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Le Québec dans le Canada ou l’impossible rêve

La crise identitaire

Conclusion


L'année 1982 marque une étape incontournable dans l’évolution de la présence québécoise dans le Canada. Avec le rapatriement de la constitution canadienne, les neuf provinces canadiennes-anglaises se sont entendues pour modifier la constitution sans le consentement du Québec. Avec la chartre des droits et libertés de la personne, on met en péril la capacité du Québec d’assurer la survie et l’épanouissement culturel de sa population francophone.


La Chartre des droits et libertés telle qu’imposée au Québec en 1982 a eu pour effet de limiter les compétences législatives du Québec en des matières liées à son identité culturelle. Par conséquent, plusieurs dipositions de la Chartre de la langue française, notamment en ce qui concerne l’affichage et le choix de la langue d’enseignement, ont été déclarées inconstitutionnels par la Cour suprême. L’accord du Lac Meech devait être ratifié par toutes les législatures des provinces dans les trois ans. Dans les circonstances, le défaut des provinces de Terre-Neuve et du Manitoba de ratifier l’entente provoque l’échec de cette réforme. Une deuxième tentative en 1992, l’Accord de Charlottetown, est cette fois rejeté par l’ensemble de la population canadienne par voie référendaire. La conséquence principale de ces deux échecs est d’enfermer la constitution canadienne dans un cul de sac, toute réforme devenant impossible. Il est évident que pour les provinces anglophones toute concession accordée au Québec devrait s’appliquer à l’ensemble des provinces


Encore aujourd’hui pour l'ensemble de la population, la nation québécoise est constituée d’abord d’une majorité d’individus qui partagent une langue, une histoire, et une culture commune. Cela n’exclut pas l’apport enrichissant de cultures étrangères qui veulent s’associer au groupe majoritaire afin de former un peuple fort et diversifié. Il est évident qu’en ce moment le nationalisme québécois est traversé par une mauvaise conscience, ce qui rend difficile l’évocation de son passé français et catholique. Ce refoulement d’un sentiment d’appartenance à une collectivité qui a survécu pendant quatre siècles est regrettable et peut occasionnellement provoquer des crises qui amènent l’intolérance et le sectarisme.


Plus le sentiment d’appartenance à un groupe est fort, plus son ouverture à d’autres collectivités sera facile. La nation devient ainsi l’expression d’une collectivité. Elle lui fournit un espace politique qui permet à un peuple de prendre en main son destin et de pouvoir décider de son avenir. Le nationalisme a été associé aux désastres de la Deuxième Guerre mondiale et au nazisme, mais il peut être porteur de valeurs démocratiques pour la défense des droits d’une collectivité.


Si on définit la culture comme élément distinctif de la formation de notre peuple, il s’agit à ce moment d’un ensemble de traits caractéristiques qui ont façonné notre peuple comme: territoire commun, langue commune, religion commune. Qu’un de ces éléments, la religion, soit aujourd’hui moins présent, n’entache pas les valeurs de l’ensemble.


Tout au long de son histoire, le Québec a su incorporer différents éléments qui font maintenant partie de sa particularité comme les influences autochtones, britanniques, irlandaises, etc. Donc, intégrer des immigrants, c’est également intégrer les valeurs de d’autres nations.


Il est de plus en plus évident que le mouvement de centralisation que l’on peut observer depuis plus de cinquante ans, ne correspond pas à l’esprit original de la Confédération. En effet, le Québec avait adhéré à la Confédération étant assuré de conserver une entière liberté d’action dans les matières liées à la survie et à l’épanouissement de son identité linguistique et culturelle. À cette époque, le Québec est considéré comme le foyer des Canadiens français, comme l’Ontario l’est pour les Anglophones. C’est dans ce but que les provinces obtiennent le contrôle non seulement sur les aspects liés à la culture, mais également pour tout ce qui regarde la vie sociale et civile.


Il faut savoir que jusqu’en 1949, c’est le Comité judiciaire de la Chambre des Lords en Angleterre qui interprète les articles de la Constitution, en considérant toujours l’aspect d’une confédération. Cela a permis au Québec de préserver l’ensemble des outils nécessaires à son épanouissement. Avec la Cour suprême canadienne, qui apparaît en 1949, les pouvoirs du gouvernement central sont sans cesse élargis au nom de l’efficacité. En 1982, avec le rapatriement de la Constitution et l’apparition d’une Chartre des droits, le pouvoir centralisateur du fédéral est confirmé et augmenté. Le régime fédéral ne correspond plus aux préoccupations identitaires des Québécois. Le Québec devient de plus en plus une province comme les autres.


Au contraire, avec le phénomène de la mondialisation, le Québec aurait besoin de pouvoirs supplémentaires pour assurer sa survie culturelle. Pour ce faire, il faudrait retrouver un véritable esprit fédératif qui permettrait aux Québécois de vivre dans un ensemble canadien où ils pourraient s’épanouir librement. Cependant, toutes les demandes répétées du Québec dans ce sens ont été rejetées du revers de la main.Les Québécois auront des choix à faire collectivement : soit d’accepter le statu quo et ainsi permettre à une majorité anglophone de décider de son avenir ou, au contraire, assumer pleinement leur avenir en tant que nation distincte. Dans ce dernier cas, ils devront s'occuper de leur avenir culturel en assumant les pleins pouvoirs d’un état souverain. Il est certain que la nation nouvelle doit s’inscrire dans une ouverture vers le monde. Elle doit s’affirmer autour de la langue et être inclusive en acceptant tous les éléments nouveaux qui veulent s’y greffer.


Cette nouvelle collectivité sera francophone et partagera des valeurs communes sur un immense territoire qui doit se développer dans le voisinage d’une superpuissance. Pour y parvenir, le Québec doit avoir en premier lieu une volonté politique suffisante chez les Québécois d’origine. Il faut une ouverture aux autres cultures et une volonté affirmée de convaincre les autres partenaires de notre société d’adhérer à notre projet collectif. Nous devons donc tenter par tous les moyens d’inclure les anglophones, les autochtones et les autres ethnies dans ce combat pour la survivance. Pour cela, il faut avant tout une volonté ferme venant des Québécois de souche. Sans cela, le combat est perdu à l’avance. Jusqu’ici, c’est cette volonté qui a manqué. Notre futur doit d’abord être basé sur notre passé qui a permis malgré toutes les embûches à un petit groupe d’hommes et de femmes du début de la colonie de former un peuple qui est arrivé au carrefour de son avenir. À lui de passer aux actes, mais d’une façon démocratique et inclusive.


Il faut absolument éviter de rattacher notre identité culturelle à une identité civique neutre qui ignorerait la présence et l’histoire de la majorité nationale. Il ne pourrait y avoir une nation québécoise sans la présence d’une majorité francophone composée principalement de Québécois dits de souche. D’autre part, il faudra reconnaître aux autres ethnies qui habitent le Québec le statut de Québécois à 100%. En ce sens, la langue française demeure la base de l’identité civique commune de l’ensemble de la population québécoise et ce même par les minorités anglophones et allophones qui partagent de manière croissante l’usage de cette langue.


De plus en plus, on recherche un nationalisme qui remplace celui du francophone pure laine. Donc, on souhaite une culture francophone, mais inclusive et ouverte sur le monde. Au cours de ces quatre siècles, cette idée a persisté et nous sommes toujours là. Certes, notre existence est toujours remise en cause. Nous sommes éternellement sur la défensive et il nous faut toujours lutter pour survivre. Cela a été, est et sera toujours. Confrontés à une menace constante d’assimilation, nous avons cherché dans la conservation de la langue, de notre religion et de nos coutumes un motif de survivance. C’est ainsi qu’est née, au milieu du 20e siècle, la notion d’un nouveau nationalisme basé non seulement sur l’aspect culturel, mais incluant également l’économique et le politique. Les Québécois ont voulu s’affirmer de plus en plus en devenant maîtres d’oeuvres de son développement intégral. Face au phénomène de la mondialisation, les Québécois sont convaincus de la nécessité d’avoir des encadrements collectifs, de vivre dans un État auquel ils peuvent s’identifier. Mais malheureusement, la bataille n’est pas terminée. Les statistiques du dernier recensement canadien indiquent que les personnes de langue maternelle française sont maintenant minoritaires dans l’île de Montréal. Pendant qu’à Montréal les francophones ne représentent plus que 49,8% (53,2% au recensement de 2000), le nombre de Québécois ayant le français comme langue maternelle ne représente plus que 79,6% dans l’ensemble du territoire.


Plusieurs facteurs expliquent ce phénomène. Par exemple, les anglophones demeurent davantage au Québec par rapport à la période de 1996 à 2001. La cause la plus importante est certainement la fuite des francophones vers la banlieue associée au faible taux de croissance démographique. Toutefois, quelques faits encourageants demeurent comme celui qui indique que 75% des allophones arrivés au pays 2001 à 2006 optent pour le français à la maison. Tous ces chiffres suscitent des interprétations diverses et opposées.


Pour l’éditorialiste de La Presse, André Pratte, le français progresse. Pour lui, il faut regarder les tendances. Hors, la tendance indique que 75% des immigrants arrivés depuis 2001 optent pour le français contre 40% dans les années 60 et 70% dans les années 80. Donc selon Pratte, il n’y a pas de péril dans la demeure. Ce sentiment est également partagé par le gouvernement du Québec.


Par contre, pour Robert Bourbeau, directeur du département de démographie de l’Université de Montréal, le français n’a pas progressé sa proportion passant de 83,1% à 81,8% entre 2001 et 2006. Pour lui, la croissance démographique des autres groupes a été plus forte que celle des francophones. La fécondité, la migration et la mobilité linguistique ont joué en défaveur des francophones.


Maintenant, comment analyser ces différentes interprétations ? Il est certain que la lutte pour le maintien du français ne sera jamais terminée. Nous devons continuellement faire face à des contestations judiciaires remettant en cause certains aspects de la loi 101. De plus, la faible croissance démographique des francophones d’origine nous oblige à avoir recours à une forte immigration afin d'assurer la pérennité de notre poids démographique. Seules une extrême vigilance et une forte volonté vont assurer le succès de notre maintien comme groupe ethnique. À ce sujet, les luttes hippiques de nos ancêtres pourront nous servir de modèles.


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La crise identitaire


Le Québec traverse actuellement une crise identitaire qui s’est brutalement exprimée à la suite de plusieurs incidents reliés aux accommodements raisonnables. Plusieurs Québécois, dits de souche, ont ressenti un profond malaise sinon une crainte sur l’avenir du Québec comme société francophone. L’arrivée de milliers d’immigrants avec des coutumes différentes a poussé dans un premier temps les Québécois à satisfaire leurs demandes d’accommodements. Plus les demandes devenaient dérangeantes, plus l’inconfort s’installait. De peur d’être accusé de racisme, on a finalement tout laisser passer, incluant des demandes irraisonnables s’attaquant quelquefois à la base même de notre culture. Puis, le nombre de revendications augmentant, le vase a débordé et tout a dérapé. On est passé de l’ère du tout laisser faire à celui de la tolérance zéro.


Il faut maintenant réfléchir et analyser la situation pour avoir des comportements qui vont permettre de respecter les autres tout en se respectant soi-même. La culture québécoise s’appuie sur une communauté de langue française qui s’est enrichie au cours de quatre siècles de cultures diverses tout en conservant un caractère particulier lié d’abord à sa langue et, pendant plus de trois siècles, à la religion catholique. En effet, des débuts de la colonisation à 1960, l’Église catholique a façonné notre histoire et marqué notre identité particulièrement dans l’éducation et le service social.


Avec la Révolution tranquille, c’est l’État qui a remplacé l’Église dans ces domaines et on a ainsi séparé le pouvoir politique du pouvoir religieux en déconfessionnalisant les services publics. Malgré tout, il faut protéger notre patrimoine religieux, car il fait partie de notre histoire et de notre identité.


La langue française et la culture québécoise deviennent les principaux éléments de notre identité. La prédominance de la langue française dans tous les milieux de notre vie en société y compris au travail devient une question de survie. Pour ce faire, il nous faut assurer l’intégration des immigrants d’une façon ordonnée et pratique pour que tous aient accès facilement à des cours de francisation sans des délais indus. Si nécessaire, il faudra renforcer la Chartre de la langue française afin d’assurer à tous des structures d’accueil

valables et suffisantes. Si d’une part notre devoir comme société d’accueil est de tout mettre en oeuvre pour bien accueillir ses nouveaux arrivants, il faut s’attendre à ce que les immigrants veulent s’intégrer harmonieusement dans notre société.


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Conclusion


Devant le pessimisme, voire même le défaitisme de certains sur nos chances de survie comme nation, il faut souligner un certain nombre de faits plus encourageants. Depuis la Révolution tranquille un grand bout de chemin a été accompli dans l’épanouissement de notre société. En 1960, nous accusions un sérieux retard dans le domaine de l’éducation. Aujourd’hui, le retard en cette matière a été rattrapé. Notre système d’éducation, pourtant maintes fois décrié, se classe au 6e rang au monde selon une étude internationale qui analyse les systèmes d’éducation de 57 pays (Programme international pour le suivi des acquis des élèves 2006). Une faille cependant demeure et c’est un taux de décrochage fort élevé chez les francophones.


Le taux de chômage a significativement baissé. D’autre part, notre lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales est encourageante. Nous avons une politique pour la petite enfance et les congés parentaux qui sont uniques au Canada. Bien sûr, il reste beaucoup à faire, mais on ne doit jamais oublier d’où nous sommes partis pour savoir où l’on doit aller. L’avenir du Québec peut être formidable si sa collectivité continue à se prendre en main, afin de lui assurer un épanouissement digne de sa population qui au cours de quatre cents ans n’a cessé de se battre pour affirmer son existence.


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