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La Nouvelle-France : Une église en formation
Mgr Laval
Les écoles
Le rôle de l'Église dans la colonie





La Nouvelle- France : Une église en formation


L’Église de la Nouvelle-France en Amérique se forme au moment où le monde chrétien subit de nombreux bouleversements. Le protestantisme force les catholiques à redéfinir leur Église avec le concile de Trente. L’interprétation de la doctrine est réservée au pape et aux évêques. C’est un début de centralisation qui s’accentuera au cours des siècles suivants. La formation du clergé est bonifiée par une meilleure instruction. Le catéchisme devient l’élément central de l’enseignement des fondements de la religion catholique et le curé de paroisse a pour mission principale d’enseigner cette doctrine. En parallèle, le roi de France continue à vouloir conduire les affaires de l’Église à l’intérieur de la France par la nomination des évêques. L’Église accompagne et aide les premiers explorateurs. Elle veut conquérir les âmes. Les jésuites sont les premiers à répondre à l’appel, ils sont présents tant au niveau politique que religieux. Leurs Relations, qui paraissent de 1632 à 1673, sont lues en France par un public nombreux et inspirent toute une génération d’âmes pieuses. La fondation de Montréal en 1642 a premièrement un caractère apostolique et commercial en second lieu. On désire la conversion des Indiens. Cependant, la tentative de sédentariser les Hurons et les Montagnais est un échec total. La destruction des Hurons par les Iroquois entre 1649 et 1652 porte à l’évangélisation amérindienne un dur coup. Les jésuites renoncent peu à peu à l’évangélisation amérindienne pour s’occuper de plus en plus de la population blanche. Ils exercent les fonctions de curé à Québec,Trois-Rivières et Montréal. L’arrivée des sulpiciens en 1657 et, le retour de récollets en 1670, mettront fin à ce quasi-monopole religieux.


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Mgr Laval


L’Église de la Nouvelle-France comme celle de la mère patrie jouit des avantages d’une Église d’État, mais en subit les inconvénients. Au niveau matériel, elle dépend très étroitement du roi. Une controverse s’installe contre la nomination de Mgr Laval, l’archevêque de Rouen considérant la Nouvelle-France comme le prolongement de son diocèse. Finalement, le roi de France choisit Mgr Laval. Ce dernier est sacré évêque en secret, tellement la tension est grande. Mgr Laval arrive à Québec en 1659. Il s’absente régulièrement de son diocèse et séjourne très souvent en France pour quémander de l’aide.Le nouvel évêque appartient à une grande famille de la noblesse française. À la mort de ses frères, il devient chef de famille. Il renonce à son héritage et aux honneurs dus à son rang. Il est prêt à tout abandonner pour la gloire de Dieu et il a peu d’ambition personnelle. Il agit avec rectitude et ne participe pas aux tractations qui vont amener sa nomination comme vicaire apostolique. Il ne devient évêque en titre du nouveau diocèse de Québec qu’en 1674.

Dès son arrivée en Nouvelle-France, Mgr Laval travaille en collaboration avec les jésuites et s’attaque à la formation d’un clergé diocésain qui sera à la source d’une Église canadienne. Pour assurer le recrutement du clergé, il fonde en 1663 le Grand séminaire de Québec. Il surveille très étroitement son clergé et veille aux bonnes moeurs de la population par son intermédiaire. Le Séminaire devient le pivot de la nouvelle Église en prenant la responsabilité de son clergé dont il assure la subsistance. À l’époque, la population ne pouvait soutenir son clergé. Par contre, l’État ne vient pas en aide au séminaire. Pour subvenir aux besoins matériels de ses curés, Mgr Laval institue, en 1663, la dîme. Cette participation doit couvrir une partie des besoins des curés. Les catholiques sont tenus par la loi de payer leur dîme. Plusieurs habitants vont s’opposer à cette nouvelle taxe. Cependant, en plusieurs endroits, la dîme ne suffit pas à couvrir les dépenses des curés de paroisse.

La tâche principale du curé est d’assurer le service religieux les jours d’obligation. Au XVIIe siècle, en plus des 52 dimanches, on comptait 37 fêtes d’obligation. Tous ces jours réunis représentent trois mois pendant lesquels tout travail est interdit. L’évêque souhaite que durant les jours de fête les fidèles se dirigent vers l’église afin d’assister aux vêpres et autres exercices religieux. Ceux qui n’assistent pas à la messe du dimanche sont passibles d’amendes.

Une tâche importante et particulière à la Nouvelle-France est la tenue des registres qui doit être faite en deux copies, l’une demeurant dans la paroisse et l’autre devant être remise aux autorités civiles. Une ordonnance du Conseil souverain en fait une obligation en novembre 1678. En Nouvelle-France, les non-catholiques ne sont pas les bienvenus. Les nouveaux venus doivent faire baptiser leurs enfants à l’Église catholique et s’y marier.On interdit aux calvinistes d’exercer plusieurs fonctions comme celle de médecin, huissier, notaire, etc L’Église conserve même la responsabilité de l’éducation et de l’hospitalisation ainsi que la charité et tout le domaine social. Ce fait important demeurera jusqu’au début de 1960, alors que la Révolution tranquille viendra mettre un terme à un monopole ecclésiastique qui durait depuis trois siècles. D’ailleurs, l’État ne demande pas mieux que de laisser à l’Église l’enseignement et les charges sociales. Le clergé prend ainsi une place très importante qu’il sera difficile de lui enlever par après.

À leur arrivée en 1639, les hospitalières de Dieppe ouvrent leur premier hôpital à Québec. Les religieuses doivent se consacrer aux soins des Amérindiens victimes de la petite vérole. De plus, l’Hôtel-Dieu sert de refuge pour les nouveaux arrivants où ils reçoivent logement et nourriture. Les services qui y sont donnés sont gratuits. Dès sa fondation, Montréal bénéficie d’un endroit pour soigner les malades avec les services offerts par Jeanne Mance. En 1659, trois hospitalières de Saint-Joseph y arrivent. En 1687, la construction d’un nouvel hôpital débute; les frères Charron fondent à leur tour l’Hôpital général de Montréal pour prendre soin des orphelins, vieillards, infirmes, etc. En 1701, François Charron pour assurer la continuité de son oeuvre fonde la communauté des frères Hospitaliers de la Croix et de Saint-Joseph. À Trois-Rivières, ce sont les ursulines qui y oeuvrent à partir de 1697. La Nouvelle-France, dès la fin du XVIIe siècle, possède donc un système hospitalier capable de répondre aux besoins de la population.


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Les écoles


La première école régulière aurait été ouverte à Québec en 1635, par les jésuites. Par contre, dès l’arrivée des ursulines à Québec en 1639, ces dernières vont s’occuper de l’éducation des filles. À Montréal, c’est Marguerite Bourgeois, fondatrice de la congrégation Notre-Dame, qui ouvre la première école. Cette communauté de religieuses vouée à l'enseignement se répandra dans plusieurs paroisses de la Nouvelle-France. L’abbé Gabriel Soulard fonde une première école à l’intention des garçons avec l’aide des sulpiciens. La formation et la stabilité du personnel enseignant sont les principaux défis de l’éducation en Nouvelle-France. L’instituteur est souvent itinérant et occupe plusieurs fonctions comme greffier ou écrivain public. À l'école, on apprend les rudiments de l’écriture, de la lecture et du calcul. Les enfants désireux de poursuivre leurs études peuvent fréquenter le Collège de Québec dirigé par les jésuites pour les garçons et le couvent des ursulines pour les filles. De plus, pour la formation des futurs prêtres, l’évêque établit un Petit séminaire en 1668. Finalement, une école est ouverte à Saint-Joachim près de Québec pour l’enseignement de différents métiers. À la fin du XVIIe siècle, la Nouvelle-France possède un système d’éducation qui se compare assez bien avec celui de la mère patrie.



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Le rôle de l’Église dans la colonie


L’Église reçoit de l'État des seigneuries pour s’occuper de ses oeuvres. Mgr Laval utilise aussi ses revenus personnels venant de France pour acheter des seigneuries. C’est ainsi qu’il achète les seigneuries Beaupré et de l’Île d’Orléans. Il désire que le séminaire ait un jour des revenus suffisants pour assumer ses responsabilités. Mgr Laval joue un rôle politique comme membre du Conseil souverain. Louis XIV instaure une organisation où le gouverneur, l’évêque et l’intendant se surveillent mutuellement et s’opposent très souvent. C’est ainsi que Mgr Laval s’est directement opposé à Frontenac pour le commerce de l’eau-de-vie, celui-ci étant devenu un mal qui décimait les tribus amérindiennes. En 1660, l'évêque prend les grands moyens et lance un avis d’excommunication contre tous ceux qui pratiquent ce commerce. D'autre part, Frontenac s’oppose à Mgr Laval sur plusieurs autres sujets. À un certain moment, la crise est à son maximum et Frontenac décide d’ignorer Mgr Laval et de ne plus l’impliquer dans le Conseil souverain. Dès 1675, avec l’arrivée d’un nouvel intendant (Duchesneau), l’évêque reparaît au Conseil souverain et revient aux affaires. En outre, Mgr Laval doit lutter contre l’autorité du gouverneur pour la nomination des curés.L’Église est donc dépendante de l’État et l’État de l’Église. En 1663, le roi demande l’érection d’un diocèse pour la Nouvelle-France. Comme Rome veut avoir le contrôle sur le nouveau diocèse et que le roi partage le même désir, Rome commence par nommer un délégué apostololique qui est le représentant direct du Saint-Siège et ne dépend pas du roi de France. Lorsque Mgr Laval devient évêque en titre en 1674, il relève directement de Rome. Malgré tout, les différents évêques qui se succéderont dépendront du roi de France. C’est entre autres pour garantir l’autorité de l’évêque sur le clergé que Mgr Laval fonde le séminaire de Québec. C’est une résidence épiscopale, un lieu de formation pour leur clergé et une communauté de prêtres. La dîme y est mise en commun pour la subsistance des prêtres.Il s'agit d'un système d’administration centralisée pour asseoir l’autorité de l’évêque. En 1688, Mgr Laval décide de se retirer. Mgr St-Vallier lui succède et veut défaire en partie ce que son prédécesseur a mis des décennies à bâtir. Mgr Saint-Vallier a un caractère très particulier et se chicane avec son prédécesseur comme avec les autorités civiles. À l'occasion, Mgr Laval le remplace lorsqu'il est en voyage en France. Mgr Saint-Vallier a plus confiance au clergé d’origine française que canadienne. Il fonde les fabriques et décentralise l’organisation de l’Église. La paroisse demeure le centre de la vie religieuse et sociale des catholiques, c'est la plus ancienne institution canadienne. Le curé devient le guide de cette communauté et a la responsabilité de mener son peuple vers le salut. Dès que le nombre le justifie, les colons s’empressent de demander la formation d’une paroisse. Lorsque dans un village il n’y a pas de seigneur, c’est le curé qui en tient lieu. Dans la plupart de nos villages, en plus d’une église souvent richement décorée, il y a un presbytère qui tient lieu de manoir. Le curé agit non seulement dans le domaine spirituel, mais souvent dans le domaine matériel. Il est souvent conseiller juridique, arbitre dans les conflits entre paroissiens et même conseiller médical.

L’Église est en relation étroite avec l’État qui souvent devient sa rivale. Mais il y a toujours un sentiment de protection réciproque. L’un ne va pas sans l’autre. C’est pourquoi Frontenac et même l’intendant Talon vont chercher à tempérer l’autorité religieuse. En retour, l’Église prêche l’obéissance au roi, représentant de Dieu sur la terre. Il faudra attendre le gouverneur Vaudreuil pour délimiter les paroisses et en prévoir de nouvelles. En 1724, on passe de 15 à 40 paroisses. L’État confie aux curés les registres d’état civil et oblige les paroissiens à payer la dîme et autres montants pour subvenir aux besoins de l’Église. Pour aider les communautés religieuses dans leurs missions, l’état les dote d’immenses seigneuries qui peuvent assurer leur fonctionnement, mais non leur développement. La Nouvelle-France jette les bases d’une société qui confiera à l’Église un rôle qu’aucune région de l’Amérique ne lui laissera. L’Église est dépendante de l’État, mais ce dernier lui confie une mission sociale qu’il ne veut pas assumer. Il lui en coûte moins d’agir ainsi que d’assumer lui-même les frais reliés à cette obligation. C’est une marque bien particulière de la société québécoise. On ne peut reprocher à l’Église d’avoir pris une place trop importante dans la société québécoise, car historiquement, c’est l’État qui a favorisé cette situation.

Les sulpiciens sont seigneurs de Montréal tandis que les récollets le sont à Trois-Rivières. Le clergé séculier pour sa part exerce ses fonctions dans les campagnes. Il y a une centaine d’ordinations durant tout le régime français. Cependant, les habitants aiment vivre dans un cadre paroissial. Dès qu’un nombre significatif de colons le permet, on s’empresse de demander un curé en promettant la construction d’une église et d’un presbytère. La paroisse apporte un sentiment d’appartenance et de solidarité. L’enseignement pour sa part souffre de l’éparpillement de la population et des rigueurs de l’hiver. L’Église demeure seule dans ce domaine. Elle veut conserver ce rôle pour la formation religieuse de ses ouailles. Ce sont d’abord les curés qui portent l’enseignement à bout de bras. Le collège des jésuites est la seule institution à dispenser l’enseignement classique complet. Les candidats à la prêtrise font leur formation au séminaire. Toute formation supérieure est d’abord orientée en fonction de la formation du clergé et cela demeurera ainsi jusqu’à la fin des années 1950.

La société sous le régime français est une société religieuse. On fait baptiser dès que possible. On assiste à la messe régulièrement. La vie se fait au rythme du dimanche des périodes de pénitence et des grandes fêtes religieuses. On peut compter au total plus de cent cinquante jours de jeûne et d’abstinence. De plus, les curés mettent sur pied des confréries de dévotion comme le Tiers Ordre franciscain, l’Oeuvre de la Bonne Mort, etc. D’autres associations spécifiquement réservées aux femmes mariées ou aux jeunes filles visent la perfection chrétienne. On incite les femmes à faire prier les leurs en famille. S’il y a un fléau, tous réclament de leur pasteur des prières publiques et des processions. Le clergé de la Nouvelle-France réussit à maintenir la religion du pays originaire. Les vocations sont assez nombreuses : de 1650 à 1762, il y a 841 vocations religieuses, dont 630 femmes et 211 hommes. Les communautés séculières attirent surtout les vocations féminines. Cependant, les jésuites et les sulpiciens refusent d’admettre des coloniaux dans leur rang tandis que les communautés de femmes sont entièrement canadiennes tout comme 80% du clergé séculier. L’Église d’avant la Conquête est fortement enracinée dans son milieu. Elle a donné à la société de la Nouvelle-France avec l’aide du Gouvernement royal les cadres essentiels pour assurer sa survie.


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