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La conquête et la postion de l'Église : 1760-1791
Mutation dans la société canadienne
L'Église et le Conquérant



La Conquête et la position de l’Église : 1760-1791


L’enracinement de l’Église se poursuit, car elle veut assurer sa survie et celle du peuple, l’une n’allant pas sans l’autre. La conquête de 1760 marque la naissance de la lutte des Canadiens pour la conservation de leur langue, de leur foi et de leurs coutumes. Les marchands anglais sont favorables à une anglicisation rapide de la population. Les instructions royales de décembre 1763 sont claires et interdisent toute juridiction ecclésiastique venant de Rome. De plus, elles encouragent la construction d’écoles anglaises. Mais le grand problème est le manque d'un chef, soit celui d’un évêque. Mgr Briand, vicaire général du diocèse, est apprécié par les autorités britanniques surtout à cause de son attitude bienveillante envers elles. Cependant, un autre candidat est choisi par le Chapitre des chanoines de Québec en la personne d’Étienne Montgolfier, vicaire général de Montréal. Ce dernier n’est pas le candidat du gouverneur Murray. Devant l’indisposition de Murray à son égard, Montgolfier démissionne. On le remplace par Mgr Briand. Londres refuse néanmoins d’accorder une reconnaissance officielle au nouvel évêque. Le temps passe et on suggère à Jean-Olivier Briand d’aller se faire consacrer ailleurs en mettant ainsi les autorités devant le fait accompli. C’est donc en mars 1766 qu’il reçoit la consécration épiscopale.

En prenant possession de son siège, Mgr Briand porte le titre officiel de « Super-intendant of the Roman church ». La religion catholique n’est que tolérée, l'assimilation semblant la seule solution pour les autorités britanniques.

De 1760 à 1840, c’est sous le signe politique qu’il convient de placer l’histoire de l’Église. Dans le contexte difficile de l’après-conquête, l’Église doit manoeuvrer avec délicatesse pour assurer sa survie, car elle est dépendante du pouvoir protestant. Avec la Proclamation royale, l’Église voit sa survie menacée, car il y a interdiction de communiquer avec Rome. De plus, on défend aux communautés masculines de recruter de nouveaux membres à l’extérieur.

L’Église canadienne est née malgré elle. Les nationalistes laïques reconnaissent en l’Église catholique à la fois une des composantes de notre identité et une institution canadienne dominée par une nation étrangère.



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Mutation dans la société canadienne


Après 1760, il y a une profonde mutation dans la société canadienne. Bien sûr, les marchands anglais prennent une large part dans l’élite dirigeante de la colonie. Les seigneurs perdent leur influence et font tout pour obtenir les faveurs du nouveau régime. Mais il y a surtout l’émergence d’une classe de professionnels : médecins, notaires, avocats. C’est une nouvelle classe de notables locaux qui a une grande influence. Cette nouvelle élite fait de l’Assemblée législative le centre de ses revendications. L’affrontement avec les marchands britanniques devient alors inévitable.

Ceux-ci dominent au Conseil exécutif et au Conseil législatif. L’Assemblée s’aperçoit rapidement que c’est l’oligarchie des marchands qui a le vrai pouvoir et commence à réclamer un contrôle sur les dépenses publiques puisqu’elle représente directement le peuple selon le vieux principe britannique « no taxation without representation ». Ce qui est bon pour les Britanniques ne l’est malheureusement pas pour les Canadiens. L’évêque de Québec, Mgr Plessis, ne voit dans l’émanation de ce nouveau pouvoir démocratique qu’un ferment d’anarchie. Cette nouvelle élite devient la porte-parole du peuple canadien. La nouvelle classe sociale voit la religion catholique comme une institution nationale. C’est l’apparition d’un nouveau nationalisme que les autorités britanniques, malgré eux, ont contribué à former.

L’Église est confrontée à un nouveau défi : un manque flagrant de prêtres. Pour résoudre le problème, on encourage la formation de séminaires classiques afin de former des pasteurs venant du peuple. De plus, l’Église doit s’occuper des oeuvres sociales. En effet, depuis la Conquête, l’État ne les finance plus, celles-ci dépendant uniquement de la charité privée.

La période de 1760-1840 est celle de l’identification d’un peuple qui se reconnaît dans sa religion et sa langue. C’est durant cette période que l’identité du peuple canadien-français s’affirme. En luttant pour sa survie, l’Église combat pour la survie du peuple.



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L’Église et le Conquérant


Après la Conquête, la seule religion reconnue était la religion anglicane. C’est la reconnaissance civile de l’évêque qui va déterminer le futur de l’Église catholique romaine. Le nouvel évêque prête serment au roi et doit se contenter du titre de «Surintendant de l’Église romaine du Canada ». Le gouverneur est prévenu que Mgr Briand va se choisir un successeur. Les autorités civiles comprennent que dans quelques années le clergé sera complètement canadien. Mais ce résultat ne pourrait être obtenu sans un évêque. C’est ainsi que la nomination d’un coadjuteur supprime la nécessité pour l’évêque d’aller se faire consacrer en France. Ce principe fondamental des premiers évêques catholiques va assurer la survie du clergé et aboutira à une reconnaissance officielle, mais cela ne se fera pas sans lutte pendant plusieurs décennies. En effet, ce n’est que par bribes que le clergé réussit à faire reconnaître son existence, rien n’étant acquis. La nomination d’un nouveau gouverneur suffisait souvent à tout remettre en question. Le premier coadjuteur, permis par les autorités et choisi par Mgr Briand, fut Louis-Philippe d’Egsgly, curé de Saint-Pierre de l’Île d’Orléans. L’ordination épiscopale a lieu le 22 juin 1774, de façon discrète.

Face à l’invasion américaine éminente, le gouverneur Carleton demande un mandement à l’évêque permettant de s’assurer la fidélité des Canadiens. Mgr Briand y consent de bonne grâce et rappelle aux Canadiens les largesses et les bontés des autorités britanniques avec l’Acte de Québec. Il demande aux catholiques d’obéir au roi. Malgré l’appui officiel du clergé, les Canadiens demeurent plutôt indifférents devant les demandes de l’évêque. La majorité demeure passive et neutre. Dans plusieurs paroisses, les fidèles reprochent aux curés de prendre position pour les Anglais. L’évêque menace de représailles ceux qui refusent d’obéir aux autorités légitimes. Certains membres du clergé sont favorables aux Américains et sont réprimandés par l’évêque. L’arrivée de 5000 nouveaux soldats britanniques par le Saint-Laurent met fin à l’idée d’invasion des Américains. Après le départ des rebelles, l’évêque demande une rétraction publique de la part de ceux qui avaient appuyé les envahisseurs. Ainsi, le 31 décembre 1776, 12 hommes qui avaient porté les armes contre le roi doivent se rendre à la porte de la cathédrale pour demander publiquement pardon. Ceux qui refusent sont exclus de l’Église et ne peuvent être enterrés au cimetière catholique.

En 1791, l’Acte constitutionnel apporte des changements importants à la vie politique avec l’élection de députés et la division du Canada en deux provinces le Haut-Canada (Ontario) et le Bas-Canada (Québec). Les catholiques conservent leurs droits acquis, mais rapidement, avec l’approbation de Londres, le gouverneur veut reprendre l’initiative avec la nomination des curés. De plus avec l’Institution royale pour l’avancement de l’enseignement, on instaure un système gratuit d’écoles primaires avec des instituteurs anglais et anglicans. On revient donc au droit de nominatation aux cures et à l’épiscopat avec l’exclusion des prêtres étrangers.

Le but des autorités anglaises est de soumettre l’évêque romain dans les rouages administratifs pour l’inféoder comme la religion anglicane à l’autorité du roi. Sous Mgr Plessis, les relations sont relativement bonnes avec le gouverneur. En 1807, la situation se gâte avec l’arrivée de Craig comme gouverneur.

En effet, ce dernier souhaite la conversion des Canadiens à la religion anglicane et à la langue anglaise par des moyens coercitifs si nécessaire. Malgré l’opposition de plusieurs membres du clergé, l’évêque accepte de faire lire une proclamation écrite par Craig pour soutenir le gouvernement face aux membres de l’Assemblée qui refusent de voter le budget tel que présenté. L’évêque pose ce geste pour éviter chez le gouverneur une plus grande antipathie contre le catholicisme se situant ainsi dans la tradition de l’ordre et de l’autorité. Pour soumettre le prélat à l’autorité civile, Craig lui propose d’augmenter ses revenus à la condition de dépendre totalement du gouvernement, ce que Mgr Plessis refuse catégoriquement.

L’avenir de l’Église est ici remis en cause. L’évêque refuse la soumission du spirituel au pouvoir civil. En 1812, le vent tourne avec l’arrivée d’un nouveau gouverneur, Georges Prévost. Mgr Plessis revient à la charge et demande à nouveau la reconnaissance civile et le droit de choisir un coadjuteur. Une nouvelle invasion américaine vient donner un coup de pouce aux demandes traditionnelles de l’évêque. Le clergé prend rapidement position en faveur des autorités britanniques et demande au peuple de résister à l’envahisseur. On proclame la fidélité et l’obéissance que l’on doit au légitime souverain en rappelant les bienfaits envers les catholiques de L’Acte de Québec. Rapidement, l’évêque retransmet aux curés la satisfaction du gouverneur pour leur assistance dans la levée de la milice. Les Américains étant repoussés, l’évêque se voit accorder un traitement annuel quintuplé, ce dernier passant de 200 £ à 1000 £.

En janvier 1818, Mgr Plessis est officiellement reconnu comme évêque catholique romain de Québec. De plus, il est nommé membre du Conseil législatif. Cependant, ses successeurs devront attendre la confirmation royale pour pouvoir jouir officiellement du titre d’évêque de Québec. Le Bas-Canada est enfin traité comme un pays catholique.

Au bout de 55 ans de lutte, l’Église catholique est finalement reconnue. La ténacité des différents évêques malgré de multiples difficultés et des circonstances politiques défavorables a donné ces résultats. En effet, c’est un cas unique dans les territoires conquis où l’intolérance à l’époque était la règle plutôt que l’exception.

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