Retour à la page principale
Aller au chapitre suivant
Une société de :plus en plus sécularisée : 1958-1965
Une forme d'action à repenser
L'ouverture aux frères séparés
Mort d'une Église-Nation
Déconfessionnaliser le travail
Laïciser les institutions
En quête de nouveaux modes de présence au monde







Une société de plus en plus sécularisée :1958-1965


L’Église québécoise fait donc face à de nouveaux défis. Les 28 évêques ont unede moyenne d’âge de 61 ans, dont 3 ont plus de 80 et 7 ont entre 60 et 79. L’idéologie est axée sur l'autorité et l’obéissance. La sécularisation est un phénomène irréversible. De grands secteurs commencent à échapper au contrôle de l’Église comme le bien-être social et l’éducation. Après la Seconde Guerre, le mouvement s’accentue. Dès le début des années 1960, apparaissent les projets collectifs sans référence aux croyances religieuses. On arrive, ainsi, à la déchristianisation des individus et des cultures symbolisée par la publication du Refus global.

Dans le diocèse de Saint-Jean, 38 % des diocésains ont abandonné la pratique dominicale. L’attachement à l’Église est plus fort hors du milieu urbain. La coupure en voie de s’opérer entre la religion et le vécu de larges couches de la population revêt plusieurs significations. L’une d’elles remet en cause la liturgie qui n’anime plus les fidèles. Dans la plupart des communautés paroissiales, la liturgie est une sorte de langage extraterrestre incapable de tenir compte du temps présent. L’Église se rend compte que la transmission de la foi est la fonction première de la pastorale. Elle s’affaire à former des catéchètes nourris de la bible et de la liturgie.


Retourner au menu du chapitre


Une forme d’action à repenser


À partir de 1958, les problèmes de l’Action catholique s’aggravent. L’action catholique spécialisée est dominée par la forte personnalité de Claude Ryan, secrétaire national. La J.E.C. est en difficulté et l’épiscopat place le mouvement sous sa tutelle. La crise ne s’étant pas résorbée en 1964, les permanents des quatre journaux de la J.E.C. démissionnent en bloc. Certains clercs, comme le chanoine Racicot, prononcent déjà l’oraison funèbre des associations pieuses.


Retourner au menu du chapitre


L’ouverture aux frères séparés


Dès 1958, le militantisme des témoins de Jéhovah, le zèle des protestants et le compagnonnage des catholiques et des protestants dans des associations neutres comme les Kiwanis posent des problèmes. Le cardinal Léger fait montre de souplesse, souhaitant la collaboration des catholiques et des non catholiques dans le domaine de la charité.

Les encycliques Mater et Magistra et Pacem in Terris donnent un nouveau souffle au mouvement oecuménique. Les initiatives se multiplient à Montréal et elle devient un centre important d’oecuménisme. Le cardinal participe à une soirée de fraternité et devient le premier prince de l’Église à participer à une manifestation organisée par le Conseil oecuménique des Églises.


Retourner au menu du chapitre


Mort d’une Église-Nation


Au milieu des années 1950, le Canadien français se sent aliéné dans toutes les sphères de sa vie. Il commence l’apprentissage de la liberté et la quête d’une identité. Le débat sur le contrôle du système scolaire devient le point de départ de cette recherche d’identité. En octobre 1960, les jésuites annoncent leur projet d’ouvrir une université à Montréal, perpétuant ainsi la main mise du clergé sur l’éducation. Plusieurs raisons militent en faveur de l’ouverture d’une nouvelle université dont l’augmentation démographique et l’urgence d’une autre université francophone à Montréal. Le débat met en évidence un problème important de notre société, soit la laïcité. Il y a un tollé des intellectuels contre le projet qui fait réfléchir le gouvernement. Finalement, ce dernier décide de reporter sa décision.

La mort de Maurice Duplessis, en 1959, suivie du célèbre « désormais » de son successeur Paul Sauvé, fait sauter les verrous. Puis, les écrits du Frère Untel, Jean- Paul Desbiens, modeste frère enseignant du Lac-Saint-Jean, déclenchent une vague de protestations. Pourtant, ces écrits mettent en évidence des questions fondamentales comme la langue, l’éducation et l’autorité. Le cardinal Léger se montre plutôt sympathique à sa cause et l’autorise à faire une entrevue à la télévision qui a un grand impact. Le frère Desbiens en ne demandant pas l’imprimatur de l’Église a gravement manqué à l’obéissance. Les évêques des régions réclament une action énergique contre lui. Devant la crise provoquée par le frère Desbiens et ce jusque dans les rangs de l’épiscopat du Québec, il est expédié à Rome, soi-disant pour y faire des études. C’est le prélude à l’explosion de la Révolution tranquille qui se prépare.


Retourner au menu du chapitre


Déconfessionnaliser le travail


La faiblesse du membership dans la C.T.C.C. force les dirigeants syndicaux à donner un sérieux coup de barre. En 1959, on arrive à formuler trois grands principes :

1- Suppression du mot catholique dans la raison sociale de la C.T.C.C.

2- Reconnaissance de principes conformes à la doctrine sociale de l’Église

3- Remplacement des aumôniers par des conseillers moraux

Il faudra attendre, en 1960, avant que les évêques acceptent les recommandations de l’exécutif de la C.T.C.C. Au congrès de 1960, la C.T.C.C. devient la C.S.N. Cependant, la Corporation des enseignants demeure confessionnelle jusqu’en 1967.


Retourner au menu du chapitre


Laïciser les institutions


En 1957, la juridiction du ministère du Bien-être social et de la Jeunesse s’étend à toute l’assistance publique. Ce mouvement de laïcisation et la réorganisation sociale se font de 1957 à 1970. Dès l’arrivée du gouvernement Lesage, l’État se pose en agent de rationalisation du secteur social et force les institutions privées à s’ajuster et à s’intégrer aux structures qu’il met en place. L’opération s’effectue quelquefois dans l’anarchie et non sans douleur et se solde par la déconfessionnalisation du système d’assistance publique et sa réorientation. En 1962, la Loi des hôpitaux met fin au monopole de l’Église sur les services de santé. Les agences privées doivent se cantonner dans les services de réadaptation sociale et de prévention.

La laïcisation du monde scolaire se fait après d’âpres discussions. Ce système a valeur de symbole et il traduit les idéaux et le projet collectif de la nation, du moins la nation telle que définie par les élites traditionnelles. La laïcisation correspond à un besoin d’ouvrir l’éducation à tous les citoyens sans discrimination. L’épiscopat semble ouvert à une réforme. Les évêques se plaignent du manque de ressources financières allouées au Conseil de l’Instruction publique où, disent-ils, Duplessis nomme souvent des amis du régime et des incompétents. La stratégie des communautés enseignantes est d’investir massivement dans l’expansion des structures scolaires et le perfectionnement des maîtres. Le mot d’ordre des religieux est d’être plus compétents que les laïcs. Le 6 juillet 1960, la décision de confier au ministre Paul Guérin-Lajoie les responsabilités du Bien-être social et de la Jeunesse ainsi que celles du Département de l’Instruction publique sonne l’alarme et annonce des changements en profondeur. Ainsi, la direction administrative des écoles relève désormais du ministre laissant la régie pédagogique au Conseil de l’Instruction publique. L’épiscopat est ouvert aux changements, mais en conservant à l’Église un rôle primordial.

Le gouvernement sonde certains évêques sur les changements possibles à apporter, mais l’assemblée des évêques ne prend aucune décision. Les technocrates sont pressés et veulent passer à l’action. Les évêques sentent le tapis leur glisser en dessous des pieds d’une façon inéluctable. Ils protestent donc contre une réforme où ils seraient minoritaires.

La commission Parent sera l’occasion de procéder à une vaste réflexion. L’épiscopat a maintenant comme principal objectif le maintien de l’école catholique et le rôle de l’État dans l’éducation. En avril 1963, la Comission Parent dépose la première tranche de son rapport dans lequel les commissaires proposent la création d’un ministère et d’un conseil supérieur. Le conseil serait composé de deux comités confessionnels l’un catholique et l’autre protestant. Le gouvernement a ainsi retenu l’objectif des évêques. Ces derniers sont insatisfaits du projet de loi et demandent la sauvegarde de l’emprise de l’Église sur l’éducation.

En juin de la même année, le gouvernement dépose son projet de loi qui est rapidement retiré pour laisser à l’opinion publique le temps de s’exprimer. En août, l’épiscopat expédie une lettre au premier ministre où elle réclame une déclaration des droits fondamentaux de l’Église en éducation. En janvier 1964, le gouvernement dépose un projet de loi amendé qui va dans le sens des recommandations des évêques. Le 5 février 1964, le projet de loi est adopté avec l’appui de l’épiscopat.

Avec le Comité catholique, l’Église conserve une position stratégique dans l’éducation. Mais pour combien de temps?


Retourner au menu du chapitre


En quête de nouveaux modes de présence au monde


L’Église doit trouver de nouveaux modes de présence dans la société. L’épiscopat n’est pas prêt à se comporter en corps intermédiaire. Les journaux qu’il a mis en place sont cédés à l’entreprise privée les uns après les autres, faute de moyens financiers suffisants. Ce sera le cas du Progrès du Saguenay, du Bien public (Trois-Rivières) du Richelieu (Saint-Jean) entre autres.

Par ailleurs, les frères enseignants mettent sur pied la Fédération des frères enseignants du Canada. En 1958, les religieuses font de même avec l’Association des instituts de religieuses enseignantes du Québec. Ces religieux se sentent marginalisés et ne participent pas au projet de réformes. L’opinion publique, travaillée par un mouvement anticlérical, perçoit ces derniers comme des concurrents des laïcs qui profitent des gains obtenus de haute lutte par les syndicats. Lentement, mais sûrement, les frères et soeurs s’engagèrent dans le syndicalisme sur une base individuelle.

De 1958 à 1964, le processus de sécularisation balaie une forme de religion qui s’était institutionnalisée au XIXe siècle. La société québécoise baigne désormais dans une atmosphère désacralisée. Les clercs sont remplacés par des laïcs à la direction des établissements. L’Église québécoise a peu à peu perdu sa capacité d’imposer son point de vue. Son avenir réside dorénavant dans sa capacité à innover.



Retourner au menu du chapitre


Retour à la page principale


Aller au chapitre suivant