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Avec la Révolution tranquille : Une Église en crise, 1965-1971
Edifier le peuple de Dieu
Le déssaroi du clergé séculier et des congrégations
Des congrégations
La révolte des militants
Une Église qui se cherche
Un métier à réinventer
Le rapport Dumont
Le ressac populaire
Un régime d'accommodements
La tentation du désert



1968-1969 : Cathédrale Christ-Roi, Gaspé, diocèse de Gaspé





Avec la Révolution tranquille : Une Église en crise, 1965-1971


u milieu des années 1960, l’Église québécoise entre dans un état de crise qui ne s’est pas encore dissipé. Les derniers bastions de la ruralité s’écroulent dans le domaine scolaire avec la régionalisation. L’État façonne une organisation qu’il place sous le signe de la neutralité. Le développement des banlieues apparaît. Un matérialisme pratique se développe avec une nette amélioration du niveau de vie. De nouvelles valeurs surgissent avec la révolution sexuelle et la libération de la femme. Celle-ci conteste de plus en plus la ségrégation des rôles dans la société. Ces changements culturels affectent la famille. Le travail des femmes, la baisse de la natalité et les unions irrégulières sont tous des symptômes de la mutation de la société québécoise.

Les francophones sont confrontés à une crise d’identité. Après la crise d’euphorie collective de la Révolution tranquille, un sentiment d’échec s’installe dans une population qui se cherche. Les non-instruits ne se reconnaissent pas dans la bureaucratie gouvernementale. De plus, les jeunes n’acceptent pas de travailler en anglais de même que l’assimilation des néo-Québécois par la minorité anglophone, ce qui pousse le problème linguistique à son paroxysme.

Le catholicisme québécois encaisse les contrecoups de ces changements. La pratique religieuse qui était de 61 % à Montréal en 1961, tombe à 27 % dix ans plus tard. Dans le diocèse de Saint-Jean elle passe de 67 % à 30 %.


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Édifier le peuple de Dieu


Les évêques semblent dépassés par les urgences de l’heure. Une réforme est amorcée qui porte sur l’intégration de la musique à la liturgie de même qu’une simplification de la célébration de la messe et l’emploi de la langue populaire pour la proclamation du Canon. La réforme s’étend au calendrier liturgique, Pâques redevenant la principale fête de l’année. Des pasteurs introduisent des « messes à gogo » avec danses et rythmes modernes. De plus, les fidèles réclament et obtiennent la célébration pénitentielle communautaire.

Mais le sens de l’appartenance à la paroisse disparaît également. Celle-ci devient l’assemblage d’une multitude de petits clans. Les gens habitent la même paroisse, mais vivent dans des univers différents.

La vie commune ne vient plus de l’espace territorial, mais de secteurs particuliers comme l’école, l’usine, la profession, etc. Le décrochage de l’Église est proportionnel à celui de la famille.

En février 1965, Mgr Roy propose au premier ministre qu’un comité d’enseignement religieux composé de cinq personnes mandatées par l’épiscopat devienne le comité pédagogique officiel du ministère de l’Éducation en enseignement religieux. Les fonctionnaires voient dans cette manoeuvre un stratagème de l’Église pour se réinstaller dans les structures politiques. Les pouvoirs sont laissés au Comité catholique et c’est le service de l’Enseignement religieux du ministère de l’Éducation qui en assurera l’application. Une nouvelle tentative est faite, en 1967, par le ministre de l’Éducation Guy Saint-Pierre qui propose une nouvelle loi pour neutraliser les structures scolaires de Montréal, afin de faciliter l’intégration des néo-Québécois. Ainsi, le projet de loi 29 est conçu pour tenir compte de la langue et non de la foi. Le veto des évêques force le premier ministre Bourassa à le retirer en décembre 1971.


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Le désarroi du clergé séculier et des congrégations


La sécularisation du Québec fait en sorte que l’Église n’a plus de responsabilités dans de larges secteurs de la vie sociale. Les prêtres séculiers sont désorientés. En 1969, 38 % sont curés, 23 % vicaires, 4 % directeurs scolaires, 13 % professeurs et 10 % aumôniers. Ces clercs sont souvent insatisfaits de leurs relations avec leurs évêques.

La question du célibat focalise le mécontentement et le malaise au sein du clergé. En juin 1967, le décret pontifical Sacerdotalis caelibatus confirme la pratique exclusive du célibat pour les clercs. On estime, que de 1964 à 1969, 173 séculiers décident de décrocher. La laïcisation constitue une procédure longue et pénible. La plupart des laïcisés se marient et continuent à oeuvrer dans un domaine qui est un prolongement de l’activité sacerdotale. Ces départs ne sont que l’un des symptômes d’un malaise généralisé. De plus, en parallèle, il y a une baisse des ordinations. La crise des vocations demeure au centre des préoccupations pastorales des évêques.


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Des congrégations


Le mouvement de sécularisation oblige les communautés à se départir d’un grand nombre d’oeuvres. Ceci affecte l’identité des communautés. Cette situation oblige celles-ci à se repositionner comme collaborateurs de l’Église. La société québécoise reproche aux communautés religieuses de faire concurrence à l’entreprise privée dans les domaines de l’imprimerie, des librairies et d’autres activités commerciales.

La crise engendre les mêmes effets dans les congrégations que chez les séculiers. Les départs sont nombreux. Les relations avec le clergé séculier sont tendues. Les religieux reprochent aux évêques :

1- Que les diocèses intègrent les individus et non les congrégations, ce qui fait perdre le sens de l’appartenance à une congrégation.

2- Que les religieux professionnels soient exclus de la vie diocésaine

3- Que les curés considèrent les religieux comme des domestiques.

De 1961 à 1971, dans la grande région de Montréal, le nombre de prêtres religieux se maintient, pendant que celui des frères diminue de moitié et celui des religieuses de 22 %.


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La révolte des militants


Avec Vatican II et les changements sociaux, les mouvements d’action catholique s’orientent vers l’inconnu. Les associations comme les Ligues du Sacré-Coeur et les Dames de Sainte-Anne, rebaptisées Mouvement des femmes chrétiennes, ont du mal à maintenir leurs effectifs qui sont attirés par des nouveaux mouvements de type Encounter (petit groupe de réflexions et de prières). Devant de multiples problèmes, les évêques de langue française suspendent en octobre 1966 la constitution de l’Action catholique canadienne ainsi que tous les organismes qui en dépendent. Ceci amène la mise à pied de quatre permanents. Une crise financière est à l’origine de cette action des évêques. La J.E.C. remet en cause l’Église-institution dans son ensemble. En janvier 1968, la crise, qui perdurait depuis plusieurs années, connaît son dénouement lorsque le comité national de la J.E.C. annonce qu’il rompt avec l’Église.


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Une Église qui se cherche


Les fidèles également prennent leur distance avec l’Église. L’attitude de celle-ci sur l’avortement, le divorce et sur la sexualité en désappointe plusieurs. L’encyclique Humanae vitae sur la régulation des naissances déçoit et accentue la désaffection envers l’Église. Le peuple accepte l’usage des moyens mécaniques et chimiques de régulation des naissances.

L’Église refuse de considérer ce sujet comme une affaire personnelle. Solidaires de Rome, mais aussi de ses fidèles, les évêques multiplient les consultations, mais en vain. De plus, Humanae vitae provoque une autre hémorragie des militants engagés dans l’Église.


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Un métier à réinventer


On ne saurait être évêque à la méthode d’autrefois. Autant que l’image, ce sont les conditions d’exercice qui changent. Les fidèles veulent des pasteurs plus près d’eux. La crise de crédibilité qui frappe la hiérarchie se double d’une crise d’identité. La démission du cardinal Léger peut être considérée comme celle d’un homme qui se sent dépassé par les évènements. Le cardinal est un homme d’ancien régime et son départ crée un vide. L’épiscopat se retrouve face à un manque de leadership. L’heure est à l’action collective.

Vatican II a jeté les bases d’une Église particulière. Une vingtaine de pouvoirs leur sont accordés. Le fonctionnement de l’A.E.Q. (Assemblée des évêques du Québec) a des problèmes avec la Conférence des évêques du Canada. En 1966, l’A.E.Q se dote d’un secrétariat permanent. La mise en place de ce secrétariat est l’amorce d’une réforme en profondeur. En 1970, elle procède à l’élection d’un exécutif. L’A.E.Q. devient, au sens de Rome, une région ecclésiastique qui pourra s’occuper d’éducation, d’enseignement religieux, de pastorale, des questions sociales et du clergé. Certains évêques ont peur de se faire traiter de séparatistes. La décentralisation est en route et assure aux évêques du Québec une certaine autonomie par rapport à la C.E.C.C. (Conférence des évêques du Canada)

Pendant ce temps, Rome reporte sans cesse la décentralisation. Sa position sur la limitation des naissances dans l’encyclique Humanae vitae met l’épiscopat québécois dans une position inconfortable. Le délégué apostolique déplore les fuites envers les médias lors de consultations menées par Rome. Les évêques canadiens réaffirment alors leur confiance envers Rome. Cependant, les relations avec la Ville éternelle demeurent marquées par une lenteur proverbiale et la méfiance du Vatican à l’égard des Églises particulières

Le premier ministre du Canada, Pierre-Elliot Trudeau, désireux de collaborer avec des institutions internationales pour la paix et au droit de l’homme veut établir des relations diplomatiques officielles avec le Vatican. Calculateur, il est conscient des retombées politiques auprès des catholiques canadiens que va lui apporter la reconnaissance de l’État du Vatican. En octobre 1969, le gouvernement canadien annonce l’établissement des relations diplomatiques avec le Saint-Siège.

En 1971, l’Église québécoise fait face à un grave problème social : la sécularisation. De plus en plus, les laïcs doivent assumer des responsabilités. Ce n’est qu’un début.


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Le rapport Dumont


En 1968, l’Église crée la Commission d’étude sur les laïcs et l’Église. Elle est présidée par un laïc, le sociologue Fernand Dumont, et comprend douze membres dont neuf laïcs parmi lesquels quatre femmes. La commission visite tous les diocèses et reçoit plus de huit cents mémoires.

Le rapport diagnostique un état de crise religieuse dont les symptômes sont l’abandon du sacerdoce, le déclin de la pratique religieuse, l’indifférence de la jeunesse et l’éclatement de la communauté chrétienne. Elle note dans la population un profond désir de libération et un effort de redéfinition de l’identité personnelle et collective. L’heure n’est plus à la récupération, mais à la conversion.On constate que 86 % de la population se réclament encore de l’Église catholique. Ces fidèles sont répartis en 1888 paroisses et 22 diocèses. Ces derniers doivent se soucier d’être présents à leurs fidèles et d’intégrer davantage laïcs et religieux. Le clergé séculier comprend 5241 membres et les 171 congrégations comptent quelque 42 000 religieuses et religieuses.

Le rapport indique que la sécularisation a refoulé l’Église dans une position de retrait. Clercs et religieux sont en minorité dans les organismes publics. De multiples questions se posent comme la capacité de la communauté chrétienne d’assumer des valeurs propres au catholicisme et à la culture québécoise. Le catholicisme québécois deviendra-t-il un réseau de petites communautés de foi centrées sur elles-mêmes?


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Le ressac populaire


Durant les années 1970, le décrochage prend de l’ampleur. Il y a un mouvement vers les sectes favorisées par la marginalisation de l’Église. Les nouveaux convertis aux sectes ont dans la trentaine et un tempérament conservateur et rigoriste. Déjà, la majorité des pratiquants sont des gens de quarante ans.

Parmi ces croyants, on retrouve les traditionalistes qui se sentent bousculés par de nouveaux rituels et l’emploi de la langue du peuple. Ils contestent sur deux fronts la liturgie et la confessionnalité. Il y a également les charismatiques qui choisissent l’abandon aveugle au souffle de l’Esprit. Ce mouvement est issu du pentecôtisme américain. Il connaît au Québec, à partir de 1973, une expansion fulgurante. La relation avec Dieu est simple et directe.

L’Église semble dépassée par ce mouvement et essaie de le récupérer. Le Renouveau, mouvement chapeauté par l'Église, est basé sur l’expérience personnelle de la prière et de la rencontre avec Dieu. Par contre, les chrétiens politisés battent la charge contre l’Église-institution et réclament une option socialisante pour le Québec. Ils veulent combattre la misère sociale, faire la promotion des droits humains et promouvoir la libération des peuples d’Amérique latine.


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Un régime d’accommodements


Le taux de pratique est évalué à 45 % en 1982. Le clergé séculier constitue un corps social vieillissant et en décroissance rapide. Sur les 3097 prêtres recensés en 1977, la moyenne d’âge est de cinquante ans et le quart des effectifs a atteint l’âge de la retraite. Ainsi, dans le diocèse de Saint-Jean le nombre de prêtres diocésains est passé de 220 à 169 et on prévoit qu’en 1991 qu'il n'en restera que 85 pour desservir une population qui aura triplé.

Devant ces faits, la Hiérarchie n’a d’autres choix que d’aller au plus pressé. Elle favorise le recyclage des prêtres et des religieux, le travail en équipe et l’insertion des religieux et des laïcs dans la pastorale. De plus en plus de laïcs se consacrent à temps plein à des tâches de pastorales. Le nombre de diacres augmente rapidement. Une nouvelle orientation pastorale apparaît. À partir de 1974 dans les écoles, le service de pastorale scolaire et l’enseignement religieux constituent la même facette de la pédagogie de la foi. Quelque mille agents pastoraux payés à même les fonds publics exercent ce ministère. L’enseignement religieux demeure obligatoire au primaire et durant les deux premières années du secondaire. Aux autres niveaux, cet enseignement est optionnel.

Les communautés religieuses vendent à l’État certains biens : écoles, asiles, hôpitaux. L’Église-pouvoir devient l’Église-service. Les revenus de ces ventes servent à prévoir une retraite convenable aux sujets âgés ou sont retournés à la société sous forme de contributions financières dans les projets sociaux, religieux ou spirituels. Les communautés s’efforcent de s’adapter à ces nouvelles situations et, en plus de l’éducation, s’occupent de l’accueil des immigrants. Dans de nombreux endroits, leur bénévolat est fort utile pour les mères célibataires, les itinérants, les personnes âgées, etc.



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La tentation du désert


Le catholicisme québécois commence à marquer le pas. Un nouveau conservatisme s’installe et remet en question la place des femmes dans l’Église et l’enseignement de la théologie. Les femmes engagées réclament qu’elles soient reconnues comme membres à part entière de l’Église avec les mêmes droits et privilèges. Les femmes accèdent enfin à certaines fonctions. Elles représentent 57 % des conseils paroissiaux de pastorales. En 1976, Rome se prononce à nouveau contre le sacerdoce féminin. Du même souffle, on n’admet pas le prêtre marié, le sacerdoce et le célibat étant intimement liés.


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