de notre nation.

Laure Conan : 1845-1924

Laure Conan, de son vrai nom Félicité Angers, est née à La Malbaie où sa famille possède un magasin général et s’occupe du bureau de poste. La famille des Angers compte 12 enfants qui, chose remarquable, iront tous à Québec pour y recevoir une éducation supérieure. Félicité se fait remarquer par une brillante intelligence et ses talents littéraires. Ses premiers écrits ont pour thématiques l’histoire et la religion, ce qui correspond à l’idéologie de l’époque.

Durant l’été 1862, elle fréquente  l’arpenteur Pierre-Alexis Tremblay qui deviendra député de Chicoutimi. Malheureusement, il y a rupture vers 1867. Félicité ne se remettra jamais de cet échec amoureux. Ce sujet reviendra, quoique de façon indirecte, dans ses romans.

Entre 1875 et 1879, son père, sa mère ainsi que son ex-amoureux la rendent mélancolique et fataliste face à la vie. Par contre, elle fait la connaissance d’Octave Crémazie, ami du notaire Élie Angers, son frère aîné. Avec le temps, il deviendra son mentor. Cependant, Félicité et son frère Élie ainsi que deux de ses sœurs célibataires vivent dans une relative pauvreté.

Elle se réfugie dans la littérature et fait paraître en 1881 Angéline de Montbrun dans la Revue canadienne. Le livre va suivre en 1884. Plusieurs de ses romans seront par la suite publiés de cette manière.

Pour l’aider dans l’élaboration de ses écritures, on lui présente Raymond Casgrain qui fera toutes les démarches afin que son roman, Angéline de Montbrun, soit publié.  Hors, une mésentente sur la révélation de sa véritable identité les oppose. Leur conflit va durer jusqu’à la veille du décès de Félicité en 1924.

La carrière de Félicité, connue maintenant sous le pseudonyme de Laure Conan, est lancée. Elle s’oriente vers le roman historique et le genre biographique. En 1898, elle publie À l’œuvre et à l’épreuve qui a pour sujet le martyr de Charles Garnier. Pour ce récit, elle reçoit la décoration de l’ordre des Palmes académiques du gouvernement français.

De 1894 à 1898, pour 800$ par an avec le gîte et le couvert,  Laure Conan dirige à Saint-Hyacinthe la revue, Voix du Précieux sang, à laquelle elle fournira 90 articles,  la plupart des biographies religieuses.

En 1903, elle obtient le prix Montyon de l’Académie française pour son roman l'Oublié qui connait un vif succès. De 1910 à 1923, l’écrivaine séjourne régulièrement à Montréal chez les Sœurs de la charité.  En 1923, elle réside à la Villa Notre-Dame-de-Lourdes et y travaille à la rédaction d’un roman historique pour le concours du prix David. Malade, elle décède le 6 juin 1924. Son dernier roman est publié à titre posthume en 1925 sous le titre Sève immortelle. À juste titre, elle est considérée comme la première romancière québécoise.

Angéline de Montbrun

Dans cette œuvre, on perçoit l’évolution des sentiments amoureux entre Maurice et Angélique à travers les lettres qui sont échangées entre Angéline Maurice et Mina sa grande amie et sœur de son prétendant.

Voici comment Maurice Darville dans une lettre à sa sœur Mina décrit sa pensée au sujet d’Angéline : (p.23)

« Quelle est belle! Il y a en elle je ne sais quel charme souverain qui élève l’esprit. Quand elle est là, tout disparaît à mes yeux, et je ne sais plus au juste s’il est nuit ou s’il est jour ».

Cependant il y a un lien fusionnel entre Charles de Montbrun et sa fille Angéline.

«Je voulais qu’elle fût la fille d’âme comme de mon sang, et qui pourrait dire jusqu’à quel point cette double parenté nous attache l’un à l’autre. » 

Dans une autre lettre à sa bien-aimée Maurice exprime toute sa pensée ; (p.81)

«En attendant, je vous obéis con amore et j’ai bien placé l’image de la Vierge dans ma chambre. Ça été mon premier soin. Faut-il ajouter qu’au-dessous j’ai mis mon portrait ».

Mais un grand malheur frappe la famille de Montbrun. En effet, Charles décède dans un accident de chasse ce qui provoque un choc émotif indescriptible sur Angéline. (p.86)

«Sa fille montra d’abord un grand courage, mais elle aimait son père d’un immense amour et, après les funérailles qui eurent lieu à Québec dans l’église des Ursulines, elle tomba dans une prostration complète, absolue… ».

Un malheur n’arrivant jamais seul, Angéline fait une mauvaise chute ce qui lui cause des contusions au visage. C’est ainsi qu’elle doit subir une opération qui malheureusement la laisse défigurée. Suite à ces évènements, le cœur de Maurice se refroidit. (p.88)

«Malgré les protestions de Maurice Darville, elle lui rendit sa parole avec l’anneau des fiançailles et s’en retourna à Valriant ».

Angéline de Montbrun à Mina Darville :

« Mon amie priez pour moi. Chère Mina, je ne suis plus rien, ou au plus je ne suis peu de chose pour votre frère; mais vous êtes et vous serez toujours ma sœur chérie ». (100)

«La consolation c’est d’accepter la volonté de Dieu, c’est de songer à la joie du revoir, c’est de savoir que je l’ai aimé autant que je pouvais l’aimer ». (p.107)

Et encore

«Quand de  vivrai encore longtemps, jamais je ne laisserai ma robe noire, jamais je ne laisserai mon deuil » (p.123)

Et dans un élan patriotique Angéline décrit sa foi en la patrie de ses pères :

« Le sang et les larmes versés sur l’autel de la patrie sont une source de vie pour le peuples et le Canada vivra. Ah! j’espère ». (p.162)

La rupture avec son fiancé provoque chez Angéline un choc émotif :

«Mais pour me décider à rompre avec lui, il m’avait fallu un effort terrible qui m’avait ranimée – et cette étrange émotion que me causa sa voix ». (p.169)

C’est par la foi qu’un ecclésiastique lui suggère l’acceptation :

«N’en doutez pas. Jésus-Christ peut tout adoucir; c’est un enchanteur !  Il est venu porter le feu sur la terre. Puisse-t-il allumer dans votre cœur ! » (p.176)

Le roman se termine par un ultime échange de lettre entre les amoureux : Maurice :

«Ainsi vous persistez à vous tenir renfermée,  à refuser de me recevoir, et pour vous je   ne suis plus qu’un étranger…et je vous supplie par la fraternité de nos larmes, par cette divine espérance que nous avons de le revoir, consentez à m’entendre ».  (p.181)

Angéline :

«Mon cher ami, nous l’avions bien oublié. Dîtes-moi si cet enchantement de l’amour et du bonheur se fut continué que serions-nous devenus ?....Mais le prestige s’est vite dissipé et nous savons maintenant que la vie est une douleur. Quand j’étais enfant, mon père, pour m’encourager aux renoncements de chaque jour, me disait que pour Dieu il n’est pas de sacrifice trop petit ; et aujourd’hui je le sens, il me dit que pour Dieu, il n’est pas de sacrifice trop grand ». (p. 184)

Dans ce roman éponyme l’identité féminine  est mise en valeur. C’est un roman basé sur l’intériorité. Cette œuvre projette les idéologies du moment. Ainsi, l’esprit de sacrifice et le rôle de la religion et de la foi y détiennent une place prépondérante. Ce récit permet à Laure Conan de se faire reconnaître dans la francophonie et de lui assurer une place dans la littérature québécoise. Il faut souligner qu’à l’époque le monde de l’édition était quasi inexistant. On pouvait publier à compte d'auteur ou en ayant recours à des mentors.  Grâce à cette  aide extérieure, Laure Conan connaîtra une renommée, voir une certaine immortalité.

Arthur Buies : 1840-1901

Arthur Buies vient d’une famille dysfonctionnelle. En effet, son père et sa mère vont s’installer en Guyane en 1841 laissant  leurs deux jeunes enfants Arthur et Victoria aux bons soins de deux grand-tantes maternelles. Arthur ne connaîtra jamais sa mère qui meurt en 1842.

Arthur connaît une jeunesse houleuse et fréquente plusieurs collèges : collège Sainte-Anne-de-la-Pocatière, le Séminaire de Nicolet et le petit Séminaire de Québec. À  16 ans, ses grand-tantes n’en peuvent plus et le renvoient à son père qui décide de l’expédier à Dublin pour y poursuivre ses études.  Le jeune Arthur se révolte et décide de se rendre à Paris où il échoue à quatre reprises ses examens pour le baccalauréat.

Ayant un pressant besoin d’argent, il rejoint l’armée de Garibaldi en Italie. En  1862, il est de retour au Canada où il devient membre de l’Institut canadien qui s’oppose au clergé. Il écrit de nombreux articles dans les journaux sur plusieurs sujets dont celui de l’éducation.

En lutte contre le clergé et insatisfait de la création de la Confédération, il décide subitement de quitter le Canada définitivement et part pour Paris. Cependant, en janvier  1868, il est de retour.

Il se consacre alors à la rédaction de la Lanterne où il tire à boulet rouge sur le conservatisme de la société canadienne et sur le clergé qui est omniprésent.

Déçu par le peu d’appui qu’il reçoit, il s’expatrie d’abord à New-York puis de nouveau à Paris. Après quelques mois, il revient au pays et s’installe à Québec où il devient chroniqueur au Pays et au National.

Et puis Arthur Buies transforme sa vie. En 1879, il revient à la pratique religieuse.

La même année, avec l’appui du curé Labelle, il est appelé par le commissaire des Terres de la couronne, Félix-Gabriel Marchand à faire partie de son département. Il écrit alors son premier ouvrage géographique le Saguenay et la vallée du Lac St-Jean.

Il travaille pendant quelques années avec le curé Labelle et écrit de nombreux articles pour venir en aide à la colonisation. Puis tombé amoureux, il se marie en août 1887 à Marie-Mila Catellier. Ils auront cinq enfants. En 1888, alors que le curé Labelle devient sous-commissaire au département de l’Agriculture, il est nommé agent des terres jusqu’à ce qu’il soit démis de ses fonctions avec le changement de gouvernement en 1892.

Par après, il continue d’écrire des chroniques et publie ses derniers ouvrages sur la colonisation.

Malade depuis plusieurs années, Arthur Buies décède le 26 janvier 1901.

La Lanterne

La Lanterne comprend une série de chroniques révolutionnaires  sur de multiples sujets. Elle demeure un pamphlet où tous les moyens sont acceptables aux yeux d’Arthur Buies. On y retrouve de la vantardise, de l’ironie de la provocation. Partout, il fustige le clergé et le conservatisme de la population.

Ces écrits non guère d’influence sur la société. Il tient le coup pendant 27 semaines ce qui pour l’époque constitue un exploit. Analysons maintenant sa pensée à l’aide de quelques chroniques.

La démocratie:

Arthur Buies est en premier lieu partisan de l’annexion aux États-Unis dont il vante la forme de gouvernement. On peut maintenant constater que cette admiration sans borne envers les États-Unis n’a plus sa raison d’être en ce 21e  siècle.

«La liberté est une école et sans l’éducation politique, sans la science du droit populaire, les républiques sont impossibles…Je voudrais savoir où les hommes en seraient aujourd’hui sans les révolutions ». (p. 68)

Plus loin il vante le capitalisme américain :

«Les capitalistes des États-Unis n’ont rien tant à cœur que de contribuer à la fondation, à l’entretien, à la postérité des écoles, collèges et institutions de tout genre… (p.74)…En Amérique, ils sont des hommes, et voilà pourquoi les États-Unis sont la proue avancée de la civilisation, la lumière des autres peuples.. » (p.80)

Sur le clergé:

«Ainsi la cause du peuple n’était déjà plus celle du  clergé et c’est lui cependant qui a osé se dire jusqu’à ce jour notre protecteur et notre défenseur… Uni à la noblesse, le clergé conjura l’extinction de tous les genres d’indépendance nationale qui se manifesteraient » (p.78)

L’éducation:

Arthur Buies démontre l’influence néfaste et la domination absolue des prêtres et religieux en matière d’éducation. Cependant, tout en dénonçant avec raison le clergé, il s’abstient de critiquer les hommes politiques pour lesquels cette mainmise du clergé sur l’éducation faisait  bien leur affaire.

« On ne vit pas au Canada, on se regarde vivre…(p.86) L’éducation cléricale est le poison des peuples. Nous sommes des moutons et qui le veut peut nous tondre. L’humilité tel qu’on nous l’enseigne, n’est autre chose qu’une humiliation » (p.87)

«La liberté de l’instruction publique ! Voilà ce que nous voulons et ce que le clergé ne veut concéder à aucun prix, et voilà pourquoi nous considérons le clergé comme l’ennemi naturel instinctif des institutions de l’esprit et de la science moderne. Nous voulons que l’instruction publique ne soit plus contrôlée par le clergé, nous la voulons libre… » (p.97)

Arthur Buies dans sa deuxième carrière  fut à l’instar du curé Labelle un grand artisan de la colonisation de l’arrière -pays. Ces écrits révèlent une des meilleurs plumes de l’époque.

Ainsi dans une chronique il décrit avec brio les moustiques du Saguenay dont il garde un souvenir cuisant :

«Les moustiques du Saguenay sont une race unique, indomptable, supérieure. Unies entre elles, par myriades de millions, elles affrontent tous les moyens de destruction connus.  Elles ravagent et dévorent tout ce qui existe; aucune peau d’animal n’est à leur épreuve. Pour les anéantir, on dit des messes, mais cela ne suffit pas toujours; on fait du feu, on enveloppe les maisons de fumée, on s’étouffe littéralement, mais jamais étouffer ces maudites petites bêtes, grosses comme des pointes d’aiguilles et que le vent emporte ainsi que des nuées invisibles. Ce ne sont ni des maringouins, ni des cousins, ni des brûlots; c’est une espèce à part, presque microscopique, armée d’une pompe terrible et d’un appétit colossal. » ( litt c.p.149)

Nous pouvons voir dans cet extrait  une description  détaillée d’une race supérieure de moustique et nous découvrons ainsi le talent de l’auteur. À travers  l’exagération,  on retrouve un ensemble de constatations réelles qui donnent vie au récit.

Sa désinvolture illustre son esprit français. Dans le fond, Buies souhaite ardemment que l’Amérique francophone s’ouvre au monde et évite de se replier sur elle-même.

Apparition de la poésie et des romans du terroir - 1900-1945

L’École littéraire de Montréal regroupe de jeunes auteurs dont l’un de ses plus illustres représentants: Émile Nelligan.  De plus, quelques membres de l’École littéraire se tournent vers le roman régional, le terroir et l’Église.

Lionel Groulx : 1878-1967

Lionel Groulx naît à Vaudreuil en mars 1878 dans une modeste famille paysanne. Il fait des études classiques au Séminaire de Sainte-Thérèse et théologiques au Grand Séminaire de Montréal. Il est ordonné prêtre en 1903. Il enseigne l’histoire et la littérature au Séminaire de Valleyfield. De 1906 à 1909, il poursuit des études supérieures en théologie et en linguistique en Europe.

En 1913, dans le Devoir Henri Bourassa dénonce la faiblesse de l’enseignement de l’histoire. C’est alors que Lionel Groulx, qui a composé une histoire complète du Canada pour ses élèves, lui fait connaître son expérience au Séminaire de Valleyfield. C’est ainsi qu’on  lui demande de publier un manuel pour les collèges classiques du Québec.

En 1915, avec l’appui du clergé, il devient professeur d’histoire à l’Université de Montréal. La création de cette nouvelle chaire est pour le chanoine un point de départ.

Inspiré par François-Xavier Garneau, la Conquête, pour Groulx,  devient un désastre pour les Canadiens français. Il écrit plusieurs volumes dont Nos luttes constitutionnelles (1915), La naissance d’une race (1919), Lendemain de conquête (1920) etc.

En  1920,  il dirige la revue mensuelle l’Action française où il défend la survie du français et du catholicisme, ces deux éléments étant indissociables. À partir de 1926, l’abbé Groulx s’adonne exclusivement à ses travaux.

Pendant la crise économique de 1930, il s’engage dans une nouvelle publication nationaliste : L’Action nationale  qui soutient que la crise résulte d’une industrialisation excessive encouragée par les capitalistes américains.

Durant la deuxième guerre mondiale qui mène à  la crise de la conscription, Lionel Groulx  accuse les anglophones de diviser le pays. À ce moment, l’influence de Lionel Groulx est importante. Il inspire plusieurs nationalistes canadiens-français. Il a le mérite d’avoir édifié une synthèse historique dont l’intérêt est encore palpable.

Cependant, à tort ou à raison, il est aujourd’hui souvent accusé d’antisémitisme

Il a été honoré de plusieurs manières :

- Prix de l’Académie française en 1931

- Médailles J.B. Tyrrell en histoire en  1948

- Prix Léo-Parizeau en 1963

- Prix du grand jury des lettres en 1963

L’appel de la race

En 1922, Lionel Groulx, directeur de la revue, l’Action Nationale, dans laquelle il défend les Canadiens français contre leur sujétion à l’étranger, décide de donner une nouvelle impulsion à la défense de son idéologie en publiant un roman, L’appel de la race.  Afin de séparer son œuvre d’historien de celle de romancier, il publie son roman sous un pseudonyme, Alonié de Lestres, du nom d’un compagnon de Dollard des Ormeaux.

Le roman  est centré sur Jules de Lantagnac, qui après ses études en droit à l’Université McGill, épouse une Canadienne anglaise et s’installe à Ottawa où il exerce une brillante carrière.

Le ménage est unilingue anglophone comme les quatre enfants. Arrivé à la quarantaine, il se souvient avec nostalgie de son enfance dans la paroisse agricole de Vaudreuil qu’il n’a pas revue depuis le décès de ses parents.

La crise du Règlement XVII, qui  oblige les écoles catholiques bilingues à devenir anglophones après la deuxième année,  devient le centre de l’intrigue du roman. Lantagnac sent l’appel de la race et se résigne à combattre pour sauver le droit des francophones de l’Ontario au détriment de la survivance de sa famille et de sa carrière.

Lantagnac décide de retourner sur les lieux de son enfance. De retour vers les siens, il sent qu’il devra passer à l’action :

«J’ai promis à mes ancêtres de leurs ramener, de leur restituer mes enfants » (p.43)

Cependant il sait que cela ne se réalisera pas facilement :

« Hélas, je le sais trop : en les  reprenant à leur  éducation anglaise, c’est à leur mère d’abord que je vais les reprendre. Le pourrais-je sans me préparer une catastrophe » (p.44)

Il ressent comme jamais l’effacement des siens face à la majorité dominante des anglophones :

«La haute-ville anglaise à elle seule, du haut de son piédestal lui paraît afficher, plus que tout le reste, la domination du vainqueur sur le vaincu dont les quartiers plus modestes s’échelonnent vers l’emplacement de la basse-ville. » (p.49)

Il constate chez deux de ses enfants, Virginia et Wolfred, un intérêt pour le français.  Lantagnac réfléchit  sur la  fusion des peuples (races)

« Croiser deux peuples c’est changer du même coup aussi bien leur constitution physique que leur constitution morale.  Le premier effet des croisements entre des races différentes est de détruire l’âme de ces races…C’est donc avec raison que tous les peuples  arrivés à un haut degré de civilisation ont soigneusement évité de se  mêler à des étrangers » (p.74)

À l’époque, le mot race est l’équivalent d’ethnie aujourd’hui. Il faut se rappeler qu’à ce moment chez les anglophones comme chez les germaniques on parle souvent de supériorité de la race. Le concept de race entre les deux guerres prend un sens plus large. D’ailleurs, pour Groulx, il n’y a pas de supériorité de race. Il veut surtout réfuter le discours colonialiste traitant les Canadiens français de race inférieure, de porteurs d’eau, de race née pour un petit pain. Ainsi il fait dire à Wolfred fils de Jules :

« comme toi, je respecte la race de ma mère; je ne la mets plus au-dessus d’une autre ».

C’est un passage clé du roman. Ainsi, l’auteur veut combattre le complexe d’infériorité répandu chez les Canadiens français et désire leur redonner la fierté perdue depuis la Conquête.

Il est certain que certaines affirmations du roman ne cadrent absolument pas avec la vie telle que vécue au 21e siècle.

Ainsi, ces affirmations répétées  sur le mélange des races sont complètement dépassées

 « Par orgueil, par absence de foi nationale, elles acceptent les mariages, le mélange des sangs : ce qui est leur déchéance et leur fin» (p.110)

Lorsque Lantagnac est élu député indépendant du comté francophone de Russell en Ontario, on fait  de fortes pressions sur lui pour qu’il cesse de combattre au Parlement le fameux Règlement XVII. De prime abord, il perd un fabuleux contrat avec une importante compagnie canadienne. Mais, sur l’avis de son conseiller spirituel, il met en danger son ménage. En conséquence, son épouse lui déclare :

«Mais ce devoir, vous l’accepter mon ami, gémit-elle, au risque même de démolir votre foyer » (p.158)

Lorsque le roman paraît, c’est surtout cet aspect de la séparation des époux qui choquent  le plus les élites de l’époque.

Toutefois, on peut considérer aujourd’hui que l’aspect le plus important de l’œuvre entière de Lionel Groulx fut d’ouvrir, quarante ans à  l’avance, le combat qui allait permettre l’affirmation de la nation désormais désignée sous le titre de québécoise. Depuis la révolution tranquille avec Jean Lesage, en passant par «l’égalité ou l’indépendance» de Daniel Johnson jusqu’à l’élection du Parti Québécois en 1976, l’évolution du Québec doit beaucoup au nationalisme de Lionel Groulx.

Émile Nelligan : 1879-1941

Émile Nelligan est né à Montréal le 24 décembre 1879. Ses parents incarnent les deux solitudes du Canada. En effet, son père, David Nelligan, est un immigrant irlandais peu sensible à la langue et la culture canadienne-française pendant que sa mère, Émilie-Amanda  Hudon, canadienne-française d’origine, est douée pour la musique et est fière de sa culture.

Émile Nelligan passe ses vacances d’été dans le village de Cacouna. En septembre 1890, il est externe au Mont-Saint-Louis puis il fréquente le Collège de Montréal et enfin il passe au Collège Sainte-Marie en mars 1896. Il est un élève médiocre n’ayant d’intérêt que pour la poésie.

En février 1897, il est élu membre de l’École littéraire de Montréal et en mars il y lit deux poèmes. Quelques mois plus tard, il publie des poèmes dans le Monde illustré et La Patrie.

En 1898, son père lui fait faire un voyage vers Liverpool et Belfast dans l’espoir de l’enrôler dans la marine marchande.

La même année, il est de nouveau admis après l’avoir brièvement quitté à l’École littéraire de Montréal qui prépare une série de séances publiques. Nelligan va y réciter plusieurs de ses poèmes. C’est à la séance du 26 mai qu’il récite son poème La Romance du vin qui lui vaut une ovation. Il est ramené chez lui de façon triomphale.

Malheureusement, peu de temps après sa santé mentale bascule. Il est d’abord hospitalisé à l’asile Saint-Benoît-Joseph-Labre, du 9 août 1899 au 20 octobre 1925, pour ensuite être admis à l’hôpital Saint-Jean-de-Dieu du 23 octobre 1925 jusqu’au jour de son décès, en novembre 1941. Il continue à écrire mais l’inspiration n’y est plus.

En  novembre 2014, l’Actualité fait paraître un article intitulé : L’imposture de Nelligan. Dans cet article, on reprend la thèse d’Yvette Francoli, professeur retraité en littérature, selon laquelle Émile Nelligan n’était pas le véritable auteur des poèmes qui lui sont attribués mais que son mentor, Louis Dantin,  en serait le véritable créateur. Cette hypothèse n’a pas eu de suite.

L’œuvre de Nelligan compte quelque 170 poèmes. Grâce à son ami Louis Dantin et l’aide de sa mère, 107 de ses poèmes sont publiés en 1904. Trois autres éditions paraîtront avec les années.

En 1952, Luc Lacourcière publie une édition critique. En 1991, Jacques Michon, Réjean Robidoux et Paul Wyczynski font paraître une nouvelle édition des Œuvres complètes de Nelligan.

On consacre à Nelligan des thèses de doctorat et de maîtrise. Un opéra romantique lui a été consacré sur un livret de Michel Tremblay et la musique d’André Gagnon.

Trois  poèmes qui ont marqués l’œuvre d’Émile Nelligan

La romance du vin

Tout se mêle en un vif éclat de gaité verte.

Ô le beau soir du mai ! Tous les oiseaux en cœur,

Ainsi que les espoirs naguères à mon cœur,

Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.

Ô le beau soir de mai ! le joyeux soir de mai !

Un orgue au loin éclate en froides mélopées;

Et les rayons, ainsi que de pourpres épées

Percent le cœur du jour qui se meurt parfumé.

Je suis gai ! Dans le cristal qui chante,

Verse, verse le vin ! verse encore et toujours

Que je puisse oublier la tristesse des jours,

Dans le dédain que j’ai de la foule méchante !

Je suis gai ! je suis gai !  Vive le vin et l’Art !...

J’ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,

Des vers qui gémiront les musiques funèbres

Des vents d’automne au loin passant dans le brouillard.

C’est le règne du rire amer et de la rage

De se savoir poète et l’objet du mépris

De se savoir un cœur et de n’être compris

Que par le clair de lune et les grands soirs d’orage !

Femmes ! je bois à vous qui riez du chemin

Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses

Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main !

Pendant que tout l’azur s’étoile dans la gloire,

Et qu’un hymne s’entonne au renouveau doré

Sur le jour expirant je n’ai donc pas pleuré,

Moi  qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire !

Je suis gai ! je suis gai ! Vive le soir de mai !

Je suis follement gai, sans être pourtant ivre !...

Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre;

Enfin mon cœur est-il guéri d’avoir aimé ?

Les cloches ont chanté; le vent du soir odore…

Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,

Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore

Oh ! si gai, que j’ai peur d’éclater en sanglots !

Soir d’hiver

Ah ! comme la neige a neigé !

Ma vitre est un jardin de givre.

Ah! comme la neige a neigé !

Qu’est-ce que le spasme de vivre

À la douleur que j’ai, que j’ai !

Tous les étangs gisent gelés,

Mon âme est noire : Où vis-je ? où vais-je ?

Tous les espoirs gisent gelés :

Je suis la nouvelle Norvège

D’où les blonds ciels s’en sont allés.

Pleurez, oiseaux de février

Au sinistre frisson des choses,

Pleurez oiseaux de février,

Pleurez mes pleurs, pleurez mes roses,

Aux branches de genévrier.

Ah ! comme la neige a neigé !

Ma vitre est un jardin de givre.        

Ah! comme la neige a neigé !

Qu’est-ce que le spasme de vivre

À la douleur que j’ai, que j’ai !...

Le vaisseau d’Or

C’était un grand vaisseau taillé dans l’or massif

Ses mâts touchaient l’azur sur les mers inconnues ;

La Cyorine d’amour, cheveux épars, chairs nues

S’étalait à sa proue, au soleil excessif.

Mais il vint une nuit frapper le grand écueil

Dans l’Océan trompeur où chantait la Sirène,

Et le naufrage horrible inclina sa carène

Aux profondeurs du Gouffre, immuable cercueil.

Ce fut un Vaisseau d’Or, dont les flancs diaphanes

Révélaient des trésors que les marins profanes,

Dégoût, Haine et Névrose ont entre eux disputés.

Que reste-t-il de lui dans la tempête brève ?

Qu’est devenu mon cœur, navire déserté ?

Hélas ! il a sombré dans l’abîme des rêves !

Nelligan est un symboliste dont certains poèmes sont ciselés comme des bijoux.  Il est inspiré par les grands poètes français comme Baudelaire et Rimbaud, Verlaine. Il a le sens de la valeur des sons et de l’image. Son œuvre exprime davantage des émotions que des idées.

Nelligan est certes, l’un de nos meilleurs poètes. Dans ses poèmes il exprime une détresse intérieure qui est prémonitoire sur la suite des choses.

Louis Hémon : 1883-1913

Louis Hémon  a passé seulement dix-huit mois au Canada dans le but d’étudier nos mœurs mais il a marqué d’une manière saisissante l’histoire de notre littérature

Il est né à Brest  le 12 octobre 1880. Il appartient à une illustre famille bretonne. Son père, professeur dans différents lycées, devient chef de cabinet du ministre de l’Instruction publique, puis finalement inspecteur général de l’Instruction publique.

 Dès son enfance, son tempérament agressif se manifeste. Élève doué, il est bachelier à l’âge de 15 ans. Il s’inscrit à la Sorbonne où il obtient un baccalauréat en droit, une licence en  droit maritime et un diplôme en langue annamite.

En 1891 et 1901, il passe ses vacances d’été à Oxford en Angleterre. Après son service militaire, il décide de s’exiler en Angleterre où, pendant quelques temps, il sert de secrétaire bilingue à des courtiers maritimes. Il collabore à quelques revues où il prouve son intérêt pour le sport amateur.

Il se consacre à l’écriture de quelques nouvelles qui seront publiées en 1923. C’est cependant à Londres, entre 1907 et 1911, que Hémon rédige trois romans qui ne seront publiés qu’en 1924.

Le 12 octobre 1911, Hémon s’embarque pour le Canada. Après un bref séjour à Montréal, il s’engage l’année suivante comme garçon de ferme chez Samuel Bédard, agriculteur de Péribonka. C’est là qu’il va écrire son fameux roman, Maria Chapdelaine.

Au printemps de 1913, Louis Hémon se rend à Montréal pour terminer son roman. Il envoie  une copie au journal Le Temps  et part à la conquête de l’Ouest. À partir d’une lettre qu’il envoie à sa mère, son père découvre qu’il est le père d’une fille de quatre ans née en avril 1899 à Londres.

Malheureusement, il est happé par un train à Chapleau en Ontario. Sa mort tragique suscite un doute. On pense qu’il s’est suicidé.

En 1919, la Société des arts, des sciences et des lettres de Québec fait ériger un monument à sa mémoire. En 1938, l’Université de Montréal lui décerne un doctorat honorifique à titre posthume. En 1963, pour célébrer le cinquantième de sa mort, de grandes fêtes sont organisées à  Péribonka. En 1980, afin de souligner le centenaire de sa naissance, un colloque international est organisé à  Brest sur l’homme et son œuvre. Finalement, en 1985, la Société des amis de Louis Hémon inaugure le musée Louis Hémon.

Louis Hémon demeure un écrivain important qui a fait connaître le Québec dans toute la francophonie. Trois films ont été tournés sur son roman Maria Chapdelaine en 1950, 1983 et 2020.

Maria Chapdelaine

Maria Chapdelaine est la fille de Samuel Chapdelaine, colon de Péribonka; elle est courtisée en premier lieu par François Paradis, sorte d’aventurier, qui sera son grand amour mais qui meurt en revenant du chantier dans une folle tentative pour la revoir. Elle refoule sa douleur mais hésite avant de choisir un nouveau prétendant. Avec Eutrope Gagnon, elle aurait a mené la dure existence des pionniers; par contre avec Lorenzo Surprenant ce serait la vie facile aux États-Unis. La mort de sa mère l’amène à choisir Eutrope Gagnon afin de rester fidèle à la patrie.

En fait, Louis Hémon a voulu faire un tableau de la vie des colons du Lac-Saint-Jean. Il veut ainsi donner une représentation de ces colons qui une fois établis désiraient toujours aller plus au nord à la découverte de nouveaux territoires à défricher.

Le père Chapdelaine est le type même de ce genre de personnage :

«C’était sa passion à lui : une passion d’homme fait pour le défrichement plutôt que pour la culture. Cinq fois déjà depuis sa jeunesse il avait pris une concession, bâti une maison, une étable et une  grange taillé en plein bois un bien prospère » (p.30)

Au contraire, la mère Chapdelaine aspire à la vie tranquille des vieilles paroisses.

«Elle pensait toujours avec regret aux vieilles paroisses où  la terre est défrichée et cultivée depuis longtemps et où les maisons sont proches les unes des autres…» (p.30)

Maria représente la jeune fille saine mentalement et physiquement. Trois soupirants se manifestent :

«Maria regardait à la dérobé Eutrope Gagnon…Depuis un an elle s’était habituée sans déplaisir à ses fréquentes visites…sa figure brune qui respirait  la bonne humeur et la patience…» (32)

François Paradis un coureur des bois se présente chez le père Chapdelaine :

«Seulement il se prit à penser en  même temps  que c’était lui  qui avait dû changer puisque  maintenant sa vue lui poignait le cœur…Maria souriait, un peu gênée et après un temps elle releva les yeux et se mit à le regarder aussi. Un beau garçon assurément : beau corps à cause de sa force visible et beau visage…» (p.57)

Et puis c’est Lorenzo Surprenant nouvellement installé aux États-Unis comme ce fut le cas de nombreux Canadiens français qui veulent améliorer leur sort  à partir de la fin du 19e siècle.

«Il avait une figure grasse aux traits fins, des yeux tranquilles et doux, des mains blanches ; la tête un peu de côté, il souriait poliment, sans ironie ni gêne sous les regards braqués » (p.60)

Lorenzo représente un monde où la facilité de vivre et la sécurité viennent enrichir l’existence.

Ainsi, Maria aura à choisir entre trois modes de vie : celle de ses pères, de la grande liberté ou de l’aisance matérielle.

François Paradis repart pour les chantiers. Il annonce son retour pour le printemps prochain et demande à Maria :

«Vous serez encore icitte…au printemps – Oui. Et après cette simple réponse  et sa plus simple réponse, ils se turent et restèrent longtemps ainsi, muets et solennels, parce qu’ils avaient échangés leurs serments» (p.72)

L’auteur nous rappelle le genre de vie à cette époque par les colons.

«Les chantiers, la drave sont les deux chapitres principaux de la grande industrie du bois, qui pour les hommes de la province de Québec est plus importante encore que celle de la terre. » (p.57)

Maria attend impatiemment le retour du printemps pour retrouver son beau François. Et puis c’est le long hiver :

 « Ces jours-là les hommes ne sortaient guère que pour aller soigner les animaux et rentraient en courant la peau râpée par le froid humide…» (p.89)

Mais Eutrope Gagnon par un bon soir vient annoncer une nouvelle fatidique pour Maria  au sujet de François Paradis.  En effet, ce dernier avait décidé de venir fêter Noël afin de revoir sa bien-aimée, Maria.

«Il s’est écarté…la tempête l’a surpris dans les brûlés…» (p.108) 

Le sort en est jeté. Maria vient de  perdre l’amour de sa vie.

«Maria n’a plus de larmes; elle frisonne et tremble ainsi qu’il a dû trembler et frissonner, lui avant que l’inconscience miséricordieuse ne vienne…» (p.113)

Dès lors sur le conseil de son curé Maria doit se rendre à l’évidence et continuer sa vie.

«Le monde lui apparaissait curieusement vide tout au moins pour un soir.» (p.123)

Il lui reste un choix à faire entre :

Lorenzo Surprenant qui lui offre une vie nouvelle avec beaucoup plus de confort dans un monde qu’elle ne connait pas.

«La magie des villes; il la délivrerait de l’accablement de la campagne glacée et des bois sombres…»(p.148)

Et Eutrope Gagnon qui représente la stabilité et s’accorde avec le choix des siens.

La mort de sa mère donne le signal final à la décision que Maria doit prendre

«Vivre ainsi, dans ce pays comme sa mère avait vécu et puis mourir et laisser derrière soi un homme chagriné et le souvenir des vertus essentielles de sa race, elle sentait qu’elle serait capable de cela. » (181)

Ainsi à la question d’Eutrope :

«Mais si vous pouviez me dire si j’ai une chance pour plus tard, j’endurerais mieux l’attente ? –Oui …si vous voulez je vous marierai comme vous m’avez demandé, le printemps d’après ce printemps-ci quand les hommes reviendront du bois pour les semailles.» (189)

Ainsi se termine cette œuvre considérée aujourd’hui comme un chef-d’œuvre de la littérature universelle. En effet, elle a été traduite en plus de 20 langues et s’est vendue à plus de 10 millions d’exemplaires

Ce roman est à l’origine de plusieurs romans du terroir mais aucun n’atteindra l’excellence de Maria Chapdelaine.

Frère Marie-Victorin : 1885-1945

Conrad Kirouac, dit Frère Marie-Victorin, occupe une place particulière dans l’histoire intellectuelle du Québec. En effet, il est à la fois un homme de science et un écrivain de talent. Il vient au monde le 3 avril 1885 à Kingsey Falls. Il est le fils d’un commerçant prospère des Cantons-de-l’Est. Il est affligé d’une santé défaillante. À l’âge de cinq ans, la famille déménage à Québec où son père se joint au commerce familial de farines et de grains.

Il fait ses études primaires et secondaires chez les Frères des écoles chrétiennes pour plus tard entrer dans cette communauté. En 1903, il devient enseignant et commence à tenir un journal dont il continuera la rédaction jusqu’en 1920. Atteint de tuberculose, il se lance dans ce qui deviendra la passion de sa vie, la botanique.

Nommé à Longueuil, il y fait sa marque. Il écrit quelques pièces de théâtre qui connaîtront un certain succès. Il publie des articles dans Le Devoir dans lesquels il exprime la fierté nationale et le désir d’appropriation du territoire.  Il maintient même une correspondance avec le célèbre botaniste américain Merritt Luyndon. Conrad Kirouack développe l’idée de procéder à un relevé botanique du Canada français. Il multiplie les excursions durant les grandes vacances. En 1913, il se rend au Témiscouata. Il y retournera à quelques reprises et publiera en 1916  Flore du Témiscouata : mémoire sur une nouvelle exploration botanique de ce comté de la province de Québec. 

En 1920, de grands changements se produisent dans sa vie. En effet, en 1919 marque la naissance de l’Université de Montréal. Cette dernière crée plusieurs facultés et chaires dont une chaire de botanique. Un seul nom s’impose, c’est celui du Frère Marie-Victorin.

Il n’a pas de diplôme universitaire. Qu’à cela ne tienne, en 1922, il soutient avec succès un doctorat sur les fougères sous le titre Les Filicinées du Québec. En 1929, il est délégué au congrès de La British Association for the Advancement of science qui tient son congrès à l’University  of Cap Town en Afrique du Sud.

Il participe à la fondation des Cercles des jeunes naturalistes. En 1930, la Société canadienne d’histoire naturelle dont il est le président fonde l’Association du Jardin botanique de Montréal. Pour lui, il est inconcevable qu’une ville comme Montréal ne possède pas une telle institution.  L’arrivée au pouvoir de Maurice Duplessis  lui ouvre les portes d’une aide financière importante.  En 1939, il obtient de l’Université de Montréal d’installer son institut au Jardin botanique. En octobre 1939, avec l’arrivée au pouvoir d’Adélard Godbout, le développement du Jardin botanique est momentanément  interrompu. Il faut attendre le retour de Duplessis au pouvoir en 1944 pour que  son établissement puisse s’épanouir et devenir un des plus importants jardins du monde.

En 1935, il publie un nouveau répertoire des plantes du Québec : La Flore laurentienne.  C’est une œuvre monumentale de plus de 917 plages et la plus marquante de sa carrière. Il est désormais reconnu dans le monde entier comme une autorité en botanique.

Il meurt dans un accident de voiture, victime d’une crise cardiaque. Un géant vient de mourir.

Il est aujourd’hui connu pour ses attitudes très libérales au  niveau de la sexualité. Il procède secrètement à une étude systématique de cette activité humaine avec sa secrétaire et confidente Marcelle Gauvreau.

Le Lac des Trois-Saumons

(Croquis laurentiens)

«Pour l’instant je suis seul à Sans-Bruit, et je descends au rivage à quelques pas, jouir de l’ivresse du midi. Au bout de sa chaîne la chaloupe se balance à peine sur l’eau où de petits frissons rapides courent se rejoignent  et meurent. En écoutant bien, je perçois  la clameur assourdie faite du choc menu des choses innombrables : frémissent des millions de feuilles, petits flots qui s’écrasent sur la pierre, ardente vibration des insectes enivrés de lumière. » (Croquis laurentiens p.67)

On voit ici que Frère Marie-Victorin est un virtuose de l’écriture. Ses descriptions dépassent  les notations scientifiques puisqu’il maîtrise avec brio la langue française. De ses tableaux se dégagent une joie intérieure. Il est en émerveillement devant la nature.

C’est également un homme à l’esprit libéral qui exprime des idées qui sont souvent à l’avant-garde des gens de son époque :

«J’ai été souffrant ces jours derniers, un peu physiquement et beaucoup moralement, je souffre dans mes plus chères convictions, dans mes idées sur l’éducation et la discipline…Je me sens étrangement dépaysé; on dirait que mes idées sont d’un autre siècle tant elles diffèrent de celles qui règnent autour de moi…» (Mon miroir p. 311)

«Autant il faut apprendre à l’enfant à n’être pas orgueilleux puisqu’il s’abaisserait, autant il faut lui apprendre à être digne puisque par là il s’élèvera. Or, ce simple fait que l’enfant doit recevoir des ordres et obéir peut être un  danger pour son caractère sous le rapport de la dignité.» ( Mon Miroir p.339)

«La question de la vie sexuelle est d’une importance capitale ;  C’est une question dont dépend, pour la plupart le bonheur de la vie et souvent pour chacun de nous le salut éternel. L’éducateur a le devoir de chercher à comprendre le problème sexuel à la lumière de la foi…et alors il comprendra la nécessité  d’un enseignement et d’une éducation convenable avec la jeunesse… » ( Mon Miroir p.641)

«Cette année, cependant un élément s’ajoute à mon état intime. Je commence à sentir les atteintes de ce qu’on a appelé le démon du midi. ..Parce que l’on a été chaste, il s’est accumulé en nous des réserves qui forcent les barrages au  milieu de la vie.» ( Mon Miroir p.725)

Marie Victorin est définitivement un être  d’exception. Tout au cours de sa vie, il ne s’est jamais plié à la discipline de sa communauté. Ainsi, il a pu accepter l’héritage paternel ce qui lui a permis d’avoir sa propre voiture et son  chauffeur. Il a laissé un héritage intellectuel qui a eu une influence définitive dans l’émancipation du peuple canadien-français dont il souhaitait ardemment l’affranchissement.

Robert de Roquebrune : 1889-1978

Robert de Roquebrune appartient à la vieille noblesse canadienne-française. Son enfance se passe dans l’antique manoir de l’Assomption. Il a vécu dans un monde en train de s’éteindre. Il est le descendant direct par sa mère de Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry, le héros de Châteauguay, et par son père d’une famille noble de l’Armagnac. Il montrera toujours une grande fierté sur ses origines.  C’est sur ce milieu auquel il est particulièrement attaché qu’il situera l’essentiel de son œuvre. Sa famille vend le manoir et vient habiter à Montréal au Carré Saint-Louis. Il fait ses études au Collège Mont-Saint-Louis et aurait étudié au Collège de France et à la Sorbonne. Le 5 mai 1911, il épouse Joséphine Angers. D’abord établi à  Beloeil, il quitte le Québec pour s’installer à Paris où il fréquente des cercles littéraires.

Puis il devient chercheur au bureau des Archives canadiennes à Paris. Il y dépouille les archives françaises qui sont à la source de l’histoire canadienne. En 1939, il rentre au pays. Après la guerre, il retourne à Paris comme directeur des Archives publiques du Canada. Il prend sa retraite en 1958.

Sa carrière d’écrivain sera récompensée par plusieurs prix :

-Prix David en 1924,

-Prix Ludger-Duvernay en 1953

-Médaille de l’Académie canadienne-française pour l’ensemble de son œuvre en 1967

Il décède  le 4 juillet 1978 à Cowansville.

Tous ses romans et études historiques  évoquent le charme d’une époque révolue. Tout un passé revit sous sa plume qui renvoie le lecteur au monde de ses ancêtres.

Il publie plusieurs romans.  Le premier, Les habits rouges,  publié en 1923 est  la reconstitution historique des troubles de 1837.

D’un océan à l’autre, publié en 1924, a pour sujet le conflit entre les Métis et les Canadiens de l’Est.

Les Dames Le Marchand publiée en 1927 est une oeuvre  psychologique des deux dames Le Marchand vivant dans un ancien manoir. Ce roman est imprégné d’une atmosphère de l’ancien régime.

En 1951, Robert Roquebrune publie Testament de mon enfance. On retrouve ici la clef de son œuvre. En effet, toutes les histoires racontées dans ses romans sont inspirées par l’histoire de la famille. Son amour de l’histoire revient dans toute son œuvre. Il est profondément attaché à une époque révolue. La vie de ses parents au manoir seigneurial perpétue une société disparue. Il se penche à travers les limites d’un drame personnel sur le problème plus profond de la continuité de la civilisation canadienne-française.

Ses œuvres suscitent la controverse. Il invente, il amplifie les événements de grands pans de sa vie au profit du récit. C’est à travers son dernier roman, La Seigneuresse, publié en 1960, que nous étudierons l’attachement de Robert de Roquebrune à l’Ancien régime à l’instar de Philippe Aubert de Gaspé et de Laure Conan.

La Seigneuresse

Après la mort de son père, Louise de Normanville  quitte le manoir familial pour la France où une cousine l’accueille à Paris. Sur place, elle ne tarde pas à faire des conquêtes car elle doit se marier avant de retourner au Canada. Le marquis de Fortisson et lord Gordon lui plaisent également. L’un est un noble français ruiné et l’autre un noble écossais. L’action se passe au temps de la conquête. Finalement, après quelques intrigues Louise de Normanville bien pourvue au niveau financier épouse le marquis de Fortisson. Son aspirant écossais poursuit une carrière militaire qui l’amène au Canada au temps de la conquête.

Le marquis est mortellement blessé durant l’ultime bataille des plaines d’Abraham. Et dans un dernier chapitre, lord Gordon retrouve Louise qui a vieilli. À la surprise de tous,  celui-ci tombe follement amoureux de la fille de Louise.

Au début du roman Louise se pose la question :

«Et Louise de Normanville se disait chaque nuit qu’il faudrait prendre une décision car elle allait rentrer au Canada où étaient ses terres et sa fortune. Mais elle serait marquise de Fortisson ou lady Gordon ». (p.15)

Le rôle de la femme dans la société de l’époque est bien défini dans cette phrase

«Car, c’est un maître qu’il faut là-bas et non une maîtresse, c’est un seigneur qui doit commander et non une seigneuresse ». (p.28)

« Par ce mariage avec une fille de la noblesse canadienne, il épousait une seigneurie qui donnait de gros revenus. De gros revenus, quel seigneur de Gascogne avait déjà vu ça ? » (p.39)

Ces gros revenus ne viennent pas de l’exploitation de la terre mais bien du commerce des fourrures. De cette manière, l’auteur nous fait revivre la vie sur une seigneurie et comment se pratiquait le commerce du castor en s’assurant d’éviter les taxes royales afin de s’enrichir davantage.

Ainsi le Grand commis du ministère de la colonisation apprend au marquis comment se pratique le commerce du castor au su et au vu de l’autorité royale

«Et nous avons toujours donné de grandes facilités pour le transport de cette marchandise-là sur les navires du roi  » (p.45)

«Et M. François Bigot fit de  très heureux arrangements avec la seigneurie de Normanville représentée par l’époux de la seigneuresse » (p.249)

Et c’est ainsi que les ballots de castor recevaient un droit de passage sur  le bateau,  La licorne royale, sans payer de droits de douane.

Le roman se termine de façon dramatique 

«C’est que la jeune fille qui était apparue à lord Gordon le soir, dans le vestibule du manoir, cette jeune fille  qui ressemblait à la  Louise de Normanville d’autrefois, cette jeune fille était celle dont il avait tant rêvé et que, maintenant il aimait. Sa fille…la fille de Louise de Normanville » (p.268)

L’ensemble de ses ouvrages est une ode au régime de la Nouvelle-France où le manoir tient une place prépondérante. Tout se rattache au monde de son enfance et celui d’une société disparue.

Claude-Henri Grignon : 1894-1976

Claude-Henri Grignon est né à Saint-Adèle, le 8 juillet 1894, dans le pays du  légendaire curé Labelle fortement impliqué dans la colonisation des Laurentides.

Il étudie deux ans au Collège Saint-Laurent. Par la suite, ses parents lui donnent des professeurs privés. Mais c’est surtout comme autodidacte  qu’il poursuit sa formation.

En 1916, il est fonctionnaire tout en débutant une carrière de journaliste dans L’Avenir  du Nord de Saint-Jérôme. Il collabore à plusieurs journaux et revues comme La Revue Populaire, Le Petit Journal, le Bulletin des agriculteurs etc.

Par la suite, il devient polémiste sous le pseudonyme de Valdombre. En 1928, il publie son premier roman, Le secret de Lindbergh, sur la vie de l’aviateur américain du même nom. En 1933, il fait paraître son œuvre principale Un homme et son péché, suivi l’année suivante d’un recueil de nouvelles, Le déserteur  et autres récits de la terre.

Un homme et son péché passe à la radio de 1939 à 1965 et à la télévision de 1956 à 1970.  Trois films sont tirés de ce roman dont le dernier en 2002 a connu un immense succès.

Grignon a un caractère  indépendant bien défini. Il a horreur de la soumission et dénonce les travers politiques de son époque. Il est également très réaliste et excelle dans la description d’un trait de caractère comme ce sera le cas pour l’avarice de Séraphin dans son roman Un homme et son péché. Grignon décrit ce qu’il a observé.

Il est lauréat du Prix Athanase-David, membre de la Société royale du Canada et Officier de l’ordre du Canada. Il décède le 3 avril 1976.

Un homme et son péché

Un homme et son péché est un roman centré sur le thème de l’avarice. Dès le premier chapitre, il décrit avec force la relation de Séraphin avec son épouse Donalda. Lui a quarante ans pendant qu’elle  n’en a que 20.

«Il se rendit compte avec précision d’usurier que s’il se laissait aller à  la passion de la chair, la petite Donalda Laloge finirait par lui coûter les yeux de la tête et lui mangerait jusqu’à la dernière terre du rang. Il lutta et si bien de nuit et de jour, qu’il fit de sa femme moins qu’une servante : pas autre chose qu’une bête de somme. » (p.9)

Il sacrifie sa femme deux fois. Une première fois en lui refusant l’amour et une deuxième fois en la laissant mourir plutôt que de dépenser en faisant venir le docteur du village.

Alexis son voisin va chercher le médecin mais Séraphin pense :

 « Si le docteur n’y était pas ce n’était pas de sa faute. Puis, il économisait quand même deux belles piastres, et certainement davantage…» (p.83)

À Séraphin qui lui demande la cause de la mort de sa femme, le docteur répond :

«D’une fluxion de poitrine. Si j’étais venu il y a deux jours, moi ou mon confrère le docteur Dupras, votre femme avait bien des chances de survivre, monsieur Poudrier. » (p.107)

La seconde partie est centrée sur la grande passion de Séraphin : l’argent. Il est obnubilé  par l’argent qui lui procure des sensations auxquelles il ne peut résister :

«Il plongea sa main froide dans l’un des trois sacs avec quelle délices ! avec quel bonheur! Avec quel ruissellement de joie et de passion!...Un moment  il resta dans les ténèbres abruti par sa volupté.» (p.73)

Il est tenaillé par la peur de perdre son argent.

«Ah ! ma Donalda, dit-il, elle m’était bien serviable. Avec elle dans la maison, j’étais pas inquiet…Il prit une décision importante. La nuit, il se coucherait avec la bourse sous lui; le jour, s’il travaillait autour des bâtiments il laisserait les quatre mille sept cent cinquante-sept dollars dans un sac d’avoine…» (p.159)

Il perd non seulement toute joie de vivre mais également la vie en essayant de sauver son bien d’un incendie.

«Je brûle répétait Séraphin d’une voix étranglée…» Et le roman se termine par cette description qui à elle seule résume toute la passion du personnage :

«Deux fois Alexis se pencha sur le cadavre. Il voulait savoir quelque chose Il le sut. Il ouvrit les mains de Poudrier. Dans la main droite il trouva une pièce d’or et, dans la gauche, un peu d’avoine que le feu n’avait pas touché. » (194)

Au début des années 1930,  après l’immense succès de Maria Chapdelaine, quelques écrivains comme Roquebrune, Ringuet, Félix-Antoine Savard et Grignon seront les premiers dans la sphère du roman canadien-français. Une littérature nationale vient de naître.

Période 1945-1960

Durant cette période, le Canada atteint sa maturité politique. La participation à la guerre du Canada marque la dernière manifestation importante favorable à l’impérialisme britannique.  En effet, le Canada obtient sa pleine autonomie politique avec le statut de Westminster. Peu à peu, il s’éloigne des décisions de l’Angleterre  en politique étrangère.

La deuxième guerre mondiale apporte une prospérité économique importante au pays qui se poursuivra une fois la guerre terminée.

Mais le Canada subit une crise politique qui va se perpétuer par la suite. Ainsi, le Québec va de plus en plus s’affirmer comme une société distincte en s’opposant farouchement à la conscription. D’autre part, l’économie du Québec accuse un retard  significatif avec sa province voisine, l’Ontario. Le Québec va demeurer jusqu’aux années 1960 dépendant des capitaux américains et anglo-canadiens.

Le Québec d’avant la guerre est majoritairement agricole. La guerre va favoriser son urbanisation rapide. Lentement, mais sûrement, le peuple québécois s’affranchit de son influence religieuse. L’apparition de la télévision va permettre à la population de se tourner vers l’extérieur et d’apprendre à connaître le monde. Tout cela apporte une rupture avec la tradition.

Depuis 1930, le genre romanesque prend son envol. Après le succès considérable, d’Un homme et son péché, de Claude-Henri Grignon, plusieurs romanciers font leur marque et vont participer à l’épanouissement de ce genre littéraire. L’écrivain canadien-français va affirmer une certaine originalité à partir de sa propre personnalité.

Germaine Guèvremont : 1893-1968

Germaine Grignon (Guèvremont) est née à Saint-Jérôme, le 16 avril 1893. Elle est la fille de Joseph-Jérôme Grignon, protonotaire adjoint du district judiciaire de Terrebonne et de Valentine Labelle  et également  cousine de l’auteur  Claude-Henri Grignon. Par sa mère, elle est apparentée au célèbre curé Labelle.

Elle fait ses études primaires au couvent Sainte-Croix  à Sainte-Scholastique puis chez les Sœurs de Sainte-Anne à Saint-Jérôme et Lachine. Par la suite, elle se rend à Toronto  pour y étudier l’anglais et le piano au Loretto Abbey.  Plus tard, elle travaille pour le tribunal de Sainte-Scholastique.

 En 1914, un événement important pour sa future  vie d’écrivaine allait se présenter par l’arrivée d’un étranger à Sainte-Scholastique, Bill Nyson. En effet, ce jeune norvégien, qui avait parcouru l’Extrême-Orient, débarque d’abord à Vancouver  et par la suite à Montréal où il s’engage comme journaliste pour le Star.  Envoyé à Sainte-Scolastique pour y couvrir un procès, il  fait la rencontre de Jeanne,  sœur de Germaine, et l’épouse. Il sera  à la source du grand dieu des routes, le Survenant.

En 1916, elle épouse Hyacinthe Guèvremont  qui travaille pour le département des douanes. Le couple habite Ottawa pour une période de quatre ans. En 1920, Hyacinthe décide de revenir au Québec et particulièrement à Sorel où il ouvre une pharmacie avec son frère.

C’est là qu’elle apprend à apprivoiser la région. Elle travaille comme correspondante pour The Gazette et écrit dans Le Courrier de Sorel.

En 1935, elle s’installe à Montréal et devient mère de famille à plein temps.

À cause de difficultés financières, elle revient au travail comme secrétaire de la Société des écrivains canadiens.

De 1940 à 1942, elle publie des articles dans la revue L’œil et Paysana. En 1942, elle fait paraître un recueil de contes, En pleine terre. Elle projette également de publier une nouvelle ayant pour thème l’arrivée d’un Survenant au Chenal du moine. Finalement, elle décide d’écrire un roman : Le Survenant et la suite, Marie-Didace.

Le Survenant

Ce roman et sa suite Marie-Didace nous plongent dans le drame profond vécu par la famille Beauchemin, à savoir l’extinction d’une dynastie paysanne. Il n’y pas de descendant pour perpétuer le nom.

Mais l’arrivée du Survenant va bousculer les événements dans la famille Beauchemin. C’est ainsi que par un soir d’automne un étranger se présente et demande le couvert.  Va-t-il rester ? A cette question cruciale Didace Beauchemin va répondre :

«T’es gros et grand. T’es presquement  pris comme une île et t’as pas l’air trop, trop ravagnard…» (p.22)

Didace, fils de Didace, de la sixième génération  c’est un don de la nature

«Malgré ses soixante ans sonnés, il gardait encore le poignet robuste et le coup d’œil juste. Il avait fait une bonne journée » (p.23)

C’est ainsi que Didace Beauchemin retrouve dans le Survenant le fils qu’il aurait voulu avoir.

«Didace prenait la juste mesure de son fils. Amable-Didace, le sixième du nom, ne serait jamais un vrai Beauchemin, franc de bras comme de cœur, grand chasseur, gros mangeur aussi bon à la bataille qu’à la tâche…» (p.29) 

Phonsine, son épouse,  n’est guère mieux acceptée par  Didace :

«Faible et d’un naturel craintif, Alphonsine, malgré sa bonne volonté ne parvenait pas à donner à la maison cet accent de sécurité et de chaude joie, ce pli d’infaillibilité qui fait d’une demeure l’asile unique contre le reste du monde » (p.28)

Et apparaît le personnage d’Angélina Desmarais, surnommée la boiteuse, qui tombe follement amoureuse du Survenant :

«Vigilante et économe elle usait son linge à la corde et n’employait jamais un sou à des frivolités. Capable sur tout disait-on d’elle dans le rang et dans les îles jusqu’à Maska. Un mari y trouverait son profit. Mais l’infirme passait sans un seul regard de ressentiment vers les hardis garçons pour la bonne raison qu’aucun ne lui disait rien au cœur. » (p.32)

Ces personnages évoluent dans une société formée sur le modèle des sociétés primitives.

Le Survenant est à l’œuvre de Germaine Guèvremont ce que Un homme et son péché l’a été pour Claude-Henri Grignon. Ces personnages révèlent des talents et des défauts qui les rendent humains.

Le Survenant est diversement accueilli par la critique. Louangé par les uns et très critiqué par les autres, il suscite beaucoup d’intérêt chez les lecteurs. Avec le temps, l’unanimité se fait. Le roman est édité également en France, aux États-Unis et au Canada anglais.

Germaine Guèvremont reçoit pour son œuvre plusieurs prix. Au Canada, le Prix Duvernay, le Prix David et le Prix du Gouverneur Général, et, en France, le Prix Olivier de Serres.

Germaine Guèvremont va adapter son roman d’abord dans une version radiophonique. Une production télévisuelle apparaît sous une forme de trilogie : Le Survenant, Au chenal du moine,  et  Marie-Didace

En 1947, paraît  une suite, Marie-Didace où le personnage principal, Marie-Dicace,  fille d’Amable et de Phonsine, vient conclure le destin du Père Didace et de son fils Amable.

La déchéance est accomplie : la race des Beauchemin s’éteint. Au Chenal du moine, seule survie Marie-Didace.

Philippe Panneton (Ringuet) : 1895-1960

Philippe Panneton est natif de Trois-Rivières. Il fait ses études classiques à Joliette et Trois-Rivières. Il a horreur de la discipline et de la soumission à l’autorité. Il s’inscrit pour ses études médicales à Québec puis Montréal et obtient sa licence en 1920. Il part pour l’Europe et se spécialise en rhino-laryngologie.

Plus tard, il devient consultant à l’hôpital Saint-Eusèbe de Joliette de 1923 à 1940. En 1935, il obtient le poste de professeur agrégé à l’Université de Montréal.

 Il devient globe-trotter et fait de nombreux voyages en Europe, en Océanie et aux Antilles. Ses voyages lui ouvrent l’esprit envers le monde.  Il fuit le conformisme.  Il aime regarder l’agir des hommes comme un scientifique. Ainsi, il décrit ce qu’il observe sans en exagérer les manifestations.

Il publie Trente Arpents en 1938. Suivent Le poids du jour en 1949 et L’amiral et le facteur ou Comment l’Amérique ne fut pas découverte en 1954.

Il reçoit de nombreux honneurs :

-Prix du gouverneur-général en 1939  

-Prix de l’Académie française en 1939

-Prix de l’Académie française en 1953  

-Prix Duvernay en 1955  

-Médaille Lorne Pierce de la Société royale du Canada en 1966

En 1956, il est nommé ambassadeur du Canada au Portugal. Il meurt à Lisbonne en 1960.

Trente Arpents

Trente Arpents, chef-d’œuvre de Philippe Panneton, est l’un des plus grands romans de la littérature québécoise. On y voit une puissante évocation de la vie paysanne. Ce roman nous montre un monde en évolution où seule la terre imprègne sa permanence.

Ce monde de l’après-guerre est en profond bouleversement et la crise économique des années 20 vient accentuer le mouvement d’importants changements à venir. Depuis trois siècles, le monde rural avait peu évolué mais voilà que la guerre et l’industrialisation  précipite l’urbanisation.

Dans Trente Arpents, l’auteur nous décrit cette évolution de la vie paysanne à travers le personnage d’Euchariste Moisan. C’est au rythme des saisons que la vie d’Euchariste  va se transformer.

Essentiellement, le Printemps et l’Été  marquent  une phase en crescendo là où Euchariste se présente dans toute sa puissance, tandis que l’Automne et  l’Hiver nous montre un mouvement en decrescendo où le personnage principal disparaît de son univers, seule la terre demeure.

Le Printemps

Euchariste constate que son oncle Ephrem, qui l’avait adopté, vieillit. Il souhaite ardemment prendre sa succession et fonder une famille. En somme, devenir maître du domaine.

Selon la tradition l’oncle Ephrem  va se donner à son neveu contre une petite rente mais la terre demeure :

«La terre impassible et exigeante, suzeraine impérieuse dont ils étaient les serfs….soumis toute l’année longue au cens et à la sueur.» (p.24)

Le temps passe, l’oncle Ephrem meurt, Euchariste se marie et les enfants arrivent dans la famille.

L’Été

La vie continue. Les enfants vieillissent.  Oguinase, son fils aîné, sous la forte pression du curé de la paroisse prend le chemin du Séminaire dans l’espoir qu’il devienne prêtre.

«…bien que la perspective de le voir devenir prêtre lui parût une chose belle, un peu intimidante même..» (90)

La venue d’un prêtre dans une famille lui apporte la notoriété au niveau paroissiale.

Ses deux autres fils Étienne et  Ephrem avaient coupé court à leurs études primaires. Pendant qu’Étienne a toutes les caractéristiques d’un vrai paysan, Ephrem rapidement montre un esprit indépendant pour qui la terre offre peu d’intérêt. Il  rêve d’une toute autre vie.

«Il ne se passait pas une année qu’on apprît le départ d’un homme parfois d’une famille entière qui s’en allait trouver des cousins dans les villes de la Nouvelle-Angleterre » (p.125)

Entretemps, son épouse Alphonsine décède. Puis la visite d’un cousin des États-Unis vient activer l’intérêt  d’Ephrem  pour partir vers d’autres cieux.

«Prends garde mon gars. Y a encore une chose qu’on sait : c’est que la terre est capable de se venger de ceussses qui parlent contre elle » (p.135)

Mais Euchariste se montre fier de sa famille. Un prêtre et deux religieuses à l’époque c’est valorisant. On disait même dans la paroisse «Chanceux comme  Charis Moisan » Que demander de plus !

L’Automne

Alors, les évènements moins heureux se bousculent. Oguinase devenu prêtre a une santé chancelante. Ephrem annonce finalement son départ pour les États-Unis où ils espèrent connaître une vie meilleure. Pour sa part, Étienne cherche une alliance avec la terre. Celle qui pourra faire vivre sa famille.

Mais Euchariste constate déjà « Tout avait bien changé depuis cinquante ans; les vieux s’y reconnaîtraient plus » (p.180)

Cependant, c’est la vente d’un coin de terre à son voisin, Phydime Raymond, qui remonte à la surface. Cela devient l’affaire de la terre à peinture qui permet à Phydime de  s’enrichir rapidement.

Euchariste décide  de plaider pour obtenir justice. Toutes ses démarches en justice sont vaines. Il perd beaucoup d’argent en frais judiciaires. Puis son fils Oguinase décède. Il s’aperçoit que ce décès lui fait perdre beaucoup de son prestige.

Après la guerre, les temps sont durs. Étienne fait de plus en plus de pression pour devenir à son tour maître de la ferme. Comble de malheur, sa grange  est incendiée au cours d’un violent orage.

Finalement, Étienne prend possession de la terre par donation  contre une rente de deux cents piastres par année et autres considérations.

Sur la terre des Moisan il y a maintenant neuf personnes dont Euchariste et son fils Napoléon, chômeur et sa femme déjà enceinte.

Euchariste se sent bien seul :

«La culture même s’était transformée et chaque innovation semblait à Moisan séparer l’homme avec le sol, diminuer ce contact bienfaisant qui faisait les êtres robustes et la terre fertile et amicale. Le moteur était survenue qui supplantait les chevaux et dont le pétrole ruinait les pâturages. » (p.210)

Euchariste n’a plus rien. Il est devenu complètement dépendant de son fils Étienne qui  a de gros problèmes financiers.

L’Hiver

C’est à ce moment  qu’Étienne incite son père à partir. Une visite à Ephrem est à considérer.

Ce temps permettra à Étienne d’avoir la haute main sur la terre des Moisan. Euchariste accepte l’exil. À bord du train qui le mène vers la Nouvelle-Angleterre il songe :

«Alors il se terra dans un coin, à la fois inquiet et résigné, se demandant en quelle nuit nouvelle le train l’emportait, vers quel malheur insondable et nouveau. » (p.245)

C’était une prémonition.  Il se demande pourquoi  quitter sa terre pour cet inutile voyage aux États-Unis.

Le voilà maintenant face à son fils. Ce dernier s’exprime dans un français fortement teinté par la langue d’usage de sa famille : l’anglais. Sa bru est irlandaise et parle très peu le français. Euchariste se retrouve esseulé dans un environnement qu’il lui y est complètement étranger.

«Comme en un cauchemar, une invisible barrière s’interposait entre son fils et lui. » (p.262) 

Les jours passent. Étienne ne donne en premier lieu pas de nouvelles et lorsqu’il en donne  c’est pour annoncer à son père qu’il ne pourra pas lui verser sa rente. Bien plus, Ephrem est à son tour licencié et suggère à son père de trouver un emploi pour aider sa famille. Il devient donc gardien de nuit. Son seul moment de désennui  est la messe dans une église où se regroupent les canadiens-français.

« La messe qui, toute sa vie, avait été pour lui une routine hebdomadaire, lui était devenue  une joie anticipée presque une raison d’être. » (p.279)

Il ne retrouvera jamais sa terre ses trente arpents.

«Que ferait-il d’autre là-bas ? C’est donc cela les États, les États dont le mirage a fasciné tant de fils de paysans »(p.304)

Le roman se conclut par cette pensée :

«Chaque année le printemps revint…et chaque année la terre laurentienne endormie pendant quatre mois sous la neige offrit aux hommes ses champs à labourer, herser, fumer, semer, moissonner…à des hommes différents…une terre toujours la même » (p.306)

L’auteur  nous fait voir ainsi un monde réel à l’encontre de Louis Hémon hanté d’un idéal dans Maria Chapdelaine et de Félix-Antoine  Savard dans Menaud maître-draveur. Ringuet ne cherche pas à embellir, il représente les nôtres tel qu’ils sont. La terre représente la permanence de la vie. Les hommes passent mais évoluent, les mentalités également. Dans ce roman associé à la paysannerie québécoise, on  perçoit les premiers éléments d’une profonde transformation qui allait suivre la première grande guerre et  la grande crise économique des années 20.

Les romans de la période des années 30, nous font ainsi entrer de plein pied dans une littérature canadienne francophone.

Léo-Paul Desrosiers : 1896-1967

Après des études classiques au Séminaire de Joliette et des études en droit à l’Université de Montréal, il est journaliste au Canada et au Devoir et courriériste parlementaire pour Le Devoir à Ottawa de 1920 à 1927. L’année suivante, il devient fonctionnaire à la Chambre des communes.

En 1938, il publie les Engagés du Grand-Portage et remporte le Prix David, l’un des plus prestigieux prix littéraire du Québec. Celui-ci sera réédité à plusieurs reprises et deviendra un classique de notre littérature.

En 1941, il devient conservateur de la Bibliothèque municipale de Montréal où il fera de multiples réformes. En mars 1953, il démissionne de ses fonctions et se retire à la campagne pour devenir romancier à plein temps.

Il décrit à pleine page les milieux où vivent ses héros. Desrosiers va publier plusieurs romans dont Nord-Sud en 1931, Les Opiniâtres en 1941, Sources en 1941 etc.

Léo-Paul Desrosiers remporte de nombreux prix. Mentionnons, entre autres:

-En 1931,  Prix de la langue française de l’Académie française pour Nord-Sud

-En 1951, Prix Ludger-Duvernay pour l’ensemble de son œuvre

-En 1963, Médaille Lorne Pierce pour l’ensemble de son œuvre

Les Engagés du Grand-Portage

Il étudie profondément le sujet d’un roman. Il se documente et met en relief un héros qui illustre son propos. Dans les Engagés du Grand-Portage, il étudie  en détail les mœurs forestières des voyageurs des pays d’en-haut. Le roman est conçu sous forme de parallèle psychologique.

Ce récit met en scène des coureurs de bois à la recherche de pelleteries pour deux grandes compagnies : La Compagnie de la Baie d’Hudson et celle du Nord-Ouest. Ces deux compagnies se livrent une lutte sans merci pour le contrôle du commerce des fourrures.

Desrosiers nous amène dans les différents territoires des Pays d’en Haut où ont lieu leurs expéditions. Pour ce faire, il met en vedette deux personnages centraux : Nicolas Montour et Louison Turenne qui luttent pour obtenir de l’avancement dans la hiérarchie des compagnies du commerce des fourrures.

«Montour, si vous le vouliez…Je vous ai observé : vous connaissez tous les engagés, vous causez avec chacun; nul ne connaît  mieux leurs sentiments..» (40)

 Montour devient ainsi l’homme indispensable. Le meneur d’hommes idéal. C’est un homme ambitieux prêt à tout pour parvenir à ses fins.

En danger dans une embarcation à la dérive, Montour sait reconnaître les qualités de celui qui peut sauver l’équipage.

«Turenne au gouvernail ! Rapidement Turenne change de place avec Montour. Dès les premiers coups de barre, l’air entre plus facilement dans les poumons des engagés. Une habilité physique subtile anime le nouveau gouvernail…Montour ne néglige pas Turenne.- Nous vous devons des remerciements. Vous nous avez sauvés.» (51)

Sur la vie quotidienne des engagés :

«Chaque jour, quatre ou cinq portages, sans compter les décharges, le remorquage à la haussière, le béquillage. Puis il faut réparer continuellement les mauvais canots qui se déchirent sur les embarras.» (61)

Montour tend des pièges à Turenne qui en prend acte.

«Désormais, Louison Turenne comprend. Il les connaît à fond, maintenant, il  connaît tous les trucs vieux comme le monde dont on se sert contre lui…»(74)

Louison continue à vivre dans le passé et reste bon envers les Indiens et ses compagnons.

La solitude est grande :

«La sensation aiguë de leur solitude tout à coup leur perce le cœur : ils éprouvent l’appréhension vague qu’apportent un éloignement trop grand des hommes, la constatation de leur petitesse dans ce continent…»(p.82)

Les relations avec les Indiens, les difficultés de voyagement et parfois les difficiles liens entre les engagés y sont décrits avec minutie. Après le Grand-Portage, les engagés poursuivent leur mission vers d’autres régions de l’ouest Canadien : Le Grand Lac des Esclaves, La Saskatchewan et La Rivière Rouge,

Partout, la lutte entre Turenne et Montour se poursuit. Ce dernier prend tous les moyens pour parvenir à ses fins.

«Désormais, les plus durs travaux sont réservés à Louison Turenne. Le harceler du matin au soir, l’accabler de tant de travaux que sa santé soit gravement compromise, le persécuter sans répit, voilà le but. » (p.187)

Montour  manipule les engagés mais également les Indiens pour parvenir à ses fins.

«Cette fois, Montour se montre inflexible : si les naturels veulent boire, ils devront chasser. Plus de rhum si ce n’est en échange de castor. » (p.192)

Pour les engagés, leur sort n’est guère meilleur.

«Bientôt, ils doivent le salaire des dix  ou des quinze prochaines années. Prisonniers  des bourgeoys qui les emploient à leurs tâches, ils continuent de mener dans les pays d’En-Haut leur existence de misère. » (p.194)

Turenne veut épouser une amérindienne Lune et Montour lui fait un ultimatum. Ou bien il épousera Lune et ne reviendra jamais dans le Bas-Canada  ou elle épousera l’engagé, José Paul. Turenne ne veut pas que Lune épouse José Paul car il sait qu’après un an ou deux elle sera abandonnée au moment où l’engagé retournera dans le Bas-Canada.

Alors  Turenne libère Lune et la laisse retourner au pays de ses ancêtres avec son jeune promis.

«Puis ils partent tous les deux, le jeune homme et la jeune fille.» (p.204)

Et Turenne songe à l’avenir et celle qui l’attend  au Bas-Canada.

« Encore cinq mois, et elle sera sienne dans la maison construite de ses mains, au seuil de la forêt : elle sera sienne au sein de la vallée heureuse. » (212)

Pendant ce temps, Montour, qui perçoit   l’union future entre la Compagnie du  Nord-Ouest et de la Baie d’Hudson, voit son avenir de patron confirmé.

L’un, Turenne, va trouver la paix et le calme de la stabilité, l’autre Montour, va continuer son chemin en accumulant le plus de profits possibles.

Alain Grandbois : 1900-1975

Alain Grandbois est né, le 25 mai 1900, à Saint-Casimir comté de Portneuf. Son grand-père paternel, Michel-Rodolphe, qui dans ses jeunes années avait été chercheur d’or en Australie, est le fondateur d’une entreprise familiale d’exploitation forestière.

En 1912, il entreprend des études classiques au Collège de Montréal et il s’inscrit à l’Université de Charlottetown en philosophie. Il y reste peu de temps pour être par la suite  admis au Séminaire de Québec. En 1924,  il devient licencié en droit à l’Université Laval de Québec. Il est admis au Barreau en 1925, mais ne pratique pas.

Comme il est indépendant de fortune, il commence une série de voyages qui le conduiront à travers le monde.

En 1925,  il est à Paris où il fréquente pendant quelques temps la Sorbonne. Paris devient son port d’attache pendant les quinze années suivantes, ce qui lui permet de parcourir l’Europe. En 1932, il se rend à Jérusalem et au Proche-Orient. En 1934, il visite la Chine et le Japon. En 1936, il est de retour en Angleterre et en France. La guerre de 1939 le force à revenir au Canada.

Les nombreuses civilisations qu’il a côtoyées ont profondément transformé sa personnalité. Il développe un esprit cosmopolite. Ses œuvres vont en être étoffées.

De 1941 à 1970, il connaît des périodes de productions littéraires et radiophoniques où il est périodiquement invité comme conférencier. En 1941, il publie Les Voyages de Marco Polo qui, à l'instar de Jolliet publié en 1933, reconstituent ses rêves épiques avec beaucoup de détails historiques et ethnologiques. En 1944, il fait paraître les Îles de la nuit, ce qui constitue un événement du renouveau poétique.

La parution, d’Avant le chaos, en 1945 souligne les changements accomplis dans la société québécoise.

Après un an de séjour en Europe comme boursier, il s’installe à Mont-Rolland en 1956. En 1958, il épouse Marguerite Rousseau.

De nouveau boursier en 1960, il voyage en Europe. En 1961, il s’installe à Québec où il travaille à titre de publiciste au Musée du Québec jusqu’en 1971.

Au cours de sa carrière il a reçu plusieurs hommages :

-Le prix David à trois reprises : 1941, 1947, 1970

-Le prix France-Canada en 1963

-Le prix Molson en 1963

-Un doctorat honorifique de l’Université Laval en 1967

-Un doctorat honorifique de l’Université d’Ottawa en 1972

-La médaille d’or de l’Académie française pour l’ensemble de son œuvre en 1968

Alain Grandbois meurt à Québec le 18 mars 1975.

Avant le Chaos

Ce livre, peu commun, traite de voyages et de la découverte du monde. C’est un roman qui est à la fois partiellement autobiographique et d’apprentissage. Nous assistons souvent à une transposition romancée.

Son héros est nord-américain, beau, riche  et entièrement libre de sa personnage. Plusieurs fragments sont définitivement autobiographiques malgré certaines transformations romanesques. Le temps où Alain Grandbois a visité le monde en dilettante est une époque où l’univers était libre, du moins en apparence. C’est le «chaos» de 1939 qui fait disparaître à tout jamais cette période.

Il a un sens descriptif incomparable :

« À cinq kilomètres de Djibouti au creux des dunes de feu l’oasis d’Ambouli se dresse soudain comme un miracle. Des sources bordées de lauriers roses et blancs toujours fleuris, une végétation touffue pleine de creux d’ombre, des hibiscus, des cinéraires, des palmiers-dattiers…la démarche lente et souple des belles filles noires au sourire étincelant tout évoque, à Ambouli le Paradis même du prophète ». (Le 13) 27

Plus loin, il décrit la vie paradisiaque durant un de ses nombreux voyages dans le monde :

«À mon retour de Constantinople, après un court séjour à Paris et après une semaine de vacances ensoleillées passées sur les rives du golfe de Gascogne en compagnie de mon ami, le poète Marcel Dugas, qui poursuivait à Guéthary le souvenir du délicieux Paul-Jean Toulet… » (Grégor) 129

Qui dit mieux !

Les Îles de la nuit allaient exercer une influence importante sur la poésie québécoise. Les thèmes qui y sont présentés se ramènent aux grandes questions de l’existence humaine, la naissance, la mort, l’amour, la solitude. Le temps y joue un rôle clé. Le poète y produit l’image d’un monde bouleversé.

Alain Grandbois est habité par une angoisse. Il s’approche de l’expression surréaliste à la  manière de Picasso, Pellan etc. Les règles traditionnelles et la ponctuation  sont négligées.

«Au-delà les désespoirs/

Dévastant le centre des tempêtes/

Au-delà l’Obscur fuyant comme mille fleuves/Les fantômes mêmes me sont ravis.

(Au-delà ces grandes étoiles…p.24)

«Que surtout mes mains effacent/

Le contour des grâces enchantés/

Qu’elles oublient les fabuleux trésors des cavernes/

Qu’elles repoussent les outils du pardon/

Qu’elles ne s’agitent plus pour une vaine fraîcheur/Qu’elles se refusent aux signes des abandons.

 (Que surtout mes mains p. 69)

Alain Grandbois est un écrivain important. Sa qualité d’écriture est remarquable. Son message intérieur n’a pas fini de nous impressionner.

Mgr Félix-Antoine Savard : 1896-1982

Félix-Antoine Savard est né à Québec le 31 août 1896. Il passe son enfance à Chicoutimi. Durant ses vacances scolaires il est attiré par la forêt.

Ordonné prêtre en 1922, il enseigne la rhétorique au Séminaire de Chicoutimi. Vicaire à Bagotville et à La Malbaie, il fonde la paroisse de Clermont en 1935. Il se replonge dans les auteurs grecs et au contact de la nature  prépare  Menaud, maître-draveur.  De plus, il est recruteur des colons pour l’Abitibi.

Son premier roman, Menaud, maître-draveur, publié en 1941 le rend momentanément célèbre. Il obtient ainsi le prix de la langue française de l’Académie française.

En 1941, il devient professeur à la Faculté des lettres de l’Université Laval dont il deviendra doyen en 1950.

En 1945, il publie L’Abattis et 1948 La Minuit. Le Barachois paraît en 1959 suivit de Martin et le pauvre la même année et des drames lyriques La Folle en 1960 et la Dalle-des-morts en 1965. Il prend sa retraite en 1957. En 1966, il fonde  la Papeterie Saint-Gilles à Saint-Joseph-de-la-Rive. Cette institution fabrique de façon artisanale du papier à base de coton.

 Mgr Savard incarne l’âme de la paysannerie québécoise. C’est la nature qui façonne son âme. Il fait de l’habitant le type même de notre race. Cela correspond ainsi à la pensée de l’élite de l’époque. Il constate dans les années 1950, que le peuple se détache graduellement de la terre, ce qui est pour lui un non-sens.

Il reçoit plusieurs distinctions :

-1945-Médaille Lorne Pierce

-1948-Prix Ludger-Duvernay

-1953-Médaille Richelieu de l’Académie française

-1959-Prix du Gouverneur général pour Le Barachois

-1968-Prix  Athanase-David

-1968-Officier de l’Ordre du Canada

-1974-Médaille Gloire de l’Escolle

Il décède le 24 août 1982 à Québec.

Menaud, maître-draveur

Cette œuvre est un poème épique, une ode à la sauvegarde du patrimoine nationale.

Félix-Antoine Savard présente Joseph Boies (1887-1963) un paysan et draveur de l’arrière-pays de Charlevoix comme étant l’inspiration  du personnage de Menaud.

Il raconte la lutte de Menaud pour délivrer son peuple de l’asservissement de l’étranger c’est-à-dire les Anglais. On assiste à la mort de son fils emporté par la débâcle des cours d’eau du printemps. Menaud tente vainement de relier à sa cause les gens de son village.  Seul  Lucon, son fils spirituel, accepte de le suivre et d’affronter le Délié, le traître. Perdu dans la tempête, il est sauvé par  Lucon mais sombre dans la folie. Heureusement, Lucon et Marie, fille de Menaud, continuent la lutte.

Dans cet hymne à la sauvegarde de notre peuple un leitmotiv se répète à travers toute l’œuvre :

« Nous sommes venus il y a trois cents ans et nous sommes restés…Nous avions apporté d’outre-mer nos prières et nos chansons : elles sont toujours les mêmes….» (23)   

Mais l’étranger s’empare du territoire

«Depuis que les étrangers empiétaient sur le domaine de ses pères, il avait cru l’entendre pâtir ; et c’est pour cela surtout qu’il y revenait : pour lui jeter des espoirs de délivrance » (65)

Cependant Menaud ne trouve qu’indifférence auprès des siens :

«Quelques vieux terriens disaient :  Bah !, ne voyant en cette histoire rien au-delà de leurs clôtures. Les autres sentaient bien que c’était une partie du patrimoine qui s’en irait encore aux étrangers ; mais en face des moyens à prendre, ils finissaient par diviser du temps, le doigt sur la cendre de leurs  pipes.» (93)

Le roman se termine par sa crie d’angoisse de Menaud

«Des étrangers sont venus ! Des étrangers sont venus! » (154)

L’espoir est maintenant entre les mains de Marie et de Lucon.

Au fil du temps, Mgr Savard atténue sa pensée nationaliste pourtant bien présente dans l’édition de 1937. En effet, l’œuvre connaîtra plusieurs  éditions. Dans l’édition de 1944, il retire le contexte dramatique  de l’exploitation  forestière. Lors du référendum de 1980, on reprochera à l’auteur son allégeance fédéraliste. L’œuvre sera à nouveau éditée en 1964 et 1967.

Menaud maître-draveur a peut-être perdu sa valeur symbolique, mais il demeure à l’instar de Maria Chapdeleine,  une œuvre clé de la littérature québécoise.

Rina Lasnier : 1910-1997

Rina Lasnier est née, le 6 août 1910,  à Saint-Grégoire dans le comté d’Iberville. Elle était la troisième enfant de Moïse Lasnier et Laure Galipeau.  En 1926, avec sa sœur Alda, elle passe une année à Palace Gate, à Exeter en Angleterre, chez les sœurs de la Présentation de Marie pour se perfectionner en anglais.

En 1927, elle fréquente le Collège Marguerite-Bourgeoys premier collège classique féminin québécois.

À partir de 1928, la maladie la retient pendant deux ans chez elle. C’est à cette époque, qu’elle commence à écrire. En 1930, elle suit des cours de littérature française et anglaise à l’Université de Montréal.

En 1939, elle étudie en bibliothéconomie. Sa thèse porte sur Victor Barbeau. La même année elle publie Féérie Indienne, pièce de théâtre en trois actes sur Kateri Tekakwitha, première amérindienne canonisée par l’Église catholique.

En 1941, elle publie des articles dans différentes revues : Liaison, Les carnets victoriens, etc. En 1943, elle reçoit le Prix David. En 1944, elle devient  membre fondateur de l’Académie canadienne-française. Elle publie ses premières œuvres aux Éditions du Richelieu.

En 1947, elle fait paraître  Le chant de la montée chez Beauchemin. Boursière de la Société Royale du Canada en 1953, elle séjourne une année en France.

En 1955, elle s’établit à Joliette. C’est dans cette ville qu’elle trouvera son inspiration pour ses œuvres majeures  entre autres Mémoire sans jours (1960), L’arbre blanc (1966)

En 1957, elle reçoit le Prix Duvernay et en 1971, l’un des plus importants prix littéraires du Québec, le Prix Molson.

Son dernier livre, Chant perdu est publié en 1983. En 1987, elle est faite Grande officière de l’Ordre du Québec.

Elle fait partie des quatre grands poètes de son époque : Anne Hébert, Alain Grandbois et Saint-Denys Garneau.

La bibliothèque intermunicipale de Joliette porte son nom.

En 1990, elle revient à Saint-Jean-sur -Richelieu où elle séjourne au Centre d’hébergement Georges Phaneuf où elle décède en 1997.

Notre-Dame de la Protection

Lorsque j’aurai fini de désirer

Des joies toutes plus belles que la vie

Que sous un arbre vous m’aurez couchée,

Haussez la branche, haussez surtout le fruit

Pour que ma bouche refuse de le goûter (extraits)        

La Malemer

À l’envers des nuages, nous avons vu tes métaphores-et ton sommeil de cristal, ô momie couchée sur les pôles ; eau ascensionnelle j’ai entendu la rumeur de ton mensonge redescendre dans l’oreille étroite de la conque ; ( L’Épanouissement de l’ombre p. 90)

Le Christ Rouge

Pareil à l’érable mort de son sang

Le Christ rouge reluit entre ses plaies

Il a pris la vêture du couchant

Il éclate comme un vitrail

On a voulu le voir tout à travers

On a défait le sang jusqu’à la fibre

Retourné la tunique de sa chair

Sans rien trouver que la mort débile ( L’Épanouissement de l’ombre p.101)

Beauté du Monde

Beauté du monde quand l’amour s’y entrevoit

Comme le jour à travers une étreinte de branches ;

L’amour vient par les fuites herbeuses de la rivière,

Sa fable millénaire, envoûtement de roseraie,

L’amour est contours des mains et des roses.

Beauté du monde passé au bûcher du soir

Et l’amour à l’embellie de la mémoire ( L’Épanouissement de l’ombre p.141)

Rina Lasnier est reconnue comme une des poètes québécoises à la source  de  son art poétique. Elle fait écho aux angoisses fondamentales de l’homme en développant  un sens du sacré. Sa prose joue sur les nuances et la musicalité de la langue. Pout citer Marie-Claire Blais : « La voix de Rina Lasnier dépasse avec son chœur multiple, la voix de tout enfermement, c’est une voix universelle qui nous vient du fond de l’âme…».

Elle découvre de mystérieuses connotations entre sa vie intérieure et les objets de sa contemplation.

Hector de Saint-Denys-Garneau : 1912-1943

Hector de Saint-Denys Garneau est né à Montréal en 1912. Il appartient à la famille des Garneau dont François-Xavier Garneau, premier historien national.  Il passe son enfance au manoir Juchereau-Duchesnay à Sainte-Catherine de Fossambault.  Par la suite, sa famille s’établit  à Westmount  en 1923. Il entreprend des études qui le conduiront dans différents collèges : Sainte-Marie, Loyola et Jean-Brébeuf.

À l’âge de seize ans, il doit interrompre ses études à cause de problèmes cardiaques. Cette maladie l’entraîne dans une intense crise psychologique. Il fonde avec des amis en 1934, la revue La Relève et publie un recueil de poèmes Regards et jeux dans l’espace. La période de 1934-1938 est la plus productive de sa courte vie.

De 1934 à 1939, il tient un journal qui nous en apprend beaucoup sur son expérience intérieure.

Son évolution psychologique

Il a un penchant marqué pour l’analyse avec un esprit brillant et profond. Avec sa lésion au cœur, il a une première rencontre avec la mort. Tout ceci le mène vers une crise intérieure.  Il développe alors une autocritique qui le conduit à l’intime   de son subconscient.

Aux frontières du désespoir, il se sent de plus en plus coupable devant Dieu et les hommes. Sous la pulsion du désespoir, il ne veut plus que deux solutions à son état de destruction psychologique : le suicide ou l’abandon à Dieu. Alors graduellement, Saint-Denys-Garneau s’abandonne aveuglement à Dieu. C’est alors qu’il va retrouver la paix intérieure.

Il meurt le 24 octobre 1943, à l’âge de 31 ans, à la suite d’une crise cardiaque à Sainte-Catherine-de-la-Jacques Cartier.

Journal

Le début de son journal coïncide avec celui des Regards et jeux dans l’espace. On y retrouve une expérience intérieure d’humiliation, de solitude et d’abandon à Dieu.

L’Être suprême se nomme la Charité. Il affirme «Sans la charité, je ne suis rien » La charité exprime tout l’être auquel il aspire. La musique comme la peinture joue un rôle dans sa vie spirituelle. En 1937, il part pour l’Europe. Il passe à Paris trois courtes semaines et revient précipitamment au pays. Il s’enferme alors dans une solitude dont il aura beaucoup de peine à s’en sortir.

«J’ai connu la semaine dernière un expérience intérieure de délaissement, d’humiliation, de solitude…Dieu m’a certes visité de sa grâce durant cette période de désarroi et de dépouillement qui confinait au désespoir; de même que la dernière fois où j’ai été éclairé étrangement sur la nécessité de la sainteté » (p.51)

Sur la musique :

«Même dans la  sensualité, Mozart a je ne sais quoi de dégagé, de purement étonné, de clair, d’où tout mal est banni, alors que cela s’alourdit chez Debussy, se voile s’alanguit avec je ne sais quoi de plus matériel, une complaisance de l’auteur.» (p.56)

La  nature:

«Ah ! songe aux matins de la nature où les mille soufflets de la vie renaissent et répondent au jour, chantent avec la lumière et jaillissent à l’appel de la joie…La brise coule des montagnes, ondule selon les méandres de la vallée. Elle glisse sur le lac en ondes successives de rides qui s’avancent.» (p.60)

La connaissance de soi:

« Cet après-midi et ce soir, obscure sensation de quelque chose de lumineux, si l’on peut dire. Ce quelque chose se résumant en ces mots : je ne veux plus autre chose qu’aimer. Et je sentais en moi possible cet amour comme une légèreté, une délivrance, un amour complètement pur, une charité » (p.159)

L’expérience poétique

Cette expérience accompagne son drame spirituel. La poésie devient une expérience de communication.  Sa crise spirituelle se dénoue avec l’abandon à Dieu. Le poète doit revenir à sa mentalité d’enfant dont l’âme est éminemment  réceptive. Saint-Denys-Garneau demeure un poète hermétique dont les écrits sont souvent obscurs. Chaque poème apporte un nouvel éclairage sur ces moments importants de sa vie. La foi et l’espérance le soutiennent dans les moments décisifs de sa vie d’écrivain. Il nous décrit les étapes multiples d’une solitude qui grandit. Il recherche la paix dans une vie modeste au contact de la nature.

Sur la définition du poète:

«De l’amour de la tendresse qui donc oserait en douter Mais pas deux sous de respect pour l’ordre établi…Il met la chambre à l’ envers et vraiment on ne s’y reconnait plus…» (p.37)

La solitude:

«Je songe à la désolation de l’hiver Aux longues journées de solitude Dans la maison morte Car la maison meurt où rien n’est ouvert Dans la maison close, cernée de forêts Dans la maison pressée de froid Dans la désolation de l’hiver » (p.68)

Le remord:

«Je veux ma maison bien ouverte

Bonne pour tous les miséreux

Je l’ouvrirai à tout venant

Comme quelqu’un se souvenant

D’avoir longtemps pâti dehors

Assailli de toutes les morts

Refusé de toutes les portes

 Mordu de froid rongé d’espoir

Anéanti d’ennui vivace Exaspéré d’avoir tenace

Toujours en quête de pardon Toujours en chasse de péché. » (p.107) 

S’endormir à cœur ouvert

Pour que nous retrouvions ce soir

 Confiance et la chaleur

De s’endormir en oiseau

D’être un enfant pour s’endormir

Dans la fraîcheur de son lit

 Dans la bonté protectrice

Qui flotte dans le noir » (p.219)

Saint-Denys-Garneau  possède une double personnalité : homme charnel et l’homme spirituel.  L’homme charnel  entretient le désir d’être un jour porté dans la joie. Il nous apporte un témoignage spirituel exigeant et profond  à l’instar de Nelligan.

C’est un auteur qui a porté très haut le niveau de la littérature québécoise.  Saint-Denys-Garneau est à la fois un poète et un philosophe. Une nombreuse littérature critique sur son œuvre prolifère au cours des ans.

Considéré, par plusieurs, comme le plus grand poète québécois, son œuvre se retrouve bien au-delà de nos frontières : en France, en Belgique, en Suisse et elle est même traduite en Pologne, Hongrie, Russie, Royaume-Uni et Italie.

Il a aussi produit une cinquantaine d’huiles sur toile, quelques portraits mais surtout des paysages réalisés entre 1931 et 1937. Ces œuvres nous donnent une vision particulière sur ses poèmes. De son vivant, il expose seulement à trois reprises. Il est considéré comme un auteur important de notre littérature.

Félix Leclerc : 1914-1988

Félix Eugène Leclerc auteur-compositeur-interprète, poète, romancier et dramaturge est né à La Tuque le 2 août 1914. Il est le sixième de onze enfants d’un marchand en bois d’œuvre et en grains. Très jeune, il apprend à connaître Mozart et Schubert que sa sœur aînée interprète au piano.

Après des études primaires à La Tuque, à 18 ans, il entame des études supérieures à l’Université d’Ottawa. Il y écrit sa première chanson Notre sentier. La Grande dépression le contraint à abandonner ses études et à retourner travailler sur la ferme familiale à Sainte-Marthe-du-Cap près de Trois-Rivières, ce qui lui inspire plusieurs chansons.

Entre 1934 et 1937, il devient présentateur et scénariste à la radio de CHRC et CHLN à Trois-Rivières. Puis c’est à Québec qu’il suit quelques cours de guitare de Victor Angelilo pour qui il gardera  toujours un profond respect.

En 1939, Félix entre à Radio-Canada à Montréal comme scénariste. Il est l’auteur de plusieurs feuilletons radiophoniques. Il joue également dans des séries dramatiques comme Un homme et son péché de Claude-Henri Grignon. Il monte sur scène avec les Compagnons de Saint-Laurent. Albert Tessier encourage Félix à la publication de ses écrits radiophoniques. Celles-ci vont paraître sous forme de recueils : Adagio (histoires), Allegro (fables) et Andante (poèmes).

En 1948, les pièces de Félix Le P’tit Bonheur et La P’tite Misère sont présentées à Montréal et à travers le Québec. C’est à cette époque que sont composées plusieurs chansons qui deviendront des classiques de la chanson québécoise comme L’Hymne au printemps, Le Train du Nord et Bozo.

Félix avait épousé  Marie-Andrée Viens le 1 juillet 1942. Le couple aura un fils, Martin. À la même époque, il déménage à Vaudreuil où plusieurs membres de la colonie artistique  habitent.

Par la suite, une rencontre décisive avec l’impresario  Jacques Canetti va changer le cours de sa vie. En effet, celui-ci lui propose un contrat à Paris. C’est ainsi qu’en décembre 1950 Félix fait ses débuts parisiens à l’ABC où il triomphe.

Après son grand succès sur la scène parisienne, Félix part en tournée à travers la France, la Belgique et la Suisse. Vêtu à la manière d’un bûcheron avec une chemise à carreaux, il s’accompagne à la guitare et avec sa voix de baryton et devient rapidement une grande vedette.

En février 1951 il est récompensé du Grand prix du disque de l’Académie Charles-Gros à Paris pour sa chanson Moi mes souliers. En Europe on le surnomme le Canadien. À son retour il est reçu comme un héros national. Reconnu en France, il réussit à vaincre le scepticisme de certains intellectuels d’ici.

Et puis, Félix Leclerc partage son temps entre l’Europe et le Canada. En France ses apparitions tant sur la scène qu’à la radio en font une super vedette.

Au Canada, il fait de nombreuses apparitions au théâtre Le Patriote à Montréal  dans les années 1960 et 1970. Son plus grand succès au Québec est sans doute sa participation avec Gilles Vigneault et Robert Charlebois à la Superfrancofête de Québec en 1974.

Félix Leclerc  développe avec le temps une pensée nationaliste   qu’il exprime dans ses chansons dont L’Alouette en colère. Il accordera son appui au Parti Québécois de René Lévesque.

En 1970, il s’installe définitivement dans sa nouvelle maison de l’île d’Orléans. En 1939, il avait épousé en deuxième noce Gaétane Morin, avec qui il aura deux enfants, Nathalie et Francis.

Il donne son dernier concert en public en 1979, mais fera occasionnellement quelques apparitions en public.

Il décède, le 8 août 1988, chez lui à l’île d’Orléans.

Il a reçu de nombreuses récompenses, dont:

-Grand prix du disque Charles-Gros en 1951, 1958 et 1973.

-Officier, Ordre du Canada en 1968

-Prix Calixa-Lavallée pour l’ensemble de son œuvre en 1975

-Prix Denise Pelletier du gouvernement du Québec pour l’ensemble de son œuvre en 1977

-Grand Officier, Ordre national du Québec en 1985

-Chevalier Légion d’honneur, France en 1986

Pieds nus dans l’aube

Il est particulièrement intéressant de connaître les débuts de Félix comme auteur. Ainsi, il touchera à plusieurs aspects de l’écriture, le roman, la poésie, le théâtre et la chanson. C’est la chanson qui le fera connaître au Canada et en Europe. Il aurait fortement  souhaité que son talent en tant qu’auteur dramatique soit reconnu par ses pairs, ce qui n’a malheureusement pas été le cas.

Ce premier roman de Félix Leclerc,  Pieds nus dans l’aube, raconte l’heureuse  enfance de l’auteur. Il y décrit avec bonheur la découverte de l’amitié et l’amour de la famille.

Voici quelques images telles que Félix décrit sa ville natale :

«Tel le fruit le plus élevé d’un arbre immense, elle était la dernière de toute une série de petites villes semées comme des balises le long de la Saint-Maurice » (p.20)

Et sur le train qui relie le train au reste du Québec :

«Le train ne montait qu’à tous les deux jours et sa mine trahissait une grande fatigue. Il stoppait à la petite station, essoufflé en nage, penaud, ahuri comme une bonne bête…» (p.21)

Félix fait la connaissance de Fidor  avec qui il développera une grande amitié :

«Fils de gens très modestes. Il avait hérité d’un cœur plus profond qu’une urne, que le bon Dieu n’avait pas laissé à sec. Il possédait par intuition  la science des étoiles. Son livre de classe dans lequel il lisait infiniment mieux que nous les écoliers, c’était la nature. » (p.47)

«Fidor m’avait fait connaître le mot amitié, c’était merveilleux » (p.131)

L’image de la mère tient une place importante :

«Comme un paratonnerre, elle s’exposait aux foudres des jours, prenait sur elle les malheurs. À l’abri, elle nous forgeait des armes. En riant, elle avait bousculé les obstacles, reculé les ronces et fait son nid » (p.41)

Et celle du père :

«Il était le seul dans la maison à voir plus loin que le pain quotidien. Il s’évadait du présent parfois fumait sa pipe en écume de mer, l’œil  par-delà la  montagne  comme son père Ti-Jean le Barbu avait du faire bien des fois…» (p.42)

Sur le mode de vie de son enfance :

«La cloche du petit lac, qui balançait la tête dans sa vérité éternelle, avait bien raison de nous rappeler que nous étions des enfants privilégiés n’ayant comme inquiétude qu’un devoir de classe à terminer dans la chaleur de la famille » (p.43)

Félix Leclerc nous fait voir une enfance où la douceur de vivre était partout présente. Sa famille, sa ville lui inspire des pages remplies de bonheur. Cette joie de vivre qui marque son enfance a  certes été à la base de celui qui deviendra le troubadour d’un peuple.

«Lentement, discrètement, papa nous préparait un héritage ; il nous glissait ce qui est mieux que l’argent : du courage, des provisions de courage pour l’avenir, car lui savait que dans le détour de l’enfance, une bête nouvelle et compliquée, tapie hypocritement fait le guet…» (p.81)

Félix rêve toujours des espaces de la campagne les pieds dans la nature pour lui la ville est :

«La ville ? C’est le peuple rassemblé autour d’usines. C’est l’entassement des maisons collées comme un jeu de cartes .C’est la terre qui est cachée sous l’asphalte et qui monte le bout du nez à la hâte dans les parcs et les avenues…» (p.211)

La vision bucolique de Félix ne s’accommode pas facilement avec la cité.

Dans ce premier roman, on retrouve  l’essence de l’œuvre du créateur que deviendra Félix Leclerc.

À travers ses 146 chansons originales, ses romans, ses pièces de théâtre son regard est constamment tourné vers la nature. Celle qui l’inspire, là où il veut vivre.

L’impact de Félix sur la chanson d’ici et en France est considérable. Il est l’initiateur avec quelques autres comme Madame Bolduc de la chanson québécoise. En France, il a revitalisé la chanson en aidant au lancement de nombreuses carrières comme les Georges Brassens, Guy Béart, Jacques Brel et d’autres.  Christian Larsen dans son livre Chansonniers du Québec, dira que Félix Leclerc est à la chanson canadienne (québécoise) ce que Trenet  est à la chanson française : un militant, un révolutionnaire et un guide.

Gabrielle Roy : 1909-1983

Gabrielle Roy est née le 22 mars 1909 à Saint-Boniface au Manitoba. Elle est la fille de Léon Roy et Mélina Landry. Pour son éducation, elle fréquente l’Académie Saint-Joseph et l’École normale supérieure de Winnipeg. Puis, elle enseigne dans les écoles rurales de Marchand et Cardinal et finalement à l’École Provencher de Saint-Boniface.

En 1937, elle quitte le Manitoba pour l’Europe enfin d’étudier l’art dramatique d’abord à Londres et ensuite à Paris.  Par la suite, elle fait un retour en Angleterre où elle écrit quelques articles qui seront publiés dans un hebdomadaire français. C’est là qu’elle va découvrir sa vocation d’écrivaine et qu’elle décide de vivre de sa plume.

En 1939, la guerre en Europe l’oblige à revenir au Canada. Elle s’établit à Montréal et gagne sa vie à la pige comme journaliste tout en continuant son travail d’auteure. Elle fait la connaissance de plusieurs sommités du monde intellectuel.

C’est en parcourant les quartiers de Montréal qu’elle repère le quartier Saint-Henri, quartier ouvrier qui va lui inspirer son roman Bonheur d’occasion.

Le roman remporte un grand succès et obtient le Prix Fémina en 1947 ainsi que le Prix du Gouverneur général au Canada. La traduction anglaise de Bonheur d’occasion, The Tin Flute, est vendue partout en Amérique du Nord. Le roman est également traduit en plusieurs langues. Rapidement, Gabrielle Roy devient une célébrité.

Elle épouse en août 1947, Marcel Carbotte,  un médecin de Saint-Boniface. Le couple part pour l’Europe où Marcel poursuit des études en médecine tandis que Gabrielle poursuit son travail d’auteure.

En 1950, ils reviennent de l’Europe. En 1952, le couple s’installe à Québec.

En 1957, Gabrielle achète un chalet à Petite-Rivière-Saint-François où elle rédigera presque tous ses autres romans. Ses autres œuvres importantes sont Rue Deschambault (1955) et Ces enfants de ma vie (1977) qui  marque la résurrection de Gabrielle Roy comme auteure populaire. Finalement, sa toute dernière œuvre, La détresse et l’enchantement (1983), son autobiographie, est  considérée par plusieurs comme son chef-d’œuvre. Elle couvre les années de son enfance au Manitoba jusqu’au moment où elle s’établit  au Québec.

Importante écrivaine francophone dans l’histoire canadienne autant du côté francophone qu’anglophone Gabrielle a reçu plusieurs prix :

Gabrielle Roy meurt le 13 juillet 1983 à Québec à l’âge de 74 ans.

Pour illustrer son œuvre, nous avons choisi une nouvelle tirée de son roman, Ces enfants de ma vie, très représentative de sa sensibilité et de son immense talent en tant qu’auteure.

De la truite dans l’eau glacée

Le personnage principal est Médéric, un jeune rebelle, qui tourne le dos à l’école. C’est aussi le récit d’un amour naissant entre le jeune récalcitrant et sa jeune institutrice Gabrielle, âgée de seulement seize ans.

L’école ici est située dans un petit village de la plaine. Au magasin général on l’avertit déjà « Ah !  ça marche donc si bien ! Tant mieux ! Tant mieux ! Car ce sera une autre histoire quand arrivera Médéric ».

Médéric semble semer la terreur. Un beau jour sans prévenir il se présente à l’école  «Enfin le garçon, son large chapeau à présent ramené sur le front, parvint au seuil. Il s’y campa jambes écartées…Il y avait là un pupitre occupé à un seul bout par un de mes petits élèves. Médéric se laissa choir à côté de lui et, d’un mouvement de hanche l’envoya voler dans l’allée de gauche, lui-même se carrant pour prendre toute la place ».

Cette entrée spectaculaire nous donne une bonne image de l’adolescent. Gabrielle le laisse faire ne lui adressant la parole qu’à la fin de la journée. « Alors, je vis qu’il n’était après tout  qu’un enfant, la nuque fragile, le corps élancé, mais délicat  ».

Elle lui demande alors de ramasser les papiers qu’il avait lancés durant la journée et cela uniquement pour attirer l’attention. L’enseignante décèle chez l’adolescent une grande solitude. Mais Gabrielle est loin d’avoir gagné sa confiance et Médéric continue à être l’objet de toute son attention. « Telle était alors ma fièvre, impérieuse comme l’amour, en fait c’était de l’amour, ce passionné besoin que j’eus toute ma vie, que j’ai encore de lutter pour obtenir le meilleur en chacun».

Gabrielle prend l’habitude de s’assoir à un bout de son banc pour lui faire apprendre la leçon du jour. « Un jour par maladresse nos genoux s’étant frôlés, il retira sa jambe avec la vivacité d’un animal ombrageux. » Médéric tourne souvent son regard par la fenêtre vers son cheval, Gaspard, et vers la plaine qui l’attire d’une manière irrésistible.

Pour une fois, il se confie à son institutrice. À la question qu’elle lui pose sur l’endroit où il voudrait être s’il n’était pas à l’école « C’est dans les collines de Babcock que j’irais…C’est à cheval qu’il faut y aller ». Il lui avoue qu’il vient à l’école à cause de son père. Il a voulu fuir le foyer familial mais toujours le père met la police à ses trousses qui le ramène à la maison.

« Pour me faire pardonner, je ne trouvai mieux que  de placer ma main au-dessus de la sienne qui reposait sur la tablette…Hé que vous avez la main petite mamzelle. » Pour lui ce qui est le plus important : « Pour moi ce sera toujours la liberté  ».

Au milieu de ces collines il y a un ruisseau et « Eh ! bien, les truites remontent quelquefois à la source, et là, dans l’eau glacée, le croiriez-vous mamzelle, elles se laissent prendre dans la main, je vous le jure, elles se laissent prendre et caresser…n’est-ce pas un mystère ? » À cet instant, l’amour des livres se développe chez Médéric qui veut tout connaître sur la nature à travers l’encyclopédie de la classe.

Un beau jour, il l’invite à venir avec lui découvrir ce lieu mythique  des collines du Babcock.  Gabrielle accepte finalement de se rendre avec lui dans les collines s’il réussit un examen sur les conjugaisons, ce qu’il fit sans problème. Le samedi suivant il se présente à la porte de Gabrielle  chevauchant  Gaspard  et amenant  une petite jument Flora.

Les deux prennent alors le chemin des collines en silence par une radieuse journée. «Sous le bord du chapeau tiré sur le front, il m’épiait passionnément, n’ayant cessé de me contempler qui contemplait la plaine attentif à voir naître le bonheur qu’il avait espéré me voir prendre à ce haut lieu étrange ». L’amour naissant mais impossible entre ces deux êtres s’épanouit soudain.

Du haut des collines, ils restent immobiles à regarder en bas la plaine. Moment d’extase entre ses deux êtres face à l’infini. Tous deux prennent la direction du ruisseau. Sur place «Un rayon de soleil pénétrant jusqu’à nous, colora nos mains et nos visages. Sur celui de Médéric  jaillit au même instant la lumière intérieure d’une joyeuse surexcitation. »

Et puis l’explosion de joie « Il y en a mamzelle. Je viens d’en sentir une glisser contre ma main. Tiens, la revoilà ! Elle se laisse prendre. Je l’ai dans la main. ». À son tour Gabrielle « Puis, tout à coup de ma main moitié ouverte, s’insinua une  petite  créature glissante, douce, ondulante, à coup sûr bien vivante»  Et alors « De part en part de la source, les yeux dans les yeux, nous échangions des impressions si ressemblantes, qu’elles amenaient sur nos lèvres un même sourire pareillement heureux».

Plus tard Gabrielle essaie d’expliquer le phénomène « Mais rien ne peut faire que nous n’ayons connu, Médéric et moi la plus innocente  des joies en croyant avoir apprivoisées se plaisant en notre compagnie, ces fuyantes petites créatures ».

Gabrielle consciente que cette escapade pouvait faire jaser pensa «Qu’ils aillent  au diable!»  Et puis c’est la séparation à la fin de cette merveilleuse journée pour ces deux adolescents à la découverte de l’amour. «Alors dans cette lueur imprécise où je les vis s’enfoncer (lui, Gaspard et Flora) plus troublante que la nuit, j’eus l’impression qu’en un sens je les perdais pour toujours ».

C’est le chapitre clef  de ce récit. Il y  a l’avant voyage dans la montagne et  l’après où la fin de cet amour naissant mais impossible s’annonce.

Après cette excursion dans les collines, Médéric se fait acheter une encyclopédie pour apprendre à connaître davantage la nature. Quelques temps plus tard, Gabrielle reçoit une invitation très particulière du père de Médéric. Il faut préciser que ce dernier vivait seul avec son père, sa mère à moitié indienne ayant décidé de retourner dans sa tribu pour fuir un mari malveillant.

L’enseignante est hésitante «Tu sais pourtant bien, que je n’ai pas été dans aucune maison habitée seulement par des hommes ». À cela il répond que la voisine que son père emploie sera présente. Le dimanche suivant Médéric vient la chercher : « Médéric et moi dans la demi-obscurité de la berline, les yeux luisants de l’heureuse surexcitation. » Et l’illusion s’évanouit avec la rencontre du père : « accueillie par un gros homme endimanché, par ailleurs vite familier sentant l’alcool à vingt pas ».

Et on voit la raison de l’invitation du père qui voudrait bien que Gabrielle s’intéresse d’une façon plus spéciale à Médéric. Devant la réaction décevante de l’enseignante,  il déclare : « Heureux à sa manière ! Est-ce cela que vous allez lui chanter quand vous partez seule avec lui pour la journée dans les collines»

Gabrielle a alors qu’un désir de partir et retourner chez elle. Mais le père de Médéric continue « Or, dans nos pauvres campagnes où les femmes sont ignorantes et abruties qui donc en vaut la peine sinon la petite demoiselle de l’école…»

Médéric raccompagne Gabrielle dans la tempête qui gronde où les poteaux de téléphone deviennent  les guides. Médéric sent le malaise de cette dernière. «Maintenant, ça vaudrait mieux que je ne retourne plus à l’école…après… ce que mon père a dit…De nouveau ma main vola pour prendre la sienne, s’arrêta en chemin…»

Pour l’institutrice c’est un amour impossible. Mais prise dans la tempête Gabrielle continue à rêver à une suite différente « Je nous imaginai Médéric et moi, tels qu’on nous retrouverait la tourmente passée, deux pures statues, les cheveux et les cils poudrés de frimas, intacts et beaux. Tout juste aurions-nous peut-être incliné la tête l’un vers l’autre … Il me vint à l’esprit que nous pourrions vivre longtemps devenir vieux  Médéric  et moi. Mais alors elle me montra le visage de Médéric défait, puis fermant les yeux dans le premier effarement du cœur qui lui venait ».

À l’arrivée chez  sa logeuse Gabrielle dans un élan lui déclare « Dans cette berline, avec toi   et Gaspard j’irais bien jusqu’au bout du monde ». Sur ce, les adieux sont brefs et Médéric repart rapidement.

Après cela, rien ne fut comme auparavant entre Médéric et Gabrielle. L’adolescent ne s’intéresse plus à l’école. Un soir il s’offre de rester après la classe pour faire le ménage. Il passe alors à l’attaque et « Si vous ne voulez pas revenir chez nous, mon père consentirait quand même à me laisser prendre la berline pour vous promener où vous aimeriez aller…»

Devant le peu d’empressement de son interlocutrice il demande « Vous ne m’aimez plus mamzelle ?...vous ne viendrez plus jamais avec moi dans les collines ou même sur la route  dans la berline ?... Non Médéric ces choses sont finies ». Médéric décontenancé ramasse ses livres et quitte les lieux précipitamment.  Mais il ne revenait pas. Le printemps revint «Ce printemps délicat, ce printemps gracieux avivait mes regrets.»  

Puis un jour, il réapparaît  et retrouve sa place dans la classe. Il reste après la classe et est mal à l’aise pour  prendre congé. «Ah, mamzelle. Qu’est-ce donc qui m’arrive ?  C’est comme si je vous…Ce n’est pas de ma faute. Je ne l’ai pas fait exprès. Je me permis une bien légère caresse lissant du doigt sur le côté de la tête…Personne, Médéric, n’a jamais fait exprès, personne. Tu dis avoir du sentiment pour moi, et pourtant ce sentiment ne te hausse pas  à tenter de  réaliser l’espoir que j’ai mis en toi…- À la fin qu’est-ce qu’il vous faut donc encore ? »

Finalement, Médéric s’enfuit au pas de course de l’école, cette fois-ci pour de bon.

Gabrielle qui doit quitter son village pour la ville aurait aimé le revoir avant son départ. On lui organise une fête. Pour tous Médéric fait partie du passé sauf pour Gabrielle qui garde toujours l’espoir de le revoir.

Le lendemain, elle prend le train. «Et quoiqu’il n’eût sans doute jamais été dans mon intention d’encourager l’amour naissant de Médéric, je saisis à cet instant que j’aurais grand chagrin de le savoir tout à fait mort. »

Et puis soudain Médéric apparaît sur son cheval.  Dans un adieu palpitant «Dans ce temps-là, en train, quand c’était l’été, on voyageait toutes  fenêtres ouvertes. Médéric eut vite repéré mon visage à moitié dehors. Il éleva haut dans l’air ce qu’il tenait à la main, le fit tournoyer deux ou trois fois pour lui imprimer un élan puis d’un geste sûr me le lança par la fenêtre droit sur les genoux. C’était un énorme bouquet des champs…s’ouvrant seulement un peu pour me révéler des corolles fraîches encore dans leur rosée. Nos regards se croisèrent…Mes lèvres formèrent silencieusement à son intention le seul mot qui me venait à l’âme : Ah! Médéric ! Médéric ! Il leva la main à bout de bras, haut dans le ciel clair, en un geste qui semblait pour maintenant et pour toujours. Gaspard salua à sa manière de deux grands coups de tête impatients. La prochaine courbe les arracha à jamais à ma vue ».

Ainsi se termine l’un des plus beaux récits de Gabrielle Roy où son talent se révèle dans toute sa grandeur.  Ces enfants de ma vie n’est pas à proprement parler un récit  biographique. Mais c’est dans ses  souvenirs d’antan qu’elle puise son inspiration débordante.

Quelle est l’importance de l’œuvre de Gabrielle Roy dans la littérature canadienne ? Elle demeure une  figure littéraire majeure  du Canada. Une interrogation  se pose à propos de  son œuvre  qui est à la frontière entre le fictif et le réel. Ses deux sœurs, Anna et surtout Adèle vont manifester de plusieurs façons leur opposition aux écrits de Gabrielle les déclarant non conformes à la réalité.

Le rôle de Gabrielle Roy dans la littérature canadienne a de quoi étonner, elle y occupe une place unique. En effet, autant elle est une auteure reconnue et plusieurs fois décorée au Québec, autant elle occupe un rang important du côté anglophone, toutes ses œuvres ayant été traduites en anglais.

Fait exceptionnel, elle est une des rares auteures à être populaire chez le grand public tout en faisant l’objet de plusieurs études universitaires. Elle est la pionnière du roman réaliste, social et psychologique. C’est la toute première à avoir décrit le monde urbain au Québec, abandonnant ainsi l’univers traditionnellement rural de notre littérature.

Anne Hébert : 1916-2000

Anne Hébert est née à Sainte- Catherine-de-la-Jacques Cartier, le 1 août 1916. Elle est la fille du critique Maurice Hébert et  de Marguerite Taché et cousine du poète Saint-Denys-Garneau. Par sa grand-mère maternelle, elle appartient à l’une des plus illustres familles de la Nouvelle-France, les Juchereau-Duchesnay, une lignée de seigneurs de la seigneurie de Fossambault. Son père, par contre, vient d’une modeste famille d’origine acadienne. Pendant plusieurs années, il sera fonctionnaire. Il a malheureusement une faible santé.

Les Hébert se font construire un chalet près du manoir. Anne va y passer plusieurs étés. Comme elle a une santé défaillante, elle reçoit les débuts de son éducation à la maison ne fréquentant qu’occasionnellement une école.

Elle est  brièvement l’élève des couvents Mérici dirigé par les Ursulines à l’automne 1930 et le  Jésus-Marie en 1934. Elle devra son éducation  en grande partie à ses nombreuses lectures.

En 1939, son médecin lui diagnostique une tuberculose. On lui prescrit un grand repos. Elle gardera la chambre jusqu’en 1944. Ce sont des années parmi les plus pénibles de son existence qui serviront à inspirer plusieurs de ses œuvres dans les années à venir. Finalement, après cinq années de réclusion, le diagnostic de tuberculose se révèle être faux.

En 1942, elle publie un premier recueil de poèmes Les songes en Équilibres. En 1950, sa deuxième œuvre, Le Torrent, est publiée. Ce récit acerbe et violent va donner le ton à ses futurs romans.

Fait important, à l’instar de Gabrielle Roy, elle se pose une question fondamentale : créer ou procréer. Pour elle, la réponse est évidente. Elle décide de se consacrer entièrement à l’écriture.

En janvier 1953, elle est engagée comme scripte à l’ONF. Cet emploi lui  assure un revenu régulier. La même année, elle fait publier à compte d’auteur Le Tombeau des rois.

Anne Hébert désire ardemment visiter la France. À l’époque, pour les intellectuels, faire  un séjour à l’étranger est une étape obligée de leur formation. En 1954, elle obtient une première bourse et peut partir pour Paris. Dans les années suivantes, elle obtiendra plusieurs bourses qui lui permettront de prolonger ses séjours en France. Elle y retrouvera plusieurs intellectuels québécois dont  le peintre Jean-Paul Lemieux.

En 1958, elle publie, Les Chambres de bois,  lui permettant ainsi  d’obtenir  le prix France-Canada. Durant ces années, elle fera de nombreux va-et-vient entre le Canada et la France. Mais, malheureusement, elle a toujours un besoin pressant d’argent.

Après un séjour de trois années outre-mer, Anne Hébert revient au Canada en 1959 où elle retrouve son poste à l’ONF. Au printemps 1963, de retour en France, elle fait la connaissance de Roger Name avec qui elle aura une relation amoureuse pendant une quarantaine d’années.

En 1965, après la mort de sa mère, elle s’installe définitivement en France. En 1966, de retour pour un court séjour, elle commence des recherches pour un certain fait divers survenu à Kamouraska. Ce roman, elle le veut réaliste et solide pour un plus large public.En 1967, le prix Molson avec un montant de 15000$ lui est attribué pour l’ensemble de son œuvre.

Après quatre années de travail, en janvier 1970, elle remet le manuscrit de Kamouraska  à son éditeur. C’est un sommet dans l’œuvre d’Anne Hébert. Dans ce roman, nous retrouvons l’essence même de ses œuvres à venir. Pour Kamouraska, elle reçoit le Prix des libraires en France. En 1973, Kamouraska est porté à l’écran par Michel Brault. À partir de 1971, elle habitera le 24 rue Pontoise à Paris jusqu’à son retour en sol canadien en 1998. En octobre 1973 elle a pour un temps l’idée de racheter le manoir de ses ancêtres de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Elle y renonce rapidement puisque le vendeur en demande  125,000$.

Anne Hébert connaît la célébrité et est très en demande. C’est ainsi qu’en 1976 elle part pour l’Australie pour une tournée des départements d’études françaises et québécoises d’une demi-douzaine d’universités.

En 1978, le premier ministre René Lévesque l’invite à occuper le poste de lieutenant-gouverneur, mais elle  refuse.

En 1982, pour son cinquième roman Les Fous de Bassan, elle obtient le prix Femina à l’égal de Gabrielle Roy en 1945. En 1986, le roman est porté à l’écran à son tour. À cette époque, Anne Hébert est  devenue une légende vivante.

Elle continue à publier en 1992, L’Enfant chargé de Songes. En 1995, âgée de 79 ans, elle publie Aurélien, Clara, Mademoiselle et le Lieutenant anglais.

Face à plusieurs problèmes tant financiers que de santé, elle décide de rentrer au Canada définitivement. Après trois ans de discussions, le Centre Anne-Hébert est créé le 25 novembre 1996 et est placé sous la direction du Département des lettres et sciences humaines de l’Université de Sherbrooke.

Elle décède le 22 janvier 2000 à l’Hôpital Notre-Dame à l’âge de 83 ans.

Parmi les écrivains québécois, elle est  sans doute celle qui a reçu le plus grand nombre de prix à savoir plus d’une vingtaine dont les prix David en 1943, le prix Molson en 1968, le prix du Gouverneur-général en 1975, 1982 et 1992, le prix Femina en 1982, le prix Gilles-Corbeil en 1993 et le prix Jean-Hamelin en 2000.

Elle a été honorée par des doctorats honoris causa des universités de Toronto, Guelph et du Québec à Montréal.  De  plus, elle est faite Compagnon de l’Ordre du Canada et Officier de l’Ordre national du Québec.

Kamouraska

Ce roman est basé sur des faits historiques survenus en 1839. Antoine Tassy, seigneur de Kamouraska, est assassiné à l’âge de 26 ans par Georges Holmes. Éléonore d’Estimauville, épouse du seigneur, est soupçonnée de complicité

Au chevet de son deuxième mari, le notaire Rolland, elle revit les évènements dramatiques survenus vingt-six plus tôt. Ainsi, elle se rappelle son mariage à l’âge de seize ans. Elle revoit la violence de son époux qui la pousse à fuir chez sa mère et ses trois tantes à Sorel.

Soignée par le docteur Nelson, elle devient sa maîtresse et se retrouve enceinte de lui. Ces évènements poussent les deux amants à se débarrasser d’Antoine.  

George se charge de l’assassiner et dans une folle équipée en traîneau à travers la neige et le froid il franchit en quelques jours les 200 milles qui séparent Sorel de Kamouraska et tue Antoine le 31 janvier 1839.

Craignant  la justice, il va chercher refuge aux États-Unis.

À travers quelques extraits de ce roman nous reconnaissons le style unique d’Anne Hébert.

Ainsi dans ces quelques  mots, elle dénonce un mari violent et ses sentiments envers le docteur Nelson :

«J’avais seize ans et je voulais être heureuse. Voyou ! Sale voyou ! Antoine Tassy seigneur de Kamouraska. Puis vint l’éclat sombre de l’amour…Docteur Nelson, je suis malade et ne vous verrai plus.» (p.31)

Et encore :

«Je suis celle qui appelle George Nelson dans la nuit. La voix du désir nous atteint, nous commande et nous ravage. Une seule chose est nécessaire. Nous perdre à jamais, tous les deux. L’un avec l’autre…» (p.129)

«Mais, je suis là, je veux que tu vives et qu’il meure. Je t’ai choisi toi George Nelson. Je suis la vie et la mort inextricable liés…»(p.164)

George Nelson part à toute vitesse pour tuer le mari Antoine Tassy :

«Lauzon, Beaumont, Saint-Michel, Berthier…Le temps ! Le temps ! S’accumule sur moi… Me fait une  armure de glace. Le silence s’étend en plaque neigeuses. Depuis longtemps déjà, George, emporté dans son traîneau a franchi toutes les frontières humaines..» (p.197)

« Les cloches grêles de l’église de Kamouraska sonnent le glas sur toute l’étendue de l’anse. Se répandent (à cause du vent) bien au-delà, comme une marée perdue dans l’air gelé et bleu » (p.230)

Le tombeau des rois

Anne Hébert rencontre beaucoup de difficultés pour la publication de son recueil de poèmes.  Il est publié dans un premier temps à compte d’auteur avec l’aide financière de Roger Lemelin.  En 1960, les éditions du Seuil en publient une nouvelle édition.

L’auteure y emploie un verbe austère avec une réserve de style. Elle veut être concrète.

Éveil au seuil d’une fontaine

«O ! spacieux loisir/

Fontaine intacte

Devant moi déroulée

A l’heure/Où quittant du sommeil/

La pénétrante nuit

Dense forêt/Des songes inattendus

Je reprends mes yeux ouverts et lucides

Mes actes coutumiers et sans surprises/

Premiers reflets en l’eau vierge du matin.»

C’est la clarté du matin la naissance de la vie.

Dans ce poème, elle exprime les difficultés de la vie et la mort qui vient inexorablement.

J’ai mon cœur au poing,

Comme un faucon aveugle,

Le taciturne oiseau pris à mes doigts,

Lampe gonflée de vin et de sang,

Je descends,

Vers les tombeaux des rois,

Étonnée

À peine née.

Alors que Gabrielle Roy reflète le roman social et plus intime, Anne Hébert nous amène dans un monde plus poétique de la littérature. Chacune à leur façon, ces deux auteures ont marqué la littérature du Québec d’une manière décisive. La vie entière de ces deux auteures sera consacrée entièrement à la littérature. Il y a dans chacune de leur vie une similitude remarquable.

Roger Lemelin : 1919-1992

Roger Lemelin est né à Québec, le 7 avril 1919, dans le quartier ouvrier de Saint-Saveur. Il quitte l’école après sa huitième année et travaille pour apprendre l’anglais et la comptabilité.

Il pratique le sport de façon intensive et se prépare au championnat de ski à Banff.  Un saut mal exécuté  lui brise une cheville et le force au repos. C’est à cette époque qu’il fait la découverte de l’univers des livres.

Comme il dispose de beaucoup de temps, il se lance à la rédaction de son premier roman, Au pied de la pente douce, dans lequel il dresse un portrait haut en couleur du quartier Saint-Sauveur et le monde de son enfance. Il y décrit le clergé avec une certaine truculence et désinvolture.

Ce premier roman obtient un grand succès. Il reçoit deux prix littéraires importants : le Prix David et un prix de l’Académies française. Deux ans plus tard, il remporte deux bourses de fondations américaines : Guggenheim et Rockerfeller. Son roman est publié en anglais en 1948 sous le titre The Town Below. Par la suite, Il se consacre surtout à l’écriture des Plouffle qui paraît en 1948.

Puis, il délaisse l’écriture pour fonder une agence publicitaire et une entreprise de charcuteries, la compagnie Taillefer. Entre-temps, son roman La famille Plouffle est présenté en radioroman de 1952 à 1955 à Radio-Canada.

Cependant, le 4 novembre 1953, un évènement  va marquer profondément les habitudes des québécois soit la présentation de La famille Plouffle  à la télévision. Lemelin en rédige lui-même les textes.

Devant le succès de cette émission au réseau français de Radio-Canada, la CBC le diffuse en anglais et cela devient The Plouffle Family à partir de 1954. Les deux versions cessent d’être diffusées en 1959.

La même année, Roger Lemelin revient  avec un nouveau téléroman, En haut de la pente douce, qui sera diffusé jusqu’en 1961.

Dans les années 1980, deux films seront tournés à partir des œuvres de Roger Lemelin  dont  Les Plouffle réalisé par Gilles Carle, une mégaproduction qui exige plus de 2000 figurants. Ce film connaît un immense succès et remporte plusieurs prix.

En 1982, le film  Le crime d’Ovide Plouffle, est réalisé par Denys Arcand. Il y raconte un fait réel, l’explosion d’un DC-3 de la compagnie Canadian Pacific Airlines. Ce crime est l’œuvre d’un résident de Québec, Albert Guay dont l’épouse se trouvait à l’intérieur de l’avion.

De 1972 à 1981, Roger Lemelin occupe le poste de président et éditeur du quotidien La Presse.

Au cours de sa carrière, Roger Lemelin reçoit de nombreux honneurs. Entre autres, il est reçu membre de la Société royale du Canada en 1949. En 1974, il devient membre de la prestigieuse Académie Goncourt. En 1980, il reçoit le titre de Compagnon de l’Ordre du Canada puis neuf ans plus tard il est  fait officier de l’Ordre national du Québec.

Il décède le 16 mars 1992 des suites d’un cancer du poumon.

Au pied de la pente douce

À la fin des années 1930 dans le quartier ouvrier Saint-Sauveur,  la population y vit intensément. L’auteur, à l’instar de Gabrielle Roy à la même époque, met en scène la misère du monde ouvrier rompant ainsi avec la ruralité de la littérature québécoise.

Les personnages d’Au pied de la pente douce sont colorés. Les scènes sont souvent drôles grâce à l’humour caustique de Lemelin. Le roman met relief les gens de modeste condition du quartier, les Mulots, et ceux des classes plus aisées, les Soyeux. Pour toute cette population l’idéal c’est évidemment la Haute-ville, le chemin Saint-Louis et le Parc des Braves.

Parmi tout ce petit monde, le jeune Denis Boucher entretient des ambitions littéraires. Il veut gravir la Pente Douce pour s’y maintenir et en faire son milieu de vie.

Ainsi en parlant de la mère de Denis Boucher :

«Elle mettait parfois dans son langage une certaine recherche que son origine ouvrière illettrée rendait très savoureuse. Comme son père avait été de tous ces hommes à tout faire qui ne font jamais rien, que sa mère pour faire vivre ses dix enfants avait dû émigrer de ménage en ménage chez les étrangers de la Haute-Ville, madame Boucher s’estimait une femme parvenue à un certain rang, à une certaine condition.» (44)

Et voici que l’Église occupe une place prépondérante dans la vie quotidienne des Canadiens-français.

«L’Église est un trust ? Elle nous a tout donné, éducation religieuse, piété, foi, espérance, charité, traditions…»(p.66).

Et de la toute-puissance de l’Église : Le  curé de la paroisse :

«Je tiens à vous faire remarquer, une fois de plus, fit-il, que les gens qui ne peuvent pas payer leur place de banc à la messe devront se procurer ma signature pour obtenir leur billet d’entrée…Je vous avertis qu’à l’avenir ceux qui ne présenteront pas leur billet devront sortir. » (p.114)

Ainsi Denis, à l’image de l’auteur, désire ardemment s’en sortir :

«Denis se défendait de se sentir supérieur par sa situation dans un bureau mais rêvait d’une situation dont il serait le chef. » (p.208)

«Non ! il était fort, il était écrivain. Il prit son trouble pour de l’inspiration, passa en revue les métaphores collectionnées dans l’après-midi, cultiva ses rancunes et sa grandeur puis écrivit les premières pages. » (p.216)

Puis Denis précise sa pensée sur son peuple :

«Depuis cent ans, le sang n’a pas été versé sur le sol de la Patrie pour la sauver. Nous sommes devenus des parasites d’une petite antiquité qui pourrit dans ses traditions. Comme des lambeaux serons-nous emportés par ceux qui nous entourent…»(p.343)

L’auteur multiplie les intrigues pour mieux caricaturer le milieu. Ainsi, Lemelin observe les événements et les grossit à souhait. Sous des noms d’emprunt facilement reconnaissable il écorche le clergé par multiples plaisanteries aigres-douces. Finalement, son roman sera mis à l’index ce qui ne l’empêchera pas de connaître un franc succès.

Pendant que Gabrielle Roy nous conduit vers une étude psychologique de ses personnages, Roger Lemelin, pour sa part, grossit les événements  et donne à ses figures une vitalité qui nous les rend sympathiques.

Période 1960 à nos jours

Durant les années 1960,  le peuple québécois est  à la recherche de son identité et cela se reflète dans sa littérature. Ainsi apparaissent de grands écrivains qui incarnent   l’image du pays dans leurs oeuvres : Gaston Miron et Gilles Vigneault en sont deux exemples. Avec Michel Tremblay c’est l’affirmation du «nous» qui est illustré.

D’autre part, les années 1980 marquent une mutation de notre littérature où on voit le peuple québécois s’ouvrir davantage au monde. Montréal devient  une ville de plus en plus cosmopolite. Tout cela  s’exprime chez nos auteurs   comme Jacques Poulin, Dany Laferrière et beaucoup d’autres.

Jean-Paul Desbiens  (Frère Untel) : 1927-2006

Jean-Paul Desbiens est né à Métabechouan, au Lac-Saint-Jean, en 1927. Son père, Adélard Desbiens, est bûcheron. Sa mère, Alberta Bouchard, est native de Boston Massachusetts de parents,  originaire  d’Hébertville,  émigrés dans les années 1880 à l’instar de beaucoup d’autres Canadiens-français de l’époque.

Jean-Paul Desbiens devient frère Mariste, en 1944. Il prend alors le nom de frère Pierre-Jérôme. Il obtient une licence en philosophie de l’Université Laval en 1958. Il enseigne à l’Académie commerciale de Chicoutimi et au Collège d’Alma.

À partir du 3 novembre 1959. Les Insolences sont d’abord publiées sous forme de lettres signées sous le pseudonyme de Frère Untel, L’éditeur, Jacques Hébert, lui propose de publier un livre au prix de $1 pour en faire une large diffusion.

Le lancement du livre a lieu le 6 septembre 1960. Ce livre où il déplore la langue parlée au Québec (le joual) est publié à 100 000 exemplaires. Il est considéré comme un des éléments déclencheurs de la Révolution tranquille.

Il soulève la colère chez les Frères maristes et Jean-Paul Desbiens ne peut assister au lancement. Par la suite, il est envoyé en Suisse pour y poursuivre des études en philosophie. Durant les années 1960, il obtient un  doctorat en philosophie à Fribourg et séjourne à Rome.

En 1964, il entre au nouveau ministère de l’éducation où il devient d’abord conseiller du ministre Pierre Gérin-Lajoie. En 1966, on lui confie la tâche de mettre en place les CEGEPS pour le niveau collégial.

Entre 1970 et 1972, il est éditorialiste au journal  La Presse où il va laisser un mauvais souvenir à cause de ses positions radicales et fédéralistes. En 1978, il est élu provincial de sa communauté religieuse.

Il va également travaillé plus tard au Campus Notre-Dame-de-Foy, une institution d’enseignement collégial pour les communautés religieuses dont il sera nommé directeur général à deux reprises.

Durant les années 1980, il publie des essais et son autobiographie.

Il a reçu plusieurs prix et honneurs, dont:

-Prix de la Liberté pour Les Insolences du Frère Untel en 1961

-Officier de l’Ordre du Canada en 1961

-Chevalier de l’Ordre du Québec en 1988

Il décède à Château-Richer près de Québec le 23 juillet 2006.

Les Insolences du Frère Untel

Publiées le 6 septembre 1960, Les Insolences sont une  critique mordante de la société québécoise des années 1950. On y dénonce à la fois la pauvreté de la langue parlée au Québec (le joual), la religion basée sur la peur et un système d’enseignement archaïque.

La langue parlée du Québec : le joual.

C’est au journaliste André Laurendeau du journal Le Devoir  à qui l’on doit cette expression très descriptive du parlée québécois.

« Nos élèves parlent joual parce qu’ils pensent joual, et ils pensent joual parce qu’ils vivent joual…» (26)

«Le joual est une langue désossée : les consonnes sont toutes escamotées..Le joual est une langue en décomposition…» (p.24)

«La langue est un bien commun et c’est à l’État comme tel de le protéger » (p.29)

On retrouve ici l’essentiel de la pensée du Frère Untel sur la qualité de notre langage. Hors, il est paradoxal que quelques années plus tard Michel Tremblay défendra avec force le joual dans l’une de ses plus célèbres  pièces Les Belles Sœurs. Ce parler s’imposera avec le temps dans toute son œuvre et Michel Tremblay est considéré aujourd’hui comme l’un de nos plus grands dramaturges.

D’autre part, Desbiens affirme que la langue est un bien commun que l’État doit protéger. Cette affirmation est particulièrement d’actualité  présentement.

Le rôle de la religion au Québec :

«Donc nous avons peur de l’autorité ; nous vivons dans un climat magique où il s’agit sous peine de mort, au moins, de n’enfreindre aucun tabou, de respecter toutes les formules, tous les conformismes » (p.67)

«La vraie religion n’est pas écrasante…Mais ce que nous sommes en train de vivre, c’est une désaffectation du peuple canadien-français vis-à-vis la religion » (p.81)

À l’exemple des abbés Dion-O’Neil il dénonce l’omni présence de l’Église dans les années 1950 dans pratiquement toutes les sphères de la vie quotidienne des Canadiens-français. Hors, déjà au début des années  1960, la fin de   l’hégémonie  de l’Église  était amorcée.

Le système d’enseignement :

Notre système d’enseignement a été dominé par l’Église pendant plus de 100 ans. En effet,  ce système était régi par le Département de l’Instruction publique  qui était composé d’un comité catholique dont tous les évêques du Québec étaient automatiquement membres et comité protestant. Ainsi, l’éducation au Québec jusqu’en 1964 était sous la responsabilité des autorités religieuses. Le système comprend un secteur public et, au secondaire, un puissant secteur privé qui menait aux études universitaires.

«Le Département est une machine tellement hiérarchisée que vous n’arrivez jamais à mettre la main sur un responsable » (p.41)

«Incompétence : le titre d’évêque ou une nomination au bon plaisir du lieutenant-gouverneur en conseil sont les diplômes exigés pour devenir une autorité en matière d’enseignement…Le principe de l’incompétence est inscrit en noir sur blanc dans la loi de l’Instruction publique et dans les Règlements du Comité catholique…» (52/53)

Ainsi Les Insolences annoncent des changements majeurs dans le domaine de l’instruction publique et   plus largement  la Révolution tranquille.

La société québécoise  était prête  pour un tournant historique.

Gilles Vigneault : 1928-

Gilles Vigneault est né, le 27 octobre 1928, à Natashquan. Il est le fils de Placide Vigneault et de Marie Appolline Landry. Placide  a été tour à tour pêcheur, inspecteur des pêcheries et bûcheron, De plus, il est maire de Natashquan pendant cinq ans.  Sa mère, Marie,  a été enseignante de l’âge de 16 ans à 25 ans. Elle vivra jusqu’à l’âge de 101 ans.

La plupart des habitants de Natashquan sont d’ascendance acadienne. Ces ancêtres après la déportation de 1755 feront un bref passage d’abord aux États-Unis, puis en  France à La Rochelle, aux Îles-de-la-Madeleine et finalement à Natashquan.

Gilles Vigneault connaîtra une enfance heureuse dans son village natal. À la fin de son cours élémentaire, Gilles qui excelle en français gagne le concours qui lui permettra de faire son cours classique à Rimouski au frais de l’évêque, Mgr Labrie, et ce sans aucune condition.

Il y fait de bonnes études et on le surnomme déjà le «poète». Au sortir du collège, il s’inscrit à l’Université Laval où il obtient une licence en lettres.

Il fait du théâtre amateur mais surtout il est professeur à la Garnison de Valcartier  où il dispense des cours d’algèbre et de français.  À l’été de 1960 et de 1961, il donne des cours à l’Université Laval.

En 1962, il enregistre son premier album Jack Monoloy qui remporte le Grand Prix du disque canadien CKAC.

En 1964, il compose la chanson Mon Pays pour le film  La neige a fondu sur la Manicouagan. Celle-ci est chantée par Monique Leyrac au Festival  International de la chanson à Sopot où elle remporte le premier prix.

En 1965, Gilles Vigneault remporte le prix du  gouverneur général pour son recueil «Quand les bateaux s’en vont »

1966 : Début de sa carrière en France par son passage au théâtre Bobino.

1968 : Début de sa carrière internationale avec une première tournée européenne (France, Suisse, Belgique)

1970 : Gilles remporte le prix Charles-Gros pour son album   Du milieu du pont .

1974 : Spectacle de la Francofête  sur les Plaines d’Abraham avec Félix Leclerc et Robert Charlebois devant  120 000 personnes.

1975 : Création de sa plus célèbre chanson Gens du pays lors du spectacle de la fête nationale sur le Mont-Royal.

1976 : Spectacle une fois cinq avec Robert Charlebois, Yvon Deschamps, Jean-Pierre Ferland et Claude Léveillé.

1977 : Grand Prix Charles-Gros pour son album « Une fois cinq» et nommé chevalier de L’Ordre de la Pléiade.

1982 : Gilles Vigneault reçoit le prix Molson du Conseil des Arts du Canada pour l’ensemble de son œuvre.

1985 : Nommé chevalier de l’Ordre national du Québec et chevalier de l’Ordre national de la Légion d’honneur

De 1985 à 2007 il continue ses tournées  en Europe.

1993 : La Socan lui décerne le prix William-Harold-Moon, la plus haute distinction attribuée à un auteur-compositeur canadien.

1999 : Gilles Vigneault  est fait Commandeur des arts et des lettres de la République française.

2000 : Il est promu Grand officier de l’Ordre du Québec et reçoit du Mouvement national des Québécois et Québécoises la première Médaille d’or pour souligner la reconnaissance du peuple québécois.

2008 : Refait l’Olympia pour une dixième fois pour souligner ses 80 ans.

2014 : Remise d’un Doctorat honoris causa musique de l’Université de Moncton.

2016 : Remise de l’insigne de l’Ordre des arts et des lettres du Québec.

2018 : Remise d’un Doctorat honoris causa en littérature de l’Université de Carleton à Ottawa.

Malgré son âge avancé (90 ans) Gilles Vigneault continue à donner des spectacles.

Quand les bateaux s’en vont

Dans ce recueil de poèmes paru en 1965 et qui lui vaut le prix du Gouverneur général, Gilles Vigneault décrit surtout la nature et les grands espaces, ce qui marquera d’ailleurs toute son œuvre.

Natashquan

Parmi  les poèmes de ce livre retenons en premier lieu un hommage à Natashquan son village natal.

Natashquan pour moi

C’est l’grand nord avec ses neiges,

Natashquan c’est loin d’ici,

C’est le ciel à perte d’ailes,

 Natashquan Natashquan…

Nastashquan pour moi,

C’est une marque vibrante à l’enracinement au pays natal et, par-delà, au Québec tout entier.

Quand les bateaux s’en vont

Quand les bateaux s’en vont,

 Je suis toujours sur le quai,

Mais jamais je ne pars

Et jamais je ne reste…

.Je ne suis plus de l’équipage, mais passager, il faut bien plus que des bagages pour voyager

Quand les bateaux s’en vont je reste sur le quai

Gilles Vigneault démontre ici son profond attachement à son pays d’origine Natashquan dont il ne s’est jamais séparé.

L’Hiver

Dans ce poème qui deviendra une de ses plus célèbres chansons il exalte le trait dominant de l’univers québécois : l’hiver.

Ah…que les temps s’abrègent,

 Viennent les vents et les neiges,

Vienne l’hiver en manteau de froid

Viennent l’envers des étés du Roi

Hors du temps au gré de l’espace

Fiers de nos corps plus beaux

Éternels comme froids et glaces

 Seuls comme des oiseaux

Vienne la blanche semaine

Ah…que le temps ramène …L’HIVER.

Ainsi s’achève cette élégie sur la rude nature du pays du Québec.

Gilles Vigneault demeure l’un des plus impressionnants chantres du Québec. Et comme on le dit parfois c’est un «monument» du patrimoine québécois.

Avec sa chanson Mon Pays, il crée l’hymne national officieux du Québec.

Antonine Maillet : 1929-

Antonine Maillet est née  le 10 mai 1929 à Bouctouche au Nouveau-Brunswick. Ses parents sont instituteurs. Son père abandonne la fonction pour devenir gérant du magasin général  Irving de la ville. Antonine Maillet soutient que son nom est une déformation de Martel et fait remonter ses ancêtres à Charles Martel, grand-père de Charlemagne. Son premier ancêtre acadien est Jacques Maillet originaire de Paris.

Ses parents lui inculquent l’importance de la culture acadienne et française. En 1944, elle entre au Collège Notre-Dame de Memramcook. Le collège se déplace à Moncton en 1949, C’est là qu’elle obtient son baccalauréat en arts en 1950.

Après son baccalauréat, elle entre à la Congrégation Notre-Dame du Sacré-Cœur et prend le nom de sœur Marie-Grégoire. Elle enseigne au collège Notre-Dame de 1954 à 1960 où elle obtient une maîtrise ès arts en 1959.

C’est durant cette période qu’elle écrit pour ses élèves ses premières pièces de théâtre, Entracte, en 1957 et Poire-Acre, en 1958. Elle compose également son premier roman, Pointe-aux-Coques, en 1958.

En 1960, elle obtient le prix du Conseil des arts du Canada pour la meilleure pièce canadienne, Les Jeux des enfants sont faits, présentée à Vancouver. La même année elle quitte la congrégation religieuse.

En 1961, elle obtient une licence ès lettres de l’Université de Montréal. De 1962 à 1963 elle rédige un mémoire de maîtrise sur l’œuvre de Gabrielle Roy. Boursière du Conseil des Arts, elle séjourne à Paris pour y poursuivre des recherches sur Rabelais.

De 1964 à 1967 elle enseigne à l’Université de Moncton. En 1966, elle commence ses recherches en vue de sa thèse de doctorat. Par la suite, elle enseigne au Collège des Jésuites de Québec de 1968 à 1969.

En 1970, elle obtient un doctorat en lettres de l’Université Laval. Sa thèse, Rabelais et les traditions populaires en Acadiem, est  publiée en 1971.Elle devient professeur à l’Université de Montréal en 1974. Elle enseigne également  à l’Université de Californie à Berkeley et à l’Université de New York à Albany.

La Sagouine

Elle lit les textes de La Sagouine sur la Première Chaîne en 1970. L’œuvre est publiée chez Leméac en 1971. La pièce est montée à Moncton en 1971. L’interprétation de Viola Légère assure son succès, mais c’est la représentation au théâtre du Rideau Vert, en 1972, qui la popularise. La Sagouine sera également produite à nouveau à Montréal, Monaco et à Moncton en 1973

À la suite du succès de, La Sagouine, elle quitte l’enseignement en 1975 pour se consacrer entièrement à l’écriture.

Elle écrit plusieurs œuvres dont, Les Cordes-de-bois, qui est mis en nomination  pour le prix Goncourt. En 1976, elle est faite officier de l’Ordre du Canada dont elle est promue Compagnon en 1981.

En 1979, son œuvre, Pélagie-la-charrette,  remporte le prix Goncourt. La même année la rue où elle habite devient avenue Antonine-Maillet

En 1990, elle devient Officier de l’ordre national du Québec

En 1992 c’est la  création du parc récréo-touristique du Pays de la Sagouine à Bouctouche qui donne vie aux personnages de ses œuvres.

En 2003, elle est faite Officier de l’Ordre national de la Légion d’honneur

En 2003, Commandeur de l’ordre de Saint-Charles (Monaco)

En  2005, elle devient officier de l’ordre des Arts et des Lettres de France.

Pélagie-la-charrette

Pélagie-la-charrette est le septième roman d’Antonine Maillet et paraît le 1e août 1979. Le roman est publié en anglais en 1982.

Ce roman est une véritable épopée sur la survivance du peuple acadien. Pélagie est celle qui permettra la renaissance de tout un peuple.

Résumé:

En 1755, année de la déportation des Acadiens, Pélagie Bourg dit Le Blanc veuve acadienne vivant désormais en Géorgie, décide de retourner en Acadie, sa terre natale, avec ses enfants.

Après des années de misère, Pélagie s’achète une charrette. Avec ses enfants, le conteur Bélonie-le-Vieux et Célina  la sage-femme boîteuse, elle part en 1770 en direction de sa terre natale. En cours de route, plusieurs se joignent à eux. Durant une décade de Charleston à Baltimore, Pélagie et les siens vont vivre la guerre d’indépendance américaine, mais malgré tous les obstacles qui se dressent devant eux, ils atteignent finalement la terre promise.

«La charrette de la Mort  pouvait s’aller embourber dans les marais de Géorgie ; elle, Pélagie , conduirait les siens dans la charrette de la Vie. » (p.14)

C’est la détermination de tout un peuple personnifié par Pélagie qui veut revivre et éviter sa disparition.

Pélagie garde espoir :

«L’espoir c’était le pays, le retour au pays perdu » (p.17)

Et ce peuple en exil ne peut oublier sa patrie :

«Un peuple qui n’a pas oublié la France après un siècle de silence et d’isolement n’oubliera pas au bout de quinze ans d’exil ses rêves d’Acadie » (p.113)

Mais il y a urgence d’assurer la survivance du peuple acadien :

«Les prochaines générations ne disposeraient que d’un siècle pour rattraper le siècle perdu et empêcher la race de s’éteindre. Seuls les berceaux vengeraient l’Acadie » (p.237)

Voilà un thème qui a traversé pendant quelques siècles la civilisation canadienne-française et  dont le clergé a assuré le maintien durant cette longue période.

Après dix ans de pénibles épreuves, Pélagie va parvenir enfin à la terre promise

« Et Pélagie comprit en ce début de 1780, qu’elle venait de rentrer au pays » (p.326)

Pélagie constate :

« Pour la première fois, Pélagie s’aperçut que sa famille sortie de Géorgie dans une charrette rendue en Acadie était devenue un peuple » (p.341)

Mais l’héroïne de cette odyssée n’aura pas  le bonheur de pénétrer en cette terre sainte.

«On enterra Pélagie le jour même dans les restes de sa charrette…» (p.345)

Et cette œuvre remarquable se termine par l’espoir de la survivance :

« Grouillez-vous, bande de flancs mous ! Personne viendra vous nourrir à la louche ni vous border au lit. Aveindez-vous de vos trous et venez prendre votre place au soleil…Le temps était beau en 1880, Bélonie lui-même le dit. Dépêchez-vous ! Il ne fallait point partir en retard encore un coup. Le pays avait un siècle à rattraper. » (p.351)

Ainsi prend fin ce mythique périple vers la terre promise. Antonine Maillet en utilisant le vieux français acadien nous montre de façon imaginaire la renaissance d’un peuple.

Une lecture attentive du roman nous en fait saisir toute la force d’un peuple et comme le dit un poète «d’un peuple qui ne veut pas mourir».

Michel Tremblay : 1942-

Michel est né le 25 juin 1942 à Montréal. Il passe sa jeunesse dans un grand appartement du Plateau Mont Royal avec trois familles comptant douze personnes. Il vit surtout dans un monde de femmes qu’il observe et qui sera à la base de son œuvre. C’est tout ce microcosme de la société ouvrière montréalaise qui marque son œuvre. Son homosexualité jalonne également l’ensemble de ses écrits.

En 1959, Michel Tremblay entre à l’Institut des arts graphiques. Il travaille comme linotypiste de 1963 à 1966. C’est durant cette période qu’il écrit sa première pièce, Le Train, qui remporte le premier prix du concours des jeunes de la Société Radio-Canada et sera diffusée le 7 juin 1964. Ainsi, c’est par la dramaturgie qu’il se fait surtout connaître.

C’est cependant sa deuxième pièce, Les Belles-sœurs, écrite en 1965 et jouée pour la première fois au Théâtre du Rideau Vert le 28 août 1968 qui suscite un grand scandale. Cette oeuvre  représente le «vrai monde» en s’attaquant au grand principe du théâtre joué au Québec jusque–là. En effet, les pièces de théâtre de l’époque montraient souvent un monde bourgeois asservi par la rectitude morale catholique. À vrai dire, Michel Tremblay a recours à la parlure du peuple : le «joual», ce qui a pour effet de choquer fortement les critiques.

Michel Tremblay profite de l’élan apporté par la Révolution tranquille pour imposer une nouvelle forme à la dramaturgie québécoise. Il y décrit un monde dominé par l’Église et sa morale  avec une élite anglophone et bourgeoise dominatrice.

Dans les années 1970, l’auteur publie les Chroniques du Plateau Mont-Royal, une série de six romans qui débute par La grosse femme d’à côté est enceinte (1978), et se poursuit notamment par Thérèse et Pierrette à l’école des Saints-Anges (1980).

Ces principaux personnages apparaissent à la fois dans ses pièces et son monde romanesque.

Plus tard, il écrit entre autres,  la pièce, Albertine en cinq temps, qui marque une étape importante dans sa dramaturgie. En 1987, sa pièce, Le Vrai Monde, est saluée par plusieurs comme son œuvre maîtresse. Soulignons,  qu’en 1990, la présentation de son opéra, Nelligan,  composé en collaboration avec  André Gagnon,  connaît un grand succès.

En 1991, Michel Tremblay achète une maison à Key West en Floride où il passe six mois par an en hiver. C’est là qu’il va écrire l’essentiel de son œuvre.

Il a écrit 28 pièces de théâtre et plus d’une trentaine de romans, 4 recueils biographiques, des scénarios pour le cinéma et une quarantaine d’adaptations de pièce de théâtre.

Durant sa longue carrière Michel Tremblay a reçu plusieurs prix :

-1974 : Prix Victor-Morin

-1981 : Prix Jean-Hamelin

-1984 : Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres de France

-1988 : Prix Athanase-David

-1991 : Chevalier de l’Ordre National du Québec

-1995 : Prix des Libraires du Québec

-2003 : Grand prix littéraire Archambault

-2015 : Grand Officier de l’Ordre national du Québec

-2015 : Ordre des arts et des lettres du Québec

-2017 : Prix Prince-Pierre-de-Monaco

-2017 : Prix Gilles-Corbeil

-2018 : Grand prix de la francophonie de l’Académie française

La grosse femme d’à côté est enceinte

Ce roman de la série du Plateau Mont-Royal décrit le monde de son enfance. Ce petit monde du Plateau nous est dépeint sous la forme d’une suite  picturale. Diverses scènes de la vie quotidienne nous font connaître les différents  acteurs du petit monde  de ce quartier ouvrier de Montréal.

Il y a d’abord la grosse femme à qui sa belle-sœur, Albertine, reproche constamment sa maternité tardive :

« On dirait que vous engraissez tout le temps.- J’engraisse tout le temps aussi, c’est normal..J’en ai encore pour deux mois…-Si vous aviez pas décidé d’avoir un bébé à votre âge aussi !-Commence pas avec ça Bartine…» (p.40)

Tout le quartier s’en mêle et donne son opinion  sur  cet évènement :

«De quel droit un quartier pouvait-il décider quand et où une femme avait le droit d’avoir des enfants ? Et de décréter qu’une femme de quarante ans qui veut un enfant est automatiquement une cochonne ? » (p.66)

Le chat de la propriétaire du dépanneur du coin, Duplessis, y est représenté comme une personne :

«Duplessis s’éveilla tout d’un coup : J’ai faim ! s’étira et vint sauter sur les genoux de Marie-Sylvia…» (p.77)

Il y aussi Victoire la grand-mère.

«Victoire n’était pas sortie de la maison depuis plus de deux ans….» (p.137)  

Sa sortie au bras de son fils, Édouard, devient un évènement dans le quartier.

Albertine est toute surprise de la décision de sa mère :

«Et quand elle avait vu sa mère endimanchée comme un épouvantail qui aurait décidé d’aller à la messe.. »(p.140)

Et encore au sujet de Victoire :

«On a beau se plaindre que les clientes sont bêtes, y’en a pas une qui arrive à la cheville de Ti-moteur ! Ça c’tait c’te femme-là » (p.175)

La religion était omniprésente dans la vie quotidienne des catholiques   voici comment Mercédès une citoyenne du Plateau  revoyait le rôle de la femme dans sa jeunesse :

«La prière du matin et la prière du soir, religieuse à l’excès, soumise à son curé plus qu’à son mari, confiante en la religion catholique au point d’avoir réussi à effacer en elle toute trace de caractère personnel ou de trait propre. » (p.66)

Par l’intermédiaire d’un autre personnage, Josaphat-le-Violon, nous en apprenons encore plus sur le questionnement de l’auteur sur la religion catholique :

«Écrasées par cette religion monstrueuse qui défendait toute sorte de moyen de contraception, cette religion fondée par l’égoïsme des hommes, pour servir l’égoïsme des hommes qui méprisait les femmes…» (p.259) 

L’auteur nous introduit dans la faune du Plateau Mont-Royal durant la deuxième guerre mondiale comme  l’a si bien fait pour le quartier Saint-Henri le roman de Gabrielle Roy,  Bonheur d’Occasion.

Par ce roman, Michel Tremblay fait reconnaître son talent de romancier qui est à l’égal de celui de dramaturge.

Gaston Miron : 1928-1996

De l’enfance à la maturité

Gaston Miron naît  en 1928 dans la région des Laurentides qui imprègne toute son œuvre.  Son père, Charles-Auguste, d’origine modeste, avait épousé, Jeanne Raymond dit Michauville. Menuisier de son métier, il développe une petite entreprise de portes et fenêtres  apportant à la famille une relative aisance.

La famille réside à Sainte-Agathe-des-Monts. Durant sa prime jeunesse, Gaston va profiter de la nature en se rendant durant les vacances d’été dans le pays de sa mère, Saint-Agricole.

À l’école primaire, dirigée par les Frères du Sacré-Cœur, il se montre un élève brillant qui n’a pas besoin d’étudier longuement. À cette époque, il est déjà vu par le curé du village comme un candidat éventuel à la prêtrise. Cependant, c’est lors de ses séjours à Saint-Agricole que se développera le long chemin qui le mènera vers l’œuvre d’une vie, L’homme rapaillé. De plus, il se laisse pénétrer par la foi catholique liée à un nationalisme inspiré du chanoine Groulx.

Son père voyait en lui un futur élève du cours classique voir même de l’université. Mais voilà que le drame frappe la famille Miron avec le décès du père  à l’âge de 44 ans. L’avenir de Gaston est remis en cause. Sa mère n’a plus les moyens de l’envoyer dans un collège classique.

Pour obtenir une formation de qualité et sur la recommandation du curé de sa paroisse, il est  admis au juvénat du Mont Sacré-Cœur de Granby le 13 avril 1941. C’est une longue séparation avec  sa famille qui l’attend. En effet, il lui faudra attendre pendant six longues années avant de retourner voir les siens. Pendant cette période, sa mère ne lui fera que deux visites.

 Gaston y fait un séjour relativement paisible et sans problème. À l’été 1943, il franchit une nouvelle étape dans sa vie  religieuse en entrant au scolasticat et en prononçant ses premiers vœux.

Au cours de l’année scolaire 1946-1947 il va enseigner en 3e année à l’école  Meilleur  rue Fullum à Montréal.

C’est à la même époque  qu’il écrit ses premiers poèmes souvent inspirés de son enfance.

Après de brèves vacances dans sa famille à Saint-Jérôme, Gaston Miron, dit le frère Adrien,  est maintenant mûr pour prendre une grande décision. En septembre 1947, il quitte définitivement sa communauté religieuse. Il séjourne brièvement à Saint-Jérôme où vit maintenant sa mère récemment  remariée.

Peu après, il laisse sa famille et s’installe à Montréal. Il s’inscrit en Sciences sociales à l’Université de Montréal. Alors commence pour Gaston Miron une vie de pauvreté et de petits boulots. Il termine ses études en 1950 sans être officiellement diplômé. C’est cependant dans le milieu universitaire qu’il fera la connaissance d’un nouveau réseau d’amis. C’est  son  nouvel ami, Olivier Marchand, qui l’introduit dans  l’Ordre du bon temps  voué à la défense du folklore canadien-français. Il y fait la connaissance de plusieurs jeunes intellectuels et nationalistes avec qui il définira le rôle qu’ils devront jouer dans la société.

Pour le poète, jamais il n'accordait la prédominance sociale sur la révolution nationale. Toute sa vie, il défendra l’idée de l’indépendance nationale. Il s’initie à la poésie québécoise dont celle d’Alain Grandbois. Au printemps 1949, il soumet quelques poèmes à un concours littéraire à Ottawa. Il en profite pour voyager à travers le Québec pour s’initier à ses  vastes espaces.  Au cours de l’été 1950, Gaston Miron va côtoyer  le père Ambroise Lafortune.  Celui-ci devient une référence dans sa vie.

Pendant cette période, on peut déduire par ses engagements que l’animateur social est plus présent que le poète. Mais, en 1953, un événement crucial survient : la fondation de la première maison d’édition de poésie québécoise, les Éditions de l’Hexagone, qu’il fait  en compagnie de cinq cofondateurs dont Gilles Carle.

Cette maison d’édition connaît un essor dans les années 1970 à 1980. C’est Gaston Miron qui en devient le directeur. C’est là qu’il fera sa première publication avec Olivier Marchand de Deux Sangs.

C’est dans l’amour souvent malheureux qu’il trouvera la source d’inspiration pour écrire ses meilleurs poèmes entre autres pour la légendaire Isabelle.  Les difficultés de ce premier amour vont expliquer les insuccès amoureux de sa vie jusque dans les années 1980. Il publie ses poèmes dans différents quotidiens et périodiques. Durant toute son existence, il retravaillera constamment son œuvre.

Au cours de  la période Isabelle, le poète va vivre un intense temps de production. C’est à ce moment que prendront forme les plus importants poèmes de sa carrière dont  La Marche de l’amour, La vie agonique et La Batèche.

Pour gagner sa vie, il est  commis au palais de justice. Plus tard, il occupera une fonction à la Maison Beauchemin, l’une des plus importantes maisons d’édition à l’époque.

Il fera la connaissance d’autres femmes et ses relations toujours malheureuses lui servent toujours de source d’inspiration.  Il vit pauvrement en se logeant  dans des maisons de chambre à bas prix.

 Avec les  nombreuses  heures qu’il consacre à l’édition et à l’écriture, le manque d’amour va finir par le miner.

En 1959, il obtient une bourse du Conseil des Arts du Canada pour aller étudier en France. Il aura une relation épistolaire pendant plusieurs années avec la poétesse Rina Lasnier bien qu’il ne partage pas toujours ses idées politiques et religieuses.

Il fait la connaissance de Pierre Vallières et avec lui développera son militantisme politique. Tout au long des années 1950, Gaston Miron se lance directement en politique en se présentant comme candidat du PSD. Il y  reviendra quelques années plus tard.

Avec le décès de Maurice Duplessis en septembre 1959, un tournant dans l’histoire du Québec pointe à l’horizon, ce sera La Révolution tranquille.

La même année, il séjourne à nouveau en France. Elle deviendra sa deuxième patrie. Il y rejoint plusieurs québécois. En effet, à ce moment un séjour en France était de mise pour tout intellectuel qui désirait s’affirmer au Québec. À  l’encontre de nombreux Québécois, en aucun moment il n’a le sentiment d’être complexé devant les intellectuels français qu’il côtoie. Il développe une nouvelle responsabilité en s’occupant d’y faire connaître les écrivains canadiens.

À son retour au Québec, il participe activement aux efforts visant à aider financièrement  la défense des membres du FLQ. Il est personnellement incarcéré pendant onze jours comme beaucoup d’autres  artistes écrivains et nationalistes québécois durant la crise d’octobre 1970.

Pour  vivre, il travaille pour l’Association des éditeurs canadiens. Cela  lui permet de se rendre en Europe chaque automne pour des salons du livre. Il prend des petits contrats à  gauche et à droite. De 1966 à 1970, il écrit pour achever  une publication annoncée depuis une quinzaine d’années. Sa notoriété ne cesse de s’affirmer.

Un événement capital va changer sa vie lorsqu’il fait la connaissance de Ghislaine Duguay. Il emménage avec elle au carré Saint-Louis. Quelques mois plus tard, elle lui annonce qu’elle est enceinte. Cependant quelque chose cloche chez sa nouvelle conjointe. Elle a des problèmes de santé mentale. Elle donne naissance à une fille : Emmanuelle. C’est lui qui en aura la responsabilité. Jeanne, la mère du poète  et quelques amis en assumeront souvent la garde lorsque le poète sera pris par ses obligations. Pendant des années, Ghislaine Duguay va lui causer de nombreux problèmes.    

En avril 1970, la publication de son recueil, L’homme rapaillé, rassemble ses principaux poèmes publiés dans divers revues et journaux lui permettant de connaître la gloire. Ce sera son œuvre maîtresse. Il retravaillera constamment cet ouvrage publié dans plusieurs éditions et traductions en plusieurs langues.

Cette publication demeure encore aujourd’hui un phénomène unique dans l’histoire de la poésie québécoise. Il y aura pour Gaston Miron deux volets dans sa vie d’écrivain les années qui précèdent sa publication et les années qui la suivent.

C’est à ce moment que Gaston Miron  commence à être considéré comme le poète national. La première édition atteint un tirage de 12 000 exemplaires. Le recueil connaîtra d’autres éditions et à ce jour près de 70 000 copies  ont été écoulées, ce qui constitue un record pour une édition de poésie. L’œuvre sera récompensée à plusieurs reprises : Grand Prix littéraire de la ville de Montréal en  1970, Prix France-Canada en 1970, Prix Ludger-Duvernay en 1978 etc.

Alors commence pour Gaston Miron une vie trépidante à cause d’une célébrité qui s’agrandit sans cesse.

Sa réputation grandit particulièrement en France, sa seconde patrie. Il est souvent sollicité pour donner des conférences et participer à des colloques dans les différentes universités du Québec. Au niveau personnel, il a une vie familiale plus heureuse avec une nouvelle compagne, Sandrine Berthiaume et sa fille Emmanuelle.

En mai 1978, il séjourne en France. Par la suite, il fera de nombreux voyages dans la mère-patrie. L’Europe s’ouvre à lui.

En 1980, il s’implique directement dans la campagne référendaire dont les résultats le chagrineront passablement. Son aventure avec Sandrine est maintenant terminée. En 1981, L’homme rapaillé est publié dans une édition française tirée à 5 000 exemplaires ainsi qu’un nouveau tirage de 7 000 exemplaires publié au Québec. De plus,  Gaston Miron reçoit le prix Apollinaire 1981, considéré comme le Prix Goncourt de la poésie.

Puis, il travaille intensément à la correction d’une nouvelle édition de L’homme rapaillé qui ne paraîtra  qu’en 1993. Gaston Miron apparaît de plus en plus  comme un poète voué à une seule œuvre.

En Europe, en plus de la France, il est invité en Italie, Angleterre, Irlande, Portugal, Allemagne et dans les pays scandinaves. Il est maintenant reconnu partout comme le poète national du Québec.

Au Québec, après trente ans à la direction de l’Hexagone, il démissionne. En 1983, il reçoit le Prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre.

En 1984, il fait la rencontre d’une nouvelle compagne, Marie-André Beaudet qui  vivra avec lui jusqu’à la fin de ses jours.

En 1985, le Prix Molson du Conseil des Arts du Canada vient couronner sa carrière. Ce prix est accompagné d’une bourse de 50 000$. C’est une somme considérable  qui est fort opportune pour lui. Il reçoit également le prix de l’International Poetry Forum à Pittsburgh.

Au début des années 1990, il commence à avoir des difficultés de santé. Atteint d’un cancer, il décède  le 14 décembre 1996 à l’âge de 68 ans.

Exceptionnellement à titre de poète national, il a droit à des funérailles nationales en l’église de Saint-Agathe-des-Monts, son village natal, en présence de plusieurs dignitaires dont le premier ministre Lucien Bouchard.

L’homme rapaillé

L’homme rapaillé  est l’œuvre essentielle de Gaston Miron. Le poète refuse pendant plusieurs années de rassembler tous ses poèmes dans une seule publication. En effet, ses poèmes paraissent à gauche et à droite dans tantôt dans des revues, des hebdomadaires et différents quotidiens. Ce n’est que dans les années 1960 qu’il accepte de reprendre la plume et de rassembler son œuvre. Il va y travailler avec acharnement repoussant à maintes occasions la publication.

L’auteur se donne pour mission de témoigner pour son peuple. Il désire fortement que les québécois se réalisent. Il prend conscience que la langue est le fondement d’un peuple. Dans les textes en prose, il désire résolument que la langue des québécois s’accompagne de la reconquête d’un territoire national.

«L’homme ici dénaturé c’est-à-dire coupé de ses liens écologiques de droit, déculturé c’est-à-dire aliéné de sa culture, se trouve dans une situation coloniale : sa déshumanisation. L’état d’une langue reflète tous les problèmes sociaux. Les réformes en éduction et dans d’autres domaines ne peuvent à elles seules restituer cet homme à lui-même, seul le politique peut rendre à son homogénéité, base d’échange des cultures » (p.199)

Pour Gaston Miron, il y a incontestablement une langue québécoise qui doit s’affirmer par la prise en charge de son destin politique.

La poésie de Gaston Miron interpelle la patrie mais chante également la femme dans La Marche de l’amour, un de ses plus beaux poèmes :

«Tu as les yeux pers des champs de rosées,

Tu as les yeux d’aventure et d’années-lumière

La douceur du fond des brises du mois de mai

Dans les accompagnements de ma vie en friche

Avec cette chaleur d’oiseau à ton corps craintif

Moi qui suis charpente et beaucoup de fardoches

Moi je fonce à vive allure et entêté d’avenir

La tête en bas comme un bison dans son destin

La blancheur des nénuphars s’élève jusqu’à ton cou

Pour la conjuration de mes manitous maléfiques

Moi qui ai des yeux où ciel et mer s’influencent

Par la réverbération de ta mort lointaine

Avec cette tache errante du chevreuil que tu as » (p.59)

Gaston Miron peut être considéré comme le plus grand poète québécois, toute époque confondue.

Hubert Aquin : 1929- 1977

Hubert Aquin est né le 24 octobre 1929 à Montréal. Son père est un commerçant d’articles de sport. Il est père de trois enfants. Son cousin, François Aquin, un indépendantiste convaincu, élu député libéral en 1967 devient  député indépendant face à la désapprobation de son chef Jean Lesage lors de la visite du général De Gaulle et son Vive le Québec libre ! 

Hubert Aquin fréquente le Collège Sainte-Marie chez les Jésuites de 1946 à 1948. Par la suite, il s’inscrit  à la faculté de philosophie de l’Université de Montréal où il obtient son diplôme en 1951. La même année il s’inscrit à l’Institut  d’études politiques de Paris  où il va étudier  jusqu’en 1954.

De 1954 à 1959, il est réalisateur et scénariste à Radio-Canada. De 1959 à 1963 il travaille à l’ONF comme scénariste et producteur et est également    à l’emploi de la Bourse de Montréal entre 1960 et 1964.

En 1967, il commence à enseigner la littérature  au Collège Sainte-Marie. En 1969, il fait un bref passage à l’UQUAM comme professeur. Il démissionne l’année suivante.

En 1975, il est nommé directeur littéraire des Éditions La Presse. Il est congédié  à la suite d’une autre controverse dont il a maintenant l’habitude. Avec la victoire du parti québécois en 1976, il espère inutilement obtenir un poste au gouvernement du Québec.

Entre autres activités, il développe une passion pour la course automobile et œuvre au Grand Prix de l’automobile de Montréal.

Engagement politique:

En 1958, il reçoit la visite de la Gendarmerie royale et on l’interroge longuement sur ses amitiés puisqu’on est à la recherche de partisans communistes. Il devient militant indépendantiste et membre de l’exécutif du RIN de 1960 à 1968. En juin 1964, il annonce qu’il prend le maquis pour rejoindre le FLQ. On découvre rapidement qu’il fait une dépression nerveuse.

En juillet,  il est arrêté à bord d’une auto volée et est incarcéré deux mois dans un hôpital psychiatrique, l’Institut Albert-Provost. C’est lors de ce jour qu’il commence l’écriture de son roman, Prochain Épisode.

Finalement acquitté, il part vivre en Suisse. C’est là qu’il fréquente des autonomistes jurassiens. On lui signifie alors qu’il doit quitter la Suisse. Il se réfugie à Paris jusqu’en mars 1967.

Les écrits:

Il écrit des articles dans diverses revues  comme la revue Liberté, Parti Pris, Écrits du Canada français, etc. Prochain Épisode son roman le plus connu, est publié en 1965 à Montréal, à Paris en 1966 et en anglais en 1967. En 1974, il publie Neige noire une version moderne de Hamlet. Son roman L’invention de la mort, écrit en 1959, est finalement publié en 1991 à titre posthume.

L’idée suicidaire le poursuit toute sa vie. Le 29 mars 1971, il fait une première tentative mais échoue. Le 15 mars 1977, il fait un nouvel essai, réussi cette fois-là, avec une arme à feu dans les jardins du collège Villa Maria à Montréal.

Honneurs:

-1968-Prix du Gouverneur général, qu’il refuse

-1970-Prix du Québec

-1972-Prix Athanase-David

-1975-Grand Prix littéraire de la Ville de Montréal

Prochain Épisode

Le récit compte deux narrateurs. Le premier est un révolutionnaire québécois interné dans l’aile psychiatrique d’une prison de Montréal. Le second est l’auteur d’un roman d’espionnage qu’il écrit en attendant son procès. Les deux hommes sont tentés par le suicide et politiquement engagés.

Quelques citations de Prochain Épisode décrivent bien l’état d’esprit d’Hubert Aquin.

«Après mon procès et ma libération je ne puis imaginer une vie en dehors de l’axe homicide. Déjà  je brûle d’impatience en pensant à l’attentat multiple geste pur et fracassant qui me redonnera le goût de vivre et m’intronisera terroriste. » (p.19)

«C’est ma blessure. Mon pays me fait mal. Son  échec prolongé m’a jeté par terre. Blessé fantôme je passe derrière des barreaux les premières secousses d’une histoire inédite…» (p.91)

«Il faudra remplacer les luttes parlementaires par la guerre à mort. Après deux siècles d’agonie, nous ferons éclater la violence déréglée, série ininterrompue d’attentats et d’ondes de choc, noire épellation d’un projet d’amour total » (p.166)

Prochain Épisode est avant tout une réflexion personnelle sur l’échec d’une nation à se définir à l’instar de son échec personnel dans un monde en pleine évolution.

Sa dernière note adressée à sa compagne  Andrée Yanacopoulo explique bien le sens qu’il donne à sa vie :

«Je me sens paisible, mon acte est positif, c’est l’acte d’un vivant. N’oublie pas en plus que j’ai toujours su que je choisirais le moment, ma vie atteint son terme. J’ai vécu intensément, c’en est fini»

Marcel Dubé : 1930-2016

Marcel Dubé est né à Montréal le 3 janvier 1930. De 1943 à 1951, il étudie au Collège Sainte-Marie. Par la suite, il s’inscrit en Lettres à l’Université de Montréal.

À l’âge de 21ans, il participe à la création d’une troupe de théâtre. Sa première pièce, Le Bal triste,  mise en scène en 1950, s’avère un échec. En 1953, il reçoit une bourse du ministère du Bien-Être et de la Jeunesse ce qui lui permet de se rendre en France pour visiter les théâtres et les écoles d’art dramatique parisiennes.

La même année, sa troisième pièce, Zone, connait un bon succès. C’est à cette époque qu’il décide d’écrire pour gagner sa vie. Par la suite, plusieurs de ces pièces seront mises en scène  comme Un simple soldat en 1957, Le temps des lilas  en 1958, Florence  en 1960 et beaucoup d’autres.

Son œuvre se divise en deux parties : la première où il décrit la société ouvrière, tandis que dans la seconde  il dépeint la bourgeoisie et sa déchéance. Sa pièce, Bilan en 1968, marque un tournant dans sa dramaturgie. Cependant Marcel Dubé  considère sa pièce Au retour des oies blanches comme la plus réussie.

En plus d’écrire pour la scène, Marcel Dubé est l’auteur  de téléromans et de plusieurs œuvres qui sont écrites pour la télévision.

De 1966 à 1977, il fait de nombreux séjours à l’hôpital souffrant de la maladie de Crohn.

Il s’implique également dans divers associations dont le Conseil de la langue française de 1977 à 1979. Il écrit également des textes dans différentes publications dont la revue Perspectives.

Il est certainement l’un des auteurs dramatiques les plus importants du Québec.

Marcel Dubé décède à Montréal le 7 avril 2016.

Honneurs:

-1959- Membre de la Société royale du Canada

-1966- Prix Victor-Morin

-1973- Prix Athanase-David

-1991-Chevalier de l’Ordre de la Pléiade

-2001- Officier de l’Ordre du Canada

-2002- Officier de l’Ordre national du Québec

-2005- Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle

-2006- Prix hommage Québécor

 

Bilan

Bilan est la pièce charnière de Marcel Dubé qui le fait passer du monde ouvrier à celui de la bourgeoisie.

C’est lors d’une fête chez William Larose, homme d’affaires prospère, que débute l’intrigue. Ce dernier est reconnu comme un organisateur des Bleus, parti de l’Union Nationale. On est  au début de la Révolution tranquille. William veut célébrer son accession au sommet de la pyramide sociale. Il réalise que son ascendance sur sa famille, son entreprise et sur sa vie privée s’effrite.

Après avoir réussi en affaires, William veut faire son entrée dans le monde politique.

«Maintenant que je suis dans le coup on va chambarder le Parti. Ce qui nous manque c’est la jeunesse. Moi j’en ai à revendre. En retour tout ce que je demande si on rentre c’est de me laisser nettoyer le  Parti des crottés, des indésirables. Au Canada français la gauche est une erreur géographique. Faut donner un coup de barre à droite dans le sens des traditions et de l’entreprise privée » (p.54)

Pour passer au monde politique il doit laisser son entreprise à son garçon, Guillaume, qui n’est guère intéressé.

«L’avenir politique du bonhomme je m’en fiche ! Il veut que je prenne ses affaires en main, que je lui succède, que j’aille m’écraser dans son bureau à sa place. Ça me déplaît souverainement si tu veux savoir. Je n’ai jamais eu l’intention de consacrer tout mon temps aux affaires. » (p.60)

La famille de William est celle de traîtrises.

Margot (sa femme) veut le tromper avec Gaston son ami et adjoint dans la compagnie. Suzie (sa fille) trompe Robert, son conjoint, avec Raymond (ami de Guillaume). Ce dernier joue sur tous les tableaux et trompe tout le monde.

Cependant William tient mordicus à ce que l’entreprise reste dans la famille.

«Gaston est mon meilleur ami, mais ce n’est pas un membre de la famille. Je veux que mes entreprises restent dans la famille » (p.89)

Étienne son autre garçon est le marginal de la famille qui n’éprouve aucun attrait pour le monde des affaires.

«Je n’ambitionne pas nécessairement d’avoir une existence confortable. Pour moi, ce n’est pas tout d’abord l’essentiel.» (94)

C’est ainsi qu’Étienne et sa compagne Élise sont tous les deux  l’image d’une aspiration, d’une fidélité, d’une vertu profonde. Malheureusement, le couple meurt abruptement dans un accident de moto.

Ce drame familial se termine dans la solitude profonde pour William. Guillaume fait un détournement de 25 000 $  des fonds de la compagnie. Bien plus, Gaston trompe William avec Margot son épouse. Tout s’écroule autour de l’homme d’affaires.

«Je m’aperçois que je l’ai gaspillé pour une famille de tricheurs. C’est tout ce que vous savez faire : tricher.  J’en ai assez de vous voir ! Disparaissez de ma vue ! Disparaissez de ma vue ! Allez crever où vous voudrez, je vous maudits.» (182)

Ainsi se termine ce drame du monde de Marcel Dubé.

Jacques Godbout : 1933-

Jacques Godbout est né à Montréal le 27 novembre 1933. Son grand-oncle est premier ministre du Québec entre 1939 et 1944. Ce dernier est reconnu pour avoir mis sur pied  Hydro-Québec, créé la loi sur la fréquentation scolaire et donné le droit de vote aux femmes.

Pour sa part Jacques Godbout fréquente le Collège Brébeuf parmi l’élite de la société malgré qu’il soit d’une famille  d’origine modeste. Il obtient une maîtrise en lettres de l’Université de Montréal. De 1954 à 1957, il va enseigner  la philosophie et le français à l’University college d’Addis Abeba en Éthiopie.

À la fin du régime Duplessis, il jouit d’un statut spécial dans la société. Son parfait bilinguisme lui permet d’entrer à l’ONF.  Il entretient le paradoxe puisque comme homme de lettres il devient également cinéaste. Il rêve d’indépendance mais va travailler dans un organisme fédéral pendant 38 ans.

Dans les années 1960, il réalise plusieurs films et devient un écrivain prolifique publié à Paris. Il va collaborer à la fondation du mouvement Souveraineté-association.

Son roman Salut Galarneau, édité en 1967, exprime un sentiment de libération.

Il devient un intellectuel reconnu qui prend beaucoup de place au déplaisir de certains érudits de l’époque. Il faut préciser qu’il a une très haute opinion de lui-même.

Jacques Godbout produit  plus de 10 romans, 15 essais et une trentaine de films dont plusieurs ont obtenu des prix dans divers festivals internationaux  dont ceux de Venise, Cannes, Lyon, Toronto et Montréal.

Honneurs:

-1962-Prix France-Québec pour l’Aquarium

-1967-Prix du Gouverneur général pour Salut Galarneau

-1973-Prix Ludger-Duverneay

-1985-Prix Québec Athanase-David

-1998-Chevalier de l’Ordre du Québec

-2002-Doctorat honorifique de l’Université d’Ottawa

-2003-Doctorat honorifique en Lettres de l’Université McGill

-2007-Prix de l’Académie française Maurice Genevoix pour Le Concierge du Panthéon

-2009-Doctorat honorifique en Communications de l’Université du Québec à Montréal

-2016-Officier de l’Ordre du Canada

Salut Garlarneau!

François Galarneau,  héros du roman, est un vendeur de hot-dogs et un décrocheur qui critique la société des années 1960 et finit par construire un mur autour de lui.

C’est un ami, Maurice Nadeau, qu’il a réellement connu qui lui inspire le personnage. C’est  lors d’un tournage d’un documentaire dans le quartier Saint-Henri qu’il le rencontre. Il se retrouve  souvent dans des tavernes pour échanger avec lui sur  différents sujets concernant l’évolution de la société québécoise.

Au fil des ans, c’est cet ouvrage  qui se démarquera. On y retrouve plusieurs pensées qui portent à la réflexion.

«C’était la première fois que je prenais conscience qu’à vivre les uns pour les autres, nous ne nous étions faits jamais d’amis…» (p.14)

«Pas d’instruction, pas d’ennuis, parce que, quand on est instruit on veut comprendre, on rêve, on fait des plans, on lit, on est malheureux. L’instruction obligatoire, c’est une idée de bourgeois, une idée de gens riches…» (p.25)

«On n’a pas besoin de s’instruire pour s’enrichir : Il suffit de voler. On n’a pas besoin de s’instruire pour être heureux : il suffit de ne pas y penser. » (p.46)

Jacques Godbout veut provoquer et en son temps il y est certes parvenu. Durant toute sa longue carrière, il a semé la controverse et ce à sa plus grande satisfaction.

Jacques Poulin : 1937-

Jacques Poulin  est né à Saint-Gédéon-de-Beauce. Il commence son cours classique au Séminaire de Saint-Georges pour le terminer au Séminaire de Nicolet. Il poursuit des études à l’Université  Laval où il obtient une licence en orientation scolaire professionnelle et une licence ès lettres.

Plus tard, il devient assistant de recherche à l’École de psychologie de l’Université Laval et occupe le poste  de conseiller en orientation scolaire au collège Notre-Dame-de-Bellevue à Québec.

En 1967, paraît son premier roman Mon cheval pour un royaume, puis en 1969 il publie un nouveau roman Jimmy. Il décide alors de se consacrer totalement à l’écriture. Il publie, en moyenne, tous les trois ans. En 1978, Les Grandes Marées lui vaut le Prix du gouverneur général.

Cependant c’est avec Volkswagen Blues qu’il  atteint un succès populaire. En 1987, à l’instar d’Anne Hébert, il s’installe  en France pour une quinzaine d’années. En 2002, il revient  au Québec. En 2008, il reçoit un des prix les plus prestigieux du monde littéraire au Québec, le Prix Gilles-Corbeil doté d’une bourse de 100 000 $. Le lauréat ne se présente pas à la cérémonie de remise du prix. Il préfère demeurer derrière son œuvre. Ses romans sont traduits dans plusieurs langues.

L’œuvre de Jacques Poulin se distingue par une facilité de lecture mais également d’une grande profondeur. Il met souvent en scène un écrivain que nous suivons dans son voyage intérieur et ses rapports avec le monde qui l’entoure.

Honneurs:

-1989- Prix Québec-Paris pour  Le Vieux Chagrin

-1990-Prix Molson pour  Le Vieux  Chagrin

-1995-Prix Athanase-David pour l’ensemble de son œuvre

-2008- Prix Gilles-Corbeil de la Fondation Émile-Nelligan

Volkswagen Blues

Dans ce roman Jack Waterman, héros principal, part à la recherche de son frère Théo disparu. Il parcourt l’Amérique de Gaspé à San Francisco accompagné d’une jeune métis avec qui il refait la route des Amérindiens et des coureurs  de bois français.

L’auteur  émet des réflexions sur le rôle de l’écrivain :

«Il vivait des moments d’angoisse qui attendent les écrivains quand ils ont terminé un livre et que déjà conscient des faiblesses de cet ouvrage et encore incapables d’imaginer l’œuvre suivante…» (p.43)

L’écrivain fait une analyse sur sa personne :

«Jack Waterman n’était pas content de lui-même en tant qu’écrivain. D’une manière générale il ne s’aimait pas beaucoup, mais ce qu’il détestait par-dessus tout c’est sa façon de travailler…Il s’était fait depuis toujours une image de l’écrivain idéal et il était loin de ressembler à ce modèle…» (p.48)

Au sujet de la mort il se pose de sérieuses questions :

«Des questions que je me pose depuis longtemps. Je voudrais qu’ils me disent ce qu’ils aperçoivent de l’autre côté et s’ils ont trouvé comment on fait pour traverser » (p.131)

Au cours du voyage, Jack et sa compagne ont l’occasion de revivre l’histoire américaine et tous les deux constatent :

« C’est l’Amérique. On commence à lire l’histoire de l’Amérique et il y a de la violence partout. On dirait que toute l’Amérique a été construite sur la violence » (p.141)

Jack en tant qu’écrivain analyse la manière de juger un livre :

« Un livre n’est jamais complet en lui-même; si on veut le comprendre il faut le mettre en rapport avec d’autres livres non seulement avec les livres du même auteur, mais aussi avec des livres écrits par d’autres personnes » (p.186)

Finalement, après avoir traversé l’Amérique les voyageurs arrivent au terme de leur voyage à San Francisco où Jack retrouve son frère Théo qui est paralysé et  ne le reconnaît même pas.

«… maintenant je me demande si j’aimais vraiment Théo. Peut-être que j’aimais seulement l’image que je m’étais faite de lui » (p.319)

Ce roman est à la fois un profond voyage intérieur où l’auteur remet en perspective sa vocation d’écrivain et un road trip qui nous fait revivre les voyages des explorateurs français qui ont jadis traversé l’Amérique d’un océan l’autre.

Marie-Claire Blais : 1939-2021

Marie-Claire Blais est née en 1939 à Québec. Venant d’une famille ouvrière elle doit très jeune interrompre ses études pour gagner sa vie. Elle suit cependant quelques cours à l’Université Laval où elle rencontre entre autres Georges-Henri Lévesque qui l’encourage à écrire et  publier en 1959 son premier roman, La Belle Bête.

Grâce à l’appui du critique littéraire américain, Edmund Wilson, elle  obtient deux bourses Guggenheim. En 1963, elle s’installe aux États-Unis dans le Massachusetts, puis dans la région de Cap Code où elle partage sa vie avec Barbara Deming et May Meigs.

En 1965, avec la publication  d’Une saison dans la vie d’Emmanuel elle remporte le prestigieux Prix Médicis qui la consacre définitivement comme une écrivaine importante. Après un séjour de deux ans en  Bretagne, elle revient au Québec en 1975. Par la suite, elle s’installe définitivement à Key West en Floride et obtient la citoyenneté américaine.

À partir de 1995, elle publie une œuvre monumentale en dix volumes Soifs sur les États-Unis  à la fin du XXe siècle et au début du XXIe siècle. Il s’agit d’une œuvre ambitieuse écrite dans un style particulier puisque chaque volume ne comprend pas de divisions en paragraphes, ni volumes ou chapitres et est  uniquement constitué de très longues phrases ponctuées de nombreuses virgules avec très peu de points. Une même phrase peut atteindre  parfois vingt pages.

Elle écrit également pour le théâtre dont la pièce la plus connue est l’Exécution qui est montée au théâtre du Rideau Vert en 1968. D’autre part, trois de ses romans seront adaptés au cinéma à savoir La Belle Bête, Une saison dans la vie d’Emmanuel et Le Sourd dans la ville.

L’œuvre de Marie-Claire Blais comprend une vingtaine de romans, cinq pièces de théâtre, un téléthéâtre et des poèmes.

Tout au cours de sa longue carrière, elle a remporté plusieurs prix et distinctions dont nous soulignerons les plus importants:

-1966-Prix Médicis pour Une saison dans la vie d’Emmanuel

-1969-Prix du Gouverneur général pour Les Manuscrits de Pauline  Archange

-1972-Compagnon de l’ordre du Canada

-1979-Prix du Gouverneur général pour Le Sourd dans la ville

-1982-Prix Athanase-David

-1989-Prix Ludger-Duvernay

-1995-Officier de l’Ordre national du Québec

-1996-Prix du gouverneur général pour Soifs

-2008-Prix du Gouverneur général pour Naissance de Rebecca à l’ère des tourments

-2014-Officier de l’ordre du Mérite culturel de Monaco

-2016-Prix Molson du Conseil des arts du Canada pour l’ensemble de son œuvre

-2018-Grand Prix du livre de Montréal pour Une réunion près de la mer

Elle décède le 30 novembre 2021

Une saison dans la vie d’Emmanuel

Ce roman décrit une époque où le Québec est plongé dans la grande noirceur. Emmanuel, le dernier d’une famille nombreuse, vit dans un milieu familial dominé par la grand-mère Antoinette. Autour de lui vont évoluer ses frères et sœurs ainsi que des parents pratiquement absents.

Ce roman sera traduit dans une vingtaine de langues. Des centaines de thèses et  d’articles critiques ont été rédigés à son sujet.

Antoinette domine dans tout le récit. C’est elle qui accorde la nourriture, le nom du baptême, la sécurité et surtout l’autorité. Elle représente le matriarcat rural en voie de changement au moment où le Québec connaît l’éclatement de la famille traditionnelle.

«Mais Grand-Mère Antoinette se croyait immortelle. Toute sa personne triomphante était immortelle aussi pour Emmanuel qui la regardait avec étonnement.» (p.10)

Jean le Maigre y tient une place centrale et il en est quelque sorte le héros. Il se définit par une lucidité qui le mènera jusqu’à la mort. Avec son frère le Septième, il s’adonne à la luxure et la boisson. Il décide de devenir poète mais entre au noviciat où il meurt empoissonné par le responsable du lieu. Il ressent de la culpabilité, bien qu’il ne se prive pas de la jouissance physique :

«Nous irons nous confesser à la première heure de l’aube, dit Jean le Maigre qui avait déjà l’eau à la bouche, à l’idée de dire ses fautes au curé, et je sais te surveiller de près pour ne plus que tu recommences, dit Jean le Maigre, ni seul ni avec d’autres. (p.47)

Pendant ce temps sa sœur Héloïse se réfugie dans une maison close où elle se prostitue. Après avoir connu pendant une courte période la vie rude du couvent, elle se sauve et se réfugie chez Mme Octavie  qui tient officiellement un hôtel qui est en réalité un bordel.

«Ardente, impérissable dans ses passions, Héloïse faisait honneur à Mme Octavie, qui bien qu’elle eût dit avec orgueil  qu’elle ne voulait pas d’Enfants de Marie dans sa maison, n’avait presque exclusivement que cela ….» (p.146)

Le roman mêle pratique religieuse et sensualité. Cette œuvre aborde les thèmes de la vie et de la mort, de la déviance sexuelle à la vie corrompue du clergé. Marie-Claire Blais donne ici  une image sombre du Québec en décrivant la décadence d’une société traditionnelle. C’est une puissante allégorie de la société québécoise des années 1960.

L’œuvre de Marie-Claire Blais particulièrement dans Soifs  révèle son empathie et sa compassion pour le racisme, aux luttes LGTQ, aux itinérants. Malgré qu’elle ait travaillé pendant plusieurs années dans l’ombre, son œuvre se hisse au niveau universel qui est la marque d’une auteure remarquable qui ne sera jamais oubliée.

Dany Laferrière : 1953-  

Dany Laferrière est né le 13 avril 1953 à Port-au-Prince. Vers l’âge de quatre ans, sa mère l’envoie à Petit-Goâve chez sa grand-mère Da pour éviter qu’il ne soit victime des représailles politiques de son père Windsor Laferrière. En effet, ce dernier alors en exil aux États-Unis avait été maire de Port-au-Prince et sous- secrétaire d’État au Commerce et à l’Industrie. Ces années vécues chez sa grand-mère seront parmi les plus heureuses de sa vie et donneront naissance entre autres  à L’odeur de café où sa relation avec Da  est si bien décrite.

À onze ans, il retourne vivre chez sa mère à Port-au-Prince où il fait des études secondaires. Il devient par la suite chroniqueur culturel à l’hebdomadaire Le Petit Samedi Soir et à la Radio Haïti-Inter.

Le 1e juin 1976, son ami, le journaliste Gasner Raymond, alors âgé de vingt-trois ans, est assassiné pour des raisons politiques. Craignant pour sa vie, il quitte précipitamment Haïti pour Montréal. Il s’installe rue Saint-Denis et travaille dans des usines jusqu’en 1985, date à laquelle est publié son premier roman Comment faire l’amour avec un Nègre sans se fatiguer qui connaît un grand succès. Le roman est traduit dans plusieurs langues et est même adapté pour le cinéma. Puis, il sera chroniqueur et présentateur météo et participera  à l’émission La bande des six à Radio-Canada.

En 1979, il retourne pour six mois en Haïti et y rencontre Margaret Berrouët qui devient son épouse et avec qui il aura trois filles dont deux nées à Montréal

Autodidacte, il suit des cours  à l’Université du Québec à Montréal.

À  partir de 1990, il vit à Miami avec sa famille. En 2002, il est de retour à Montréal et rédige jusqu’en 2007 une chronique dans le quotidien La Presse sur les sujets d’actualité. En 2009, il reçoit le prix Médicis pour L’Énigme du retour.

L’année 2013 est une année charnière dans la carrière de Dany Laferrière puisqu’il est élu au premier tour du scrutin au 2e fauteuil  de l’Académie française.  Il est le deuxième noir après Léopold Sédar Senghor (élu en 1983) à siéger à l’Académie.

En 2019, Dany Laferrière est délégué par l’Académie française pour prononcer le discours de la Séance solennelle de la rentrée des cinq Académies sur le thème du chaos. De plus, il est appelé à plusieurs occasions à représenter l’Académie à travers le monde.

Le 13 octobre 2020, une œuvre sculptée de Roger Langevin lui rendant hommage  est inaugurée à la Bibliothèque nationale. Elle représente l’auteur en position assise sur la plus haute marche d’un escalier.

Prix et distinctions:

-1993- Prix Edgar-Lespérance pour Le Goût des jeunes filles 

-2006- Prix du Gouverneur général pour son album jeunesse Je suis fou de Vava

-2009- Prix Médicis pour L’Énigme du retour

-2010- Grand prix littéraire international Metropolis bleu

-2013- Élection à l’Académie française

-2015- Martin Luther King Jr Achievement Award

-2015- Grand Prix Ludger-Duvernay

Doctorats Honoris Causa

-2010- Université du Québec à Rimouski

-2010- École normale supérieure, France

-2013- Université du Québec à Montréal

-2016- Middlebury College, États-Unis

-2016- Université Paris-Sorbonne & Université Pierre-Marie Curie, France

-2017- Université d’Ottawa

-2018- Université McGill

Décorations 

-Commandeur de la Légion d’honneur

-Commandeur de l’Ordre des Arts et des Lettres

-Commandeur de l’Ordre de la Pléiade

-Officier de l’Ordre national du Québec

-Officier de l’Ordre du Canada

-Officier de l’Ordre de Montréal

-Compagnon de l’Ordre des arts et des lettres du Québec

L’odeur du café

Ce roman nous fait revivre l’enfance de Dany Laferrière  chez sa grand-mère Da. C’est là que l’auteur va vivre de très précieux  moments. Il y décrit à partir de petites anecdotes  la vie quotidienne du village mythique de Petit-Goâve.

C’est durant son séjour à Miami qu’il écrit cet ouvrage un peu à la gloire de Da sa grand-mère bien aimée.

C’est ainsi que Dany Laferrière décrit la figure de Da :

«C’est dans un pareil moment que surgit le visage à la fois doux et ridé de ma grand-mère qui me souriait et, tout à coup, un grand soleil illumina la pièce. C’est pour la garder plus longtemps avec moi que je me mis à écrire L’odeur du café. » (p.9)

Pour Da le café c’est le paradis :

«Un jour, j’ai demandé à Da de m’expliquer le paradis. Elle m’a montré sa cafetière. C’est le café de Palmes que Da préfère, surtout à cause de son odeur. L’odeur du café des Palmes. Da ferme les yeux. Moi l’odeur me donne des vertiges » (p.22)

Voici comment il est choyé dans la famille :

«Je suis le fils aîné de la fille aînée. Le premier enfant de la maison. L’enfant chéri des cinq sœurs. Cinq mères…Mes tantes tournaient autour de moi comme des fourmis  folles autour d’un minuscule morceau de pain. J’étais le centre du monde…» (p.38)

Son grand-père personnage secondaire disparaît rapidement :

« On l’a retrouvé, le lendemain matin, dans son lit, tout raide. –Qu’est-ce que la mort Da ? –Tu verras. » (p.45)

L’amour de Da décrit simplement :

«Da me regarda et sourit. J’aime ce sourire de Da. » (p.107)

Comment il a connu la mer :

«C’est par le gros orteil que j’ai connu la mer. Je m’étais assis sur l’extrême bord de la jetée. Je n’arrivais pas malgré mes efforts à atteindre l’eau. Willy Bony m’a pris par le bras et m’a fait glisser doucement dans la mer » (p.144)

De l’importance du café :

« Pain et café, Zina aime l’odeur du café. Même quand on le boit pas son odeur vous pénètre jusque dans les os » (p.187)

L’auteur trente ans plus tard donne la raison principale pourquoi il a écrit ce livre :

«Mais j’ai écrit ce livre surtout pour cette seule scène qui m’a poursuivi longtemps : un petit garçon assis aux pieds de sa grand-mère sur la galerie ensoleillée d’une petite ville de province. Bonne nuit Da ! » (p.216)

Un roman rempli de douceur et d’amour.

Dany Laferrière est ainsi devenu une icône de la littérature française à travers le monde.

Arlette Cousture : 1948-

Arlette Cousture est née à Saint-Lambert le 3 avril 1948. Elle est la fille de Clovis-Émile Cousture et de Blanche Pronovost  dont elle a écrit la biographie sous le titre Le Cri  de l’oie blanche.

L’auteure devient célèbre grâce au succès de son roman, Les filles de Caleb, dont les trois tomes sont vendus dans la francophonie à plusieurs millions d’exemplaires.

La mini-série qui en est tirée va obtenir un immense succès au Canada francophone.

L’auteure  obtient son baccalauréat ès arts au Collège Sainte-Marie de Montréal en 1967 puis un baccalauréat en animation culturelle de l’Université du Québec. Arlette Cousture est d’abord enseignante à l’école secondaire. Puis, elle entreprend une carrière en communication entre autres à la télévision de Radio-Canada où elle est tour à tour reporter, recherchiste et animatrice. En 1979,  elle entre à Hydro-Québec à titre de conseillère en communication. En 1987, elle quitte cet emploi pour se consacrer exclusivement à l’écriture.

Son œuvre principale Les filles de Caleb  est publiée en trois tomes :

-1985 : Les Filles de Caleb. Émilie : Le Chant du coq

-1986 : Les Filles de Caleb. Blanche : Le Cri de l’oie.

-2004 : Les filles de Caleb. Élise : L’abandon de la mésange

En 1992, elle fait paraître Ces enfants d’ailleurs et la suite en 1994 Même les oiseaux se sont tus. Cette œuvre en deux tomes nous transporte dans le destin tragique des jeunes réfugiés polonais de Cracovie à Winnipeg et Montréal sur une période de plus cinquante ans.  Les deux tomes seront adaptés pour la télévision.

En avril 2011, son roman, Les Filles de Caleb, est transformé en opéra-rock. Les paroles et la musique sont l’œuvre de Michel Rivard.

Arlette Cousture écrit d’autres œuvres dont J’aurais voulu vous dire William en  1998, Depuis la fenêtre de mes cinq ans en 2008 et Chère Arlette en 2016.

Elle s’implique dans l’humanitaire en se consacrant à la sensibilisation aux enjeux reliés à la sclérose en plaques dont elle est atteinte et à la défense des handicapés intellectuels.

Honneurs:

-1978-Prix littéraires Radio-Canada

-1995-Prix littéraires du Journal de Montréal

-1996-Grands Montréalais

-1998-Officier de l’Ordre du Canada

-2004-Chevalier de l’Ordre de la Pléiade

-2012-Chevalier de l’Ordre national du Québec

Les filles de Caleb : Le chant du coq

Le premier tome de cette trilogie nous présente une héroïne forte et passionnée, Émilie Bordeleau. Nous suivons son destin de 1892 à 1946. D’abord institutrice dans une école de rang, Émilie tombe amoureuse d’un de ses élèves, Ovila Pronovost, avec  qui elle unit son destin pour le meilleur comme le pire.

Caleb, qui avait songé à retirer sa fille de l’école, est finalement bien content qu’elle ait poursuivi ses études :

«Caleb même s’il n’approuvait pas  qu’Émilie poursuive ses études- encore moins pour être institutrice- éprouva  néanmoins un énorme sentiment de fierté. Cette fierté prenait cependant ombrage de l’entêtement quotidien de son aînée.» (p.31)

Comme on peut le constater tout au cours du roman, Émilie va démontrer une force intérieure et un courage peu commun pour une femme de son temps.

 À cette époque, les institutrices sont étroitement surveillées. Leur moindre geste peut leur occasionner des problèmes de la part de commissaires d’école souvent illettrés et de parents qui peuvent intervenir à tout moment.

«Des maîtresses de dix-sept ans qui pètent plus haut que le trou, qui se battent avec des grands gars comme Joachim Crête, qui affrontent le bedeau pis les sœurs du couvent en faisant une crèche de Noël quasiment plus grosse…qui se promènent toute seule le soir….J’vas dans l’instant même voir les commissaires pis  on va discuter de votre cas. » (p.99)

Ainsi, la vie d’une enseignante rurale du XIXe siècle n’est pas toujours agréable. Mal payée, elle  doit enseigner à plusieurs divisions et maintenir une discipline dans une classe qui souvent compte une quarantaine d’élèves.

Puis il y a la visite de l’inspecteur qui vient examiner le travail de l’institutrice.

«L’inspecteur ne faisait qu’une visite annuelle et Émilie qui terminait sa première année d’enseignement se devait de démontrer ses talents d’enseignante si elle voulait être réembauchée l’année suivante. » (p.111)

«La visite de l’inspecteur faisait habituellement trembler les enfants surtout les premiers de classe.» (p.112)

Puis, un sentiment naissant se développe rapidement envers un élève qui vient à peine de quitter l’école Ovila :

«Ovila  la laissa faire quelques secondes, puis recula, déposa ses effets, s’approcha d’elle sans dire un mot, ferma la porte d’un coup de pied, lui encadra le visage de ses deux mains et l’embrassa doucement. Il se rendit  à peine compte qu’elle avait enlacé ses épaules de ses bras tant son âme l’avait quitté pour rejoindre la Voie lactée. » (p.140)

Et ce qui devait arriver  se produit. Émilie joint son destin au bel Ovila.

«Conduite par Ovila la carriole glissait doucement faisant chanter ses patins sur l’épaisse neige. Émilie se collait contre lui, lui chuchotant toutes sortes de joies à l’oreille » (p.259)

Ce sont les jours de bonheur et de félicité, mais la vraie vie du couple avec toutes ses petites et grandes misères remontent rapidement à la surface. Puis, les malheurs s’accumulent. Ovila commence à boire et à négliger sa famille.  Un soir où Émilie attend impatiemment  son retour  afin de se rendre  chez le docteur du village, celui-ci fait un long arrêt à l’hôtel et oublie…Cette nuit-là un drame frappe la famille.  En effet, la  petite Louisa meurt étouffée dans son berceau. Émilie reprochera toujours à Ovila de les avoir oublier et d’être  le responsable  de son décès.

«- Je ne te pardonnerai jamais Ovila. Jamais !» (p.384)

À partir de ce jour, Ovila va partir et revenir. Au cours de ces années la famille s’agrandit régulièrement.

«Ovila  lui fit un signe de la main, lui indiquant par ce geste qu’elle pouvait bien aller paître et qu’il continuerait de faire à sa tête. Il se leva, s’habilla et sortit. Émilie ne le revit pas pendant deux mois » (p.408)

Par la suite, le couple quitte le village pour la ville  de Shawinigan parce qu’Ovila n’en peut plus de  vivre dans ce maudit village. L’adaptation à la ville n’est pas facile. Émilie manque d’espace mais heureusement passe les vacances d’été  à Saint-Tite.

Mais de nouveaux malheurs percent à l’horizon. Ovila recommence à boire et perd son emploi. C’est le point final à une union qui compte maintenant dix enfants.

Ovila, à l’instar des défricheurs d’autrefois, veut à nouveau déménager :

« La semaine prochaine, Émilie je pars pour Barraute –C’est où ça ? –En Abitibi.- Qu’est-ce que tu vas faire là ? – Acheter des terres…En fait louer des terres, pour les déboiser, pis les défricher. L’aventure ça tente toujours ? (p.498)

La réponse d’Émilie ne se fait pas attendre :

«Tu pars Ovila. Tu t’en vas à la gare, pis de là tu prends le premier train qui va en Abitibi. Va-t’en à Barraute !» (p.502)

Ovila parti, Émilie tourne le dos à la ville et retourne dans son village natal pour se refaire une nouvelle vie.

«Émilie attendit cinq minutes, fit le tour du logement trois fois essayant surtout de ne pas penser aux bons moments qu’elle y avait vécus, poussa le verrou de la porte de devant et sortit par la porte arrière, plaçant comme elle l’avait promis la clé sous une vieille catalogne délavée et remplie de  sable » (p.510)

Ainsi, se termine le premier tome de cette saga qui connaît  un succès universel parce qu’elle  décrit toute une époque de l’histoire d’un peuple, celui du Québec.

Ouvrages consultés

Sources principales

AUDET, L.P., le Frère Marie-Victorin, éducateur : ses idées pédagogiques, Montréal, 1942

AYOTTE, Alfred, TREMBLAY, Victor,  l’Aventure Louis Hémon, Montréal, 1974

BAILLARGEON, Samuel, Littérature canadienne-française, Éditions Fides, 1957

BENOIST, Émile, Les Engagés du grand portage, Le Devoir , 23 juillet 1939

BROUILLARD, Marcel, Félix Leclerc L’homme derrière la légende, Éditions Québec/Amérique, 1994

BLAIS, Jean-Éthier, Préface, Les Voyages de Marco Polo, Éditions Fides, 1969

CAMBRON, Micheline, GROULX Patrice, RAYMOND-DUFOUR, Maxime, L’œuvre de François-Xavier Garneau, Bulletin d’histoire politique, Volume 27, Numéro 1, Automne 2018

CARDINAL, Roger, Hector de Saint-Denis-Garneau, Oxford

CASTONGUAY, Jacques, Philippe Aubert de Gaspé seigneur et homme de lettres, Éditions Septentrion, 1991

CIMON, Renée, Germaine Guèvremont, Dossier de documentation, Fides, 1969

DANTIN, Louis, Essais critiques, Éditions Presse de l’Université de Montréal 2016

DESBIENS, Jean-Paul, Dernière Escale, Éditions Septentrion, 2006

FONDATION LITTÉRAIRE FLEURS DE LYS, Émile Nelligan et son œuvre, Éditions Édouard Garand, 1925

HARVEY, Robert, Rémémoration et commémoration dans Kamouraska d’Anne Hébert, Éditions Presses de l’Université de Montréal, 1980

KUSHNER, Eva, Rina Lasnier, Éditions Fides, 1964

LAMONTAGNE, Marie-Andrée, Anne Hébert Vivre pour écrire, Éditions Boréal, 2019

LAVALLÉE, Madeleine, Marie-Victorin : le botaniste patriote, Montréal 1983

LAURIN, Michel, La littérature québécoise en 30 secondes, Éditions Hurtubise, 2017

LECLERC, Rita, Germaine Guèvremont, Éditions Fides, 1963

LESSARD, Jean-Louis, Essais critiques Trente Arpents de Ringuet, Éditions Presses de l’université de Montréal,

MAILLET, Antonine, Clin d’œil au temps qui passe, Éditions Leméac, 2019

MAJOR, André, Félix-Antoine Savard, Éditions Fides, 1970

MARCEL, Jean, Rina Lasnier, Éditions Fides, Collection Classiques canadiens,  1964

NEPVEU, Pierre, Gaston Miron La vie d’un homme, Éditions Boréal, 2012

PAGEAU, René, Rina Lasnier poète  de l’essentiel, Lidec, 2012

RICHARD, François, Gabrielle Roy Une vie, Éditions Boréal, 1966

RICHER, Julie, Léo-Paul Desrosiers Éditions Fides, 1966

SAINT-DENIS-GARNEAU, Journal, Éditions Beauchemin, 1964

THIBODEAU, Serge, L’appel des mots : lecture de Saint-Denis-Garneau, L’Hexagone, 1993

SIMARD, Louise, Laure Conan : la romancière aux rubans, Montréal, 1995

Sources numériques

Dictionnaire biographique du Canada

Encyclopédie du patrimoine culturel de l’Amérique française,

L’Encyclopédie Wikipédia

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