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Un dernier coup de chapeau: Jacques Parizeau et le référendum de 1995



Jacques Parizeau (1930- )


Jacques Parizeau a marqué l’histoire du Québec d’une façon importante. En effet, il a été l’un des architectes de la Révolution tranquille où il a joué un rôle prépondérant dans plusieurs réalisations économiques et sociales qui ont marqué cette période: la nationalisation de l’électricité, la création de la Caisse de dépôts et de placements et la mise en place de la Régie des rentes du Québec. Plus tard, comme ministre des Finances du gouvernement péquiste, il a appuyé l’implantation du Régime d’épargne-actions qui va aider à l’émancipation du capitalisme québécois.


En 1984, lorsque René Lévesque met en évidence son idée «du beau risque» avec le nouveau gouvernement fédéral de Brian Mulroney, Jacques Parizeau et plusieurs de ses collègues démissionnent du gouvernement. Il retourne à l’enseignement tout en continuant à suivre de très près le nouveau chef du Parti québécois, Pierre-Marc Johnson.


Deux ans après la défaite du Parti québécois aux élections de 1985, Pierre-Marc Johnson démissionne comme chef de parti laissant toute la place à un Jacques Parizeau qui n’en demande pas plus. En mars 1988, il devient le troisième chef du Parti québécois et Chef de l’opposition officielle le 28 novembre de la même année.


Comme Chef de l’opposition, il assiste aux échecs successifs des accords constitutionnels du Lac Meech et de Charlottetown. La situation politique canadienne a bien changé : le Bloc québécois dirigé par Lucien Bouchard fait élire 54 députés aux élections de 1993, devenant même l’opposition officielle. D’autre part, Robert Bourassa démissionne comme premier ministre le 14 septembre 1993. Daniel Johnson, fils de l’ancien premier ministre Daniel Johnson et frère de Pierre Marc Johnson qui fut brièvement premier ministre du Québec à la fin de l’ère péquiste, est à son tour assermenté comme premier ministre le 11 janvier 1994. Un autre parti fait également son apparition et c’est l’Action démocratique avec Mario Dumont. Ce dernier réflète l’incertitude de plusieurs Québécois qui hésitent entre la souveraineté et le fédéralisme.


À l’élection générale de septembre de 1994, le Parti québécois fait élire 77 sièges contre 47 libéraux avec seulement 44,75% des voies pendant que le Parti libéral en obtient 44,40%. Jacques Parizeau devient le 26e premier ministre du Québec le 24 septembre 1994. Le Parti québécois s’est fait élire avec la promesse d’un deuxième référendum sur l’indépendance du Québec.


Dès son retour aux affaires, Jacques Parizeau centre tous les efforts sur l’organisation du deuxième référendum. Durant la même période, Lucien Bouchard fait un retour remarqué en politique active après une période de trois mois de maladie causée par la «bactérie mangeuse de chair». À ce moment, il jouit d’un véritable culte dans tout le Québec. Pour sa part, Jacques Parizeau a déjà déposé un avant-projet de loi à l’Assemblée nationale et mit sur pied dix-sept commissions pour consulter la population. Lucien Bouchard juge qu’il y a précipitation.


Mais déjà la lutte s’engage entre les deux partenaires sur le libellé de la question. Pour Jacques Parizeau, il n’est pas question d'un mandat pour la négociation d'une nouvelle union politique. Lucien Bouchard pense, au contraire, que cela est indispensable si on veut gagner le référendum. En mars, les sondages sont à 46% pour le OUI et 54% pour le NON. Pour Jacques Parizeau, il faut tout mettre en oeuvre pour que les Québécois appuient le OUI. Les rencontres se multiplient entre les stratèges du Bloc et du Parti québécois pour trouver un terrain d’entente entre les deux partis sur l’association politique avec le reste du Canada. Finalement, le référendum que Jacques Parizeau désire pour le printemps est reporté à l’automne afin d'éviter de précipiter les évènements.


Pour Bouchard, il n’est pas question de tenir un référendum coûte que coûte, tandis que son partenaire Parizeau veut s’en tenir à l’engagement qu’il a pris durant la dernière campagne électorale. La tension se fait toujours sentir entre les deux groupes politiques. Parizeau sent rapidement qu’il ne peut aller en référendum sans la participation de Lucien Bouchard, ce dernier jouissant d'une popularité qui dans certains cas frôle l’adoration. Lors des assemblées populaires, on le prend pour une sorte de miraculé, on veut lui toucher, etc.


En mai, un nouveau sondage donne une victoire du OUI avec 53% lorsqu’on inclut l’association avec le reste du Canada dans la question. Devant ce nouveau résultat, la tendance d’une référence à une association avec le reste du Canada devient inéluctable. En juin, une entente tripartite voit le jour avec une association PQ-BQ-ADQ.


Mais une nouvelle controverse pointe à l’horizon. De fortes pressions, appuyées par des sondages, incitent Jacques Parizeau à céder la présidence de la campagne à Lucien Bouchard. Pour Parizeau, Lucien Bouchard souffre du syndrome du Canadien français qui hésite toujours à s’affirmer. Il y a des tiraillements sur la date du référendum. Lucien Bouchard et ses supporters ne se sentent toujours pas prêts à partir en campagne. Par contre, le premier ministre est catégorique : il faut faire la campagne au plus tard à l’automne. En septembre, Parizeau et ses alliés sont convaincus que le temps est venu de passer à l’action. Le décret ministériel fixe le référendum pour le 30 octobre 1995. La campagne débute avec une adresse à la nation du premier ministre du Québec le 1er octobre.


Pendant ce temps, des financiers québécois se préparent à contrer une éventuelle crise financière que le reste du Canada s’empresserait de provoquer en cas de la victoire du OUI. Ainsi, l’Hydro Québec et la Caisse de dépôt et de placement font le nécessaire pour que le Québec puisse avoir des liquidités jusqu’à la hauteur de 17 milliards de dollars. D’autres institutions financières comme la Banque Laurentienne et la Banque Nationale se regroupent, animées d’un esprit nouveau qui permettrait au Québec de tenir éventuellement tête au milieu financier anglophone.


Rapidement, les stratèges du camp du OUI se rendent compte qu’il faut donner la première place à Lucien Bouchard si on veut gagner le référendum. Jacques Parizeau doit céder sa place et devenir dans les faits vice-président du comité du OUI. C’est alors que réapparaît l’idée déjà exprimée de nommer Lucien Bouchard comme négociateur en chef pour les négociations avec le Canada advenant un référendum gagnant du OUI. C’est ici qu’il faut voir la magnanimité de Jacques Parizeau qui accepte finalement de laisser la première place à Lucien Bouchard pour le bien de la cause. Parizeau essaie de rallier à la cause Pierre Bourgault qui pose des conditions inacceptables au premier ministre. Celui-ci doit se passer d’un tribun qui aurait été très utile à la cause.


Des sondages à partir de la mi-octobre donnent le OUI majoritaire. C’est alors la panique dans le camp du NON et le premier ministre Jean Chrétien décide de s’impliquer très activement dans la campagne. Le 27 octobre 1995, la campagne du NON réussit son meilleur coup avec un grand rassemblement où 100 000 personnes venant en grande partie de l’extérieur. Le camp du NON dépense pour cette activité plus de quatre millions de dollars alors que le budget de chaque option est limité à cinq millions. Les dépenses de chaque camp sont ainsi bien inégales donnant à ce propos un net avantage au NON. Pour Jacques Parizeau, la fin de la campagne est difficile parce qu’il se sent mis à part et délaissé.


Les premiers résultats au soir du 30 octobre sont très favorables au OUI. Cependant, au fur et à mesure que sortent les résultats du West Island ces derniers deviennent de plus en plus serrés. En fin de compte, le OUI obtient 49,4% tandis que le NON a 50,6% des votes. C’est une dure défaite qui plonge Jacques Parizeau dans un effondrement total.


À la télévision, Jacques Parizeau fait alors une déclaration très controversée «On a été battu au fond par quoi ? Par l’argent, puis des votes ethniques, essentiellement». Il est fortement critiqué et Bernard Landry, entre autres, l’incite clairement à démissionner. Le lendemain du scrutin, il annonce son départ. Il demeurera en fonction jusqu’à l’élection d’un nouveau chef du Parti québécois. C’est Lucien Bouchard qui prend la place en devenant le 27e premier ministre du Québec.


Jacques Parizeau a démissionné, mais ne s’est pas retiré de la scène politique pour autant. En effet, lorsqu’il le juge à propos et au grand dam des chefs du Parti québécois, il intervient régulièrement et critique avec sévérité les décisions du gouvernement péquiste qu’il trouve inappropriées. Il aura été membre de la courte liste des personnes qui ont réalisé la Révolution tranquille.Il a aussi défendu de toute son âme l’idée de la nation québécoise. Pour cela, nous lui sommes redevables.



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