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L'apogée : 1914-1930
L'Église canadienne au XXe siècle
Les Québécois : Une population diversifiée
Les genres de vie
La culture des Canadiens français
Le catholicisme québécois dans une église ultramontaine
Une puissance politique
Une Église nationale et sociale
L'Enjeu
L'avenir
Une délégation apostolique pemanente
L'affirmation d'une Église québécoise
Le leadership du cardinal Bégin
Réunion des archevêques et évêques du Québec
La crise des écoles séparées
La bataille des sièges
L'Épiscopat
Le clergé séculier
La vocation
Les religieux
Les communautés
Le vent dans les voiles
Les missionnaires
Les prêtres missionnaires
L'apparation de l'ère industrielle
Les agents du mal
Le salut par l'élite
La croisière de tempérance
Les débuts du syndicalisme
Les retraites fermées
Deux courants idéologiques
Le système scolaire est modifié
L'assistance publique
Le réseau des paroisses
L'entretien du clergé
Le financement des oeuvres
Les biens de l'Église
L'édification de la société
La colonisation
L'essor du syndicalisme
Le nationalisme et la guerre de 1914-1918
L'âme de la race
Le jour du seigneur
Les mariages mixtes
L'émancipation des femmes
La pastorale paroissiale et la pastorale des masses
Les pèlerinages



1922- 1924 : Église Saint-Ambroise, Saguenay-Lac-Saint-Jean, diocèse de Chicoutimi



L’apogée : 1914-1930



C’est une période de transition qui s’engage pour l’Église du Québec depuis le début du siècle jusqu’à la Révolution tranquille. Le Québec s’industrialise. L’Église suit le mouvement et essaie de s’approprier cette nouvelle réalité. On veut créer un modèle canadien-français qui rejette la nouvelle tendance du recours à l’État. L’Église réussit à étendre son influence. Cependant, la Grande guerre (1914-1918) apporte des changements radicaux. La prospérité économique provoque des changements de comportement. Faute de moyens financiers adéquats, l’Église ne peut apporter les changements importants dans les domaines de l’éducation et de la santé, ces deux domaines cruciaux demeurant accessibles qu’à une petite minorité. L’ère Duplessis qui s’appuie volontiers sur l’Église en est une de repli sur soi et de lutte pour l’autonomie politique. L’élite intellectuelle manifeste de plus en plus son impatience et son désir de profonds changements dans la société québécoise. En 1920, 85 % de la population québécoise est catholique. Tout est rythmé par les obligations religieuses. La pratique religieuse demeure inchangée depuis 1840. C’est encore une religion très profondément inspirée par la crainte du jugement dernier, d’obligations, de devoirs. On constate une croissance des vocations religieuses. La langue devient de plus en plus le principal trait distinctif de la nation québécoise. L’Église appuie des slogans comme « l’achat chez nous » dans le but d’aider les nôtres au niveau économique et s’implique également pour développer le mouvement coopératif. Elle veut ainsi participer au développement économique. L’Église joue ainsi un rôle important dans la société qui devient confessionnelle et de plus en plus cléricale. Cependant, l’Église doit faire face à l’urbanisation et à la modernisation du Québec. Le diocèse de Montréal est dirigé par un évêque conservateur, Mgr Bruchési, qui s’oppose à tout changement : les bibliothèques, la mode féminine, la presse populaire, etc. La modernité favorise l’émancipation des jeunes. Elle transforme la famille, la paroisse et tout ce qui constitue jusque-là les fondements de la chrétienté québécoise. L’Église s’oppose farouchement au vote des femmes et à une instruction trop poussée des jeunes filles. Tandis que les institutions sociales comme les hôpitaux, asiles et orphelinats peuvent compter du côté anglais et protestant sur le mécénat de la grande bourgeoisie, du côté francophone, on doit s’en remettre au dévouement des religieux et religieuses. Mais cela est bien vite insuffisant et on doit de plus en plus compter sur l’État. Les évêques sont opposés à la Loi de l’assistance publique, car cela signifie une éventuelle dépendance financière vis-à-vis de l’État. La crise économique va précipiter ce mouvement. Ce sont tous ses éléments que nous analyserons dans ce chapitre portant sur la période de l’après-guerre (Grande guerre) marquée par l’apothéose de l’Église et les premiers signes d’un déclin qui s’amorce avec la sécularisation de la société québécoise.


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L’Église canadienne au XXe siècle


En 1901, elle compte sept diocèses et 2 300 000 fidèles. L’Église canadienne est formée de deux blocs culturels : l’Église canadienne-française, qui englobe les provinces ecclésiastiques de Québec, Montréal, Ottawa et Saint-Boniface et l’Église canadienne-irlandaise, composée de trois provinces ecclésiastiques : Toronto, Kingston et Halifax. Les provinces ecclésiastiques sont dirigées par un archevêque regroupant quelques diocèses. Le diocèse est une unité administrative divisée en paroisses. Un diocèse bien organisé a un évêché, une cathédrale et un séminaire qui assurent la formation des futurs prêtres.


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Les Québécois : Une population diversifiée


Le Québec du début du siècle compte une population 1 600 000 habitants. Outre Montréal qui compte 250 000 habitants et Québec 60 000, le Québec ne compte que neuf villes de 5000 à 13 000 habitants. Le reste de la population est dispersée diversement sur le territoire. Le taux de natalité est l’un des plus élevés du monde. Il se situe entre 35 % et 45 % dans certaines régions rurales. Ce haut taux de natalité allait fournir les nombreux colons qui ouvrirent le territoire. Ils forment aussi une masse de main-d’oeuvre à bon marché dans les villes où les fabriques accueillent volontiers femmes et enfants.

Les Amérindiens sont peu nombreux ne comptant qu’entre 10 000 à 12 000 membres. Les Canadiens français représentent 80 % de la population et sont établis surtout le long du Saint-Laurent. Les Britanniques représentent à peine 18 % de la population. Ils sont établis en milieu urbain, mais surtout dans les Cantons-de-l’Est. Les Irlandais représentent 7 % et les Écossais 4 %. Les Canadiens français sont catholiques, tandis que les Anglais et Écossais sont principalement anglicans ou presbytériens.


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Les genres de vie


Les Québécois sont ruraux à 61 %. Ils vivent dans des paroisses isolées et autonomes. La famille fournit la main-d’oeuvre nécessaire à l’exploitation de la terre. On retrouve dans les campagnes une société relativement homogène et égalitaire. Généralement, ce sont les curés, le notaire et les commerçants qui assument les échanges avec l’extérieur.

À Montréal, dans les années 1840, et Québec, dans les années 1860, l’industrialisation fait son apparition. À Montréal, c’est une industrie axée sur les biens de consommation (chaussures, vêtements, textiles) qui se développe. Puis, d’autres villes connaissent un essor industriel comme Sherbrooke, dans les Cantons de l’Est, alimentées par un réseau de chemins de fer en pleine expansion. Dans les villes, les quartiers ouvriers sont miséreux et insalubres. Le taux de mortalité oscille entre 16 % et 20 % dans les quartiers favorisés et entre 30 % et 40 % dans les quartiers pauvres. L’industrialisation draine une population rurale excédentaire ainsi que de nombreux artisans. Pour réussir à assurer leur subsistance, nombre de familles laissent la femme et les enfants travailler en usine. Tandis que chez les anglophones, l’élite se distingue par sa richesse, chez les francophones ce sont l’instruction et le rôle politique qui donnent le prestige social. En fait, on remarque au Québec deux sociétés distinctes, deux sociétés qui vivent l’une à côté de l’autre sans presque ne jamais se rejoindre, sinon par un système politique commun.


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La culture des Canadiens français


C’est la culture qui a fait des Canadiens français au Québec une société distincte. Habituellement, les Canadiens français ont confiance à l’homme et attachent une grande importance à la famille et aux relations sociales. L’anglophone est plus renfermé et désireux d’imposer sa marque. Pour lui, l’efficacité est primordiale. Les francophones se méfient de celui qui s’enrichit. L’envie, le luxe et l’ivrognerie sont les principaux vices collectifs dénoncés par l’Église. L’électeur canadien-français s’attache davantage aux hommes qu’aux principes et vibre devant l’éloquence. Il abandonne volontiers à l’élite le pouvoir. La famille demeure la pierre angulaire de la culture canadienne-française. Elle est une entité socio-économique qui pratique l’autosuffisance. En principe, la famille canadienne-française est patriarcale, le nom et le patrimoine se passent de père en fils. En réalité, c’est de mère en fille que se transmettent les traditions familiales. La femme a pleine autorité sur les jeunes enfants et sur la maisonnée. Les aînés s’émancipent rapidement de l’autorité paternelle. La mère apparaît comme le centre de la communauté familiale. Hors de son territoire, le Canadien français se sent étranger, la langue des communications étant souvent l’anglais avec les symboles britanniques. C’est ainsi que le traitement des minorités francophones au Nouveau-Burnswick et au Manitoba va indiquer la volonté du Canada anglais de faire de notre pays un pays à caractère britannique. Les anglophones s'isolent sur le territoire québécois. Le Québec évolue sous le drapeau britannique dans le cadre politique canadien sous la surveillance de l’Église catholique. Cette dernière souhaite une chrétienté rurale, tandis que la bourgeoisie d’affaires prône une accélération de l’industrie urbaine. La culture canadienne-française s’apparente à celle des peuples colonisés : pauvreté collective, bas taux de scolarisation, taux élevé de mortalité. Le peuple canadien-français vit un traumatisme, soit celui de l’anglicisation de l’Amérique du Nord. Les îlots francophones qui étaient bien vivants au Missouri, Michigan et Louisiane sont de plus en plus assimilés. Le problème des Canadiens français en est un de survivance.


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Le catholicisme québécois dans une église ultramontaine


L’Église catholique occupe une place prépondérante dans la société québécoise. Les Québécois vivent alors dans six cent cinquante paroisses religieuses et une centaine de missions réparties en neuf diocèses. Au deuxième milieu du XIXe siècle, l’Église a émergé comme une puissance politique alors qu’ailleurs les États prenaient leur distance avec l’Église. L’Église québécoise a su tirer profit de la conjoncture de 1837 et 1838, l’absence d’une bourgeoisie francophone lui laissant toute la place.


Notre Église est romaine, c’est-à-dire qu’elle s’appuie sur l’autorité papale qui est infaillible, ce qui peut être à l’occasion très commode. On se retrouve donc avec un catholicisme conservateur. Cette Église est également ultramontaine, c’est-à-dire qu’elle voue un véritable culte à la papauté et ne tolère aucune incartade à ce niveau.


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Une puissance politique


Grâce au Conseil de l’instruction publique où siègent d'office tous les évêques, l’Église a la haute main sur le système scolaire francophone. D’autre part, l’Église possède un système d’éducation complet avec ses nombreux collèges secondaires et couvents ainsi que l’Université Laval et sa succursale de Montréal. Elle dirige, également, tout le système social avec une cinquantaine d’hôpitaux et d’asiles qu’elle finance par les revenus de ses propriétés, des quêtes publiques ainsi que des dons privés. L’Église possède des moyens financiers plus grands que ceux de l’État provincial. Pendant que ce dernier dispose d’environ 200 fonctionnaires, le clergé compte plus de 10 000 personnes. Consciente de sa force l’Église parle haut et fort. Le Québec est une société cléricale et l’Église une puissance politique. C'est un pouvoir bâti sur des privilèges, des biens matériels et des effectifs importants et qui a une relation privilégiée avec les autorités civiles. Elle a une alliance tacite avec la bourgeoisie anglophone. L’Église fera souvent étalage de sa fidélité au pouvoir. Cependant, les hommes politiques trouvent la tutelle de clercs envahissante.


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Une Église nationale et sociale


La société québécoise est représentée comme une société catholique, française et rurale dont la vocation est de répandre le catholicisme en terre d’Amérique. L’Église est donc une église nationale et son peuple peut être considéré comme le peuple élu de Dieu. Pour asseoir son pouvoir, l’Église dispose d’un atout : la légitimité. La religion est ce qui relie les collectivités en société et l’enseignement de l’Église est ce qui gouverne toutes les activités. La religion devient un style de vie.

L’Église se montre soucieuse d’organisation et d’encadrement pour affermir son autorité. Ainsi, le clergé se recrute facilement et son autorité n’est pas ouvertement contestée. L’Église devient le rempart contre l’assimilation. C’est ainsi, qu’elle façonne tous les instants de la vie des catholiques de la naissance à la mort.


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L’Enjeu


Au début du XXe siècle, l’identité canadienne-française subit un choc avec l’affaire des écoles du Manitoba. En effet, le gouvernement Greenway abolit en 1890 l’usage du français dans les écoles publiques et crée un système d’écoles publiques non confessionnelles. Cette décision de la majorité protestante et anglophone va provoquer une grave crise politique. Le gouvernement fédéral échoue dans sa tentative de faire passer une législation réparatrice comme la constitution lui permet. Le gouvernement Laurier refuse d’intervenir ce qui provoque l’intervention de l’Église aux élections de 1896, mais sans succès. Rome intervient en envoyant un délégué apostolique en la personne de Mgr Merry Del Val. À la fin, une encyclique papale Affari vos distribue aux évêques et aux hommes politiques tantôt approbations et blâmes. On rappelle aux évêques les règles de la modération, de la douceur et de la charité fraternelle.

Pour l’épiscopat québécois, c’est un dur coup. Ils savent que la venue prochaine d’un délégué apostolique les mettra sous haute surveillance. Dans une tentative de restaurer l’autorité des évêques, Mgr Bégin en accord avec l’archevêque de Montréal, Mgr Bruchési, écrit une lettre pastorale dans laquelle le document papal est montré comme favorable aux évêques. Le pape n’apprécie pas le long commentaire sur son encyclique. Les évêques du Québec se sentent responsables de tout le peuple francophone du Canada. .


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L’avenir


L’Église québécoise est incapable d’accepter la politique romaine qui mènerait vers l’assimilation des Canadiens français. L’Église d’ici continue à croire à la primauté du droit catholique dans l’identité canadienne-française.

Cependant, l’Église a d’autres défis à relever dont principalement celui de l’entrée du Québec dans l’ère industrielle. L’Église réagit toujours en défendant son autorité et ne voit pas l’époque de modernisation qui s’en vient. Les Québécois ont fait le choix de s’en remettre à l’Église pour assurer la survivance de sa culture et de sa nation. Inévitablement, cette dernière n’aurait plus les moyens de soutenir une telle mission.


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Une délégation apostolique permanente


En 1899, Léon XIII établit une délégation apostolique au Canada. Le délégué apostolique est le représentant du pape et exerce une grande influence. Le délégué observe, conseille et fait rapport à Rome. Mgr Bruchési perçoit cette nomination comme un vote de blâme envers l’épiscopat québécois. Au Canada, la situation se complique du fait que l’épiscopat canadien est fractionné entre un épiscopat canadien-français et un épiscopat canadien-irlandais. Certains évêques trouvent que le deuxième délégué, Mgr Sabarretti, prend le parti des évêques irlandais. En somme, peu importe le délégué, les relations ne sont jamais faciles avec l’épiscopat québécois qui a l’épiderme assez sensible.


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L’affirmation d’une Église québécoise


De 1921 à 1931, l’Église québécoise connaît une grande expansion. La population du Québec augmente de 1,200,000. Cette importante croissance démographique s’accompagne d’une grande émigration vers les États-Unis où 10 % de notre population gagnent les villes américaines. Un autre mouvement migratoire important se fait vers les villes notamment Montréal. L’urbanisation commence à marquer les paysages québécois. La population rurale connaît un net recul passant de 60 % à 36 % entre 1901 et 1931. Les francophones continuent leur expansion en Gaspésie, dans les Cantons de l’Est et en Outaouais. Les anglophones se concentrent dans la région de Montréal.


La création d’un diocèse a une grande importance pour une ville et une région. Elle s’accompagne souvent d’un développement économique significatif, étant donnée l’importance de l’Église à cette époque. Souvent, l’érection d’un nouveau diocèse donne lieu à de vifs débats. Ainsi, en est-il lors de l’érection du diocèse de Joliette. Les villes de l’Assomption et de Joliette sont en ligne. Joliette l’emporte grâce à la présence des clercs Saint-Viateur. L’Assomption restera rattachée au diocèse de Montréal.

Un débat semblable anime la fondation du diocèse de Gaspé. Le diocèse de Rimouski n’est pas prêt à soutenir l’érection d’un nouveau diocèse. Le débat se fait alors sur le lieu du choix de la ville épiscopale entre Bonaventure et Gaspé. C’est à cause des intérêts régionaux que l’on choisit la ville de Gaspé. Ce sera un diocèse pauvre, mais l’évêque devra oeuvrer à préparer l’avenir. En 1901, outre les diocèses de Québec et Montréal qui ont une population respective de 434 000 et 323 000 âmes, l’Église du Québec compte sept diocèses dont la population varie entre 59 000 et 111 000 âmes. En 1931, Montréal atteint 850 000, Québec 491 000, six diocèses comptent entre 97 000 et 134 000. Finalement, une dernière catégorie englobe quatre diocèses qui ont une population entre 44 000 et 67 000 âmes.


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Le leadership du cardinal Bégin


En maintes occasions, l’Église se comporte comme une Église nationale. Après la mort du cardinal Taschereau, l’épiscopat québécois est sans chef naturel. Mgr Bégin, son successeur, prend de l’autorité sur ses confrères à cause de sa personnalité très forte et le prestige de son siège épiscopal. La nomination de Mgr Bégin au cardinalat, titre très convoité, se fait avec l’aide indirecte du ministre canadien de la justice, Charles Fitzpatrick, en avril 1914. L’élévation au cardinalat cautionne un leadership évident depuis dix ans.


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Réunion des archevêques et évêques du Québec


Mgr Bégin se sert de son influence en utilisant la réunion des archevêques de la province. Cette réunion a lieu en même temps que celle du Conseil de l’instruction publique pour débattre de tous les problèmes civils ou religieux. Les évêques entretiennent des liens directs avec Rome. Outre les visites ad limina, qui ont lieu à tous les cinq ans, ils font des visites régulières à Rome. Pour sa part, Mgr Bégin s’y rend 32 fois, dont deux pour s’entretenir directement à Rome sur la question des écoles du Manitoba. En 1909, Mgr Paquet est désigné comme représentant à Rome des évêques du Québec. Dans la ville éternelle, le lobbying des Canadiens irlandais est très fort. Comme Rome désire conserver de bonnes relations avec Londres, les demandes à saveur nationaliste des Québécois sont reçues froidement. Sauf au Québec, et brièvement au Manitoba, les positions numériques et économiques des Canadiens français s’effondrent à la grandeur du pays.


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La crise des écoles séparées


L’article 93, de l’AANB, protège les droits déjà existants (avant 1867) des écoles confessionnelles. Le sort de la culture canadienne-française était donc lié à l’Église catholique. Mais l’utopie d’une paisible existence dans le respect des deux communautés culturelles se dégonfle rapidement :

° 1871 : Création au Nouveau-Brunswick d’un système d’écoles publiques et non confessionnelles

° 1890 : Manitoba. Abolition du français comme langue officielle et création d’un système public non confessionnel.

° 1892 : Territoire du Nord-Ouest. Abolition des écoles séparées catholiques et francophones.

° 1896 : Le gouvernement conservateur veut faire voter une loi rémédiatrice pour les francophones du Manitoba avec l’appui des évêques du Québec. Aux élections, défaite du gouvernement conservateur. Réglement Laurier-Greenway. Laurier négocie avec le gouvernement du Manitoba quelques concessions pour les catholiques.

° 1905 : Affaire des écoles du Nord-Ouest avec la création des provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan.

° 1912 : Le règlement XIII en Ontario restreint l’usage du français dans les écoles bilingues.


Les évêques du Québec se sont engagés à fond dans la bataille des écoles manitobaines. La bataille des Canadiens français est définitivement perdue. Depuis l’encyclique du Pape Affari vos, l’épiscopat québécois ne croît pas au rétablissement des écoles séparées. La majorité des évêques québécois adoptent la ligne dure envers les politiciens. Mgr Bégin condamne le système de compromis qui a donné de la force aux ennemis de l’Église. Au sujet des écoles de l’Ontario, les évêques québécois épousent les intérêts des Canadiens français. Pour retrouver l’appui de Rome, les évêques développent l’idée que la langue est la gardienne de la foi. En juin1915, les évêques du Québec défendent la cause des Franco- Ontariens en s’adressant directement au pape dans une lettre collective. À Rome, les luttes s’intensifient entre les évêques francophones et anglophones. La majorité des prélats de la curie romaine sont favorables à ces derniers. Les évêques anglophones défendent l’idée que l’anglais est la seule langue de travail en Ontario et qu’il est important que tous les Ontariens participent à la même culture. Le pape, Benoît XV, intervient pour demander que les catholiques du Canada cessent de s’entre-déchirer. Il reconnaît au gouvernement de l’Ontario le droit d’exiger un enseignement de l’anglais, tout en permettant aux francophones d’avoir un enseignement du français convenable. En fait, Benoît XV s’en remet aux évêques irlandais pour trouver une solution, ce qui constitue une grave erreur. Mg Bégin intervient à nouveau auprès de Rome par crainte des pires conséquences au niveau religieux pour le Québec et demande une intervention directe et immédiate du pape. Enfin, Rome répond aux attentes du cardinal et le souverain pontife dans une nouvelle lettre, E literies apostolcis, reconnaît le tort causé aux Franco-Ontariens et leur droit d’employer des moyens légaux pour obtenir justice. Finalement, la lettre porte fruit et le gouvernement ontarien apporte des amendements qui permettent un enseignement bilingue pour les huit années du primaire, un programme de français pour les cinq années du secondaire et une école normale bilingue pour former les futurs enseignants de ce réseau scolaire.


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La bataille des sièges


La crise des écoles fait éclater une crise profonde entre les deux groupes francophones et irlandais de l’épiscopat canadien. Deux thèses sont en présence :


La thèse irlandaise


Elle considère que le Canada est appelé à devenir un pays anglophone. Donc, il faut la nomination d’évêques anglophones pour tous les diocèses en dehors du Québec, y compris ceux à majorité francophone. Cela pourrait assurer la survivance de l’Église catholique au Canada. De plus, on constate que les évêques francophones, s’ils sont efficaces en milieu rural, le sont beaucoup moins en milieu urbain. Leur conception de l’éducation est trop axée sur la morale. Ils n’exercent aucune attraction sur les citoyens de races et religions différentes. La nomination d’évêques anglophones est perçue comme un accord avec la majorité de la population canadienne.


La thèse canadienne-française


Le Canada n’est pas un pays anglophone, mais bilingue. Les francophones sont répandus au Québec où ils forment la majorité de la population ainsi qu’en Acadie, en Ontario et sont bien organisés dans l’Ouest. Le souverain britannique ne se préoccupe pas de la nomination des évêques et pour lui qu’ils soient francophones ou anglophones, cela n’a aucune importance. Les évêques sont nommés pour le présent et non pour l’avenir. Le présent c’est la culture française à sauvegarder, rempart naturel contre les protestants. Les prêtres canadiens-français hors Québec sont bilingues ce qui n’est pas le cas des évêques irlandais. Il va de soi que le clergé doit appartenir à la même nationalité que leur troupeau. Concrètement, il y a une bataille pour les sièges épiscopaux. Le groupe irlandais bénéficie de l'appui des évêques américains, qui ont un problème semblable en Nouvelle-Angleterre, ainsi que des Knights of Columbus. On pratique la tactique de croc-en-jambe avec la demande de nomination d’évêques coadjuteurs avec droit de succession, de transferts d’évêques et même de la création de petits évêchés dans des petites villes. Un problème se pose pour la nomination d’un premier évêque français à Chatham en Acadie. Mgr Bégin juge que les Acadiens sont traités en paria. En 1901, alors que les francophones représentent 75 % des catholiques du Canada ils sont représentés par quatre archevêques et quinze évêques, tandis que les anglophones par quatre archevêques et dix évêques. Les Irlandais semblent, malgré tout, convoiter la totalité des évêchés en dehors du Québec. La nomination d’un évêque irlandais pour le nouveau diocèse de Sainte-Marie, où la population francophone représente 80 % de la population, entraîne l’ouverture d’une lutte sans merci. Malgré tous les mémoires et suppliques de Mgr Bégin à Rome, les Irlandais triomphent. Dans les milieux canadiens-français, c’est la révolte alimentée par le discours de Mgr Bourne au Congrès eucharistique de Montréal, le 10 septembre 1910, et de la réplique retentissante d’Henri Bourassa, directeur du Devoir. Majoritaire en Ontario, les francophones catholiques n’ont que deux évêques sur dix. La succession de Mgr Langevin, évêque de Saint-Boniface, va entraîner une lutte de pouvoir intense entre les deux groupes épiscopaux. Les Irlandais suggèrent la création du diocèse de Winnipeg prenant son territoire à même celui de Saint-Boniface. Les Canadiens français se sont toujours bien occupés des différentes ethnies qui composent ce diocèse. Toucher à celui-ci c’est toucher à des droits historiques sacrés et humilier le clergé canadien-français. Cependant Rome, en nommant le nouvel archevêque de Saint-Boniface, crée le nouveau diocèse de Winnipeg en amputant celui de Saint-Boniface de 75 % de son territoire. Le cardinal offusqué se rend à Rome. Au cours d’un entretien d’une heure, il expose au pape tous les problèmes du clergé francophone au Canada et les relations difficiles avec le clergé irlandais. Il obtient du pape que les frontières du diocèse de Saint-Boniface soient revisées. De plus, le groupe francophone connaît certains succès en enlevant le diocèse de Chatham aux Irlandais ainsi que Prince Albert et Alexandria. Pour la nomination de l’évêque de Régina, la bataille reprend. C’est alors que l’on nomme un anglophone et on crée pour les francophones le très petit diocèse de Gravelbourg qui a été récemment dissous (2002) par manque de fidèles et de moyens financiers. C’est ainsi, que l’Église canadienne vit les mêmes problèmes que l’on connaît au niveau politique. La coexistence n’est jamais facile et se fait souvent au détriment du même groupe ethnique, le francophone, bien sûr.


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L’Épiscopat


La province de Québec possède, en 1931, deux provinces ecclésiastiques et douze sièges épiscopaux. En plus, il faut compter le diocèse d’Ottawa qui comprend une partie du territoire québécois. Les membres de l’épiscopat sont nommés généralement dans la pleine force de l’âge et constitue un corps stable. Les règnes sont longs. Lorsqu’un siège devient vacant, le délégué apostolique consulte les évêques et envoie un dossier à Rome. Après 1919, ce sont les archevêques qui jouent un rôle plus important. Dorénavant, tous les deux ans, les évêques suffragants envoient à leur métropolitain le nom des prêtres qu’ils jugent épiscopales. L’archevêque consulte les évêques et établit une liste qui sera envoyée à Rome. Pour choisir un candidat, on retient deux catégories de qualités. En premier lieu, ce sont des qualités d’ordre spirituel comme la piété, un âge mûr et une prudence éprouvée. En deuxième lieu, ce sont des qualités d’administrateur de biens temporels, le caractère, la santé, etc. Ils sont généralement issus de familles modestes et fortement attachés au pape et à la doctrine romaine. Ce sont des hommes aux talents diversifiés. Mgr Bégin est un savant à la figure d’ascète qui parle avec aisance et exerce une grande influence sur ses confrères. À la mort de ce dernier, c’est Mgr Rouleau, un dominicain, qui avait été nommé précédemment évêque de Valleyfield afin de prendre de l’expérience, qui prend le siège de Québec et sera rapidement élevé à la pourpre cardinalice, en 1927.


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Le clergé séculier


En 1901, il y a 2102 prêtres au Québec, soit un prêtre par 681 fidèles. En 1931, il y a 4274 prêtres, soit une moyenne d’un prêtre par 574 catholiques. Le clergé séculier fournit 80 % de ce nombre. Les séculiers sont essentiellement affectés au ministère paroissial. Ils oeuvrent aussi dans l’enseignement et comme aumôniers de communautés religieuses. De 1901 à 1931, la proportion des prêtres en milieu paroissial passe de 65 % à 58 % et augmente leur nombre dans le milieu de l’enseignement.


Le prêtre porte la soutane en tout temps ou l’habit noir, là où la coutume est déjà installée. La discipline est stricte. Chaque prêtre est tenu chaque jour à la méditation, au chapelet et à la lecture du bréviaire. Un prêtre ne doit fréquenter ni les théâtres, ni les cinémas. Il faut une raison majeure pour disposer d’une automobile et seulement avec la permission de l’évêque.

Le jeune pasteur commence par faire son apprentissage comme vicaire. La résidence avec un curé malcommode rend la chose parfois difficile. En 1898, une paroisse pouvait rapporter à un curé la somme de 450 $ annuellement. En cas de maladie, les curés gardent leur cure et se paient un desservant pour 200 $. Les enseignants sont moins bien payés avec un salaire de 100 $.

En 1905, ce salaire est porté à 300 $ dans certains cas. Ce maigre salaire explique la mobilité du corps enseignant et la chasse aux cures des prêtres les plus expérimentés.


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La vocation


Dans une société imbue de catholicisme, l’attrait pour la prêtrise n’a rien de surprenant. C’est la voie assurée pour un statut d’élite. Chez les Canadiens français, la survivance est toujours la préoccupation première. On se cherche un endroit pour assurer sa survie matérielle. Dans chaque famille, on se fera un point d’honneur de faire des sacrifices financiers pour permettre à l'un d’entre eux d’entreprendre des études qui le mèneront vers la voie royale de la prêtrise. Les curés sont souvent à l’affût pour trouver des vocations dans les familles de la paroisse. Ils vont eux-mêmes payer les études d’un sujet brillant mais pauvre. La formation des prêtres se fait dans le moule des collèges classiques. La piété et les exercices multiples qui y sont attachés forment l’esprit des jeunes aspirants. Toute la future élite de notre société passe par les mains du clergé. Dans les premières années, l’enseignement dans les écoles est offert par de jeunes ecclésiastiques sans expérience. Après quelques années d’initiation à la grammaire française, grecque et latine, l’élève passe dans le monde de la littérature et de la philosophie. Tout au long de ses études, l’élève est tenu de fréquenter un confesseur chargé de guider son état d’âme. On a recours aux retraites pour faire du recrutement pour le clergé par des phrases comme « Dieu vous appelle ». 55 % des finissants optent pour le sacerdoce. Entre 1898 et 1931, l’Église fonde dix collèges classiques.


En général, ce clergé est d’origine rurale et de conditions modestes, économe et généralement bon vivant. Il est très peu intellectuel et se tourne vers l’action concrète. En somme, il y a uniformité dans la formation. Si on le compare avec le XIXe siècle, il est mieux formé et plus soumis aux évêques. Il est peu apte à assurer le passage de la vie rurale à la vie urbaine.


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Les religieux


Bien qu’ils soient au service de l’évêque, les réguliers ne font pas partie de la structure diocésaine.

Ils relèvent de leur communauté respective, dont la maison-mère est en France ou à Rome. Les Canadiens français y entrent avec leur mentalité propre, des valeurs différentes et une vocation distincte que celle du clergé séculier. Ils représentent l’universalité de l’Église. Ils sont surtout concentrés dans l’enseignement et le ministère paroissial. Les évêques sont favorables aux réguliers, mais les curés voient parfois d’un oeil hostile ces derniers construire des couvents dans leur paroisse. Ils redoutent les messes dans les chapelles conventuelles et également le zèle que ces derniers mettent pour visiter les malades et confesser, risquant ainsi de perdre leur emprise sur les fidèles. Enfin, ils n’apprécient guère les quêtes que ces derniers font pour leurs oeuvres et leurs messes dominicales gratuites. Les religieux cependant ne peuvent exercer aucun apostolat sans la permission de l’évêque. Souvent, les évêques obligent les réguliers à construire leurs couvents dans de nouvelles paroisses dont ils prennent la charge.Chaque communauté est spécialisée dans son apostolat : les sulpiciens dans la formation des prêtres, les oblats dans l’évangélisation, les jésuites et les franciscains dans les missions. Les mentalités varient d’une communauté à l’autre, les sulpiciens sont reconnus comme étant austères et leur esprit français, les oblats voués aux missions chez les Amérindiens s’occupent également de quelques paroisses ouvrières, tandis que les dominicains, plus intellectuels, s’occupent des paroisses plus bourgeoises. Avant 1914, plusieurs religieux français fuyant leur mère patrie qui leur est hostile viennent s’installer au Québec. Après 1920, l’essor des réguliers est dû surtout au recrutement local.


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Les communautés


Presque toutes les communautés ont des religieux affectés aux travaux manuels et qui ne sont pas des clercs. En 1901, sept communautés d’enseignants oeuvrent au Québec. En 1901, on retrouve 36 communautés de femmes et, en 1931, elles sont 73. C’est la vie en commun et l’idéal de perfection qui caractérisent les religieux. Le religieux travaille d’abord à sa propre sanctification et est également au service de l’Église universelle. En plus de la chasteté qu’il partage avec les séculiers le religieux a deux voeux supplémentaires qui lui sont propres : la pauvreté par laquelle il se prive de tous leurs biens personnels et l’obéissance par laquelle il renonce à sa volonté propre pour prendre celle de sa communauté. On relève deux ordres ecclésiastiques : les ordres monastiques et les congrégations. Ces dernières se divisent en deux : celles de droit romain, dont les règles sont approuvées par Rome, et celles de droit diocésain, qui relèvent de l’évêque du lieu. Il y a en plus à l’intérieur des communautés féminines par exemple les mères ou soeurs de choeur qui récitent l’Office et voient aux activités professionnelles de la communauté, pendant que les soeurs converses affectées aux tâches ménagères vivent à part et ont de légères différences dans leur costume. Les moines et les moniales sont cloîtrés. Celles-ci ne peuvent sortir de leur couvent, sauf pour la fondation d’un nouveau couvent. Leur vie est très précisément minutée, ce qui ne leur laisse à peu près aucune liberté. La santé avec un régime de vie si dur périclite facilement. On accorde, alors, plus de repos aux novices qui le réclament et celles qui sont malades sont dirigées immédiatement vers un médecin. Les moines apparaissent au Moyen-Âge, les communautés d’enseignants et les congrégations de prédicateurs sont fondées en France surtout au XIXe siècle.

Au Québec, à l’exception des sulpiciens qui ont franchi avec succès le début de l’administration anglaise, les communautés d’hommes sont d’implantation récente et surtout françaises. En 1901, l’Église québécoise se sent suffisamment pourvue en communautés religieuses. L’accueil d’une vingtaine de communautés religieuses entre 1901 et 1914 était le résultat d’une conjoncture spéciale, à savoir l’hostilité envers les communautés religieuses en France et les besoins au Québec de plusieurs nouveaux diocèses. Cependant, plusieurs communautés négligent de se canadianiser. Les sulpiciens, les jésuites, les dominicains, les oblats ainsi que les rédemptoristes créent des provinces canadiennes souvent après s’être fait tirer l’oreille. Ainsi, le cardinal Bégin doit intervenir auprès du supérieur des frères des Écoles chrétiennes pour qu’il nomme un Canadien à leur conseil. Dans certaines communautés, l’immigration est massive. Ainsi entre 1904 et 1908, 221 frères des Écoles chrétiennes immigrent au Québec.Pour les communautés de femmes, l’importance de la communauté dépend de son champ d’action et de sa richesse. Les auxiliaires du clergé, qui sont presque des servantes dans les séminaires et les presbytères, sont plus effacées que les hospitalières et les enseignantes. Quelques communautés sont numériquement très importantes comme les Saints-Noms-de-Jésus qui comptent au-delà de 2 676 membres et plus 343 novices ainsi que les soeurs de la Providence qui ont 2908 membres et oeuvrent surtout dans le domaine hospitalier et les orphelinats.


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Le vent dans les voiles


En trente ans, le nombre de religieux passe de 8612 à 25 332 avec un rapport religieux/fidèles de 1 par 97, sans doute le plus élevé dans la chrétienté. Malgré la réticence des évêques, plus de 29 communautés religieuses sont fondées entre 1901 et 1931. L’une des plus importantes est la Société des missions étrangères. Les effectifs des communautés de religieuses sont trois fois plus élevés que ceux des hommes. Comment expliquer ce phénomène chez les femmes? Il faut dire que plusieurs fonctions occupées par les religieuses sont celles traditionnellement confiées aux femmes dans la société : soins aux malades, aux défavorisés, éducation des jeunes, entretien domestique. On ne peut passer sous silence l’idéal de la perfection qui est proposé aux membres. Un autre facteur, au Québec, peut avoir eu une influence sur les vocations féminines, soit les familles nombreuses. Les jeunes filles entrent en religion pour s’assurer une certaine stabilité financière tout en parvenant quelquefois à faire partie de l’élite de notre société. Son idéal de perfection permet aux clercs, religieux et religieuses de se croire le seul dépositaire de l’avenir d’un peuple qui veut prendre en main son propre destin.


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Les missionnaires


En 1901, il y a 2973 religieuses qui travaillent hors du Québec et 7691 en 1931. Pour les communautés d’hommes, ils sont 407 en 1901 et 1214 en 1931. La même année, on compte environ 400 missionnaires, 300 femmes et 100 hommes. En 1930, les chiffres sont multipliés par 4. On compte 1565 missionnaires dont 1067 femmes et 497 hommes. Ces missionnaires représentent dix-huit communautés d’hommes et vingt-huit de femmes. L’activité missionnaire des Québécois s’inscrit dans un courant mondial. Depuis Grégoire XVI (1831-1846), l’élan missionnaire de l’Église est porté par le mouvement des grandes explorations et de l’impérialisme des puissances européennes dans le monde. L’Église fait la connaissance d’autres cultures et apprend le respect des autres. On encourage la formation de clergé indigène. Au Québec, les premières communautés européennes sont venues de l’étranger attirées par la grande ferveur religieuse des Québécois et l’espoir de former de nombreuses recrues. Les pères Blancs d’Afrique sont une des premières communautés à venir s’installer au Québec dans le but d’y faire du recrutement. L’une des premières fondations québécoises est due à Délia Tétrault. Elle fait d’abord une tentative chez les soeurs grises qu’elle doit quitter pour cause de maladie. Plus tard, avec l’appui de l’abbé Gustave Bourassa, elle obtient la permission d’ouvrir une « école apostolique » pour répandre l’esprit missionnaire. Leur protecteur décède et c’est l’évêque de Montréal, Mgr Bruchési, qui prend la relève et obtient du pape Pie IX l’autorisation de fonder une société de soeurs missionnaires en août 1905.


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Les prêtres missionnaires


Délia Tétrault rêve d’un séminaire visant la formation des prêtres pour les missions étrangères. Les évêques du Québec veulent faire un effort en faveur des missions, mais n’ont pas l’habitude d’oeuvres interdiocésaines. L’oeuvre a de multiples difficultés. On songe un moment à importer l’Oeuvre des missions étrangères de Paris, mais le nationalisme canadien-français se manifeste et plusieurs réclament une Oeuvre des missions étrangères autonome et canadienne. En 1921, un séminaire provisoire est installé à Outremont, sous la responsabilité de l’épiscopat québécois. En 1924, la société s’installe à Pont-Viau et l’année suivante voit le départ des trois premiers missionnaires pour la Manchourie. Les nouveaux missionnaires québécois s’organisent comme en pays de colonisation au Québec en bâtissant dès leur arrivée églises, écoles et dispensaires. Les missionnaires doivent s’engager surtout dans le temporel et les Canadiens en Chine réussissent assez bien leurs premières missions.

Au Québec, la Société de la propagation de la foi est indépendante de l’organisation centrale. Dans le monde, les missions sont appuyées par la Propagation de la foi qui a des ramifications dans tous les pays catholiques. Pour sa part, l’oeuvre de la Sainte Enfance implantée à Montréal, en 1851, a pour but de former les enfants à épargner pour le rachat et l’éducation catholique des enfants infidèles. Les soeurs prennent la route et vont de paroisse en paroisse recueillir des aumônes. Elles vont dans les écoles faire des conférences sur les missions et proposer «l’achat de petits Chinois». C’est un système qui s’avère à l’époque très efficace. Ces religieux et religieuses canadiens ont un trait en commun, ce sont des femmes et des hommes d’action. Le frère André qui répand la dévotion à Saint-Joseph en guérissant les corps est l’idéal de cette mystique pratique.


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L’apparition de l’ère industrielle


Au début du XXe siècle, le Québec est déjà dans l’ère industrielle et la civilisation urbaine prend pied. Un nouveau genre de vie se répand. L’Église perçoit les changements par la transformation des moeurs. L’évêque de Montréal, le premier concerné, sonne l’alarme et publie plusieurs lettres sur la sanctification du dimanche, le mariage, les moeurs, les relations avec les protestants. Ces changements se manifestent de plusieurs façons : l’esprit de sacrifice fait place à la recherche du plaisir, le travail à la dissipation, la vertu au vice. C’est le style urbain qui est une invitation au mal. Cette invasion du modernisme prend des proportions de véritable cataclysme pour les évêques. Les agents de ces changements sont nombreux : les mariages mixtes, les associations secrètes ou neutres, le théâtre, les mauvais livres, la boisson, etc. Les évêques sont incapables, malgré les interdits, de contrôler la situation. Ceux-ci ont perdu de leur efficacité dans une civilisation de masse qui échappe en grande partie au contrôle de l’Église.


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Les agents du mal


L’Église dénonce les sociétés secrètes comme les loges maçonniques et les Canadiens français qui en font partie. Ces derniers répandent un esprit antireligieux. Il y a aussi le cas des Juifs : ces étrangers dans un milieu traditionnel apportent des dérangements en tenant par exemple leurs commerces ouverts le dimanche. De 2700 en 1891, ils sont maintenant 59 700 en 1931. On les redoute et on a peur de la juiverie internationale. Les Juifs deviennent des boucs émissaires pour les ultramontains et certains nationalistes. Francs-maçons, Juifs socialistes deviennent des épouvantails que l’on sert facilement en chaire. On développe une mentalité de complot qui aura cours pendant plusieurs décennies.


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Le salut par l’élite


Il y a une crise d’identité collective par l’arrivée des ruraux vers la ville et celle de millions d’immigrants. Tout cela amène l’Église à s’occuper de la formation d’apôtres laïcs. En 1904, l’Association catholique de la jeunesse (ACJC) est fondée. C’est une association de cercles paroissiaux et collégiaux. Son credo c’est l’existence d’une race canadienne-française dont la mission providentielle est la fidélité au catholicisme, la primauté de l’action sociale et l’action politique. Son objectif est de former des chrétiens éclairés et convaincus. Une majorité de notre élite chrétienne fut formée dans ces groupes qui en comptent pas moins de 127 en 1924. L’aumônier reste l’animateur présent, mais discret.


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La croisade de tempérance


Un des champs d’action privilégié est la lutte à l’ivrognerie et l’alcoolisme, considérés comme un fléau national. Toute l’Amérique du Nord est traversée par une vague prohibitionniste. Les évêques ne se prononcent pas sur la prohibition qui est définitivement rejetée au Québec. Toutefois, la loi de la tempérance permet à toute municipalité, par mode de référendum, de voter pour la prohibition. Cependant, Mgr Bruchési prend sur lui de relancer une campagne de tempérance avec l’appui de l’ensemble des évêques du Québec. Les évêques croyaient qu’en réglant le problème de l’alcoolisme on réglerait tous les principaux problèmes sociaux comme la pauvreté, le chômage, les maladies, etc. Ceux-ci attaquent le problème sur deux fronts : les croisades populaires et le contrôle de la législation. Ils interviennent directement auprès du premier ministre pour empêcher toute modification aux lois en vigueur, qui aurait pour résultat de faire augmenter les débits de boisson. Ils obligent les conseillers municipaux à n’accorder aucun permis de boisson dans les localités « à risque ».

Sur un deuxième front, les évêques demandent à chaque paroisse d’établir une société de tempérance. On demande également aux franciscains de prendre la direction d’une vaste croisade populaire. De 1905 à 1910, plus de 2000 sermons sur la tempérance sont prononcés au Québec. De plus, le Comité catholique, qui réunit tous les évêques du Québec, rend obligatoire l’enseignement antialcoolique. La croisade connaît un certain succès, ainsi la loi est modifiée à plusieurs reprises. Les débits de boisson diminuent et la ligue de tempérance compte plus d’un million de membres. Certains curés y vont de leur propre initiative en refusant l’absolution aux antiprohibitionnistes. Les protestants et les catholiques en viennent à travailler ensemble. En 1914, la Ligue antialcoolique fait campagne pour la prohibition à Montréal. Outre Montréal et Québec, il n’y a que Saint-Hyacinthe et Valleyfield qui ne sont pas au régime sec. En octobre 1916, l’Église avec l’appui du cardinal Bégin veut frapper un grand coup. On intervint auprès du premier ministre Gouin et en 1919 la prohibition totale est votée, sauf pour des fins sacramentelles et de médecine. Cependant, la loi est difficile d’application et le gouvernement Gouin sentant l’essoufflement de l'antiprohibitionniste tient un référendum, en avril 1919. Les forces pour une prohibition modérée l’emportent, mais toutes les municipalités antiprohibitionnistes demeurent. Le cardinal met en sourdine son intransigeance, la loi étant devenue inapplicable.

En 1921, le premier ministre Taschereau crée la Commission des liqueurs, une régie gouvernementale qui détient dorénavant le monopole de la vente de l’alcool sur tout le territoire du Québec. Le clergé reconnaît enfin que la nouvelle loi va permettre un meilleur contrôle.


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Les débuts du syndicalisme


L’histoire du syndicalisme commence avec Mgr Bégin dans la grève qui oppose les cordonniers aux manufacturiers de chaussures. L’archevêque donne raison aux ouvriers en leur reconnaissant le droit d’association, enjeu principal du conflit. En retour, il impose la présence d’un aumônier chargé de faire respecter les constitutions inspirées de Rerum Novarum, encyclique papale sur les droits ouvriers. En l’absence d’une élite ouvrière, le syndicalisme catholique a de la difficulté à se développer. C’est Montréal qui demeure le fief des syndicats américains. L’épiscopat les craint et a peur du socialisme. Les premiers syndicats catholiques prennent naissance à Chicoutimi dont la Fédération ouvrière mutuelle en 1912. D’autres syndicats catholiques apparaissent graduellement à Trois-Rivières (1913), Montréal (1914), Thedford Mines (1915) et Hull (1915).

L’Église entend faire régner la paix et l’ordre social par l’établissement de la justice et de la charité, fondements de toute société chrétienne. Les évêques veulent soustraire la masse aux idées socialisantes. On reconnaît aux ouvriers une légitime augmentation de salaire.


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Les retraites fermées


Le procédé de retraites fermées est simple : un groupe de personnes s’enferment pour quelques jours pour s’y livrer à des exercices spirituels. De 1909 à 1923 quelque 28 000 hommes font une retraite fermée. Les retraites sont axées sur la spiritualité et s’adressent à l’élite. La retraite courante est de trois jours, mais certaines durent de cinq à huit jours. On regroupe les retraitants par groupe socio-professionnel. Les frais de pension, pourtant modestes, sont souvent trop élevés. En 1923, les oblats ouvrent une maison de retraite spécifiquement pour les ouvriers et les ruraux.

Les retraites sont à l’origine d’un renouveau religieux. Jésus-Ouvrier marque le début du syndicalisme catholique dans la région de Québec. Les retraites répondent à un appétit religieux dont les symptômes sont nombreux au début du XXe siècle. C’est pour plusieurs, une façon de se dépasser. Ainsi, l’instinct de conservation du peuple cherchait à s’exprimer dans son Église.


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Deux courants idéologiques


Deux courants idéologiques s’opposent toujours au début du XXe siècle : le libéral et l’ultramontain, le britannique et le romain, le bourgeois et le clérical. Au principe de l’autorité de droit divin, les libéraux opposent le dogme sacré de la souveraineté des peuples et aux valeurs traditionnelles celle de la rationalité. Ils sont partisans de la bonne entente entre les peuples et promoteurs de l’industrialisation. Ils acceptent le système fédéral. Ils prônent la modernisation de la société canadienne-française, l’élargissement du rôle de la femme, la réforme du système scolaire le bilinguisme général, etc. Ils refusent l’immixtion du clergé dans les affaires publiques et privées et la soumission de l’autorité civile à l’Église. Les vrais libéraux ne sont guère nombreux. Ils forment l’aile radicale du Parti libéral qui pour se maintenir au pouvoir pratique le conservatisme. L’un de leur représentant le mieux connu est Télesphore-Damien Bouchard, le « diable de St-Hyacinthe ». L’Église apparaît comme la gardienne naturelle de la force de résistance au changement avec les ultramontains, les conservateurs. Cette dernière met son pouvoir temporel au service de l’ordre immuable des choses.


Au début du XXe siècle, l’Église a fixé sa doctrine. Elle proclame que les sociétés civiles et religieuses forment deux entités, l’une pour le temporel, l’autre pour le spirituel, les deux pouvoirs étant souverains chacun dans son domaine. En cas de désaccord, le pouvoir civil doit se plier aux vues du pouvoir ecclésiastique. Au Québec, la tendance ultramontaine a pour objet de reconnaître la primauté de l’Église dans toutes les matières qui touchent la conscience. Les prêtres ont l’obligation de s’occuper publiquement de toutes les questions d’ordre moral. Cependant, les évêques n’interviennent plus directement dans les campagnes électorales. Le retrait de l’Église de la sphère politique et l’autonomie reconnue à l’État provoque une profonde méfiance envers le pouvoir civil et les politiciens.

L’État demeure un concurrent dangereux par sa tendance à déborder sur le territoire traditionnel de l’Église. Les manifestations publiques sont autant de circonstances où l’Église démontre sa force et étale sa loyauté à la Couronne et sa fermeté dans le maintien des droits acquis.


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Le système scolaire est modifié


Devant l’échec du premier ministre Marchand d’instaurer un ministère de l’Instruction publique, l’État met en place un troisième réseau scolaire : l’enseignement spécialisé. L’Église lui abandonne le sort de ce réseau. Le réseau de l’enseignement professionnel est non-confessionnel. L’École des Hautes Études commerciales est néanmoins rattachée à l’Université Laval, tout en conservant son indépendance. En 1922, ce sont les écoles des beaux-arts qui apparaissent. En 1923, le cours primaire est prolongé de quatre à six ans, pendant que l’enseignement public est complété par un cours primaire supérieur de trois ans.

Globalement, le gouvernement ne consacre que 10 % de son budget à l’éducation. Répugnant à imposer des taxes, les commissions scolaires n’entreprennent aucune amélioration du système en s’efforçant au contraire de diminuer les coûts. Pendant longtemps, les évêques vont s’opposer à la fréquentation obligatoire des écoles. Une vaste campagne de presse, en 1919, est initiée par le sénateur Dandurand et T.-D. Bouchard pour au contraire défendre cette idée. En juillet 1920, Mgr Bégin se prononce contre toute ingérence de l’État dans l’éducation. On craint une augmentation des impôts, on affirme que la situation ne justifie en rien cette réforme et qu’il y aura toujours une classe de vidangeurs ou cireurs de bottes qui n’a pas besoin d’instruction. Les parents ont le devoir de faire instruire leurs enfants, mais c’est un devoir de charité. À la fin des années 1920, la question des écoles juives relance le débat. Jusqu’alors, les personnes de religion juive sont assimilées pour fins scolaires aux protestants. Le gouvernement Taschereau face aux demandes des Juifs de Montréal annonce son intention de créer des écoles juives indépendantes. L’archevêque de Québec proteste, craignant que ce nouveau réseau mène vers un système d’écoles neutres. Finalement, il y a une entente, qui après de pénibles négociations, autorise la formation d’une commission scolaire juive dont le territoire est réduit aux villes de Montréal et d’Outremont.

Mgr Taschereau veut bien la modernisation du système, mais refuse une réforme globale. Selon lui, le développement économique du Québec repose sur une main-d’oeuvre bon marché, ce que le système public de l’époque est capable de fournir. Le gouvernement du Québec, durant les années 1920, cherche à rationaliser ses investissements dans les écoles techniques et professionnelles. Il octroie des subventions d’un million à chacune des trois universités et de 10 000 $ annuellement à chacun des collèges classiques. Durant ces années, on construit de nombreuses écoles particulièrement à Montréal. Outre les deux mille écoles primaires qui relèvent des commissions scolaires, environ 418 autres institutions sont ouvertes entre 1897 et 1931. En 1931, L'Église possède ou dessert 1087 des 6774 écoles élémentaires catholiques en plus de 181 écoles ménagères et 31 écoles normales. Elle a le monopole des collèges classiques, dont 29 subventionnés et 12 non subventionnés. De plus, elle gère tout le secteur universitaire.


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L’assistance publique


Au début du XXe siècle, les unions ouvrières commencent à mettre en doute les capacités de l’Église à satisfaire les besoins des indigents et des malades. Elles réclament l’intervention de l’État, mais l’Église et l’ensemble de la population craignent les changements. En 1911, le taux de mortalité infantile de Montréal est l’un des plus élevés au monde. Les oeuvres catholiques sont dispersées et il faudra attendre jusqu’en 1916 pour faire le regroupement des forces catholiques montréalaises.

L’Église, pour sa part, ne cesse de multiplier ses oeuvres. De 1898 à 1931, elle fonde 32 hôpitaux et 35 institutions d’assistance publique, dont 71 des 90 établissements mis sur pied au Québec. Pour contrer les effets du chômage, la Saint-Vincent-de-Paul met sur pied l’oeuvre de la soupe. Près du tiers des quarante mille patients en institution ne peuvent rien payer. Vers 1910, les pressions se font plus fortes pour une intervention gouvernementale. Les établissements hospitaliers sont en déficit et mal équipés. Les autorités religieuses ne peuvent plus répondre à la demande. En mars 1921, le gouvernement Taschereau fait voter une loi d’assistance publique qui va demeurer l’instrument principal d’intervention des pouvoirs publics jusqu’en 1960. Elle s’accompagne d’une taxe de 10 % sur les lieux d’amusement dont les revenus sont versés au fond d’assistance publique pour la moitié et l’autre partie aux municipalités. La loi est humiliante envers les assistés sociaux qui devront fournir des certificats assermentés. L’Église se pose des questions sur le rôle de l’État dans l’assistance publique et dans quelle mesure ce dernier peut demander des comptes aux communautés religieuses.

En limitant le financement direct de l’État aux seuls indigents en institutions et aux inaptes au travail, la loi soulage peu l’Église de ses responsabilités. En 1931, 40 % des dépenses en institutions sont assurés par l’État, tout le reste est laissé au fardeau de l’Église. Les besoins dépassent largement la capacité d’intervention d’un système basé sur le zèle de la charité. À partir de 1927, la question des pensions de vieillesse et des allocations familiales relance le débat sur le rôle de l’État. Déjà en 1920, plusieurs provinces ont instauré un dispositif d’allocations aux mères nécessiteuses.


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Le réseau des paroisses


La place de la ville dans la culture canadienne-française n’est pas importante. Elle est le symbole de l’étranger, de la corruption des moeurs, de l’infériorité économique des Canadiens français. Les évêques se sont peu préoccupés d’y développer une pastorale adaptée au milieu urbain. L’érection des paroisses demeure un souci constant des évêques. On passe ainsi d’un total de 736 paroisses en 1898 à 1182 en 1931. Mais cette augmentation tient pour les deux tiers au mouvement de colonisation et seulement pour le tiers à l’urbanisation. Cependant, entre 1921 et 1931 40 % des nouvelles paroisses viennent du milieu urbain.

La structure paroissiale de Montréal, en 1931, préfigure l’avenir. On y compte une trentaine de paroisses de plus de huit mille fidèles. La paroisse la plus populeuse est celle de l’Immaculée-Conception qui compte plus de 18 351 paroissiens. Elle est dirigée par les jésuites. Il y a en général un curé et quatre vicaires pour une paroisse d'entre 8000 et 12 000 paroissiens et un curé et cinq vicaires pour les paroisses de plus de 12 000 fidèles. L’évêque de Montréal fonde également des paroisses pour les différentes communautés culturelles qui sont ainsi desservies dans leurs langues maternelles. Pour ce faire, on fait venir des prêtres de diverses nationalités. Pour l’érection d’une nouvelle paroisse, il y a enquête pour être sûr que les fidèles peuvent subvenir au besoin du curé. L’évêque fait généralement coïncider les frontières de la paroisse avec des limites de la municipalité. Le site de l’Église provoque parfois de vifs débats que l’évêque est obligé de trancher. La subdivision d’une paroisse pose des problèmes plus complexes. Les paroisses mères craignent qu’une amputation de leur territoire les mette en mauvaise posture financière. Souvent, les paroisses rivalisent entre elles pour avoir la plus belle et la plus vaste église du territoire.


La fabrique assume la gestion des revenus tirés du casuel (coûts des services religieux particuliers tels que les mariages, baptêmes et enterrements), de la vente des bancs d’église, des quêtes ordinaires et de la répartition (impôt pour couvrir les coûts de construction de l’église et du presbytère). L’Église dispose d’un système de perception héritée de la France : la dîme. Le cadre paroissial fournit aussi les revenus extraordinaires : quêtes spéciales, bingos, etc.


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L’entretien du clergé


La dîme, définie comme le 26e minot de tous les grains au temps de la Nouvelle-France, demeure la principale source de financement du clergé. Avec le temps, le grain dans les milieux agricoles est changé par les évêques en supplément de foin et de pommes de terre et par une capitation pour les villes et villages. Les bases de capitation sont cependant variables. En certains endroits, cela constitue une redevance fixe payée par le chef de famille et ailleurs en fonction du revenu ou de la valeur de la propriété. La dîme édictée par Édit royal en 1679 est garantie par l’Acte de Québec de 1774. C’est la seule taxe religieuse que la loi civile reconnaît, celle-ci ayant même priorité sur les taxes municipales. C’est la raison pour laquelle les évêques ne veulent pas toucher au système de dîme. Au niveau diocésain, le soutien financier de l’évêque est assuré par la cathédratique, forme de taxe imposée aux paroisses en vertu du droit canonique. Les revenus de cette taxe servent également au financement des oeuvres diocésaines. Il n’existe aucune forme de revenu pour l’entretien des religieux si ce n’est qu’en principe le peuple doit les nourrir. Règle générale, les enseignants du système public reçoivent un faible salaire des commissions scolaires. Certaines communautés contemplatives, comme les trappistes et les bénédictins, vivent de l’agriculture. Cependant, les communautés qui ont des oeuvres considérables vivent souvent des revenus de bienfaiteurs.


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Le financement des oeuvres


Première responsable de l’éducation, de la santé et de la sécurité sociale, l’Église a plusieurs charges de l’État sans en avoir les pouvoirs de taxation. Elle doit recourir aux quêtes et à la « chasse » aux bienfaiteurs. Les quêtes spéciales se multiplient et la population continue de payer sans trop se plaindre. Jusqu’en 1920, l’État ne contribue aux oeuvres de l’Église que par des subventions d’appoint. En 1931, la part des subventions gouvernementales est établie à 38 %; celle de la clientèle payante de 22 % et l’autre 40 % vient de sources diverses. Plusieurs communautés, particulièrement celles des femmes, doivent rendre compte de leur administration financière à l’évêque du lieu. Les évêques aident de façon substantielle certaines communautés religieuses qui s’occupent des orphelins comme ce fut le cas des soeurs de la Miséricorde par Mgr Bourget. Les communautés riches et les curés de paroisses sont les premiers souscripteurs aux campagnes de financement pour le développement d’une oeuvre. Les hospitalières peuvent boucler leur budget grâce à une clientèle surtout payante, mais les communautés dites de charité doivent recourir à d’autres expédients. La plupart exploitent une industrie d’appoint. Tous misent sur les bienfaiteurs et la charité publique. Les communautés s’installent dans un endroit, lorsqu’un nombre suffisant de personnel le permet et surtout lorsqu’elles peuvent assurer leur subsistance. Seules les communautés les plus anciennes ont été bien dotées durant le Régime français.


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Les biens de l’Église


Parmi les capitaux, il faut mettre à part les biens des fabriques qui appartiennent dans les faits à la communauté. Les biens d’Église comme les biens diocésains sont contrôlés par l’évêque. Au début du siècle, les anciennes communautés sont effectivement riches d’immeubles libres de toute dette. Cependant, les nouvelles communautés doivent souvent s’endetter. Elles possèdent de grandes propriétés qui suscitent des dépenses et très peu de revenus. L’Église québécoise a considérablement accru ses biens au début du XXe siècle et cela plus rapidement que la société canadienne-française en général. Cela tient à la capitalisation des communautés dont les membres augmentent rapidement, à l’urbanisation qui accroît la valeur des propriétés et surtout à une habile gestion des biens.


Les biens de l’Église québécoise sont exemptés de taxes. L’immunité ecclésiastique est un ancien droit par lequel les biens de l’Église échappent aux impositions civiles. Taxer l’Église, c’est diminuer les ressources consacrées aux pauvres. Dans ce contexte, il ne faut pas oublier la mission sociale et éducative qu’avait l’Église au Québec. Ce n’est qu’à partir de 1870 que le Code civil permet de taxer les biens ecclésiastiques à vocation commerciale. L’Église profite de la plus-value de ses propriétés amenée par l’urbanisation. Cependant, en 1903, la loi de cités et villes permet de taxer les biens ecclésiastiques pour les améliorations locales, les travaux d’égouts, etc. Ainsi, Montréal peut taxer les biens ecclésiastiques tandis qu’à Québec on applique l’immunité complète. Chaque municipalité qui veut taxer doit demander à Québec d’amender sa charte. Souvent, l’Ordinaire accepte de contribuer volontairement aux améliorations locales. L’épiscopat qui n’a jamais réagi se trouve plongé dans un dilemme. En 1916, la loi assujettit à l’impôt les biens ecclésiastiques, mais selon la valeur des terrains et non des immeubles. Pendant plusieurs années, on s’en tiendra à la loi de 1916 et aucun gouvernement n’osera aller plus loin.


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L’édification de la société et les caisses populaires


L’industrialisation par le capital étranger va apporter une réponse au problème de l’émigration massive vers les États-Unis. Ce mouvement migratoire se poursuit jusqu’en 1920, alors que les Américains ferment leur frontière aux immigrants à cause de la crise économique. Le mythe de la mission providentielle pour convertir l’Amérique a fait son temps.


Alphonse Desjardins, un laïc, tente de sortir le peuple canadien-français de l’instabilité économique. L’unité paroissiale lui apparaît comme la cellule économique idéale pour faire fonctionner une caisse. Cette institution aura une répercussion sur notre avenir national. Les gouvernements accueillent avec enthousiasme cette initiative. La loi instituant les caisses populaires est votée à l’unanimité à la session de 1906. Ce mouvement coopératif est catholique et français et il se développe avec l’aide du clergé qui bien souvent s’implique directement dans l’administration des nouvelles caisses.


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La colonisation


L’agriculture demeure aux yeux de l’Église l’activité économique préférée. C’est elle qui permet de conserver au peuple son indépendance et sa dignité. La mise en valeur de nouveaux territoires est la première tâche d’urgence nationale prise par l’État. L’Église concentre son action au Québec, notamment au Témiscamingue et en Abitibi. On délaisse peu à peu la colonisation vers l’Ouest canadien. L’État se charge d’ouvrir les routes, la colonisation est mise en oeuvre par les sociétés diocésaines de colonisation et les missionnaires-colonisateurs. L’Église organise des promotions par des conférences et en distribuant des tracs dans les vieilles paroisses. « Restons chez nous et emparons-nous du sol », tel est le mot d’ordre que l’Église répand.


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L’essor du syndicalisme


Petit à petit, l’Église s’efforce de prendre en main la nouvelle société industrielle. L’industrie étrangère apparaît bientôt comme un moindre mal. Les clercs entretiennent généralement avec les entrepreneurs anglais et protestants un bon voisinage et ils facilitent de bons contacts avec la population. Ils incitent la population à avoir le respect de l’ordre et de l’autorité, ce qui garantit une sécurité pour les industries. La mission propre du syndicalisme catholique dans les grandes villes est de civiliser le patronat selon les attentes spécifiques du peuple canadien-français. Toutefois, malgré l’idéologie de justice sociale qu’il véhicule, le syndicalisme catholique réussit une belle percée surtout en dehors de Montréal. En 1921, il possède cent dix unités syndicales et compte 26 000 membres. La même année est fondée la Confédération des travailleurs catholiques du Canada (CTCC). Le mouvement a de la difficulté à se développer face à la concurrence des unions internationales. Cependant grâce à l'appui de l’Église, la CTCC tient le coup. Maxime Raymond, premier aumônier de la CTCC, tire sa leçon après l’échec de la grève des cordonniers. Il reconnaît aux syndicats le droit de grève et le droit de résister aux bas salaires et demande même l’appui des évêques. Les aumôniers dans un mémoire remis à l’épiscopat en 1927 réclament pour les ouvriers de justes échelles salariales. Ils dénoncent même la collusion de l’Église et des patrons dans certains diocèses. Le clergé du Québec devra apprendre à faire des choix. L’Église n’a pas la responsabilité du développement économique qui relève d’abord de la société civile. Son projet ignore l’industrialisation et a des préjugés défavorables à la vie urbaine. Évêques et curés mettent leur influence au service de tout ce qui peut concourir à garder la population en place. Les pasteurs font du lobbying auprès des gouvernements pour obtenir des infrastructures favorables à l’industrialisation. Par son projet social et sa philosophie des accommodements, l’Église est un facteur indirect d’industrialisation. Cette dernière consomme des biens et des services. Les églises et les presbytères qu’elle élève stimulent l’industrie. Elle met sur pied des petites et moyennes entreprises comme blanchisseries, imprimeries, librairies, etc.


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Le nationalisme et la guerre de 1914-1918


Sans l’Église, point de survivance possible pour le peuple canadien-français. Le nationalisme refait surface au début du XXe siècle. Selon la philosophie de l’Église, les nationalités ont le droit de lutter contre les forces assimilatrices qui les entourent, mais ce droit doit être contenu dans la limite de la vertu, de la prudence et de la modération.


Dès le début de la guerre, Mgr Bruchési prend position pour l'appui à l’Angleterre par tous les moyens. De plus, dans une lettre collective, l’épiscopat du Québec, en date du 23 septembre 1914, donne son soutien à la cause de l’Angleterre. Cette position s’appuie sur une tradition de fidélité au pouvoir établi et de loyalisme envers l’Angleterre. Pour l’Église, le loyalisme envers l’Angleterre et la survivance française et catholique vont de pair. Cependant, ce consensus repose sur des bases précaires. Les Canadiens français sont mécontents du statut de leur langue et de la place qu’ils occupent au sein de la Confédération canadienne. Henri Bourassa, qui s’affirme comme chef du mouvement d’opposition, considère que la lettre collective des évêques n'est ni un enseignement doctrinal ni une directive disciplinaire. À ses yeux, l’attitude des évêques mène à la subordination des intérêts nationaux aux ambitions de l’impérialisme anglais. Bourassa ne reconnaît plus aux évêques qu’une liberté d’opinion égale à celle des autres citoyens. En 1917, Borden demande aux évêques de collaborer au recensement en promettant qu’il n’y aura pas de mobilisation militaire. Mais en mai 1917, le gouvernement Borden propose la Loi du service militaire. L’épiscopat est bouleversé et la majorité d’entre eux sont contre la conscription. La Loi du service militaire exempte les membres du clergé, ce qui incite l’Église à une plus grande discrétion. L’approche de la paix fait baisser les tensions et l’épiscopat sort ébranlé et divisé. Mgr Bruchési, évêque de Montréal, subit lourdement les contrecoups de la trahison du gouvernement Borden et surtout de la désaffection du peuple et du bas clergé. Les Canadiens français allaient tout naturellement faire bande à part dans l’effort de guerre totale.


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L’âme de la race


L’Église est soucieuse de préserver l’âme de la race faite du culte des ancêtres et de la tradition. Trois composantes marquent cette société : la catholicité, la francité et la ruralité. L’abbé Groulx, premier professeur d’histoire à l’Université de Montréal, est l’un des protagonistes de cette conception de la nation canadienne-française. L’histoire est abordée comme une entité spirituelle importée de France. Il se rattache volontiers à la foi de nos ancêtres au temps de la Nouvelle-France. Devenu dépositaire de l’histoire de tout un peuple, il veut que l’esprit de race l’emporte sur celle de parti. Il croit fermement à la mission du peuple canadien-français. Il souhaite également la libération du peuple de la sujétion étrangère.

Il défend la francité de notre peuple et sa catholicité. Pour lui, les races qui s’appuient sur le sol sont celles qui demeurent. L’agriculture doit être notre force économique principale. Il défend avec passion le mythe de Dollard des Ormaux. Ce culte gagne la jeunesse intellectuelle. Les nationalistes, inspirés par Groulx, abandonnent le canadianisme de Bourassa pour reprendre les valeurs de Tardivel. Dans l’ensemble, l’épiscopat cautionne ce mouvement nationaliste. Pour Groulx, la foi devient la sauvegarde de la culture.


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Le jour du Seigneur


La question du respect du dimanche s’est posée au Québec au début du siècle sous la pression du puritanisme qui traverse l’Amérique. Certains réclament non seulement l’interdiction du travail le dimanche, mais également la fermeture des cinémas et des théâtres. En 1907, le Québec adopte sa propre loi du dimanche, mais les usines de pâte et papier ne l’observent pas. À Chicoutimi, comme ailleurs en province, la loi n’est pas observée par les grandes industries. L’épiscopat s’inquiète surtout sur la liberté d’assister aux offices religieux. À Montréal, la loi permet aux Juifs d’ouvrir leurs commerces le dimanche ce qui trouble les marchands catholiques et protestants. Il en est de même pour le cinéma qui obtint dès le début un grand succès. Les évêques, pour contrer l’immoralité de ce loisir, le décrètent comme une profanation du dimanche et une occasion prochaine de péché. Ils exigent que les salles soient fermées le dimanche et les films censurés. Le 9 janvier 1927, une panique dans un cinéma de Montréal cause la mort de 78 enfants. Ce drame va causer une profonde inquiétude dans la population, ce qui amène le gouvernement à légiférer pour interdire le cinéma au moins de seize ans.


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Les mariages mixtes


Le mariage est un des piliers de l’ordre social de la civilisation occidentale. Pour les catholiques, le mariage est indissoluble quels que puissent être les échecs et les infidélités chez les conjoints. Le mariage catholique accorde peu de place à la sexualité. Dans une société fortement rurale comme la nôtre, le choix du conjoint et les fréquentations sont sévèrement contrôlés par le groupe. Cependant, le mariage catholique rencontre de sérieuses embûches avec les mariages mixtes. L’Église ne reconnaît que les mariages mixtes consentis devant un prêtre catholique. Les fidèles qui se marient devant un pasteur sont sujets à la peine d’excommunication. La juridiction des mariages est du ressort des provinces, tandis que le divorce relève du fédéral. C’est un comité du sénat qui étudie les demandes de divorce. L’Église se reconnaît comme étant la seule à pouvoir réglementer le mariage catholique et que seulement ses tribunaux ont le pouvoir d’appliquer cette réglementation. Dans une cause (Delpit-Côté ), deux catholiques mariés devant un pasteur protestant voient leur mariage frappé de nullité par Mgr Valois, ce qui incite des pasteurs protestants à porter toute l’affaire en Cour supérieure. Le juge John Archibald rend un jugement où il établit que le mariage est d’abord un acte civil, ce qui rend l’acte religieux subordonné au premier. Un débat s’engage qui divise les catholiques et les protestants. On demande à la Cour suprême de trancher le débat. Celle-ci déclare que les décrets pontificaux n’ont aucun effet civil, mais que les affaires matrimoniales relèvent du Québec. Jusqu’en 1930, très peu de catholiques on recourt à la loi canadienne du divorce. L’évêque de Rimouski, Mgr André-Robert Blais, se permet de défendre à ses fidèles d’avoir des contacts avec un ministre du culte protestant sous peine d’excommunication. Il va même jusqu’à interdire aux malades d’avoir recours à des nurses protestantes. De plus, défense est faite aux catholiques d’envoyer leurs enfants dans des écoles protestantes.


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L’émancipation des femmes


La famille aux yeux de l’Église constitue la pierre angulaire de la civilisation chrétienne. Le citoyen participe à la société civile à titre de représentant de la famille dont il est le chef. Cet ordre naturel des choses est remis en question par le mouvement féministe apparu au Québec au début du XXe siècle. L’épiscopat du Québec condamne la nouvelle tendance à établir entre l’homme et la femme les mêmes droits. C’est le mouvement féministe anglophone qui est le plus revendicateur poussant ainsi les francophones à s’y associer. En 1917, l’octroi par le gouvernement fédéral du droit de vote aux femmes et aux parents de soldat relance le débat. En 1922, toutes les Canadiennes ont le droit de voter aux élections fédérales et, sauf au Québec, au niveau provincial. Le mouvement des suffragettes rencontre au Québec une vive opposition. Non seulement l’Église s’y oppose, mais le premier ministre Taschereau supplie les femmes de rester fidèles aux traditions ancestrales. De connivence avec quelques députés, les féministes entreprennent une guerre d’usure. Chaque année, elles font présenter par un député sympathique à leur cause un projet de loi favorable au vote féminin, mais tous ces efforts sont inutiles. En 1930, avec la réforme du Code civil, on ne reconnaît ni le suffrage féminin, ni l’admission des femmes au Barreau. La femme n’est pas faite pour la politique selon la pensée de l’Église du temps.


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La pastorale paroissiale et la pastorale des masses


La paroisse demeure le centre de la communauté chez les Canadiens français. Les curés y sont des notables, exercent un contrôle indéniable et proposent la soumission à l’autorité, la résignation et le perfectionnement individuel. Aux yeux de leurs ouailles, ils jouissent d’une instruction, ce qui leur donne un ascendant sur leurs paroissiens. La confession est l’un des moyens utilisés par les curés pour consolider les institutions.


Une pastorale des masses s’impose dans les grands centres comme Montréal. Mgr Bruchési inaugure l’ère des grandes démonstrations publiques de foi. Il fait de Montréal l’hôte du 21e Congrès eucharistique international, le premier du genre en Amérique. La procession triomphale à laquelle participe une centaine de prélats, des personnalités politiques, dix mille prêtres et religieux et cinquante mille hommes, défile aux acclamations d’un million de personnes. Ces démonstrations de masse deviennent, au XXe siècle, une technique de pastorale.


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Les pèlerinages


Trois lieux de pèlerinage marquent tout particulièrement l’histoire du Québec. Sainte Anne désignée comme patronne du Québec, en 1877, jouit d’une grande popularité. Sainte-Anne-de-Beaupré, dirigé par les rédemptoristes depuis 1876, est le lieu de pèlerinage le plus ancien et le plus achalandé. L’incendie de la basilique en 1922, permet la construction d’un vaste temple l’un des plus beaux en Amérique du Nord. Le sanctuaire Notre-Dame-du-Cap prend de l’essor lorsqu’il est confié aux oblats en 1902. On y construit un monastère, on restaure l’église et parachève l’aménagement. L’oeuvre la plus spectaculaire demeure l’Oratoire Saint-Joseph. L’artisan en est le frère André. En 1909, les pères de Sainte-Croix commencent la construction d’un pavillon, d’un restaurant et d’une salle de repos pour les pèlerins. En 1915, on construit une crypte sur laquelle repose la présente basilique qui peut contenir plusieurs milliers de pèlerins. En 1921, plus d’un million de visiteurs escaladent la montagne. Les saints invoqués sont perçus somme un palier intermédiaire entre l’humain et le divin. Déjà en 1927, il y a déjà une baisse de la pratique religieuse. En 1931, les «Pâques» sont une pratique généralisée. La messe dominicale est également une coutume respectée. Depuis les décrets de Pie IX, la communion fréquente a une influence salutaire. L’enseignement doctrinal est basé sur le péché mortel, la culpabilité, la résignation. Jaloux de leurs prérogatives les clercs gardent la main haute sur leurs fidèles, détournant ainsi le peuple de la maturation de son esprit chrétien.


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