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Premiers affrontements : une Église en sursis, 1950-1957
Un effort de clarification
Les laïcs dans la mêlée
L'appartion des valeurs profanes
L'émergence d'une culture de masse
La défection de la C.T.C.C.
Le clergé et la sclérose de l'Église traditionnelle
Des fonctionnaires en soutane
Les sources du conservatisme
Les communautés religieuses
Les missions ou la reproduction de l'Église québécoise
Une Église fragilisée



1955-1956 : Église du Christ-Roi, Chicoutimi, diocèse de Chicoutimi.



Premiers affrontements : une Église en sursis, 1950-1957


En 1950, Mgr Charbonneau est démis de ses fonctions parce qu’il est l’homme du renouveau. À la même époque, l’épiscopat québécois reconnaît dans une lettre collective que le Québec s’est urbanisé et que les citadins ont des aspirations différentes des ruraux. Mgr Charbonneau est considéré comme un visionnaire et non pas un administrateur. C’est un homme seul. Il s’est prononcé en faveur de la non-confessionnalité des oeuvres, tout en accordant une large autonomie aux militants de l’Action catholique. Officiellement, il démissionne pour des raisons de santé. L’opinion publique est scandalisée, car il est très populaire auprès des fidèles. À court terme, Duplessis triomphe, car la prise de position de Mgr Charbonneau sur l’aspect social du Québec semble remise en cause.


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Un effort de clarification


Partout dans l’Église, l’apostolat est vécu sur le mode de la soumission aux directives de la hiérarchie. Elle maintient les catholiques sur la défensive en lançant constamment des croisades contre le monde moderne. L’épiscopat doit s’efforcer de séparer la frontière qui sépare l’action catholique de l’action patriotique. L’épiscopat prône l’action catholique générale. Chaque diocèse doit choisir le type d’activités qui lui est propre.


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Les laïcs dans la mêlée


L’Action catholique spécialisée est à 80 % surtout l’affaire des jeunes. Plus de 90 % des membres sont québécois. Ce mouvement est donc peu répandu ailleurs au Canada. Ce sont surtout la J.E.C. et la J.O.C. qui sont les plus populaires au Québec. Chez les ruraux la J.A.C. est peu répandue. L’Action catholique générale à plus de 9000 sections paroissiales et elle est féminine à plus de 75 %. De plus, l’Action catholique requiert un grand nombre de cadres dont 67 % sont des femmes. L’Église doit investir beaucoup en ressources humaines pour les aumôniers de ces mouvements. Ainsi, 154 aumôniers en action catholique générale et plus de 80 en action spécialisée dont plusieurs sont permanents. Des aumôniers constatent la fonctionnarisation de l’action catholique spécialisée. Tous ces mouvements doivent faire face à la méfiance de la hiérarchie et au manque d’aumôniers. À partir de 1950, l’Action catholique commence à décliner. Cependant, on lui doit beaucoup en particulier d’avoir rendu aux Québécois leur véritable visage. Elle a permis la formation de jeunes leaders qui apprennent le métier de chef. Elle a préparé l’Église au désengagement des institutions que nécessite la modernité. Elle a cependant échoué à susciter l’engagement des laïcs d’âge mûr répartis dans tous les milieux sociaux.


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L’apparition des valeurs profanes


Vers 1950, des observateurs évaluent entre 30 % et 50 % la proportion de fidèles Montréalais qui manquent la messe du dimanche. Les enquêtes de la J.E.C. indiquent que les jeunes perdent peu à peu la foi. De plus, il y a un affranchissement des fidèles. En 1951, les autorités municipales votent un règlement décrétant la fermeture des magasins le jour de l’Immaculée-Conception à la demande de Mgr Léger. En dépit des autorités civiles et religieuses, les marchands ouvrent leurs magasins et les fidèles y font leurs emplettes. C’est un défi à l’autorité qui indique les bouleversements à venir. C’est surtout une indication du déclin du pouvoir clérical. Il y a une émancipation des masses urbaines et l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie qui remplace les élites de la société traditionnelle. Les nationalistes réclament le maintien du partage des pouvoirs entre l’Église et l’État. De plus, l’État doit augmenter sa participation financière aux oeuvres de l’Église, tout en lui laissant le contrôle administratif. Les libéraux parlent d’un plus grand rôle de l’État. C’est dans ce contexte qu’est publié le Refus global, manifeste par lequel un groupe d’artistes et intellectuels remettent en question les assises mêmes de la société traditionnelle québécoise. Plusieurs intellectuels, dont Pierre Elliot Trudeau, dénoncent le mythe de la supériorité culturelle des Canadiens français qui au contraire ont du retard dans plusieurs domaines. Selon ces nouveaux penseurs, il faut libérer le peuple de l’emprise de l’Église. Les évêques prennent leur distance avec l’aile progressiste représentée par les aumôniers de l’action catholique spécialisée. Ils jugent utiles de se rapprocher du gouvernement de Duplessis. Ce gouvernement doit intervenir de plus dans le financement du bien-être et de la santé et considère ses interventions comme un capital politique qui doit rapporter des votes. Certains évêques se compromettent comme Mgr Valois, évêque de Valleyfield, qui affiche son appui envers le gouvernement. En revanche, le cardinal Léger refuse de se laisser photographier avec les hommes politiques.


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L’émergence d’une culture de masse


L’Église fait pression sur les pouvoirs publics pour que soit appliquée la Loi de la censure et des masses médias. Il y a aussi une pression constante sur les institutions. Ainsi, le Conseil de l’Instruction publique exige que les établissements scolaires lui soumettent la liste des films qu’ils présentent dans les écoles. Au fil des ans, l’évolution des moeurs effrite le pouvoir de censure cléricale. C’est la télévision qui concurrence le cinéma chez les Québécois. Dès le début, Radio-Canada suggère des émissions religieuses comme « Eaux vives », la première émission religieuse, en 1954, animée par le père Émile Legault. Puis c'est, en 1958, « Le Feu sur la terre » présentée par le père Marcel-Marie Desmarais, un dominicain. Les évêques ne tardent pas à se rendre compte de l’impact de la télévision.


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La défection de la C.T.C.C.


En 1953, le président de la C.T.C.C. (confédération des travailleurs catholiques du Canada) se plaint que les autorités ecclésiastiques sont retardataires au niveau social et que les aumôniers se mêlent des choses qu’ils ne connaissent pas. Les pressions pour déconfessionnaliser le syndicalisme s’intensifient. Déjà, la loi ouvrière de 1944 obligeait un syndicat majoritaire d’une usine à représenter tous les travailleurs d’une unité de négociation. La C.T.C.C. veut s’implanter dans les grandes usines et pour ce faire doit renforcer sa centralisation. La crise est totale, en 1955, et comporte quatre dimensions : la confessionnalité, la réforme des structures, l’affiliation au conseil du travail du Canada et les orientations idéologiques. De plus, au congrès de 1955, le président André Picard suggère de modifier l’appellation de la centrale. La question est mise à l’étude et débouchera par la déconfessionnalisation de cette centrale syndicale et la fondation de la C.S.N. (confédération des syndicats nationaux) en 1960.


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Le clergé et la sclérose de l’Église traditionnelle


De 1930 à 1960, le nombre de prêtres demeure important. Dans les diocèses, le nombre de réguliers est plus important que celui des séculiers. Dans les collèges, 40% des finissants optaient pour le sacerdoce en 1950, mais seulement 25 % en 1960. La multiplication des mouvements et le changement dans les moeurs demandent une forte contribution des ressources des églises. L’aumônerie devient prioritaire. Peu à peu, des communautés religieuses, qui avaient prêté des aumôniers, les retirent pour les laisser dans leurs propres oeuvres. Le nombre de 1 prêtre pour 800 fidèles dans le milieu rural et de 1 pour 1200 en milieu urbain permet de constater la pénurie de prêtres dans la plupart des diocèses. Le manque d’effectifs devait conduire à une réflexion en profondeur sur le rôle de l’Église. On pense à l’accès d’enseignants laïques dans les collèges. Les évêques sollicitent à nouveau les communautés religieuses pour pallier au manque de prêtres.


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Des fonctionnaires en soutane


Déjà, 60 % des séculiers oeuvrent hors du milieu paroissial. Les salaires sont maigres et sont assujettis à l’impôt. À partir de 1925, l’épiscopat obtient le statut de maître de maison, catégorie de célibataire jouissant de l’exemption de personnes mariées. Le fisc continue d’exiger que tous les revenus servant à son bénéfice personnel soient assujettis à l’impôt. Dans les années 1950, les relations avec l’impôt deviennent difficiles à cause des reçus de charité. Le fisc évalue à 12 000 000 $ les revenus ecclésiastiques, mais à 82 000 000 $ les reçus émis par le clergé. Cette crise amène l’Église a clarifié sa comptabilité. Elle adopte un comportement de plus en plus fonctionnarisé. Dorénavant, le presbytère fonctionne comme une agence publique avec des heures d’ouverture et de fermeture.


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Les sources du conservatisme


Le prêtre vit en marge de la vie sociale. Dès son jeune âge, il suscite l’admiration de la famille parce qu’il va au collège. Une fois ordonné, il est adulé par les siens et il n’a pas à se faire du souci pour ses besoins matériels. Célibataire, il fréquente d’autres prêtres ou des confrères qui exercent des professions libérales. Il devient rapidement un petit bourgeois. La formation acquise durant ses études est l’une des principales causes du conservatisme social du clergé.


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Les communautés religieuses


De 1930 à 1959, on recense 74 nouvelles communautés, dont 23 chez les hommes. Les effectifs religieux augmentent régulièrement, mais, à partir de 1940, on constate une augmentation qui est moins grande que celle de la population. En 1969, on remarque que dix-sept des vingt-six communautés les plus récentes n’ont pas plus de vingt membres.

Les communautés religieuses qui recrutent dans les écoles qu’elles dirigent en viennent à nommer des recruteurs qui parcourent tout le Québec. Les frères recruteurs n’ont pas accès aux collèges classiques, réservés par les évêques pour le recrutement du clergé séculier. Il y a, dans les années 1950, une tension entre les évêques et les frères sur la façon mise de l’avant par ces derniers pour rechercher de nouveaux éléments. Les frères se sentent méprisés par le clergé. Ils lui reprochent de lui laisser les « basses besognes » lorsqu’ils travaillent ensemble.De plus, les laïcs réclament leur place au soleil et remettent en question celle des communautés religieuses. En 1942, il y a plus de 2700 religieux et 5200 religieuses dans l’enseignement. Les communautés détiennent en plus 590 institutions. Au lendemain de la guerre, les instituteurs et institutrices regroupés en syndicats amorcent la laïcisation de l’enseignement. Les laïcs veulent des emplois et reprochent aux communautés religieuses qui ont la direction d’écoles publiques de réserver les meilleures classes à leurs membres. L’épargne réalisée par les bas salaires payés aux religieux et religieuses représente 9 % des revenus totaux de l’État. Toutefois, les communautés religieuses ne peuvent suffire à la demande et, dès 1960, elles ne représentent plus que 30 % des effectifs du secteur public. Les soeurs et les frères se sentent de moins en moins appréciés par la population.Les communautés étant de gros employeurs, les évêques et les aumôniers les incitent à signer des conventions collectives. Dans le domaine hospitalier, il y a de grandes tensions. Les religieuses ne comprennent pas les clauses sur la sécurité syndicale, les salaires et les congédiements. Ces dernières ont peur de perdre leur autorité et dans bien des cas, elles manquent de moyens financiers pour faire face aux demandes si légitimes soient-elles. Le recours systématique à l’arbitrage crée de graves mésententes. Pour la même raison, on redoutait la syndicalisation des instituteurs et institutrices. Lorsqu'en 1944, l’association des institutrices rurales animée par Laure Gaudreault réclame 600 $ par année et des augmentations de 50 $ par année, les évêques s’inquiètent. Avec la naissance en 1946 de la Corporation des instituteurs et institutrices du Québec, les évêques acceptent un syndicat qui regroupe les hommes et les femmes, mais dans une structure diocésaine ce qui permet à l’épiscopat d’avoir la main haute sur la nouvelle corporation. En 1945, les frères enseignants qui sont sous-payés exigent 60 % du salaire des laïcs. Les évêques sont embarrassés et le Surintendant de l’Instruction publique, Jules Deslauriers, proteste auprès de Mgr Maurice Roy. Les négociations traînent en longueur et une commission épiscopale recommande, en 1958, que les religieux et religieuses reçoivent 70 % du salaire des laïcs.


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Les missions ou la reproduction de l’Église québécoise


De 1881 à 1950, la population mondiale augmente de 81 % alors que celle du catholicisme s'accroît de 116 %. L’avenir du catholicisme repose sur l’émergence de clergés et de laïcs indigènes.


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Aux quatre coins du monde


L’Église catholique québécoise participe activement à l’effort missionnaire qui anime l’Église universelle. Elle s’est même taillée une place importante dans ce mouvement universel. De 1932 à 1958, les effectifs missionnaires s’accroissent de 212%. L’Église québécoise occupe le quatrième rang après les églises d’Irlande, de Belgique et de Hollande. Le second conflit mondial ralentit l’élan missionnaire. Les communautés religieuses se dirigent alors vers l’Amérique du Sud. Après la guerre, le Japon devient un pays missionnaire par excellence pour les communautés religieuses d’Amérique du Nord. En 1951, on dénombre 267 missionnaires canadiens dans ce pays. L’Amérique latine demeure un endroit privilégié. Avec 34 % de la population catholique mondiale, elle ne dispose que de 10 % des prêtres catholiques. L’Amérique latine est en train de sombrer dans le paganisme. En 1958, on propose une déclaration collective de l’épiscopat et que les séminaires du Québec s’ouvrent aux étudiants latino-américains. Cette opération se fait officiellement en janvier 1960.


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L’intendance du missionnaire


Il existe deux organisations au niveau national qui supporte l’activité missionnaire. En premier lieu, les oeuvres pontificales dotées d’une administration centralisée. Elles ont pour mission d’inculquer l’esprit missionnaire et de ramasser des fonds. Environ 60 % des fonds vont à Rome et le reste est laissé à l’épiscopat canadien. Les fonds sont ramassés par des collectes à domicile et des quêtes publiques. Chaque paroisse doit avoir des zélateurs et chaque école son organisation de la Sainte-Enfance.Au deuxième palier, c'est l’intendance de chaque groupe de missionnaires. Il existe une trentaine de revues missionnaires. Ainsi, les oblats publient l’Apostolat, les jésuites le Brigand, etc. Les communautés recourent aux quêtes dans les paroisses, soit à l’église soit à domicile. La concurrence est forte et les évêques se réservent le droit d’autoriser ou non de telles quêtes. Ainsi, une communauté religieuse ne pourra plus moissonner une paroisse deux ans consécutifs. À partir de la Deuxième Guerre mondiale, les Canadiens sont réputés détenir le second rang après les États-Unis pour la générosité aux oeuvres pontificales. Par ses contributions, l’Église québécoise s’affirme comme une grande Église missionnaire. Les missions sont montrées comme une affaire de fierté nationale. Néanmoins, il y a une intense rivalité entre les communautés missionnaires.


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Une Église fragilisée


La guerre va apporter de grands changements dans la société québécoise. La classe moyenne augmente, les banlieues se développent, une plus grande aisance matérielle et la croissance du monde des loisirs ainsi que l’apparition de la télévision, tout cela va changer en profondeur les mentalités. Une baisse des vocations apparaît. En 1950, le Québec compte 1 prêtre par 534 habitants. La vocation religieuse perd de son prestige. C’est une société en transformation que Mgr Léger, nouvel évêque de Montréal, doit diriger. Devant les changements annoncés, les évêques du Québec veulent donner un coup vers la droite. On veut recentrer la société sur les valeurs religieuses et la vie familiale. On s’oppose toujours à une plus grande éducation pour les femmes. Une plus grande exigence pour l’éducation et la santé incite l’Église à se lancer dans une vaste opération d’agrandissement des collèges et hôpitaux. L’Église consacre de grands efforts monétaires, mais surtout humains pour ne pas céder la place prépondérante qu’elle occupe dans la société québécoise, sans toutefois y arriver. De plus, l’Église se voit contrainte d’avoir recours aux laïcs dans l’éducation et les hôpitaux, ne devant se contenter bien souvent que de la gestion. La laïcisation approche alors à grands pas. Duplessis doit intervenir de plus en plus en distribuant des octrois de manière discrétionnaire. Ainsi, se crée une alliance avec l’Église qui sollicite l’aide du gouvernement, lui accordant en retour une caution morale non équivoque.


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