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B.   Gouvernement de Montréal   2

1.     La seigneurie de la Petite Nation de Louis-Joseph Papineau  2

Louis-Joseph Papineau  3

2.     La Seigneurie de Terrebonne  5

3.     La seigneurie de Repentigny  6

4.     La seigneurie de Lavaltrie  8

Joliette  8

5.     La seigneurie de Berthier-en-Haut (Berthierville) 10

6.     Les seigneuries de Vaudreuil et Soulanges  11

7.     La seigneurie de Bleury (Iberville) 13

Gabriel Christie  13

L’héritage de la famille Christie  15

Les censitaires et le système seigneurial 15

8.     La seigneurie du Monnoir 17

Claude Ramezay  17

Louise de Ramezay  17

3e seigneur : Sir John Johnson  18

4e seigneur : Jean-Roch Rolland  18

9.     La seigneurie de Chambly  21

10.       La seigneurie de Boucherville  24

11.       La seigneurie de Varennes  26

12.       La seigneurie de Rouville  28

13.       La seigneurie de Cournoyer (Saint-Marc-sur-Richelieu) 31

14.       La seigneurie Saint-François-Le-Neuf ou Saint-Charles-sur-Richelieu  33

15.       La Seigneurie de Saint-Hyacinthe  34

Jean Dessaulles  34

Marie-Rosalie Papineau Dessaulles  35

Louis-Antoine Dessaulles  35

16.       La seigneurie de Contrecoeur 37

17.       La seigneurie de Saint-Ours  39

Charles de Saint-Ours  39

18.       La seigneurie Massue,   le fief Saint-Charles (Saint-Marcel) 41

19.       La seigneurie de Sorel 42

20.       Les Sulpiciens, seigneurs de Montréal 45

Le régime minceur 46

Le conflit avec l’évêque. 46

La seigneurie de Saint-Sulpice  47

La Seigneurie du lac des Deux-Montagnes  47

21.       La seigneurie de Châteauguay  49

22.       La baronnie de Longueuil 51

23.       La seigneurie de Saint-Eustache  53

La bataille de Saint-Eustache  53

24.       Seigneurie de L'Île-des-Soeurs  55

25.       Les seigneuries du Lac Champlain  56

La seigneurie de Saint-Armand  57

La seigneurie de Noyan ou de l’Île aux Noix  57

La seigneurie de Foucault 57

La seigneurie de La Ronde, Beaujeu ou Lacolle  58

 

B. Gouvernement de Montréal

1.     La seigneurie de la Petite Nation de Louis-Joseph Papineau

 

François de Laval, premier évêque de Québec se voit octroyer la seigneurie de la Petite-Nation en mai 1674. Ce nom lui vient des occupants d’une tribu algonquienne qui avait occupé les lieux antérieurement. C’est une région montagneuse, où la forêt domine. Cependant, en raison de son éloignement, le gouvernement royal y défend tout établissement.

 

En 1803, Joseph Papineau, notaire, reçoit la seigneurie de la Petite-Nation pour des émoluments qui lui sont dus à la suite de services professionnels fournis au Petit séminaire de Québec. Il y fait construire un premier manoir sur l’île Roussin et établit les premiers colons. En 1817, il vend la seigneurie à Louis-Joseph, l’aîné de ses fils, qui est déjà un homme politique important. C’est Denis-Benjamin, son frère, qui prend la gestion des terres où l'on retrouve déjà 300 personnes. Louis-Joseph procède, entre 1848 et 1850, à la construction d’un nouveau manoir dont l’architecture s’inspire des châteaux français. Il veille personnellement non seulement à la construction, mais également à l’aménagement intérieur du manoir. En 1851, on dénombre plus de 471 cultivateurs, 317 manoeuvres, 47 draveurs, un notaire et un médecin sur son domaine.

 

Louis-Joseph Papineau

 

Louis-Joseph Papineau est né à Montréal en 1786. Son père est notaire. Il étudie au Collège de Montréal et au Séminaire de Québec. De 1805 à 1809, il fait sa cléricature en droit chez son cousin, Denis-Benjamin Viger. En 1808, il est élu député de Kent (Chambly). Deux ans plus tard, il reçoit sa commission d’avocat. En 1814, il devient propriétaire de la maison paternelle rue Bonsecours. Il épouse Julie Bruneau en 1818. En 1823, il se rend en Angleterre en compagnie de John Nelson pour dénoncer le projet d’union des deux Canadas.

 

En 1825, il est élu orateur de la Chambre d’assemblée. En 1827, il s’affirme comme chef de file des hommes politiques du Canada en devenant chef du Parti canadien qui prend le nom de Parti patriote. En 1834, c’est la rédaction des 92 résolutions dans lesquelles sont exprimées les doléances du Parti patriote envers le gouvernement de Londres. En 1837, c’est la réponse du gouvernement anglais par les résolutions Russell, lesquelles vont à l’encontre des intérêts des Canadiens en refusant le principe du gouvernement responsable.

 

À la suite du refus du gouvernement anglais, les Canadiens se révoltent et c’est la bataille de Saint-Denis où les patriotes remportent une victoire.

 

Sa tête mise à prix, Papineau décide de se réfugier aux États-Unis. En 1839, déçu par l’attitude des Américains envers les patriotes, il quitte les États-Unis pour la France. En 1845, profitant d’une amnistie générale il revient au Canada. Il entreprend le deuxième volet de sa vie politique. Louis-Hippolyte Lafontaine le remplace comme chef des Canadiens français. Louis-Joseph Papineau n’aime pas jouer les seconds rôles. En 1854, il se retire dans son manoir de Montebello où il se consacre à l’administration de ses terres. Il y décède, en 1871, à l’âge de 85 ans.

 

La seigneurie est divisée en deux parties : la portion léguée à son fils aîné, Amédée, prend le nom de Papineau; l’autre revient aux enfants de feue Azélie Papineau et Napoléon Bourassa et prend le nom de seigneurie de la Petite-Nation.

 

Amédée Papineau devient propriétaire du manoir à la mort de son père en 1871. Il le conserve jusqu’à son décès, en 1903. Il améliore le manoir en y aménageant un deuxième salon et en y installant l’eau courante. À sa mort, c’est Louis-Joseph III qui en prend possession avec son épouse Caroline Rogers. Les Papineau commencent à éprouver des difficultés financières. En 1922, ils vendent la bibliothèque et doivent se départir du domaine en 1929.

 

Le manoir devient un centre de villégiature et prend le nom de « Seigniory Club ». En novembre 1970, le Canadien Pacifique en devient propriétaire. On parle maintenant du Château Montebello. En 1993, Parcs Canada et la corporation du Canadien Pacifique passent une entente sous emphytéose jusqu’en 2035. Par cette dernière, le manoir et une partie du terrain seigneurial passent entre les mains de Parcs Canada qui s’engage à développer ce lieu touristique tout en restaurant ses composantes afin de lui redonner son éclat original.

 

 

Manoir Papineau Montebello

2.     La Seigneurie de Terrebonne

 

En 1673, la Compagnie de la Nouvelle-France concède une seigneurie à André Daulier-Deslandes, laquelle reçoit le nom de Terrebonne. Cependant, ce dernier ne viendra jamais dans sa seigneurie. En 1681, Louis Lecompte Dupré de Montréal s’en porte acquéreur. En 1707, il y a la construction du premier moulin sur l’Île-des-Moulins. En 1718, c’est François-Marie Bouat qui en est propriétaire

 

En 1720, Louis Lepage, curé de l’Île Jésus, achète la seigneurie. Le nouveau propriétaire constate tout le potentiel que lui offre la rivière entourant l’Île-des-Moulins. Il y fait construire un moulin banal, un moulin à scie et un manoir qui sert de presbytère. Il demande au roi la permission de faire construire une forge. La réponse tardant à venir, il décide d'aller de l’avant, emprunte des capitaux et en commence la construction. Mal lui en prit, puisque le roi décide finalement de refuser son autorisation. Les investisseurs demandent d’être remboursés, le forçant ainsi à vendre sa seigneurie en 1745.

 

Un homme d’affaires écossais, Simon McTavish, en fait l’acquisition. Un nouveau moulin à scie est construit en 1804. Malheureusement, il décède la même année. C’est une compagnie qui loue, alors, l’Île-aux-Moulins. Sous la direction de Henry Mackenzie, cette compagnie fait construire une forge, un moulin à scie, une tonnellerie, un moulin à carder et plusieurs entrepôts. Mackenzie achète la seigneurie en 1817. Mais des conflits surviennent avec les héritiers MacTavish mettant ainsi fin au règne des marchands écossais.

 

En 1822, Joseph Masson, riche marchand de Montréal, achète la seigneurie aux enchères pour une somme équivalant à 100 000$. Ce dernier tient une place importante dans la société montréalaise puisqu’il est à la fois juge de paix, échevin et vice-président de la Banque de Montréal. Il est considéré comme le premier millionnaire canadien-français. Il apporte avec lui une nouvelle technologie des États-Unis : la roue à turbine qui lui permet en fonctionnant toute l’année de quadrupler la production et ses bénéfices.

 

Joseph Masson décède à la suite d’un refroidissement, au printemps 1847, laissant dans le deuil son épouse Geneviève-Sophie et huit enfants. Celle-ci devient propriétaire de la seigneurie. Femme d’affaires, elle poursuit l’oeuvre de son mari. On lui doit la construction d’un magnifique manoir surnommé le « château Masson »

De plus, un bureau seigneurial est construit sur l’Île-des-Moulins où l’administrateur de la seigneurie peut demeurer avec sa famille.

 

À la fin des années 1960, l’Île-des-Moulins est abandonnée par son propriétaire et sert comme parc de maisons mobiles et de terrain de camping. Les citoyens de Terrebonne décident de prendre les choses en mains. En 1973, l’Île-des-Moulins est classée site historique par le Ministère des Affaires culturelles. En 1976, commence la restauration du premier bâtiment, le bureau seigneurial. Chacun des bâtiments est rénové au cours des années suivantes jusqu’en 1993. En 1995, la ville de Terrebonne acquiert le site.

 

Manoir Masson

3.     La seigneurie de Repentigny

 

En 1647, il y a concession d’une vaste seigneurie située près de la rivière L’Assomption par la Compagnie de la Nouvelle-France à Pierre Le Gardeur, sieur de Repentigny.

 

Jusqu’en 1670, il n’y a pas de développement. Pierre Le Gardeur décède en 1648. Le 2 mai 1670, Marie Favery, veuve de Pierre le Gardeur, cède ses droits seigneuriaux à ses fils Jean-Baptiste Le Gardeur et Charles Le Gardeur, à la suite de quoi, les deux frères sont copropriétaires de deux seigneuries : celle de Repentigny et de Bécancour. La même journée les deux frères signent un contrat d’échange : Jean-Baptiste prend celle de Repentigny et Charles devient seigneur de Bécancour.

 

Les transactions continuent : Le 11 mai, Jean-Baptiste considérant qu’il ne peut coloniser toute sa seigneurie, fait acte de donation de la moitié de ses droits à Charles Aubert de la Chesnaye, riche marchand de Québec. Chacun doit se partager la moitié de la seigneurie, mais par suite d’une méconnaissance des lieux de la part de Jean-Baptiste Le Gardeur, la grande majorité du territoire de la seigneurie est accordée à Charles Aubert qui lui donne le nom de La Chesnaye. Jean-Baptiste Le Gardeur ne conserve que la pointe « qui fait fourche avec la rivière l’Assomption » sur laquelle il fait construire un manoir.

 

Avec la paix de Montréal de 1701, le début de la véritable colonisation commence. En 1765, on remarque une nouvelle séparation de la seigneurie de La Chesnaye, dont la partie ouest acquise par un grand propriétaire terrien, Gabriel Christie et la partie est par le sieur Roch de Saint-Ours qui lui donne le nom de l’Assomption. La seigneurie de Repentigny conserve toujours les mêmes frontières. En 1777, Gabriel Christie est propriétaire de la seigneurie de Repentigny. En 1848, la seigneurie est la propriété de Louis-Michel Viger. En 1861, sa veuve, Marie-Aurélie Faribault, est propriétaire des seigneuries de Repentigny et L’Assomption.

 

Le manoir Le Gardeur de Repentigny est construit par Jean-Baptiste Le Gardeur en 1715. À la conquête, son espace est doublé. En 1830, le manoir appartient à John Pangman, riche marchand, qui l’agrandit en y ajoutant deux ailes, l’une servant de logement aux domestiques et l’autre pour les cuisines. En 1930, il est restauré et les dépendances sont remises en valeur. Depuis lors, il est passé entre les mains de plusieurs propriétaires et a changé de vocation à maintes reprises.

 

 

Manoir Le Gardeur Mascouche

4.     La seigneurie de Lavaltrie

 

Voici les dates importantes dans l’histoire de la seigneurie de Lavaltrie :

 

1672 : Concession d’une seigneurie, par l’intendant Talon, à Séraphin Margane, qui lui donne le nom de Lavaltrie. Cette seigneurie est traversée par la rivière L’Assomption.

1675 : Arrivée des premiers colons. En 1699, au décès de Stéphane Margane, la seigneurie de Lavaltrie passe à sa femme, Louise Bissot et ses enfants.

1733 : Vente de sa part de la seigneurie par François Margane à Pierre Margane de Lavaltrie.

1734 : Le territoire de la seigneurie est augmenté.

1790 : Louise Margane de Lavaltrie donne la part de la seigneurie qu’elle avait héritée de son époux, Pierre, à Pierre-Paul Margane.

1810 : Pierre Paul Margane lègue sa seigneurie, par testament à son épouse Marie-Angélique de La Corne et, sa fille unique, Suzanne-Antoinette, épouse de Charles-Gaspard Tarieu Tallant de Lanaudière.

1829 : La seigneurie appartient aux enfants de Charles-Gaspard de Lanaudière, Pierre-Paul Tarieu, Marie-Antoinette Tarieu et Charlotte Tarieu, épouse de Barthélemy Joliette

Joliette

 

On ne peut parler de la fondation de Joliette sans mentionner son fondateur, Barthélemy Joliette. Celui-ci agit en tant que seigneur de Lavaltrie, dont le village de L’Industrie fait partie. Légalement, Joliette est l’époux de la seigneuresse Marie-Charlotte de Lanaudière, mais il agit comme s’il était seigneur en titre.

 

Barthélemy Joliette est né, le 9 septembre 1789, du mariage d’Antoine Joliette, notaire et de Catherine Faribault. En 1804, il entre en cléricature chez son oncle, Joseph-Édouard Faribault du village de L'Assomption. Ce dernier, un important propriétaire terrien, agit, de 1812 à 1822, comme administrateur de la seigneurie de Lavaltrie. En 1820, il fait un court séjour en politique mais ne siège pas, la Chambre ayant été dissoute six jours après sa convocation. Fait important, Barthélemy épouse, en 1813, Marie-Charlotte de Lanaudière, fille de C.G. Tarieu Taillant de Lanaudière. L’épouse apporte en dot le quart de la seigneurie de Lavaltrie et des droits dans le Canton de Kildare, situé à l’arrière de la seigneurie. En 1822, avec le décès de la veuve de Lanaudière, Antoinette Margane de Lavaltrie, l’héritage de Lavaltrie devient libre.

 

L’aîné de la famille hérite de la moitié des biens, mais ne veut pas l’administrer. C’est donc Barthélemy Joliette qui, en 1822, en devient l’administrateur. Joliette et Loedel, son beau-frère, s’associent dans plusieurs entreprises reliées au commerce du bois.

 

La seigneurie compte, à cette époque, 16 rangs de concessions totalisant 690 lots et deux paroisses : Saint-Antoine-de-Lavaltrie et Saint-Paul-de-l’Industrie. La situation économique de la seigneurie montre des arrérages considérables dont Joliette va s’occuper activement.

 

Dès 1822, Barthélemy s’occupe de monter une exploitation de bois. Il développe le domaine Saint-Paul, dont une partie devient le village Industrie. On procède à la construction d’un édifice qui comprend plusieurs types de moulin : à scie, à farine, etc. Joliette s’occupe également de toucher les arrérages des cens et des rentes. En 1825, pour la première fois depuis plusieurs années, il peut déposer un bilan positif.

 

Il obtient le droit de coupe de bois sur d’autres seigneuries limitrophes. En 1826, Bathélemy décide de s’installer près de son moulin et fait entreprendre la construction de deux manoirs (pour lui et son beau-frère qui est également son associé). En 1830, il réussit à se faire élire député du comté. Cependant, il ne peut encore décider l’évêque à ouvrir une nouvelle paroisse.

 

En 1832, il franchit une étape importante dans sa vie publique puisqu’il est nommé conseiller législatif. Après le décès de son beau-frère, Pierre-Paul de Lanaudière, Joliette contrôle directement 75 % de la seigneurie. À cette époque, les rentes sont payées régulièrement, mais c’est le commerce du bois qui devient la principale activité économique de la seigneurie. Une des plus importantes entreprises de Joliette, entre 1847 et 1850, est la construction d’un chemin de fer entre L’Industrie et Lanoraie. Il est terminé peu avant sa mort en 1850.

 

On lui doit beaucoup d’institutions. En 1842, avec le consentement de l’évêque de Montréal, il fait entreprendre à ses frais, la construction d’une église. Trois ans plus tard, c’est la construction d’un collège qui est confiée aux Clercs de Saint-Viateur, nouvellement arrivés au Canada. Il développe le village de L’Industrie en construisant des rues et des infrastructures nécessaires à un village prospère que l’on rebaptisera Joliette.

 

Manoir de Joliette                        

5.     La seigneurie de Berthier-en-Haut (Berthierville)

 

En octobre 1672, l’intendant Talon concède au sieur Radin une seigneurie arrosée par les rivières Chicot, Chaloupe et Bayonne, le long du Saint-Laurent qu’il vend l’année suivante à Alexandre Berthier.

 

Ce dernier est capitaine au régiment de Carignan. Il arrive au Québec, en 1665, à la tête de sa propre compagnie. Quelques mois après son arrivée, ce huguenot se convertit au catholicisme. Il participe à des expéditions contre les Iroquois en 1666. Il retourne en France pour revenir en 1670. Il épouse, en octobre 1672, Marie Le Gardeur de Tilly. La même année, il reçoit de l’intendant Talon la seigneurie de Bellechasse (Berthier-en-Bas) et achète, en 1673, celle du sieur Radin (Berthier-en-Haut). Après 1674, il se consacre à l’agriculture et au peuplement de ses seigneuries. Il s’établit en permanence dans sa seigneurie de Berthier-en-Bas où il décède à la fin de l’année 1678. En 1718, la seigneurie de Berthier-en-Haut est vendue à Pierre Lestage, marchand de Montréal. En 1750, la seigneurie est cédée par la veuve de Pierre Lestage, Marie-Jospèphe-Esther Sayward, à son neveu Pierre-Noël Courthieu qui retourne en France après la Conquête.

 

En 1765, la seigneurie est achetée par James Cuthbert. Ce dernier est officier juge de paix et membre du Conseil législatif. Dès l’arrivée du gouverneur Carleton, successeur de Murray, James Cuthbert et ses partisans s’y opposent farouchement.

 

Tout en poursuivant ses activités politiques, il devient un important propriétaire terrien en acquérant la seigneurie Du Sablé et une partie de Lanoraie ainsi que celle de Maskinongé. À cause de ses nombreuses absences, il est démis de ses fonctions comme juge de paix et conseiller législatif.

 

Durant l’invasion américaine de 1775, il se met à dos plusieurs de ces censitaires en voulant les forcer à faire leur service militaire. Son manoir est détruit par les Américains. Il est fait prisonnier et amené aux États-Unis.

 

Un événement important marque sa vie lorsque son épouse meurt en mars 1785. James Cuthbert décide de perpétuer sa mémoire en construisant une chapelle qui devait servir au culte divin presbytérien.

  

Elle sert de chapelle funéraire pour treize membres de la famille. James Cuthbert montre une tolérance religieuse envers les catholiques en fournissant les terrains pour la construction des églises de Saint-Cuthbert et Sainte-Geneviève à Berthier. À sa grande consternation, deux de ses fils, Alexander et James se convertissent à la religion catholique. Il décède, à Berthier le 17 septembre 1798.

 

En 1798, son fils James devient le nouveau seigneur de Berthier-en-Haut. En 1854, la seigneurie appartient à la succession de James Cuthbert fils.

 

Le premier manoir de Jean Cuthbert avait été incendié lors de l’invasion américaine de 1775. Le manoir qui est ici représenté était situé sur les bords de la rivière Bayonne à proximité de la chapelle Cuthbert.

 

 

 Manoir Cuthbert Berthier-en-Haut (Berthierville)

6.     Les seigneuries de Vaudreuil et Soulanges

 

Philippe de Rigaud, marquis de Vaudreuil, issu d’une noble famille française arrive en Nouvelle-France en 1687. Il veut, comme bien d’autres, faire fortune avec le commerce des fourrures. Il est gouverneur-général du Canada entre 1703 et 1725. Il se marie à Louise-Élisabeth Joybert de Soulanges à Québec le 21 novembre 1690. Pierre Jacques Joybert de Soulanges, frère de Louise-Élizabeth, prend l’initiative de demander au roi pour lui et son beau-frère Philippe, marquis de Vaudreuil, la concession de deux seigneuries. Le 23 octobre 1702, le gouverneur Callières donne suite à cette demande. Avec les deux seigneuries qui donnent accès à la rivière des Outaouais et le haut du fleuve Saint-Laurent, les deux demandeurs désirent pratiquer le commerce lucratif des fourrures. D’ailleurs, dans l’acte royal, la traite avec les « sauvages » est incluse à l’encontre de l’usage normal.

 

Malheureusement, deux mois après son mariage avec Louise Bécart de Grantville, il décède en janvier 1703. Sa fille, Marie Joybert de Soulanges, épouse Paul-Joseph Lemoyne. Avec cette union matrimoniale, les seigneuries de la Nouvelle-Longueuil et de Soulanges sont réunies.

 

C’est le fils de Marie et Paul-Joseph Lemoyne, Joseph-Dominique, qui hérite du titre de seigneur de Soulanges. Il décède sans descendance en janvier 1807. Le domaine passe à son neveu Jacques-Philippe Saveuse de Beaujeu. À son décès, c’est son fils, Georges-René, qui devient le nouveau seigneur. Il choisit de s’établir à Coteau-du-Lac.

 

Quant à la seigneurie de Vaudreuil, suite au décès de Philippe Rigaud en 1725, c’est Pierre-François qui devient le nouveau seigneur. Après la Conquête, les Vaudreuil retournent en France. Ce sont les Chartier de Lotbinière qui assurent la succession. Le marquis Michel-Gaspard de Lotbinière est le premier du nom à prendre la relève. En 1773, son fils, Michel-Eustache, lui succède jusqu’en 1829. Puis c’est sa fille, Louise-Joseph, et son époux, Robert Unwin Harwood, qui héritent de la seigneurie.

 

  

Manoir Beaujeu Pointe-du-Lac

Ce manoir  a été construit vers 1828 par John Simpson douanier au canal de Coteau-du-Lac. Il est acheté par les Beaujeu en 1831. Cet édifice sert maintenant de centre de spiritualité à l’Opus Dei

7.     La seigneurie de Bleury (Iberville)

 

C’est en avril 1733 que le Sieur Sabrevois de Bleury reçoit la concession qui porte son nom. La seigneurie avait l’étendue de trois lieux de front le long de la rivière Chambly (Richelieu) par trois lieues de profondeur. La seigneurie était couverte de terres basses et de forêts. C’est une région fertile et invitante pour d’éventuels défricheurs.

 

Clément de Sabrevois de Bleury, fils de Jacques-Charles de Sabrevois et de Jeanne Boucher, est né à Boucherville, le 16 juillet 1702. Il fait partie de l’aristocratie locale. Il épouse Charlotte Guichard le 19 août 1728. C’est un propriétaire de scieries et de fermes.

 

C’est en 1773 que lui et son frère, Charles, obtiennent les concessions de deux seigneuries : Bleury et Sabrevois. En 1741, les deux seigneuries sont réunies au domaine du roi, les propriétaires ayant négligé d’en promouvoir le peuplement. Puis, il se lance dans la construction navale en association avec l’un de ses oncles, Jean-Pierre Boucher. Il semble que Bleury soit devenu un marchand très prospère. En 1744, les deux frères Bleury réussissent à entrer à nouveau en possession des seigneuries qu’ils avaient perdues. Ils font confirmer par le roi la concession de ces nouvelles terres.

 

Quand éclate la guerre de Sept Ans, Bleury devient chef des services de transport de l’intendant dans la région du Richelieu et du lac Champlain. En 1764, un an après la Conquête, les frères Bleury vendent leurs seigneuries  à Gabriel Christie. Une page de la présence française en Amérique était tournée. Un membre de l’élite des conquérants prend maintenant le relais.

Gabriel Christie

 

Christie est un officier militaire, né à Stirling en Écosse. Il a une rapide ascension dans la hiérarchie militaire. Il est lieutenant-colonel en 1762. Il entre en conflit à plusieurs reprises avec le gouverneur Murray sur l’imposition d’une corvée publique pour le transport du ravitaillement de la troupe entre Lachine et Détroit. Il fait une brillante carrière militaire et obtient le grade de général le 1er janvier 1798.

 

Mais Christie est également un important propriétaire foncier. Il faut souligner qu’au lendemain de la Conquête, la situation lui est favorable. En effet, à partir de 1760, plusieurs seigneurs nobles et bourgeois retournent en France ou connaissent de graves difficultés financières. Ils sont alors prêts à vendre leurs domaines. Dès 1764, Christie acquiert avec son associé, Moses Hazen, les seigneuries de Bleury et Sabrevois.

 

Hazen est né, à Haverhill, au Massachusetts. Il prend part à la guerre du Canada et se couvre de gloire. Il est financièrement à l’aise. Il administre les seigneuries pour le compte de Christie. Sa maison est, alors, sur le site du manoir actuel. Hazen fait construire deux moulins, l’un sur le Richelieu et l’autre sur la rivière Hazen. Comme il est souvent à court d’argent, il emprunte à plusieurs occasions, ce qui inquiète Christie qui demande le partage de leurs seigneuries. La division fait perdre temporairement la seigneurie Bleury à Christie, qui en profite cependant pour acquérir la seigneurie de Noyan. En 1765, il prend possession des seigneuries de Lacolle et Léry.

 

En 1775, lors de l’invasion américaine Hazen, qui est américain de naissance, passe du côté de l’envahisseur et devient le fournisseur de l’armée ennemie. Au cours de la guerre, il est fait prisonnier par les troupes britanniques. Au moment où il doit être amené comme prisonnier à Québec, il est libéré par les troupes américaines. Après la guerre, Hazen doit s’exiler au Vermont et abandonne sa seigneurie.

 

En conflit avec Christie, Hazen fait saisir les biens de ce dernier aux États-Unis. En riposte, Christie fait confisquer à son tour les domaines d’Hazen au Canada et redevient propriétaire de la seigneurie de Bleury. Christie meurt, en 1799, et lègue par testament ses biens à son fils Napier. Il charge le notaire, Edmet Henry, d’administrer ses domaines. Celui-ci fonde les villages de Christieville (Iberville), Napierville et Henryville.

 

À la mort de Napier, sa seigneurie est reprise par son frère naturel, William. Ce dernier meurt en Irlande, en 1845, et lègue la seigneurie de Noyan à la fille de Napier, Mary. Par contre son épouse, Amélia Bowman, hérite de la seigneurie de Bleury. Elle la vend à son tour à son fils, William, en janvier 1860. William Bowman décède en Angleterre en octobre 1867. Il laisse sa seigneurie en fiducie à Robert McGinnis, à charge de la vendre avec le consentement de sa soeur Amélia.


À la mort d’Amélia Christie, en mai 1898, la seigneurie est mise en vente et achetée par Dame Ellen M Jones, le 14 mai 1901. Cette dernière décède le 15 août 1911. Le manoir passe alors en plusieurs mains. En 1942, il est la propriété de Me Ivan Sabourin, avocat.

L’héritage de la famille Christie

 

En 1841, l’église Trinity Church est érigée à proximité du manoir. L’ensemble comprend une église, une maison pour le pasteur, un cimetière et une école. Dans son testament, William Christie lègue sa seigneurie à son épouse et ses héritiers à la condition qu’une somme soit allouée pour le traitement du pasteur ainsi que l’entretien des lieux. De plus, un montant doit être réservé pour payer le salaire de l’instituteur. Le dernier pasteur permanent fut le Rév. G.Rollit, recteur de la paroisse de 1932 à 1945.

Les censitaires et le système seigneurial

 

En 1854, le régime seigneurial est aboli. Les seigneurs reçoivent en échange une généreuse indemnité. Cependant, les cultivateurs et les villageois continuent à payer aux anciens seigneurs ou à leurs ayants droit des rentes annuelles minimes. Le 11 novembre 1940, le Syndicat national du rachat des rentes seigneuriales est formé. Il paie aux seigneurs et à tous les créanciers de rentes la somme en capitale dont l’intérêt au taux 6 % égalait le montant annuel de la rente. Le Syndicat devient le créancier des municipalités qui doivent, dans un délai maximum de 41 ans, percevoir les sommes dues auprès des propriétaires terriens.

 

           

Manoir Christie, Iberville

Le manoir est construit entre 1835 et 1842 par William Christie. Il a été classé monument historique en 1982 et rénové par la famille Baillargeon, les propriétaires actuels.

8.     La seigneurie du Monnoir

 

Cette seigneurie comprenait les territoires actuels de Marieville (Sainte-Marie-du Monnoir), Mont-Saint-Grégoire, Sainte-Angèle-de-Monnoir et Sainte-Brigide d’Iberville. Elle est concédée à Claude de Ramezay, gouverneur de Montréal, le 25 mars 1708.

 

D’après la légende orale, Ramezay aurait choisi le nom à cause d’une colline comprenant beaucoup d’épinettes, ce qui donnait une apparence sombre, d’où le nom de Mont noir. C’est ainsi, qu’on serait passé de Mont noir à Monnoir. Cependant, pendant longtemps cette seigneurie est désignée sous le nom de seigneurie de Ramezay.

Claude Ramezay

 

Cette famille serait originaire d’Écosse. Elle aurait émigré en France vers le début du 16e siècle, où elle prit racine en Bourgogne. En faisant l’achat de plusieurs fiefs, elle peut finalement accéder à la noblesse.

 

Claude Ramezay choisit la carrière militaire et vient au Canada en qualité de lieutenant en 1685. Il épouse, le 8 novembre 1690, à Québec, Marie-Charlotte Denys et s’allie ainsi à une éminente famille de la Nouvelle-France. En 1690, il est nommé gouverneur des Trois-Rivières et, en 1699, il devient commandant en chef des troupes de la Nouvelle-France. En 1704, Claude Ramezay est appelé comme gouverneur de Montréal, poste qu’il occupe jusqu’à sa mort en 1724.

 

C’est un homme impétueux qui entre en conflit avec plusieurs de ses contemporains, tel le gouverneur Vaudreuil. Orgueilleux, il se fait construire sur la rue Notre-Dame une splendide demeure. Comme il a besoin d’argent, il se lance en affaires en devenant un grand propriétaire terrien. En effet, en plus de la seigneurie de Monnoir, acquise en 1708, il se fait concéder la seigneurie de Ramazay qui comprend la paroisse de Saint-Hugues de Bagot et les paroisses voisines en 1710. En 1713, il achète la seigneurie de Sorel. L’exploitation forestière demeure la plus réussie de ses entreprises.

 

Il a 16 enfants, de son mariage avec Marie-Charlotte Denys,. Nous retiendrons les noms de deux d’entre eux, Jean-Baptiste-Roch-Nicholas, deuxième seigneur du Monnoir, et de sa fille Louise, remarquable femme d’affaires qui fait prospérer les entreprises familiales d’une façon hors du commun. Jean-Baptiste Ramezay, né le 4 septembre 1708, est élevé au Château de Ramezay. Lieutenant dans l’armée, il profite de plusieurs promotions pour finalement devenir lieutenant du roi.

 

Il joue un rôle très contesté lors de la Conquête. En l’absence du gouverneur Vaudreuil, le 15 septembre 1759, il convoque un conseil de guerre réunissant les principaux officiers de la garnison. Devant le bombardement éminent de Québec et à la suite de la pression des bourgeois de la ville, Ramezay fait hisser le drapeau blanc. Malheureusement, il ne reçoit pas à temps les instructions de Vaudreuil lui ordonnant de tenir bon en attendant le retour de l’armée à Québec sous le commandement de Lévis. Il retourne en France avec sa famille et vend ses biens. Il y décède le 7 mai 1777.

Louise de Ramezay

 

Fille de Claude Ramazay, elle est née le 6 juillet 1705. Elle demeure célibataire et est amenée à s’occuper des affaires familiales vers l’âge de 30 ans. Rapidement, elle devient une redoutable femme d’affaires. Elle prend en mains l’administration de la seigneurie de Monnoir et la scierie que son père a fait construire au bord de la rivière aux Hurons dans la seigneurie de Chambly. De plus, de concert avec madame J.B. Hertel, seigneuresse de Rouville, elle fait construire un moulin à scie et à farine sur le ruisseau Notre-Dame-de-Bonsecours. Cette scierie fournit le bois pour la construction navale de Québec. Elle administre également d’autres scieries qui vont rendre les Ramezay prospères.

 

Elle est propriétaire, en propre, de la moitié de la seigneurie de Bourchemin de même que celle de Ramezey-La-Gesse et conjointement avec ses frères et soeurs des seigneuries de Ramezay, Monnoir et Sorel. Après la conquête, elle commence à se départir de plusieurs de ses propriétés. Elle meurt à Chambly, le 22 octobre 1776.

3e seigneur : Sir John Johnson

 

Johnson est né, le 5 novembre 1741, près d’Amsterdam dans l’État de New York. Son père est militaire et, suivant la tradition, il le devient à son tour.

 

Ardent loyaliste, il est dépossédé de toutes ses propriétés américaines par le nouveau Congrès. Il doit fuir précipitamment les États-Unis pour se réfugier au Canada. Il est bien accueilli par les autorités britanniques, puisqu’en 1783, il est nommé surintendant et inspecteur général des affaires indiennes pour l’Amérique du Nord britannique. En 1787, il accède au Conseil Législatif. Déçu de ne pas avoir été nommé lieutenant-gouverneur du Haut-Canada, il retourne en Angleterre avec sa famille. Au bout de quatre ans, il revient s’installer définitivement au Canada.

 

Johnson  déploie de grands efforts pour se constituer un patrimoine immobilier. Il fait l’achat de plusieurs propriétés dans le Haut comme dans le Bas-Canada. En 1794, il fait l’acquisition de la seigneurie du Monnoir et un peu plus tard de celle d’Argenteuil. Il se fixe dans un premier temps à Saint-Mathias (manoir Johnson) pour s’établir, finalement, au pied de la montagne Sainte-Thérèse, connue plus tard sous les noms de Mont Johnson et Mont-Saint-Grégoire. Il y fait construire un manoir. Johnson demeure pendant 28 ans seigneur du Monnoir qu’il développe en octroyant plusieurs terres. Il fait venir des censitaires anglais et protestants. Cependant, les nouveaux immigrants anglophones ne restent pas longtemps dans ce milieu déjà majoritairement francophone. Il décède à Montréal, le 4 janvier 1830. Ses restes sont transportés au Mont Johnson pour y être inhumés dans le caveau familial, malheureusement aujourd’hui disparu.

4e seigneur : Jean-Roch Rolland

 

En septembre 1826, John Johnson vend sa seigneurie à Jean-Roch Rolland. Ce dernier est un avocat et juge de Montréal. Il est né le 11 mai 1785, à Montréal. Il est nommé juge de la cour du Banc du roi à Montréal en janvier 1830. Il joue un rôle assez spécial : en effet, Colborne, gouverneur général, fait suspendre l’habeas corpus (ne pas être emprisonné sans un jugement) pour lutter contre les révolutionnaires durant les troubles de 1837-1838.

 

Trois juges de la Cour du banc du roi, Philippe Panet, Elzéar Bédard et Joseph Rémi Vallières suspendent l’ordonnance de Colborne. Ce dernier, outré, démet de leurs fonctions les juges récalcitrants. En avril 1839, le juge Rolland, qui avait déjà approuvé le geste de Colborne, est nommé président de la Cour d’appel provincial. Il se retire du banc en janvier 1855.

 

Il se fait construire un magnifique manoir sur les bords de la rivière des Hurons et donne un élan définitif au développement de sa seigneurie. En 1834, les statistiques de la seigneurie indiquent déjà une population de 4700 catholiques. Il décède dans son manoir, le 5 août 1862, à l’âge de 77 ans. Mais déjà, l’influence des seigneurs s’est amoindrie avec l’abolition du système seigneurial en 1855. Dès 1863, sa veuve donne sa seigneurie à son fils Charles-Octave. Ce dernier vend la part des rentes constituées de cette seigneurie à Robert Jones, en mai 1871, tout en conservant ce qui reste de terrains de la seigneurie du Monnoir.

 

Par après, une suite de transactions font lentement disparaître les derniers vestiges de l’une des plus belles et prospères seigneuries du Québec.

 

 Manoir Johnson , Saint-Mathias

Manoir Rolland, Marieville
 

9.     La seigneurie de Chambly

 

Avant de parler de Chambly, il faut dire quelques mots sur le fameux régiment de Carignan-Salières et de son rôle en Nouvelle-France. Depuis 1641, la Nouvelle-France vivait sous la menace constante des Iroquois. À la suite des multiples demandes des autorités de la Nouvelle-France, dont Mgr Laval, Louis XIV décide d’intervenir de façon importante en envoyant 1200 soldats appartenant au Régiment de Carignan-Salières. En 1665, un premier contingent débarque à Québec. Il comprend 20 compagnies, toutes commandées par un capitaine.

 

Le régiment affronte non seulement les Iroquois, mais également les Hollandais déjà établis dans l’état de New-York. En 1667, les Iroquois sont défaits et un traité de paix est négocié assurant à la colonie française 16 ans de quiétude. Le roi offre alors aux officiers et aux soldats des terres pour s’établir et ainsi peupler la colonie sur les bords du Saint-Laurent et du Richelieu. À la suite des  efforts de l’intendant Colbert et l’arrivée des Filles du roi, la population de la colonie française passe de 4000 à 6300 en quelques mois. Plusieurs seigneuries sont accordées aux officiers du Régiment de Carignan-Salières afin d’assurer le développement du territoire. C’est ainsi que plusieurs villages prennent le nom de l’officier qui s’est vu accordé une seigneurie, à savoir Chambly, Sorel, Varennes, Verchères, St-Ours, etc.

 

Jacques Chambly est le descendant d’une ancienne noblesse française appauvrie par les guerres. Après avoir combattu en Hongrie, il arrive au Canada en juin 1665. Il dirige la construction du fort St-Louis (Chambly) au pied du Richelieu. Il participe à quelques expéditions militaires en Iroquoisie. La guerre terminée, il rentre en France. Sur les recommandations de l’intendant Talon, il revint au Canada, en 1670, comme capitaine d’une compagnie de la marine. Il entreprend l’établissement d’une colonie agricole autour du fort St-Louis. En 1672, il reçoit la concession d’une seigneurie de trois lieues de front de chaque côté du Richelieu. Plusieurs de ses soldats s’y établissent.

 

Ses talents militaires étant reconnus, il est nommé, en 1673, gouverneur de l’Acadie. L’année suivante, il est fait prisonnier par les Anglais. Frontenac accepte de payer la rançon demandée pour sa libération. Il est nommé gouverneur de la Grenade en 1679 et tente sans succès de vendre sa seigneurie. À sa mort en 1687, il lègue sa seigneurie de Chambly à sa fiancée, Marie-Françoise Thavenet.

 

Cette dernière étant décédée, c’est sa sœur, Marguerite, épouse de François Hertel de la Fresnière qui hérite de la seigneurie. À la mort de François Hertel, la seigneurie est partagée.

 

Zacharie, le fils aîné, hérite la moitié de la seigneurie incluant le village de Chambly qu’on appelle la seigneurie de Chambly-Ouest. La seconde moitié (Chambly-Est) est partagée entre les six autres héritiers. L’un d’entre eux est Jean-Baptiste Hertel de Rouville. Après de multiples transactions, la famille Hertel de Rouville réussit à unir presque tous les fiefs de Chambly-Est. Quant à Chambly-Ouest, Zacharie Hertel fait un échange avec son beau-frère Jean-Baptiste de Niverville. C’est ainsi que les Niverville seront les seigneurs de Chambly-Ouest pendant presque cent ans.

 

Jean-Baptiste (fils du précédent) Boucher de Niverville (1714-1800) en sa qualité de fils aîné hérite de la moitié de la seigneurie de Chambly-Ouest. Joseph-Claude Boucher (1715-1804) hérite avec ses frères et soeurs de l’autre moitié de la seigneurie de Chambly-Ouest dont il rachète les parts en 1754. Puis, les ventes se suivent. En 1778, il y une vente d’une partie de la seigneurie de Chambly-Est à Jean-Bapitste Melchior Hertel de Rouville. En 1796, il y a vente par Jean-Baptiste de Rouville et son épouse Marie-Anne Baby de ce qui leur reste de la seigneurie de Chambly-Ouest à Gabriel Christie.

 

En 1816, une partie de la seigneurie de Chambly est vendue à Samuel Hatt qui avait fait la guerre de 1812 contre les Américains en qualité de capitaine. Il est un industriel et homme d’affaires important dans la vie économique régionale. C’est à cette époque qu’il aurait fait construire sa résidence au 22 rue Richelieu qui devient ainsi un manoir seigneurial. En 1845, la seigneurie de Chambly-Ouest est vendue à Philo Letitia Ash, veuve de William Yule. En 1853, celle-ci achète également la seigneurie de Chambly-Est

 

Plus tard, c’est son fils John Yule qui devient le dernier seigneur de Chambly. En plus d’être un grand propriétaire terrien, il exploite une minoterie ainsi qu’une scierie. Sa réalisation la plus importante est la construction d’un pont à péage entre Chambly et Richelieu. Ce pont en bois construit, en 1846, est détruit par le feu en 1891. Il est député de Chambly de 1808 jusqu’en 1843. John Yule meurt le 27 novembre 1886. Avec son décès, prend fin l’histoire de la seigneurie de Chambly qui s’est déroulée sur une période de 144 ans. 

     

Manoir Hertel, Chambly

 

Manoir Hatt, Chambly

10.  La seigneurie de Boucherville

 

En 1664, il y a une première concession d’une seigneurie par le gouverneur Jean Lauzon à Pierre Boucher de Grosbois. En 1667, il s’installe à Boucherville avec les premiers colons. Le nouveau seigneur cède un tiers de la seigneurie à son gendre, René Gauthier de Varennes. En 1668, il construit le fort Saint-Louis et une chapelle. En 1672, l’intendant Talon procède à une nouvelle concession de la seigneurie, amputée de 18 arpents du côté de Varennes, à Pierre Boucher qui lui donne le nom de Boucherville.

 

Pierre Boucher est né, en août 1622, à Mortagne, en Normandie. Il vient en Nouvelle-France, en 1635, avec ses parents. Très tôt, il apprend la langue de plusieurs tribus amérindiennes et sert d’interprète. Il s’installe à Trois-Rivières où il ne tarde pas à s’illustrer. Il devient gouverneur de Trois-Rivières, en 1653. En 1652, dans un deuxième mariage, il épouse Jeanne Crevier dont il a une nombreuse descendance. En 1661, il retourne en France pour plaider auprès du roi la cause de la Nouvelle-France. Durant les 50 dernières années de sa vie, il fait fructifier ses terres et décède à Boucherville, le 19 avril 1717, à l’âge de 95 ans.

 

Au décès de Pierre Boucher, la seigneurie passe à sa veuve, Jeanne Crevier, à son fils, Pierre et ses autres enfants. Au décès de la seigneuresse, en 1727, sa part de la seigneurie (1/2) passe à son fils aîné, Pierre.

 

En 1740, c’est François Pierre qui prend la relève, au décès de son père. Suivant la tradition familiale, ce dernier fait carrière dans l’armée. Il s’illustre au cours de plusieurs expéditions contre les Amérindiens. En septembre 1731, il épouse Marguerite Raimbault, dont il a six enfants. En 1745, il est commandant du fort Chambly. En 1758, à la veille de la Conquête, il prend sa retraite. Après la Conquête, il reste au Canada. Il meurt, en 1767, à Boucherville. C’est son fils, René-Aimable, qui lui succède.

 

En 1812, la seigneurie passe aux mains de Pierre-Aimable de Boucherville, le dernier du nom à occuper cette fonction. En 1887, le manoir seigneurial, qui appartient à Mgr Alexandre Taché, est cédé aux Jésuites qui s’engagent à le conserver.

 

   

Manoir  Boucherville

11.  La seigneurie de Varennes

 

En 1672 il y a concession d’une seigneurie comprenant plusieurs îles et le fief Du Tremblay à René Gaultier de Varennes.

 

Il est peu probable que ce dernier soit d’origine noble, mais des membres de la famille occupaient des fonctions comme conseiller du Roi, avocat général, etc. René Gaultier de Varennes, né en 1635, et a été baptisé à Chinon dans la province d’Anjou. René Gaultier vient en Nouvelle-France en qualité de lieutenant du régiment de Carignan et arrive à Québec en 1665.

 

Il prend pour épouse Marie Boucher, une des filles de Pierre Boucher seigneur de Boucherville et de Jeanne Crevier. Il reçoit, en dot, le fief Du Tremblay et en devient seigneur et propriétaire à son mariage en septembre 1667. Il succède à son beau-père en tant que gouverneur des Trois-Rivières en 1668. René Gaultier vit à Trois-Rivières et ne se rend que rarement dans ses seigneuries.

 

Le nom de Varennes trouverait son origine d’un village, Varenne-sur-Loire situé non loin de Chinon, lieu du baptême de René Gaultier. En 1689, au décès de René Gaultier, la seigneurie passe à sa femme, Marie Boucher, et son fils, Pierre. En 1707, la partie du fief Du Tremblay appartenant à Marie Boucher échoit à Pierre Gaultier de la Vérendrye. En 1773, vente par l’abbé Charles-Madeleine Dufrost à Joseph Boucher des biens et droits de la seigneurie dont il a hérité de sa mère.

 

En 1776, adjudication d’une partie de la seigneurie (4/6) de la seigneurie de Varennes saisie sur les biens de Louise-Charlotte Sarazin, veuve de Varennes, à Christophe Sanguinet. En 1777, vente d’une partie de la seigneurie par Jean-Baptiste Bouat et sa femme à Gaspard Massue. La même année vente d’une autre partie de la seigneurie par Mathurin Bouvet et sa femme au même acheteur. Ce dernier détient alors les 2/6 de la seigneurie.

 

En 1791 la seigneurie appartient en autres à Christophe Sanguinet et Victor Massue. En 1803, il y a vente des 4/6 de la seigneurie par Christophe, Ambroise Sanguin et son fils à Paul Lussier.

 

En 1861, la seigneurie est morcelée et appartient entre autres à Félix Lussier Aimée Massue et Joseph Boucher de la Broquerie.

 

Manoir Massue, Varennes

12.  La seigneurie de Rouville 

 

Avant de parler de ses seigneurs, nous devons prendre la mesure de l’importance de la famille Hertel en Nouvelle-France. C’est dans la région du Richelieu qu’ils vont exercer leur influence notamment dans les seigneuries de Chambly, Rouville, Beloeil, Cournoyer et Saint-Charles. Plusieurs membres de cette famille se sont illustrés au niveau militaire.

 

Jacques, le premier du nom, est né en 1603 en Normandie. Il vient en Nouvelle-France, vers 1615, comme engagé pour les Jésuites. En 1633, il reçoit de la Compagnie des Cents associés un fief dans la région de Trois-Rivières. Après son mariage, il s’y établit. Il meurt accidentellement en 1651.

 

Joseph-François Hertel de la Fresnière, né en 1642, connaît une vie très mouvementée. Très jeune, il devient soldat et se met au service du roi. En juin 1661, il est fait prisonnier par les Agniers. Finalement, au bout de deux ans il réussit à s’enfuir et à rejoindre Montréal.

 

Il épouse à Montréal, en septembre 1664, Marguerite-Josèphe de Thavenet. Il participe à de multiples raids contre les Amérindiens et les Anglais. En 1690, il met sur pied trois groupes militaires qui partent de Québec, Trois-Rivières et Montréal avec mission de dévaster plusieurs bourgades. Lui-même a pour objectif de prendre possession de Salmon Falls à la tête d’une petite troupe. En l’espace de deux heures, tout est anéanti.

 

À cause de sa bravoure et de ses états de service, Frontenac tente, dès 1689, de lui obtenir des lettres de noblesse. Ce n’est qu’en 1716 que Rigaud de Vaudreuil lui remet ses lettres de noblesse. Grâce à son mariage à Marguerite-Josèphe de Thavenet, il hérite de la seigneurie de Chambly pour laquelle il rend foi et hommage en octobre 1691. De plus, en mai 1701, il rend foi et hommage pour deux autres seigneuries attenantes à la seigneurie de Rouville. François Hertel meurt, en 1722, et est inhumé à Boucherville.

 

Le troisième fils de François Hertel, Jean-Baptiste est né le 26 octobre 1668 à Trois-Rivières. À l’exemple de son père, il s’illustre dans une brillante carrière militaire. Il est anobli, en 1688, avec le titre de Sieur de Rouville.

 

En 1693, Jean-Baptiste de Rouville adresse une requête à l’intendant de la Nouvelle-France lui demandant que lui soit accordé un territoire non concédé près de la seigneurie de Chambly. En janvier 1694, la seigneurie de Rouville lui est accordée. Il ne cesse de participer à de dangereuses missions qui lui sont confiées par les gouverneurs de la Nouvelle-France. Le 23 décembre 1721, sublime honneur, il est fait chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis. Il meurt, le 30 juin 1722, un mois après le décès de son père.

 

Le deuxième seigneur de Rouville, Jean-Baptiste François, semble s’intéresser davantage au développement de sa seigneurie puisqu’en novembre 1731 une première terre est concédée. Il n’habite cependant pas sa seigneurie, résidant plutôt à Chambly. Il meurt en 1776 sans laisser d’héritiers en ligne directe.

 

Après la Conquête, comme les seigneurs ne sont pas requis par les autorités anglaises pour occuper des fonctions publiques, plusieurs d’entre eux doivent vendre leurs seigneuries pour des prix dérisoires. Néanmoins, les Hertel les conservent.

 

C’est René-Ovide, frère de Jean-Baptiste, qui prend la relève, en 1722, son frère devenu impotent lui vend la seigneurie. Après son mariage, décrié, avec Catherine André de Leigne, René-Ovide, au contraire de ses prédécesseurs, s’oriente vers le barreau. Il a trois enfants, dont Jean-Baptiste Melchior. À la conquête, il passe en France pour revenir rapidement au Canada, en 1763. Avec l’Acte de Québec, un petit nombre de Canadiens entrent dans la fonction publique, dont René-Ovide, nommé magistrat. Il agrandit sa seigneurie par l’achat de terres dans la seigneurie de Chambly. Il n’a cependant jamais habité sa seigneurie.

 

Son fils Jean-Baptiste-Melchior devient le quatrième seigneur de Rouville. Après un séjour en France, il rentre au Canada en 1772. Au décès de son père, il hérite de la moitié de la seigneurie de Rouville et la moitié de celle de Chambly-Est. Il doit racheter de sa belle-mère les cinq huitièmes d’un héritage qui menace de sortir de la famille. Il s’occupe activement du développement de ses seigneuries. Il se fait construire un magnifique manoir à Chambly sur une terre qui lui appartient. Il décède, en 1817, à l’âge de 69 ans.

 

Jean-Baptiste-René fils de Melchior lui succède et devient le dernier du nom comme seigneur de Rouville.

Il est le premier seigneur à y habiter. Il fixe sa demeure à Saint-Hilaire sur les bords du Richelieu.

 

Il représente le comté de Richelieu, Bedford et Rouville à titre de député. En 1837, il est nommé au Conseil législatif. Il est cependant un piètre administrateur et connaît de sérieuses difficultés financières. Il quitte son manoir pour aller vivre chez un de ses fils à Sorel et donne mandat à son gendre, le docteur Jean-Baptiste Brosseau de Beloeil, de vendre sa seigneurie.

 

La vente est faite à Thomas Edmund Campbell, le 16 avril 1844. Né à Londres en 1809, il est le descendant d’une grande famille écossaise et connaît une brillante carrière militaire. Il arrive au Canada en pleine période insurrectionnelle, en 1837. Il prend part à la bataille contre les rebelles de Châteauguay. En novembre 1841, il épouse à Saint-Ours Henriette-Julie Juschereau-Duchesnay. Elle est la fille de Michel-Louis Juchereau-Duchesnay, seigneur de Fossambault et Louise-Catherine d’Irumberry de Salaberry. Elle est donc issue de deux illustres familles canadiennes. En avril 1844, il acquiert la seigneurie de Rouville. Après un bref séjour en Angleterre, il vient s’installer définitivement au Canada en 1846. Il implante une ferme modèle avec des nouvelles techniques qui exercent une grande influence sur ses censitaires. Comme actionnaire du Grand Trunk, il use de son influence pour faire construire le chemin de fer St.Lawrence and Atlantic à St-Hilaire, ce qui est fait en décembre 1848. C’est un des seigneurs anglais d’après la Conquête qui est des plus appréciés par les Canadiens. Il a huit garçons et une seule fille qui d’ailleurs meurt à l’âge de douze ans.

 

C’est son fils Edmund Alexander qui selon la tradition britannique hérite de la seigneurie. Il sert dans l’armée anglaise. C’est en 1876 qu’il quitte les Indes pour revenir au Canada. Il demeure très peu de temps sur ses terres. Étant repassé en Angleterre, en octobre 1884, il vend sa seigneurie à ses frères. En effet, ses frères Bruce, Donald et Colin se sont unis pour l’achat de la seigneurie. Malheureusement, les trois frères ne réussissent pas à la rentabiliser. Alexandre Edmund Charles, le principal créancier, doit revenir en 1883. Progressivement, la seigneurie est démembrée et vendue à la pièce. C’est, finalement, Mabel Allan, épouse du frère cadet Colin Campbell, qui rachète le manoir, la ferme et les dépendances. Elle était la fille du magnat de la navigation, Sir Hugh Allen. Elle demeure dans son manoir pendant une longue période de soixante-trois ans. Elle décède à son tour, en 1955, à l’âge de 89 ans. Après quoi, le manoir passe en plusieurs mains pour devenir aujourd’hui un hôtel de prestige.

 

    

Manoir Campbell, Saint-Hilaire

13.  La seigneurie de Cournoyer (Saint-Marc-sur-Richelieu)

 

L’histoire de la seigneurie de Cournoyer commence avec la concession d’un fief par le gouverneur Frontenac, le 1er mars 1695, à Jacques Hertel de Cournoyer. Cette seigneurie est la voisine à l’ouest du fief de Verchères, au nord de Contrecoeur longeant le Richelieu.

 

Jacques Hertel est né à Trois-Rivières le 19 mars 1667. Il est le fils de François Hertel, seigneur de Chambly et de Marguerite Thauvenet. Il est officier de la marine et occupé par la guerre contre les Amérindiens, ce qui ne lui laisse que très peu de temps pour développer sa seigneurie. À ce moment, le principal souci de l’administration coloniale est de combattre les Agniers qui envahissent la Nouvelle-France par le Richelieu. D’où la nécessité de construire plusieurs forts le long de ce cours d’eau.

 

Quelques terres sont concédées de 1726 à 1729. Cependant, ce n’est qu’à partir de 1730 que le développement commence pour de bon par l'octroi de plusieurs terres. Les premières concessions se font le long du Richelieu, puis graduellement plus en profondeur à l’intérieur de la seigneurie. Le premier seigneur meurt à Trois-Rivières, le 4 septembre 1748, à l’âge de 81 ans.

 

Le deuxième seigneur, pour seulement quelques mois, est son fils aîné qui meurt en avril 1749. Le troisième seigneur est Joseph un autre fils de Jacques. En 1751, la majorité des terres sont concédées. C’est lui qui fait construire un moulin banal.

 

Le huitième seigneur Joseph-Toussaint Drolet achète la seigneurie le 22 octobre 1825. Il est le premier à habiter cette seigneurie dont il est d’ailleurs originaire. Il est député de Verchères à Québec. Il prend une part active à la Rébellion de 1837 et sa tête est mise à prix par le gouverneur Gosford avec d’autres chefs du Parti des patriotes. Il meurt subitement en novembre 1838 dans son manoir.

 

Le dixième seigneur est Pierre Dominique Debartzch, né le 22 septembre 1782 et marié à Josèphe de Saint-Ours. Pierre Debartzch est propriétaire de la seigneurie de Saint-François-Le-Neuf (Saint-Charles) depuis 1813. Il acquiert la seigneurie de Cournoyer le 10 avril 1841 et vient s’installer dans le manoir Drolet. Il décède en septembre 1846, à l’âge de 63 ans.

 

C’est sa fille, Louise Aurélie, qui devient seigneuresse de Cournoyer pour une brève période puisqu’elle décède à son tour, en juillet 1850, à l’âge de 28 ans.

 

Le treizième seigneur est John Fraser de Berry. Il avait épousé sa cousine Élisabeth Fraser, fille du seigneur de Rivière-du-Loup. En 1851, il quitte Terrebonne pour venir s’installer à Cournoyer qu'il vient d’acheter. Il est nommé au Conseil législatif pour la division de Rougemont. Il décède en novembre 1876. Son épouse lui succède comme seigneuresse. Elle se défait du manoir en 1880. Ce dernier, ayant sans doute besoin de grandes rénovations, est démoli vers 1891.

 

La seigneurie passe ensuite dans les mains de la famille Blanchard, les derniers seigneurs de Cournoyer. Il faut se rappeler qu’avec l’abolition du système seigneurial, les propriétaires terriens doivent continuer à payer des rentes constituées ou peuvent les racheter. En 1941, le Syndicat du rachat des rentes seigneuriales rachète les dernières rentes constituées. Ce sont alors les municipalités qui sont chargées de percevoir les toutes dernières rentes que doivent encore certains propriétaires. Les montants annuels ainsi perçus sont insignifiants, les cotisations pouvant varier d’entre 0,01 à 1,10 $. Dans les années 60, les derniers reliquats de ce système disparaissent complètement.

 

 

 

Maison Loranger, Saint-Marc-sur-Richelieu
 

14.  La seigneurie Saint-François-Le-Neuf ou Saint-Charles-sur-Richelieu

 

En 1695, il y a concession d’une seigneurie le long du Richelieu à François Hertel de la Frenière. En 1722, la seigneurie est léguée par François Hertel de la Fresnière, à son fils aîné, François Zacharie Hertel de la Fresnière. Il hérite également de la moitié de la seigneurie de Chambly qu’il échange pour un arrière-fief de 60 arpents carrés dans la seigneurie de Boucherville avec son beau-frère Jean-Baptiste Boucher.

 

En 1743, il y a vente de la seigneurie par François Zacharie Hertel de la Fresnière à Joseph Marchand

 

En 1770, les biens de Joseph Marchand sont saisis. La seigneurie est adjugée à Jean Jennisson. Il y a encore saisie des biens de feu Jean Jennisson en 1798. La seigneurie passe à James Walker.

 

En 1802, la veuve de James Walker, Marguerite Hughes, voit à son tour ses biens saisis. La seigneurie  devient alors la propriété de André Winckelfos. De nouveau, en 1826, il y a saisie des biens de André Winckelfos. Finalement, la seigneurie passe dans les mains de Pierre-Dominique Debartzch, le plus connu de ses seigneurs.

 

Pierre Dominique Debartzch est né le 22 septembre 1782 à Saint-Charles. Il est le fils unique de Dominique Debartzch, d’origine polonaise, et de Marie-Josèphe Delorme dont la famille est associée à la seigneurie de Saint-Hyacinthe. À l’âge de 4 ans, son père fait faillite et s’exile aux États-Unis pendant que sa mère riche propriétaire terrienne retourne à Saint-François-du-Lac. Il fait des études en droit. En 1802, il hérite des deux huitièmes de la seigneurie de Saint-Hyacinthe.

 

Après un séjour en Angleterre, il rentre au pays en 1809 et se joint au Parti canadien de Louis-Joseph Papineau. Durant la guerre de 1812, il est officier de l’armée anglaise. En 1826, il devient propriétaire de la seigneurie de Saint-François-Le-Neuf (Saint-Charles). De plus, il est un entrepreneur très prospère. L’Angleterre, victime du blocus de Napoléon, doit s’approvisionner en bois en Amérique du Nord, ce qui donne à Debartzch un marché pour écouler son bois.

 

Saint-Charles, appelé à ce moment, le village Debartzch, est le plus important centre commercial du Bas-Richelieu.

 

En 1814, Dominique Debartzch devient membre du Conseil législatif, fonction qu’il occupe jusqu’en mars 1838. Il épouse, en 1815, Josèphe de Saint-Ours, fille de Charles de Saint-Ours prospère et riche seigneur de la seigneurie du même nom.

 

Il préside la célèbre réunion des six comtés des patriotes qui dénonce les injustices des autorités coloniales anglaises. Cependant à l’été 1836, Debartzch prend ses distances relativement au Parti patriote. En 1837, il est sympathisant des loyalistes. Durant la rébellion, il est obligé de se réfugier à Montréal avec sa famille. Son manoir est mis à sac. La rébellion terminée, il décide de quitter sa seigneurie. En effet, en 1841, il acquiert la seigneurie de Cournoyer où il va s’installer avec sa famille. Il y décède à l’âge de 63 ans, détesté par les siens.

 

Maison du forgeron, Saint-Charles-sur-Richelieu

 

15.  La Seigneurie de Saint-Hyacinthe

 

La seigneurie de Maska est accordée pour une première fois, le 23 novembre 1748, à Pierre François Rigaud, seigneur de Vaudreuil. En octobre 1753, il cède cette seigneurie à Jacques-Hyacinthe de l’Orme qui prête foi et hommage à Québec le 24 janvier 1754. Un premier manoir est construit au Rapide-Plat. En 1778, au décès de Jacques-Hyacinthe, la seigneurie devient la propriété de sa femme, Marie-Anne Crevier. En 1798, Marie-Anne décède à son tour et la seigneurie passe à Hyacinthe-Marie Delorme pour les 5/8 et à Pierre-Dominique Debartzch, petit-fils de Jacques Hyacinthe. Pour faire suite à une querelle entre les héritiers Delorme, Jean Dessaulles se fait léguer une grande partie du domaine situé de chaque côté de la rivière Yamaska.

Jean Dessaulles

 

Revenons un peu sur l’histoire. La seigneurie porte le nom de Saint-Hyacinthe au moment où elle devient la propriété de Hyacinthe-Marie Delorme. Au début du 19e siècle, la seigneurie est partagée, les 3/8 revenant par héritage à Pierre-Dominique Debartzch, d’origine allemande qui avait marié la soeur de Hyacinthe-Marie Delorme. Une querelle de famille décide le seigneur Delorme de faire de Jean Dessaulles, laboureur de son état et administrateur de sa seigneurie, son héritier. La seigneurie est vaste et englobe ce qui devient les municipalités de Saint-Hyacinthe, Saint-Pie, Saint Damas et la Présentation. Jean Dessaulles est le fils d’un Suisse venu s’installer à Saint-François-du-Lac après avoir marié Marie Crevier, apparentée aux Delorme.

 

Jean Dessaulles s’occupe activement du développement de sa seigneurie qui compte au-delà de 13 000 âmes en 1832. Il s’intéresse à l’instruction et s’associe au curé Girouard pour la fondation d’un collège classique. Il est élu député de Richelieu et du nouveau comté de Saint-Hyacinthe, en 1829. Il défend les idées nationalistes de Papineau, mais s’élève contre toute forme de violence. Il est nommé, en 1832, au Conseil législatif où il affirme son indépendance en votant toujours selon ses convictions et non selon une ligne de parti. En 1816, il épouse Marie-Rosalie Papineau, soeur du célèbre tribun. Six enfants naîtront de cette union. Ses fonctions officielles lui donnent quelques soucis quant à l’administration de sa seigneurie. Heureusement, il peut compter sur la compétence de son épouse dont le père est seigneur de la Petite-Nation.

 

Selon sa correspondance, il est très attaché à sa femme et ses enfants dont il est séparé pendant ses longs séjours à Québec. Jean Dessaulles meurt à l’âge de 69 ans, le 20 juin 1835.

Marie-Rosalie Papineau Dessaulles

 

Fille cadette de Joseph Papineau et soeur de Louis-Joseph, elle épouse Jean Dessaulles seigneur de Saint-Hyacinthe en mai 1816. Elle a six enfants. Au décès de Jean Dessaulles, en 1835, elle accepte le testament en consentant à ce que la seigneurie soit cédée à son fils aîné, Louis-Antoine, lorsqu’il deviendra majeur, même si elle pouvait demander la moitié du domaine, étant mariée en communauté de biens. Louis-Antoine doit cependant indemniser son frère, Georges-Casimir et sa soeur, Rosalie-Eugénie.

 

Néanmoins, c’est Marie-Rosalie qui administre la seigneurie pendant plusieurs années en tant que tutrice de Louis-Antoine. Dès le début de sa prise en charge de la seigneurie, elle éprouve de graves difficultés financières et demande à son frère, Louis-Joseph, de lui venir en aide. Durant la Rébellion de 1837, elle joue un rôle important pour aider son frère Louis-Joseph, réfugié à Saint-Hyacinthe, à passer la frontière avec l’aide de quelques amis sûrs. Par la suite, elle quitte son manoir pour se mettre à l’abri au presbytère d’un de ses frères qui est curé dans la région. La seigneurie continue à accumuler de lourdes dettes. Elle administre la seigneurie jusqu’à la majorité de Louis-Antoine, en 1839, et décède le 5 août 1857.

Louis-Antoine Dessaulles

 

Avant de prendre le titre de seigneur, Louis-Antoine se rend en France rejoindre son oncle Louis-Joseph Papineau. À son retour d’Europe, il s’intéresse aux idées de liberté qui circulent en France. Il s’en prend aux autorités de son alma mater, le collège de Saint-Hyacinthe. Il fonde même un journal, le Pays, pour défendre ses idées. Reconnu comme étant passablement violent et têtu, il mène une vie dispendieuse qui met en péril la succession. En 1852, inquiets pour l’avenir de leur part d'héritage, sa soeur Rosalie et son frère, Georges-Casimir demandent la division de la seigneurie en trois parties. C’est ainsi qu’une partie est accordée à Georges-Casimir qui devient la seigneurie de Yamaska, tandis qu’une autre partie accordée à Marie-Rosalie prend le nom de Rosalie.

 

Louis-Antoine a quand même une vie publique importante puisqu’il est maire de Saint-Hyacinthe de 1849 à 1857. Il devient également membre du Conseil législatif, en 1856, après deux vaines tentatives pour se faire élire à la Chambre d’assemblée.

 

En 1863, il est nommé greffier de la couronne, ce qui entraine sa démission comme membre du Conseil législatif. En 1866, ruiné par ses expériences journalistiques, son train de vie et de mauvais placements, Louis-Antoine vend sa seigneurie à Robert Jones.

 

Aux prises avec de graves difficultés financières depuis 1870, Louis-Antoine retient pour son usage personnel de l’argent perçu dans l’exercice de ses fonctions. Découragé, il s’enfuit aux États-Unis pour ensuite se rendre d’abord en Belgique, puis en France où il s’installe définitivement. Il ne revient jamais au Canada. Il survit grâce aux allocations que lui fait parvenir son gendre, François Ligori Béique. Il y meurt, le 4 août 1895, après 20 ans d’exil.

 

 

Manoir Saint-Hyacinthe                          

 

16.  La seigneurie de Contrecoeur

 

En 1672, il y a concession d’une seigneurie face au Saint-Laurent par l’intendant Jean Talon à Antoine Pécaudy de Contrecoeur près des seigneuries de Cournoyer et Saint-Ours. Antoine de Pécaudy, Sieur de Contrecoeur, était capitaine du régiment de Carignan-Salières. Il est né à Vigneau en Dauphiné. Il épouse, le 9 septembre 1667, Barbe Denys De la Trinité à Québec qui est âgée de 15 ans. Ils ont trois enfants : Louis, Marie et François-Antoine.

 

En 1688, au décès d’Antoine Pécaudy, la seigneurie passe à son fils François-Antoine. En 1695, la seigneurie est partagée entre plusieurs héritiers. Il y a cession de plusieurs arrière-fiefs par François-Antoine Pécaudy, en 1729, à ses filles Louise, Renée et Charlotte. En 1743, au décès de François-Antoine Pécaudy de Contrecoeur, la seigneurie passe à ses enfants Claude-Pierre, Marie-Françoise et Louise

 

À partir de 1763 jusqu’en 1774, Claude-Pierre Pécaudy de Contrecoeur rachète plusieurs arrière-fiefs qui avaient déjà été concédés. En 1775, au décès de Claude-Pierre de Pécaudy, la seigneurie devient la propriété de son neveu Xavier Boucher de Laperrière.

 

En 1809, ce dernier vend la seigneurie à François Xavier Mailhot. En 1846, John Fraser acquiert la seigneurie et finalement, en 1872, la seigneurie est vendue aux enchères à Joseph-Rosaire Thibodeau.

 

Les derniers seigneurs de Contrecoeur (ayant les droits de rente) sont Jeanne Cartier-Richard et son frère Joseph-Louis Cartier de 1922 à 1950. Jeanne Cartier épouse, en juin 1907, le notaire Jean-Marie Richard. Le jeune couple prend possession et habite la Maison Lenoblet-Duplessis qu’il rénove. Construite en 1794, cette maison tient son nom de la famille Lenoblet-Duplessis qui l’habite durant près de 100 ans.

 

Le moulin Chaput a été construit en 1742 par Claude-Pierre Pécaudy de Contrecoeur. Ce moulin a été durant un siècle et demi au service des habitants de la seigneurie de Contrecoeur. Il est l’un des derniers moulins à vent d’origine du Québec.

 

 

                       

Maison Duplessis, Contrecoeur

17.  La seigneurie de Saint-Ours

 

Pierre de Saint-Ours fut le premier du nom à avoir foulé le sol de la Nouvelle-France. Il était seigneur de l’Échantillon dans le Dauphiné, en France. Il est né, en octobre 1640, à Grenoble. Il entre dans le régiment de Carignan-Salière. En 1664, il prend possession du patrimoine familial en France. En 1665, il reçoit sa commission de capitaine et s’embarque en mai pour la Nouvelle-France. Il participe à l’expédition de 1666 contre les Iroquois. En 1668, il se marie à Marie Mullois de qui il a 11 enfants. Il reçoit alors la seigneurie de Saint-Ours sur le Richelieu où il se fait construire une demeure seigneuriale tout en bois. La mise en valeur de la seigneurie se fait lentement à cause des nombreuses attaques des Iroquois. Il faudra attendre en 1703 pour la construction du premier moulin banal.

 

Pendant ce temps, il continue une carrière militaire très active comme commandant du Fort de Chambly. Les temps sont durs pour Saint-Ours et sa famille, ils vivent très pauvrement. Il songe à retourner en France, lorsqu’on lui octroie une subvention qui lui permet de demeurer en Nouvelle-France.

 

En 1704, le roi lui décerne le titre de Chevalier de Saint-Louis. Il fait, occasionnellement, le commerce des fourrures. En 1708, il prend sa retraite. En 1710, il quitte Montréal qu’il habite depuis quelques années pour se retirer dans sa seigneurie où il décède en octobre 1724. À sa mort, sa seigneurie est encore peu développée.

Charles de Saint-Ours

 

C’est à son descendant, Charles Saint-Ours, que l’on doit le développement du domaine et la construction du manoir actuel. Né le 24 août 1753, il est le fils cadet de Pierre-Roch de Saint-Ours, officier dans les troupes de la marine et de Charlotte Deschamps de Boishébert. Après la conquête, il collabore avec les nouvelles autorités anglaises qui lui permettent d’avoir une importante carrière militaire. C’est ainsi qu’il participe à la guerre contre l’invasion américaine de 1775. Il occupe d’importantes fonctions comme aide de camp des gouverneurs Carleton et Haldimant. En 1812, il est colonel du bataillon de milice Saint-Ours.

 

En 1782, Saint-Ours avait hérité d’une partie des seigneuries de Saint-Ours, de l’Assomption et de Deschaillons.

 

Le premier but de Charles de Saint-Ours est de remembrer la seigneurie de Saint-Ours qui au court des ans avait été morcelée entre plusieurs héritiers. Successivement, il rachète les parts de ses frères, Charles-Quison et Paul-Roch, ainsi que de sa sœur, Jeanne-Geneviève. Il lui faudra 30 ans pour atteindre son objectif.

 

Quant au manoir, sa construction est commencée, en 1792, sur un domaine que Charles peut constituer à la suite d’échanges de terrain. Il a soixante pieds de long par 34 de profondeur. C’est un bâtiment en pierres de champs. Le terrain y est aménagé avec des jardins qui font la fierté de son propriétaire. Les Saint-Ours fréquentent la haute société du temps en recevant à de nombreuses reprises plusieurs membres de cette élite du Bas-Canada.

 

Le seigneur de Saint-Ours travaille très vigoureusement au développement de sa seigneurie puisque, de 1781 à 1827, plus de 400 concessions sont accordées. Il participe intensivement à la fondation du séminaire de Saint-Hyacinthe en prônant une accessibilité plus grande pour l’instruction dans le monde rural. Il remet des bourses d’études permettant à des fils de cultivateurs moins bien nantis de faire le cours classique. Il est nommé au Conseil législatif où il siège jusqu’à sa mort. Il a épousé, en 1812, Josette Murray nièce du gouverneur Jacques Murray. Il meurt le 11 novembre 1834. En 2006, le domaine seigneurial appartenait toujours aux descendants de Saint-Ours, ce qui constitue un cas unique au Québec. Il a une valeur patrimoniale inestimable.

 


             

Manoir Saint-Ours       

18.  La seigneurie Massue,   le fief Saint-Charles (Saint-Marcel)

 

Cette seigneurie était située sur les bords de la rivière Yamaska. Elle comprend le territoire actuel des paroisses de Saint-Aimé, Saint-Robert, Saint-Louis, Saint-Marcel et une petite partie de Saint-Hugues.

 

En 1701, René Fezeret reçoit le territoire du fief Saint-Charles, nom venant du prénom de son fils aîné. Ce fief comprend la paroisse Saint-Marcel et une partie de Saint-Aimé. Il devient également propriétaire du fief Bonsecours. En 1720, il lègue le fief Saint-Charles à son petit-fils, Charles-Henri de Thiersant, fils mineur de sa fille Marie-Joseph et de Gabriel Thiersant. Ce dernier se fait construire, en 1723, une maison pièce sur pièce dans le fief Saint-Charles. En 1725, un moulin à scie est en fonction. En 1750, au décès de Charles-Henri, le fief Saint-Charles passe aux mains de ses deux fils : François-Henri et Pierre-François.

 

Après la conquête, en 1764, la seigneurie appartient à Georges Jackson. En 1772, par une vente aux enchères, la seigneurie devient la propriété de Thomas Barrow qui prend possession des trois fiefs : Saint-Charles, Bonsecours et Bourgmarie-ouest. En 1774, il prend possession du fief Bourchemin, propriété de Louise de Ramsay.

 

En 1780, Thomas Barrow lègue tous les fiefs à son fils, Thomas-James Barrow. Celui-ci, militaire de profession, retourne vivre en Angleterre. En 1789, la seigneurie est vendue à Dame Mary Downer Barrow qui vit en Angleterre. En 1807, à son décès, la seigneurie retourne à son fils Thomas-James Barrow.

 

En 1833, c’est l’ouverture des chemins du fief Saint-Charles. Le 1er octobre 1833, le fief Saint-Charles est vendu à Aimé Massue. Pendant plusieurs années, la seigneurie continue à porter le nom de Barrow. Finalement, Massue fait l’acquisition des quatre fiefs de la seigneurie et construit une route qui part de la rivière jusqu’au 4e rang, longeant ainsi Saint-David. L’ouverture de cette route active le développement du fief Saint-Charles. En 1835, plus de 60 concessions sont faites dans le fief Saint-Charles.

 

La même année, il confie l’administration de ses propriétés à son fils, Gaspard, et procède à la construction d’un manoir seigneurial.

 

Vers 1840, les habitants du fief Saint-Charles veulent se détacher de la paroisse Saint-Aimé et s’annexer à celle de Saint-Hugues pour s’éviter la traversée de la rivière Yamaska et le mauvais état des routes. Il va sans dire que le curé de Saint-Aimé s’oppose fortement à ce projet.

 

En 1845, les habitants désireux d’avoir leur office religieux à proximité optent pour une maison abandonnée du 4e rang où le curé de Saint-Aimé ou son vicaire viennent faire le service religieux occasionnellement. Au cours des années suivantes, le projet poursuit son chemin. Il y a des requêtes à l’évêque qui sont favorables, d’autres qui s’y opposent farouchement. Le 10 septembre 1852, il y a l’érection canonique de la paroisse Saint-Marcel par détachement de celle de Saint-Aimé.

 

En 1854, les droits seigneuriaux ayant été abolis, le gouvernement en fait payement aux seigneurs. Cependant, les rentes demeurent à la charge des propriétaires qui peuvent les régler entièrement ou payer en plusieurs versements.

 

Le 2 juin 1866, à l’âge de 84 ans décède Aimé Massue. Il lègue tous ses biens à son fils Gaspard Aimé.

 

 

 

Manoir Massue, Massueville

19.  La seigneurie de Sorel

 

La colonie de la Nouvelle-France est en grave danger relativement aux attaques renouvelées des Iroquois. La milice canadienne n’est pas organisée. Aussi le roi de France décide d’envoyer l’un de ses plus célèbres régiments, le régiment Carignan-Salières. Il compte 1200 soldats et arrive au Canada à l’été 1665. En août de la même année, Saurel est envoyé pour construire un fort à l’embouchure du Richelieu. Il passe l’hiver 1665-1666 dans son fort. En juillet 1666, il prend la tête d’une expédition contre le village des Agniers. En septembre, il fait partie d’une nouvelle expédition avec le gouverneur Tracy contre les mêmes villages.

 

Les soldats de Carignan sécurisent la colonie. Leur présence en impose aux Iroquois. La paix étant revenue ce régiment est licencié en 1668. On incite alors fortement les officiers et les soldats du régiment à s’installer en Nouvelle-France en leur offrant des terres.

 

Saurel épouse, le 10 octobre 1668, Catherine Le Gardeur de Tilly. En 1672, il reçoit la seigneurie qui prend son nom. Cette seigneurie a deux lieues et demie de front sur deux de profondeur. Elle comprend plusieurs îles comme Saint-Ignace, l’Île de Grâce, l’Île Ronde, etc.

 

En 1676 apparaît la vente d’une paire de boeufs à Jean Lavallée mon ancêtre. Le seigneur de Saurel, comme tous les autres seigneurs de l’époque, ne vit pas dans l’opulence même s’il se fait bâtir un manoir dès le début du défrichement de la seigneurie.

 

Il se livre au commerce des fourrures pour se procurer les fonds dont il a besoin pour développer son domaine. En juin 1682, il prend la tête d’une expédition commerciale vers l’Ouest. Il meurt subitement en novembre 1682. Son corps repose dans les sous-sols de l’église Notre Dame de Montréal. Il laisse sa seigneurie à son épouse qui n’a pas d’enfant.

 

La seigneurie est endettée et Mme de Saurel doit lutter pour ne pas être dépouillé par les créanciers de son mari. Pourtant avec le recensement de 1681, on constate qu’il avait fait développer pour son compte personnel une ferme où quelques serviteurs s’affairent à défricher la terre. De plus, plusieurs terres sont concédées. Sorel compte, en 1681, vingt ménages formant une population de 118 âmes.

 

Cependant, en 1713, la seigneurie est saisie à la demande de son principal créancier Charles Aubert de la Chesnaye et vendue à l’encan. C’est ainsi que Claude de Ramezay en prend possession.

 

Cette famille est déjà propriétaire d’autres seigneuries dont celle de Monnoir ainsi que la seigneurie de Ramezay. L’aveu et dénombrement de 1724 indique qu’on y retrouve 52 terres concédées. Le seigneur Ramezay meurt la même année. C’est sa veuve, Marie-Charlotte Denys de la Ronde, qui en hérite. Elle laisse l’administration de la seigneurie à sa fille, Louise de Ramezay, déjà reconnue comme une redoutable administratrice.

 

Toutefois, la conquête anglaise va changer bien des choses. En mars 1764, la seigneurie de Sorel est acquise par sir John Bondfield qui la vend un an plus tard à Sir John Bestwreck qui décède peu de temps après. Finalement, ce sont des négociants londoniens qui l’acquirent pour la revendre quelques mois plus tard au gouverneur Frederick Haddimand agissant au nom du roi. Avec l’arrivée massive des loyalistes après la guerre de l’Indépendance américaine, il propose de faire de Sorel un lieu où serait localisée une garnison militaire.

 

Sorel prend alors le nom de Williambourg, suite à la visite du prince William Henry. C’est à cette époque qu’est bâti Governer’s Cottage (Maison du gouverneur) qui sera terminée pour Noël 1781.

 

Quelques centaines de loyalistes viendront se réfugier momentanément à Sorel et une poignée y prendra finalement racine.

 

En 1863, le Bas-Canada comptait 14 seigneuries et fiefs de la Couronne dont les plus importantes sont évidemment Sorel, Lauzon, Laprairie, de la Madeleine, Batiscan, etc.                            

Maison du Gouverneur, Sorel

20.  Les Sulpiciens, seigneurs de Montréal

 

Les Sulpiciens deviennent seigneurs lorsque la Société Notre Dame se démet de ses fiefs de Montréal et de Saint-Sulpice en leur faveur. Ils vont exercer leur autorité de seigneurs de 1663 à 1840, alors que le système seigneurial achève. Ils deviennent ainsi rentiers et propriétaires fonciers. En plus des seigneuries de Montréal et Saint-Sulpice, ils acquièrent, par concession royale, la seigneurie du lac des Deux Montagnes. Après le Séminaire de Québec, les Sulpiciens sont parmi les plus importants seigneurs de la Nouvelle-France.

 

Les propriétés des Sulpiciens sont vastes et ne rapportent pas suffisamment pour financer leurs oeuvres avant le milieu du 18e siècle. Il faut rappeler que toutes les seigneuries des Sulpiciens sont la propriété de Saint-Sulpice de Paris. Il faut attendre la Grande Paix de Montréal, en 1701, pour que débute véritablement la colonisation sur la Rive-Nord. Plusieurs réfugiés acadiens viennent s’installer dans leur seigneurie de Saint-Sulpice qui devient ainsi très rentable.

 

Pendant ce temps, la seigneurie du lac des Deux Montagnes se développe beaucoup plus lentement. Ce fief est perçu d’abord comme une mission amérindienne. Ce n’est qu’au début du 19e siècle qu’elle progresse réellement.

 

Les revenus du séminaire croissent régulièrement tout au long du 18e siècle, ce qui lui permet d’offrir son aide à d’autres oeuvres. Cependant, cette richesse suscite la convoitise chez les administrateurs britanniques qui proposent la confiscation des biens des Sulpiciens.

 

Durant les rébellions de 1837 et 1838, les Sulpiciens demeurent fidèles à la couronne britannique. Donc, en 1840, une ordonnance reconnaît le séminaire comme une corporation ecclésiastique lui permettant de détenir leurs terres en toute propriété. Les Sulpiciens peuvent de ce fait investir des sommes importantes dans l’immeuble, ces biens ne pouvant cependant servir qu’à des fins religieuses et caritatives. Le séminaire investit dans le déploiement des chemins de fer, permettant de cette façon d’entretenir de bons rapports avec la bourgeoisie d’affaires.


Le séminaire va aider plusieurs oeuvres dont l’Université Laval à Montréal. Néanmoins, dès 1850, apparaissent les premières contestations amérindiennes. De mauvais investissements et l’augmentation des dépenses pour l’entretien du Grand séminaire commencent à apporter des difficultés financières aux Sulpiciens. Le procureur Hébert, qui a toute latitude comme administrateur, fait de mauvais placements en bourse et accule les Sulpiciens à la faillite. Tous ces mauvais investissements et les malversations du procureur poussent le séminaire vers une faillite certaine à partir de 1920. En 1929, malgré toutes les tentatives pour restructurer sa dette, tout va de mal en pis pour la communauté. Le gouvernement libéral veut venir en aide au séminaire. C’est finalement Duplessis, après sa victoire de 1936, qui va concevoir un plan de redressement garantissant la dette des Sulpiciens auprès des banques tout en mettant en tutelle l’ensemble de leurs biens commerciaux.

 

L’intervention gouvernementale est bien accueillie par les autorités religieuses, dont Mgr Bruchési, évêque de Montréal. Les biens fonciers non dédiés à une vocation éducative sont évalués à près de quatre millions de dollars. Au total, les Sulpiciens confient 6 674 000 $ aux fiduciaires pour garantir un emprunt de cinq millions. Cette intervention gouvernementale va durer plusieurs années. Les ventes des immeubles se terminent en 1955. La tutelle dure jusqu’à la fin du régime Duplessis. Il est probable que les fiduciaires unionistes ont détourné à leur profit certains bénéfices de vente d’immeubles et de terrains.

Le régime minceur

 

Les Sulpiciens doivent apprendre à vivre avec moins de ressources. Pour survivre, il ne leur reste que les revenus de deux immeubles commerciaux, les pensions d’étudiants, les honoraires et les frais d’aumôneries. Malgré tout, leurs ressources semblent suffisantes. L’implication des Sulpiciens va se transformer avec la laïcisation de l’éducation au Québec. Ainsi, le Collège de Montréal et le collège André-Grasset sont transférés à des corporations autonomes au début des années 1990. De plus, plusieurs bâtiments et terrains sont vendus.

 

Malgré tout, il faut considérer le rôle appréciable des Sulpiciens dans le développement de Montréal. Dès le départ, ils veulent développer la ville d’une façon plus harmonieuse : une haute ville avec les institutions et une basse ville plus commerciale, reprenant en cela le plan de la ville de Québec.

 

En conséquence, presque toutes les institutions religieuses ont des édifices qui donnent sur la rue Notre-Dame, ainsi que le palais de justice, la mairie et l’église Notre-Dame.

Le conflit avec l’évêque.

 

Les Sulpiciens ont une stratégie de développement bien particulière. Ils ne veulent qu’une paroisse pour l’ensemble du territoire de Montréal, qui sera desservie par des chapelles et des églises succursales. Ils s’opposent donc à toute modification à la paroisse Notre-Dame. Pour sa part, Mgr Bourget, l’évêque de Montréal considère les dessertes mal assurées. Dans un premier temps, il cherche à créer des paroisses plus près de la population. Puis, il crée ou fait venir de France une douzaine de communautés religieuses. À partir de 1865, Mgr Bourget poursuit la décentralisation de la paroisse mère en fondant 16 paroisses

 

Plusieurs communautés viennent s’installer dans le voisinage de la nouvelle cathédrale sur Saint-Denis comme les Jésuites, les Soeurs de la Miséricorde, etc. Par contre, les Sulpiciens développent leur domaine de la Montagne. Par la suite, le Grand Séminaire y est construit vers 1854 et les couvents des Soeurs Grises et de la Congrégation Notre-Dame. De plus, les Sulpiciens vendent plusieurs terrains pour la mise en valeur de la Côte-des-Neiges et de Westmount.

 

La partie rurale de l’île subit l’influence déterminante des Sulpiciens entre 1664 et 1750. Ce sont eux qui ont mis en place les structures rurales et villageoises. Ils développent d’abord les parties du domaine situées le long du Saint-Laurent, puis celle du nord-ouest donnant sur la rivière des Prairies. Enfin, c’est Lachine et les côtes des paroisses Sainte-Anne et Pointe-Claire qui suivront.

 

Cette communauté possède le domaine Saint-Gabriel en banlieue de la ville. Elle doit le vendre en 1840 pour assurer l’essor industriel de Montréal. Puis, c’est au tour du domaine du Sault-au-Récollet. Lors de la tutelle, ce domaine passe aux mains du gouvernement du Québec pour devenir finalement propriété de la ville de Montréal. En conséquence, les Sulpiciens ont joué un rôle majeur dans le progrès économique de la région métropolitaine.

La seigneurie de Saint-Sulpice

 

En 1647, les Sulpiciens acquièrent une seigneurie qui est traversée par la rivière L’Assomption et lui donnent son nom.

En 1731, cette seigneurie compte déjà 159 censitaires. En 1819, ils construisent un moulin banal sur la rivière Ouvreau. En 1831, il y a l’érection canonique de la paroisse Saint-Sulpice qui couvre une partie du territoire de la seigneurie. En 1861, la seigneurie ou ce qui en reste appartient toujours aux Sulpiciens.

La Seigneurie du lac des Deux-Montagnes

 

Les relations des Sulpiciens avec les Iroquois sont longtemps tendues. De nos jours, les revendications iroquoiennes sont dirigées vers le gouvernement fédéral. Mais les demandes sont toujours les mêmes sur la reconnaissance des droits de propriété d’un vaste territoire qui comprenait autrefois la seigneurie des Deux-Montagnes accordée aux Sulpiciens, comme nous l’avons vu précédemment, dans l’intention de sédentariser et christianiser les Iroquois.

 

Séminaire Saint-Sulpice, Montréal

 

Le manoir des Sulpiciens érigé le long du chemin Belle-Rivière dans la seigneurie des Deux-Montagnes.

Il fut construit pour loger le meunier et servir de pied-à-terre pour les Sulpiciens qui viennent trois ou quatre fois par année pour y ramasser les rentes versées par les censitaires.

 

21.  La seigneurie de Châteauguay

 

C’est en septembre 1673 que le comte de Frontenac octroie la seigneurie de Châteauguay à Charles LeMoyne, seigneur de Longueuil. Ce dernier fait construire un manoir fortifié à l’entrée de sa seigneurie de l’île Saint-Bernard. Le nom Châteauguay aurait été donné d’après le nom d’une commune française. En 1685, au décès de Charles LeMoyne, la seigneurie passe à Catherine Thierry, son épouse, et ses 12 enfants. L’année suivante, un moulin seigneurial est construit sur l’île Saint-Bernard par la nouvelle seigneuresse. À la mort de cette dernière, la seigneurie passe aux mains de ses enfants.

 

Voici les principales étapes qui ont mené cette seigneurie aux mains des Soeurs Grises de Montréal

 

En 1704, la seigneurie compte 69 habitants. Deux ans plus tard, elle est vendue par les héritiers de Charles LeMoyne à Zacharie Robutel de LaNoue.

 

En 1733, au décès Zacharie Robubel, sa seigneurie passe à son épouse, Catherine LeMoyne, et ses trois enfants.

 

En 1735, c’est la construction d’une première église.

 

En 1746, au décès de Catherine LeMoyne, la seigneurie est transmise à ses trois enfants.

 

En 1754, au décès de Thomas Robutel, sa part passe à son frère, Joachim et sa sœur, Marie-Anne.

 

En 1764, Joachim cède sa part de la seigneurie à sa soeur, Marie-Anne, et retourne en France.

 

En 1765, il y a vente de la seigneurie par Marie-Anne Robutel à Marguerite Dufrost de la Jemmeraye, veuve de François d’Youville, au nom de l’Hôpital général de Montréal. En 1767, construction d’un moulin seigneurial sur l’emplacement de l’ancien, bâti en 1723.

 

Les soeurs Grises demeurent propriétaires de la seigneurie de Châteauguay jusqu’à l’abolition du système seigneurial en 1854. Les Soeurs grises demeurent propriétaires de l’île Saint-Bernard jusqu’à qu’elle soit vendue pour devenir un site écologique récemment.

 

Manoir Youville, Châteauguay

Le premier manoir (1674) est construit à la demande Charles LeMoyne. Celui de 1836, étant devenu trop petit est agrandi en 1881 et surmonté d’un toit français.

22.  La baronnie de Longueuil

 

Les origines de Longueuil remontent au 17e siècle, lorsque Charles LeMoyne, marchand de Ville-Marie, se fait concéder une terre sur la Rive-Sud du Saint-Laurent. Il nomme sa seigneurie Longueuil en souvenir du village où naquit sa mère, Judith Duchesne. Il y construit un manoir et un moulin tout en habitant Ville-Marie.

 

Charles LeMoyne arrive en Nouvelle-France, en 1641, à l’âge de 15 ans. Pendant quatre ans, il travaille pour les Jésuites en Huronie et apprend les langues amérindiennes. En 1646, il se fixe à Montréal et engage plusieurs escarmouches avec les Iroquois. Il participe à plusieurs expéditions, dont celle du gouverneur Daniel Rémy de Courcelles. À l’été de 1671, il lui sert d’interprète dans son expédition au lac Ontario.

 

En 1672, les titres de sa seigneurie de Longueuil sont confirmés et accrus. En 1672, il reçoit la concession de Châteauguay. En 1676, il réunit tous ses fiefs sous le nom de Longueuil. En 1685, il meurt et est inhumé dans la crypte de l’église Notre-Dame à Montréal. Il a eu 2 filles et 12 fils dont plusieurs se sont illustrés dans l’histoire de la Nouvelle-France.

 

Sous Charles II LeMoyne, officier de carrière et seigneur de Longueuil, la seigneurie, plusieurs fois agrandie, atteint ses limites en 1710. Partant du Saint-Laurent, elle s’étend jusqu’au Richelieu. Elle est bornée à l’ouest par la seigneurie de La Prairie et à l’est par le fief du Tremblay. En 1700, Louis XIV récompense la famille LeMoyne en érigeant Longueuil en baronnie.

 

En 1729, Charles III devient, à son tour, baron de Longueuil. En 1755, Charles-Jacques LeMoyne devient le troisième baron de Longueuil, mais ce dernier décède la même année. Sa fille, Marie-Charles, devient baronne de Longueuil et quatrième seigneuresse. Elle épouse David Alexander Grant. À son décès en 1841, son fils Charles William devient baron de Longueuil. Le titre demeure jusqu’à nos jours dans la descendance de la famille Grant. Depuis 2004, le baron en titre est Michael Grant. Le titre de baron de Longueuil est le seul titre français qui est reconnu, en 1880, par la reine Victoria

 

 

 

Manoir Longueuil

Entre 1695 et 1698, Charles II LeMoyne, premier baron de Longueuil, fait construire un imposant château fort là où est située aujourd’hui l’Église Saint-Antoine. Ce bâtiment fut démoli en 1810.

23.  La seigneurie de Saint-Eustache

 

La seigneurie des Mille-Îles est octroyée, en 1683, à Michel-Sidrac Dugué de Boisbriant. En 1714, la seigneurie retourne au domaine royal parce qu’elle demeure inexploitée. La même année, elle est à nouveau concédée à Jean Petit et Charles-Gaspard Piot, les deux gendres de Michel Dugué de Boisbriant. En 1715, au décès de Charles-Gaspard Piot, sa part de la seigneurie passe à sa veuve et ses enfants.

 

En 1718, on partage la seigneurie en deux. Marie Du Gué de Langloiserie et ses enfants obtiennent la partie est, que l’on nomme Langloiserie, et Jean Petit la partie ouest, qu’il nomme Petit. En 1720, au décès de Jean Petit, son fief passe aux mains de sa fille Charlotte-Louise Petit. Celle-ci épouse Eustache Lambert Dumont et le fief prend le nom de Dumont.

 

En 1760, le fief est la propriété de Louis Lambert Dumont. En 1854, la seigneurie appartient à Virginie Dumont qui épouse Charles-Auguste-Maximilien Globenski. En 1865, ce dernier acquiert des Dumont le reste de la seigneurie. C’est Charles Globenski qui fait construire le manoir qui va être modifié plusieurs fois au fil des ans. Il est le fils de Maximilien Globenski, capitaine des loyalistes qui a pris part à la bataille de Saint-Eustache et de Marie-Anne Panet. Il naît à Saint-Eustache le 15 novembre 1830. Il épouse, le 21 juillet 1854, Virginie Lambert-Dumont. Par ce mariage, il devient coseigneur des Mille-îles et particulièrement de la seigneurie de Rivière-du-Chêne. Puis, il rachète graduellement les parts des héritiers des Lambert-Dumont pour devenir seul et unique seigneur des Mille-Îles en 1854.

 

Il se transforme en homme d’affaires prospère. Au niveau politique, il est élu maire de la municipalité de Saint-Eustache et député du comté des Deux-Montagnes en 1875. Il fait construire son premier manoir en 1875. Cette demeure somptueuse est décrite comme une jolie maison de campagne. Ce manoir est l’oeuvre de l’architecte montréalais Henri-Maurice Perreault. Il est d’inspiration américaine. Le domaine et ses différents bâtiments couvrent une superficie de 162 arpents. Malheureusement, un incendie le détruit en 1901. L’année suivante, il est reconstruit avec des dimensions plus modestes. Charles Globenski décède à l’âge de 75 ans le 12 février 1906. Le manoir est inoccupé pendant quatre ans. Il est vendu, en 1910, à Joseph-Antoine Laurin qui devient maire de Saint-Eustache.

 

À son décès, le manoir n’est pas encore payé et sa veuve le remet aux héritiers Globenski. Par la suite, il est inhabité pendant trois ans.

 

Après quelques transactions où il passe entre plusieurs mains, il est racheté par Évariste Champagne, en 1918, qui y apporte plusieurs modifications. À son décès, en 1955, c'est sa fille qui en hérite. Elle le vend à la ville de Saint-Eustache en 1961. L’année suivante, il devient officiellement l’Hôtel de Ville de Saint-Eustache pour être au bout du compte transformé en une Maison de la culture.

La bataille de Saint-Eustache

 

Quelques mots sur la célèbre bataille de Saint-Eustache qui a lieu le 14 décembre 1837. Elle oppose John,  ses 2000 fusiliers et 120 cavaliers auxquels se joignent 80 volontaires dirigés par Maximilien Globenski à 600 patriotes sous les ordres de Jean-Olivier Chénier. Colborne ordonne le bombardement de l’église où les patriotes sont réfugiés. Plus d’une soixantaine de maisons sont brûlées. Maximilien Globenski commande une compagnie de volontaires composée autant de Canadiens français que de Canadiens anglais. Les Britanniques ont un mort et huit blessées, dont deux mourront plus tard. Les troupes, mais surtout les volontaires loyalistes, brûlent 65 maisons des 150 du village et se livrent au pillage.

 

                 

Manoir Globenski, Saint-Eustache

24.  Seigneurie de L'Île-des-Soeurs

 

En janvier 1664, est concédée la seigneurie de l'Île Saint-Paul conjointement et de façon indivise à Claude Robutel, Jacques Le Ber et Jean-Baptiste Lavigne. Jacques Le Ber pratique l'exploitation du commerce des fourrures au fort Cataracoui. La concession indivise ne leur convenant pas, les nouveaux propriétaires décident de procéder à la division des territoires en trois parties égales.

 

Le troisième propriétaire, Jacques Lavigne, ayant décidé de retourner en France, cède à Marie Le Ber, soeur de Jacques, le tiers qui lui appartient. À son tour, Marie donne à son frère Jacques le territoire qu'elle a reçu. Celui-ci devient alors propriétaire des parties est et ouest de l'île, pendant que Claude Robutel conserve la partie centre. Dès 1670, l'exploitation agricole débute et Le Ber commence à concéder des terres.

 

Le recensement de 1698 indique qu'il n’y a pas beaucoup de personnes qui demeurent en permanence dans l'île. En 1706, les religieuses de la Congrégation Notre-Dame se portent acquéreuses des 2/3 du fief La Noue appartenant aux enfants Robutel. En 1707, les religieuses achètent le dernier tiers de la seigneurie de Le Noue. Ces dernières n'habitent cependant pas l'île, mais la font exploiter par leurs employés de la métairie Saint-Charles. Vers 1700, les deux tiers de l'île appartiennent à la famille Le Ber et l'autre tiers à la Congrégation Notre-Dame.

 

Jacques Le Ber connaît des difficultés économiques. En septembre 1731, il décède et son fils, Joseph-Hyppolyte devient seigneur de Saint-Paul. En 1758, Jean-Baptiste Le Ber, seigneur de Saint-Paul, vend son domaine à Charles-Joseph-Ferdinand Feltz, chirurgien major de Montréal. À la suite des dettes impayées, la seigneurie est mise en vente aux enchères. C'est alors que la Congrégation Notre-Dame voit l'occasion de devenir propriétaire unique de toute l'île

 

En 1790, un manoir y est érigé. Des bâtiments sont construits et plusieurs religieuses et employés y habitent en permanence. Les voyages sont constants entre l'île et la ferme Saint-Gabriel. À la Conquête, les religieuses conservent leurs biens y compris l'Île Saint-Paul.

 

Celles-ci éprouvent certaines difficultés lorsque le village de Rivière-Saint-Pierre décide d'annexer l'île et d'imposer des taxes.

 

Pour régler le problème, les soeurs s'adressent au gouvernement du Québec pour demander l'autonomie administrative de l'île, ce qui leur est accordé en 1899.

 

Pendant plusieurs décennies l'île sert surtout de résidence estivale aux nombreuses religieuses de la Congrégation Notre-Dame. En 1952, la Congrégation Notre-Dame décide de se départir de l'île, qui, à l'époque, est très convoitée par des développeurs immobiliers. En 1955, l'île est vendue pour un montant de 1 300 000 $ à Quebec Home, une compagnie américaine. Ainsi, tout un pan de l'histoire du Québec vient de prendre fin.

 

Manoir de l’Île-des-Sœurs

25.  Les seigneuries du Lac Champlain

 

Les seigneuries du Lac Champlain ont été établies en fonction du fort Saint-Frédéric construit en 1731. Le fort se trouve éloigné d’une trentaine de lieues de toute population française. Le ravitaillement du fort Saint-Frédéric se faisait à partir de Montréal. Ainsi, les munitions et les  provisions étaient acheminées par voies terrestres de Montréal à Saint-Jean et delà par la rivière Richelieu.

 

Les deux rives du Bas-Richelieu avaient déjà été concédées en seigneuries. Pour sortir le fort Saint-Frédéric de son isolement, le gouverneur Beauharnois et l’intendant Hocquart ont l’idée  d’octroyer des terres à des officiers de l’armée. Mais hélas! le tout se termine par un échec. En effet, dès 1741 sur la vingtaine de seigneuries accordées dix-huit étaient retournées au domaine du Roi faute d’avoir été développées.

 

Qu’est-ce qui a causé cet échec ?

 

Les officiers du régiment de Carignan ont reçu leurs concessions en quittant l’armée. À part quelques exceptions, ils ne sont pas très fortunés et ils s’installent immédiatement dans leurs domaines et travaillent à les développer en faisant venir des colons. En ce qui concerne les seigneuries du lac Champlain, les terres sont octroyées à des officiers encore en fonction qui n’ont pas le temps de les développer.

 

En voici quelques exemples :

La seigneurie de Saint-Armand

 

En 1748, une seigneurie est accordée à Nicolas-René Levasseur qui lui donne le nom de Saint-Armand. Il exerce le métier de constructeur de bateau pour le roi et d’inspecteur des forêts. C’est ainsi qu’il découvre la région du Lac Champlain.

 

À sa demande, une vaste seigneurie lui est concédée. La défaite militaire de la Nouvelle-France met fin au développement éventuel de cette seigneurie. Levasseur retourne en France et la vend à Henry Gymand marchand de Londres, Jean Pasquier et John Eberth banquiers le 17 novembre 1763. En mai 1766, la seigneurie est revendue à William Mackenzie, Benjamin Price, James Moore et Georges Fulton.

 

En 1786, à la suite de plusieurs transactions financières James Moore devient propriétaire d’une grande partie de la seigneurie de Saint-Armand. En juillet de la même année, James Moore vend les trois quarts de la seigneurie à Thomas Dunn.

 

En février 1787, Thomas Dunn prend possession de la dernière partie de la seigneurie devenant ainsi le seul propriétaire de la seigneurie.

 

La seigneurie de Saint-Armand voit l’arrivée d’un certain nombre de loyalistes après la guerre de l’Indépendance américaine. C’est ainsi qu’en 1799, Philip Luke  aurait amené avec lui des esclaves noirs. Selon certaines sources d’époque, vers 1851, il y aurait eu près de trois cents esclaves noirs dans la région Brome Missisquoi. Une tradition orale veut que les esclaves noirs de la famille Luke aient été enterrés devant une colline d’ardoise qui devient Niger Rock.

La seigneurie de Noyan ou de l’Île aux Noix

 

Cette seigneurie est concédée le 2 avril 1733 à M. Chavoy de Noyan capitaine des troupes de la marine. Pas plus que les autres seigneurs du Lac Champlain  il ne s’occupe d’établir les colons dans les délais prescrits. En mai 1741, comme dix-huit autres seigneuries elle retourne dans le domaine royal. Cependant, elle est accordée de nouveau à M. de Noyan en 1748 contre la promesse qu'il verrait à la  croissance de son domaine. Mais, comme la première fois, la seigneurie n'est pas développée, son propriétaire étant en guerre ou en garnison.

 

La seigneurie est vendue en 1764 par M.de Noyan à Gabriel Christie et John Campbell.

La seigneurie de Foucault

 

Cette seigneurie dont la situation géographique est contiguë à la seigneurie de Noyan est accordée le 3 avril 1733 à François Foucault. En 1741, la seigneurie n’ayant pas été développée elle retourne au domaine royal. Cependant, contrairement à la seigneurie voisine de Noyan, M. de Foucault décide de travailler activement au développement de sa seigneurie. Au bout d’un an, il peut déclarer aux autorités coloniales qu’il a déjà fait venir six colons. Satisfaits de ces efforts, le gouverneur et l’intendant décident de lui concéder à nouveau la seigneurie.

 

 

Le territoire de sa seigneurie est augmenté en 1744 par une langue de terre prise dans le territoire actuel des États-Unis. Il construit un moulin en pierre et obtint la fondation d’une paroisse. Une église est même construite dans la région d’Alburg (États-Unis). Après la conquête, cette église est démolie et ces matériaux servent à la construction du fort de l’île aux Noix.

 

À la conquête, la seigneurie est vendue au général James Murray. Ce dernier la vend à son tour à Henry Caldwelll receveur général de la province. Son fils, sir John Caldwell, fait de fortes dépenses pour développer la seigneurie qui prend le nom de Caldwell Manor. Lors du règlement des frontières avec  les États-Unis il perd les deux tiers de son territoire qui appartient désormais aux États-Unis.

 

La seigneurie est d’abord peuplée uniquement d’anglophones. Ce n’est qu’en 1888 qu’une paroisse catholique est établie à Clarenceville. Les Canadiens français sont de retour sur le territoire.

 

En 1829, les biens de John sont saisis et la seigneurie est vendue par le shérif à John Donegani. En 1845, John Donageni vend la seigneurie de Caldweel Manor à Joseph-Frédéric Allard. En 1866, la seigneurie passe aux mains des héritiers Joseph-Frédéric Allard.

La seigneurie de La Ronde, Beaujeu ou Lacolle

 

Le 8 avril 1733, Louis Denys de la Ronde capitaine dans les troupes royales reçoit une seigneurie. Comme les autres officiers il ne développe pas sa seigneurie qui retourne au domaine royal. Le 22 mars 1743, il y a reconsession de la même seigneurie au sieur Daniel Liénart de Beaujeu  lieutenant dans les troupes du roi qui la nomme Lacolle. Ce dernier décède avant la Conquête en 1755. Sa veuve et ses héritiers vendent leur seigneurie au lieutenant-colonel Gabriel Christie le 14 août 1765. En 1799, au décès de Gabriel Christie ses seigneuries passent à Napier Christie. En 1835, au décès de Napier Christie elles passent à William Christie. En 1845, à son décès, ses seigneuries passent à sa veuve Martha Bowman. En 1861, la seigneurie appartient à Gabriel Tunstall, James Marmaduke Tunstall et Gabriel Christie Tunstall. En 1901, les vestiges de la seigneurie sont acquis par le Crédit foncier franco-américain.


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