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Conclusion


Le fardeau de l’histoire et l’Église québécoise


ll est certain que l’Église contrôlait l’éducation et les affaires sociales et exerçait ainsi une grande influence sur notre société. Après la défaite des patriotes et l’Acte d’Union, l’Église est devenue le refuge pour un peuple qui ne désirait qu’assurer sa survie. Selon Dumont, la responsabilité de ce repli ne peut être attribuée qu’à l’Église, mais est la conséquence de notre situation politique et économique. Sous le Régime anglais, l’Église n’est que tolérée, parce que c’est la seule manière de contrôler la population francophone. L’Église a joué un rôle déterminant dans la survivance du fait français en Amérique du Nord. Mais cette institution refuge a ses moins bons côtés. L’Église a négligé ses fonctions spirituelles pour s’occuper de l’éducation et du développement social.

La désintégration de l’Église est bien illustrée par le passage du cardinal Léger croulant sous l’hermine à son arrivée et terminant sa carrière comme simple missionnaire. C’est l’Église triomphante en déroute.

Au temps du cardinal Léger, ce dernier occupait toute la place dans les médias et se prononçait souvent au nom de l’épiscopat sans consulter les autres évêques du Québec. Sous Duplessis, l’Union nationale régnait partout. C’est le système discrétionnaire qui est alors appliqué, ce qui faisait dire à Duplessis : « qu’il pouvait à volonté faire manger les évêques dans sa main ». Cependant plusieurs évêques lui résistent comme le cardinal Léger.

Les années 1960 sont marquées par la modernisation du Québec, ainsi que par l’exode de plusieurs prêtres, religieux et religieuses. La société québécoise s’est alors laïcisée.Dans le milieu de l’enseignement, la déconfessionnalisation se fait rapidement sans susciter beaucoup de débats au niveau des cégeps et des universités. Dans le domaine des hôpitaux et les services sociaux, les communautés religieuses ont été mises devant le fait accompli.

Durant les années 1830-1840, l’Église, à cause de la crise économique et politique, a été appelée à jouer un rôle important dans la société. Les rébellions de 1837 et 1838 et la défaite des patriotes ont installé en permanence un sentiment de vaincu chez les francophones. La conquête avait déjà imprégné la conscience collective chez les Canadiens français du sentiment de crainte et d’infériorité. La défaite des patriotes vient solidifier ce sentiment de façon définitive. Désormais, l’ambivalence est élevée en trait caractéristique de notre peuple. Face au vide laissé par la petite bourgeoisie du milieu du XIXe siècle, l’Église prend la direction de la nation pour la conserver pendant plus d’un siècle.

Avec l’arrivée de nombreux religieux réfugiés de France, on retrouve l’Église partout dans les écoles et les hôpitaux. L’Église a joué un rôle de développeur social. Avant cette période la société québécoise était beaucoup plus laïcisée. Le renouveau du christianisme se fait sous Mgr Bourget à Montréal avec la prédication de Mgr Janson pour se répandre par après dans tout le Québec. Ce dernier arrive dans un Québec en pleine crise religieuse, séquelle de la révolte des patriotes et de la lutte de l’Église québécoise contre le mouvement libéral de l’Institut canadien. Un siècle plus tard, l’Église occupe une place prépondérante dans la société. Les autorités civiles doivent désormais composer avec elle.

L’Église refuse de reconnaître les libertés individuelles. C’est un contrôle social dont il s’agit ici. Lorsque Jean Lesage et la Révolution tranquille arrivent, le fruit est mûr. Un ordre nouveau naît. Le clergé cède le pas à cause de la convergence de deux facteurs nouveaux : la Révolution tranquille et le Concile Vatican II. La révolution culturelle est arrivée avec l’ouverture à la modernité. L’urbanisation et l’industrialisation ont puissamment aidé à l’émancipation du peuple québécois.

Une révolution culturelle apporte un changement de mentalité, ce qui a pour conséquence de ne plus juger les évènements de la même manière. On fait la découverte de la liberté. Tout est permis, il n’y a plus d’obligation! La publication d’Humanae Vitae par Paul VI en 1968 marque une date importante dans l’accentuation du décrochage des catholiques québécois. La cohabitation chez les jeunes révèle une autre libération. En une décennie, les valeurs fondamentales sont changées. La nouvelle génération croit à la liberté, la justice, l’amour, mais elle vit ses valeurs sans la foi.

L’Église d’aujourd’hui est marginalisée et défend les valeurs chrétiennes pour les pauvres et les démunis de notre société. L’Église, au cours des siècles, a connu des secousses énormes tout en continuant sa mission. Elle a survécu à l’invasion des barbares en les évangélisant et à la Renaissance avec ses valeurs beaucoup plus laïques. Saura-t-elle survivre à la modernité?


Une Église en décroissance


Aujourd’hui, l’Église ne regroupe plus qu’une poignée de baptisés. La moyenne d’âge des pratiquants se situe près des 60 ans. Le nombre de ministres du culte diminue et il est devenu normal qu’un prêtre couvre le territoire de plusieurs paroisses. Les paroisses n’ont plus les moyens de payer convenablement des agents de pastorale. L’Église n’a pas su s’adapter aux réalités du monde moderne. L’Égise s’est plutôt repliée sur elle-même. Elle est en phase défensive. Elle doit, cependant, éviter la mentalité de la secte.

Malgré l’image médiatique de Jean-Paul II, ses enseignements sont souvent ignorés par la majorité des catholiques. Ainsi en est-il de plusieurs lettres ou encycliques qui touchent la morale sexuelle, la place de la femme dans l’Église, le mariage des prêtres, l’homosexualité, etc.Et puis, d’autres scandales ont secoué l’Église au Canada et aux États-Unis. Le silence de l’Église américaine sur les cas de pédophilie chez les prêtres, a amené un désengagement de nombreux catholiques. Chez nous, il y a les Enfants de Duplessis et les Enfants de Saint-Vincent.

Déchristianisée et déculturée, la jeunesse québécoise a-t-elle un espoir pour l’avenir? Ce sont les aînés qui demeurent la source principale des pratiquants dans nos églises. Les scandales de la pédophilie ont porté atteinte à sa crédibilité. En effet, dans bien des cas l’Église a dissimulé le problème en refusant d’agir pour lutter contre ce fléau. Son silence lui coûte cher et elle en paie le prix aujourd’hui.L’Église tente de passer son message par la formation de groupes restreints où l’expression individuelle est plus facile. Mais même si cette formule a connu un certain succès, il ne rejoint pas la masse. En effet, pour plusieurs la célébration de l’eucharistie en communauté paroissiale demeure l’expression indispensable de leur foi. L’Église se bute à une cassure de la civilisation occidentale qui remet en question l’institution même de la famille et par conséquent le mariage.

Et les fameuses richesses de l’Église? Lorsque l’on parle de Rome, on parle forcément des richesses du Vatican. Devrait-on vendre ses richesses pour les remettre aux pauvres? Le Vatican est plutôt le dépositaire d’un patrimoine artistique unique qui appartient à la collectivité mondiale. Il en est de même au Québec où les communautés religieuses et les églises paroissiales possèdent un patrimoine qui appartient à la collectivité. L’Église du Québec ne pourra plus d’ici peu conserver ses richesses patrimoniales sans l’aide de l’État. Il y aura un choix à faire. Le choix de ce que nous devons conserver de toutes ses richesses témoins de notre passé nécessitera de difficiles décisions. L’Église devra, malgré elle, permettre le mariage des prêtres qu’elle défend depuis le Xe siècle et faire un pas de géant en permettant l’ordination des femmes, signifiant ainsi sa totale adhésion à l’égalité des sexes.

Beaucoup de Québécois ont conservé un sens religieux qu’ils manifestent en étant attirés par de nombreuses sectes où généralement on retrouve le message est clair et unique ne laissant pas place à la discussion. On y retrouve l’Église d’autrefois où elle laissait peu de place au libre arbitre. D’une Église essentiellement cléricale, il faut désormais se diriger vers une Église où le leadersphip est assuré par des prêtres et des religieux, mais aussi des laïcs Ce sera l’Église de demain. Le rappel du retour final de Jésus s’imposera. Face au projet collectif québécois, des petites communautés de prières se développeront. L’école n’est pas le lieu de l’éducation de la foi. La famille demeure le premier et vrai territoire de son éducation. L’école est le lieu de transition qui prépare la vie en communauté. Elle transmet les valeurs, mais ne le crée pas.

Est-ce la fin du catholicisme au Québec? Oui s’il s’agit d’un catholicisme traditionnel et majoritaire. Le catholicisme au Québec pourra continuer, mais sous d’autres formes. L’Église de l’avenir sera celle des petits groupes de prières et de réflexions, une Église qui s’occupera des pauvres, des clochards, des oubliés de notre société et surtout de spiritualité.


L’hypothèse des positions romaines


Le refus d’ouverture de l’Église à la modernité peut provoquer le recul du catholicisme. Ainsi en est-il en Afrique où l’islam fait d’importants gains et en Amérique latine où l’Église évangélique fait des ravages. Au Québec, l’épiscopat défend des valeurs humanistes comme la tolérance envers les autres religions qui d’une façon générale ont amoindri l’influence des sectes fondamentalistes. Dans d’autres pays, comme en France, en Irlande et en Pologne, la religion catholique devient une des composantes de l’identité nationale. Avec ses caractéristiques particulières, le catholicisme québécois d’avant 1950 est comparable à ces pays.

L’Église québécoise a toujours pu compter sur un clergé nombreux et dévoué. Citons en exemple, Mgr Bourget, homme d’organisation et d’autorité, mais surtout un visionnaire. Lui et d’autres évêques ont su donner à l’Église une place prépondérante dans la société au moment où la situation l’exigeait. Pourtant, l’Église au cours de sa longue histoire est passée par des cycles de recommencement, d’immobilisme, de pétrification. Mais toujours des hommes et des femmes ont su lui redonner une nouvelle vie et l’adapter au moment présent. De nombreux laïcs entraînent l’Église du Québec à aller de l’avant et à lutter contre la misère sociale. Le message chrétien encore aujourd’hui en est un de la fraternité et d’espérance. Le coeur du catholicisme québécois continuant une tradition ancienne s’ouvre largement aux défavorisés et aux opprimés. Les nouvelles voies de l’Église exigent le dépouillement total, tant matériel que culturel et spirituel. C’est là que se tourne aujourd’hui l’espérance des chrétiens.

Finalement, nous devons en déduire que notre Église a joué un rôle majeur dans notre histoire. L’Église québécoise a pu détenir des responsabilités aussi importantes parce que l’État lui a laissé toute la place. Forte de son influence grandissante après les évènements de 1837-1838, l’Église a pris tout l’espace qui était disponible. Cette hégémonie lui a permis de dicter à tout un peuple ses actes et ses décisions. L’État ne pouvait que se ranger aux dictats de la toute puissante Église québécoise. Lorsque la Révolution tranquille arrive, le courant de liberté est tellement fort qu’il emporte avec lui deux siècles d’omniprésence de l’Église. Cette dernière est dorénavant réduite à un rôle marginal. La chute n’en sera que plus brutale.

Cependant, malgré tous les reproches qu’on peut lui faire il faut admettre que l’Église a joué un rôle capital dans la survie du peuple québécois. Sans elle, après la Conquête nous aurions certes été assimilés. Il faut voir le rôle de l’Église au Québec n’ont pas seulement par ses actions durant les trois ou quatre dernières décennies, mais la considérer dans l’ensemble de l’histoire du Québec, et ce, depuis les débuts.

Mais l’Église du Québec ne pourra survivre seulement si l’Église universelle se réforme. Elle fait partie d’un tout. Les Québécois restent profondément attachés aux traditions et aux valeurs de la foi catholique. Si des changements ne se font pas rapidement le déclin de l’Église s’accentura non seulement ici, mais dans l’ensemble des pays occidentaux.


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