Retour à la page principale
Aller au chapitre suivant


René Lévesque, l’homme

Les temps durs





René Lévesque (1922-1987)



René Lévesque est né à New Carlisle, village anglophone de la baie des Chaleurs en Gaspésie, le 24 août 1922. Son père est avocat. Dès son enfance, il acquiert la connaissance du français et de l’anglais. Il est doué et apprend à lire en bas âge. Il est considéré comme un marginal, c’est à dire différent de son entourage. En 1933, René fait son entrée au collège des Jésuites de Gaspé où il est considéré comme un élève doué, mais quelque peu rebelle. Son village demeure pour lui un port d’attache dont il se souviendra toute sa vie.


1937 est une année marquante dans la vie de ce fils de la Gaspésie puisque son père meurt à l’âge de 48 ans. La même année, René occupe durant ses vacances d’été le poste de rédacteur et d’annonceur des nouvelles au poste CHNC de New Carlisle. En 1938, la famille déménage à Québec. Il y poursuit ses études au Collège Garnier où il collabore au journal du collège en y écrivant plusieurs articles. Le journaliste en devenir est déjà là. C’est finalement au séminaire de Québec qu’il termine son baccalauréat ès Arts. En 1941, il entreprend des études en droit. Durant cette période, il travaille comme annonceur au poste de radio CKCV. L’année suivante, c’est à la station française de Radio-Canada à Québec, CBV, qu’il poursuit sa carrière de journaliste. Ses études en droit ne l’intéressent plus et en 1943 il quitte l’université.


Il se sent alors prêt pour relever un nouveau défi. À 21 ans, il offre ses services au Bureau d’information en temps de guerre de l’Armée américaine qui cherche des candidats bilingues. Sa famille est très inquiète de le voir partir pour l’Europe en guerre. L’armée le convoque à Montréal où il doit cesser tout contact avec sa famille, car on craint les espions allemands. Il est amené rapidement à Halifax où des convois escortés par des destroyers quittent le Canada pour l’Angleterre. Cependant, le bateau sur lequel il est assigné quitte l’Amérique sans escorte. En Europe, il travaille à la section radiophonique francophone de la radio américaine.


Puis en 1945, il est envoyé avec l’Armée américaine en Alsace. Il poursuivra sa carrière de correspondant de guerre jusqu’à la défaite de l’Allemagne. Il fait partie des premiers journalistes qui découvrent le camp de concentration de Dachau avec toutes ses horreurs. Il réussit à faire des entrevues avec des personnalités politiques françaises qui avaient été retenues prisonnières durant la guerre comme Daladier et Renaud, respectivement ancien premier ministre français et ancien ministre de la Justice. Une fois son engament terminé, il en profite pour voyager dans cette Europe dévastée par la guerre.


À son retour au pays, il entre à Radio-Canada où il travaille comme annonceur et reporter. Durant la guerre de Corée, il fait à nouveau sa marque comme reporter de guerre. Il est déjà reconnu comme vulgarisateur des évènements de la scène internationale. C’est en 1956, qu’a lieu sa célèbre première émission à Radio-Canada, Point de Mire. Cette émission de vulgarisation populaire s’intéresse à différents problèmes de la vie quotidienne. René Lévesque s’y montre un vulgarisateur hors pair. Son émission devient un événement de la semaine. Les cotes d’écoute sont astronomiques. Pourtant, René Lévesque a recourt à un simple tableau noir pour expliquer et décortiquer des évènements complexes d’ordre local ou international.


Mais un événement majeur vient changer le cours de l’histoire et c’est la grève des réalisateurs de Radio-Canada. René Lévesque prend fait et cause pour les grévistes. La grève dure plus de deux mois.C’est là, qu’il comprend que les dirigeants anglais du pays ( gouvernement Diefenbaker) accordent peu d’importance aux problèmes qui concernent la minorité canadienne-française. Lévesque décide alors de faire tout en son possible pour changer cette situation. Un nouvel homme politique est né.


À la fin de la grève de Radio-Canada, Lévesque se sent prêt à relever de nouveaux défis. Il a une forte admiration pour Georges-Émile Lapalme, auteur du programme électoral du Parti libéral de 1960. Il a le désir d’aider ce parti à se défaire de l’Union nationale. De plus, il veut une équipe qui lui permettra d’aider à l’évolution des Canadiens français dans la société québécoise. Il croit qu’il est nécessaire de permettre à l’État d’intervenir pour le développement économique du Québec.


Élu député de Laurier, il est nommé ministre des Travaux publics. Il lutte avec férocité contre le patronage. Les «vieux libéraux» longtemps privés des faveurs du pouvoir s’accommodent mal du zèle du nouveau ministre et réclament rapidement son renvoi. Comme ministre il se montre marginal et contre toutes les conventions. Quelques mois plus tard, il est nommé, à sa demande, ministres des Richesses naturelles. Rapidement, il est mis au courant des problèmes de la distribution électrique en Gaspésie. En effet, les coûts sont très élevés, la qualité de la distribution laisse à désirer et les compagnies ne désirent pas investir. Il fait donc entreprendre des études sur la possibilité de nationaliser les compagnies privées d’électricité du Québec. L’Ontario avait déjà nationalisé ses compagnies depuis fort longtemps.


Lévesque doit lutter non seulement contre les propriétaires des compagnies, mais encore contre le sentiment d’impuissance répandu dans l’appareil gouvernemental et dans la population.Très convaincu, il entreprend une tournée provinciale pour convaincre les Québécois de la nécessité de nationaliser l’électricité. De vives discussions ont lieu au sein du Parti libéral. Finalement, en septembre 1962, Jean Lesage convoque une réunion spéciale au chalet du Lac-à-l’épaule. Les débats y sont parfois orageux. Georges Maler, représentant de la minorité anglophone et du monde des affaires, s’oppose farouchement à toute nationalisation. Contre toute attente, c’est finalement Georges Émile Lapalme qui apporte son soutien au projet. Lesage décide sur le champ d'en faire un enjeu électoral. C’est là également que le fameux slogan «Maîtres chez nous» fut mis de l’avant. Le gouvernement Lesage gagne son pari en remportant la victoire aux élections de 1962. Après quelques mois, la nationalisation devient une réalité.


Les retombés sont rapides et bénéfiques. Pour la première fois, des Canadiens français deviennent cadres supérieurs d’une importante société de production en électricité. De 1962 à 1966, René Lévesque continue sa bataille pour l’affirmation des Canadiens français dans tous les domaines. Il est d’abord favorable à la Confédération en autant qu’il n’y ait pas d’ingérence du gouvernement fédéral dans les juridictions du Québec.


La défaite du Parti libéral en 1966 va accentuer son projet pour des changements constitutionnels indispensables à l’épanouissement du Québec. Le message de Charles de Gaule du balcon de l’Hôtel de ville de Montréal et son «Vive le Québec libre» provoque une secousse sismique dans la société québécoise. Le Parti libéral étant dans l’opposition, le temps de la réflexion est maintenant arrivé. Un groupe informel se forme autour de René Lévesque avec des députés libéraux tels que Robert Bourassa, Gérin-Lajoie, Kierans et d’autres. Johnson, devenu premier ministre, a déjà fait son nid et souhaite un changement rapide de la constitution actuelle. Il exprime ses idées dans un livre au titre révélateur Égalité ou indépendance. Le Parti libéral ne peut être en reste et doit trouver une proposition originale. C’est alors que naît le concept de la souveraineté-association. Dès lors, Robert Bourassa quitte le groupe parce qu’il n’est pas d’accord avec le plan économique d'une association avec le reste du Canada. Les dirigeants du Parti libéral comprennent qu’ils doivent se débarrasser de René Lévesque puisqu’il suscite la controverse et qu’il nuit aux assises plutôt conservatrices du parti. Au Congrès du Parti libéral, René Lévesque démissionne étant suivi par un certain nombre de fidèles. La rupture est définitive.


Lévesque et quelques-uns de ses partisans fondent le Mouvement Souveraineté-Association, mieux connu sous l’abréviation MSA. Un livre qui aura un grand succès paraît alors sous le titre Option Québec. Il y déclare «Au coeur de cette personnalité se trouve le fait que nous sommes français. Tout le reste est accroché à cet élément essentiel». Après avoir constaté les échecs successifs des négociations fédérales provinciales, il proclame :«que le Québec doit devenir au plus tôt un État souverain». La tenue des États généraux du Canada français, dont la grande majorité des délégués se prononcent pour l’autodétermination du Québec, va précipiter la naissance d’un nouveau parti politique avec le MSA comme noyau central. Deux autres partis politiques existants, le RIN., dont le chef est Pierre Bourgault et le Rassemblement national, ( RN) avec Gilles Grégoire, décident pour le bien de la cause de se joindre au nouveau parti. Ainsi, en octobre 1968, un nouveau parti souverainiste apparaît : le Parti québécois.


Retourner au menu du chapitre


Les temps durs


René Lévesque doit traverser un long désert. L’Union nationale étant en fin de règne est contestée de toute part. Le premier ministre, Jean-Jacques Bertrant, décide de déclencher des élections. Le Parti québécois doit faire face à trois adversaires: le Parti libéral dirigé par Robert Bourassa, l’Union Nationale avec Jean-Jacques Bertrand et le Ralliement créditiste de Camille Samson.


De plus, l’affaire de la Brinks réussit à faire peur à certains électeurs. En effet, un photographe de la Gazette, journal anglophone de Montréal, publie une photographie montrant un camion de la Brinks chargé de millions de dollars qui pour des raisons sécuritaires au cas où les souverainistes prendraient le pouvoir, fait route vers l’Ontario.


Robert Bourassa et le Parti libéral remportent la victoire en faisant élire 72 députés. 17 députés unionistes sont élus ainsi que 12 députés du Ralliement créditiste. Pour sa part, le Parti québécois, malgré ses 23% des voix, ne remporte que sept comtés. René Lévesque est défait dans son comté.


Un drame vient rapidement frapper le nouveau gouvernement, en 1970, avec l’apparition du FLQ et l’assassinat du ministre Pierre Laporte. Lévesque et quelques autres personnalités s’élèvent à la fois contre la violence et contre les actions du gouvernement Bourassa qui se soumet trop docilement aux dictats du gouvernement fédéral de Pierre Trudeau. Robert Bourassa profitant du momentum déclenche de nouvelles élections. Il remporte une éclatante victoire en faisant élire 102 députés sur 110. Pour une deuxième fois, René Lévesque est défait. La contestation du leader du parti se fait plus bruyante. René Lévesque pense même à démissionner.


Le deuxième mandat du gouvernement Bourassa est mouvementé. C’est d’abord le problème de la langue qui remonte à la surface. Le gouvernement Bourassa décide de passer à l’action en faisant passer la loi 22. Cette loi fait du français la seule langue officielle et oblige les enfants des immigrants à s’inscrire à l’école française. La seule exception est pour les enfants qui réussissent à démontrer «une connaissance suffisante» de l’anglais. De plus, on oblige l’affichage avec une prédominance du français.Cette loi est décriée à la fois par les anglophones qui la trouvent infâme et les francophones qui la considèrent comme une trahison.


Et puis, c'est la crise constitutionnelle de Victoria. Dans un premier temps, Bourassa croit que la formule de rapatriement proposée par le gouvernement Trudeau est susceptible d’un accord. Devant les pressions des différents milieux politiques et médiatiques du Québec dont l’influent Claude Ryan, directeur du devoir, Bourassa refuse l’accord de Victoria à la grande déception de Pierre Elliot Trudeau. Ce dernier menace même de rapatrier la constitution de façon unilatérale. Bourassa sentant son leadersphip remit dangereusement en question décide de convoquer des élections pour le 15 novembre 1976, journée incontournable où le miracle de René Lévesque et son parti va se produire.


Retourner au menu du chapitre


Retour à la page principale
Aller au chapitre suivant