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Honoré Mercier

Mercier et le chemin de fer

Mercier et la colonisation

Mercier et l'éducation



Honoré Mercier (1840-1894)


Honoré Mercier vit dans une période tourmentée de la nouvelle confédération. L’affaire Riel va susciter une poussée nationaliste importante. En effet, cette question cause des problèmes au gouvernement. Devant l’invasion de leurs terres par les arpenteurs du gouvernement fédéral qui viennent pour diviser leurs terres ancestrales, Louis Riel et ses amis forment un Comité national de Défense. Ils veulent bien entrer dans la Confédération, mais à la condition de négocier le pacte en hommes libres. Riel s’empare du fort Garry et capture des prisonniers. Un orangiste, Thomas Scott et sa bande tentent un coup de force contre le gouvernement provisoire. Fait prisonnier, il est condamné à mort et fusillé. Le gouvernement canadien envoie une colonne pour mater les rebelles. Riel s’enfuit aux États-Unis. L’opposition entre les deux peuples fondateurs ne fait que commencer. Mercier, chef des libéraux provinciaux et nationaliste convaincu, profite du mécontentement populaire et prend le pouvoir en janvier 1887.Il comprend qu’il peut organiser un parti politique autour des notions de national, français et catholique. En ce sens, il défend le caractère national du Canada français ainsi que sa spécificité. Il nomme le curé Labelle comme sous-ministre de l’agriculture. En juin 1888, il règle l’affaire des biens des jésuites. Ce litige qui remontait à plusieurs années en arrière revient hanter le gouvernement lorsque les jésuites revinrent au Canada à la demande de Mgr Bourget en 1842. Il offre la somme de 40 000$ en règlement d’une valeur de 2 000 000$. Cette mesure est acceptée par le Vatican.


En 1890, Mercier remporte les élections avec une majorité accrue. Il considère cette victoire comme une approbation de sa politique d’autonomie. Mercier part en voyage pour l’Europe à la recherche d’un prêt de 10 000 000$. Il fait une tournée triomphale, est décoré par le président de la République française, le roi des Belges et le pape Léon XIII. Il obtient un prêt de 4 000 000 $. Cependant, un scandale éclate sur une commission de 100 000$ qui aurait été versée au Parti libéral par un syndicat financier afin d’obtenir un contrat pour le chemin de fer de la Baie-des-Chaleurs. Le lieutenant-gouverneur nomme une commission d’enquête. Sur son rapport, le gouvernement Mercier est révoqué le 16 décembre 1890. Un nouveau gouvernement conservateur est mis en place qui découvre d’autres scandales. Aux élections de 1892, Mercier perd ses élections et est élu avec difficulté dans sa circonscription.À son procès, en octobre 1892, il est acquitté.


Lors d’un discours prononcé devant 6000 personnes, en avril 1893, il se prononce pour l’indépendance : « Hommes, femmes et enfants à vous de choisir; vous pouvez rester esclaves dans l’état de colonie, ou devenir indépendants et libres au milieu des autres peuples qui nous convient au banquet des nations ». Malade, il meurt en octobre 1893. Son influence perdure pendant plusieurs décennies, parce qu’il incarne l’esprit du Canada français.


Nationaliste, il est avant tout attaché à sa langue. Pour lui, le Québec est la première patrie des Canadiens français, car il est le seul endroit où ils sont majoritaires. Il considère la Confédération comme une «tromperie». Il dénonce les pouvoirs résiduaires du gouvernement fédéral (pouvoirs qui ne sont pas mentionnés dans la constitution), le pouvoir de désavouer les lois provinciales et le pouvoir de dépenser dans tous les domaines qu’il juge nécessaires. Pour Mercier, les États-Unis sont davantage une fédération. Il souhaite la formation d’une vraie confédération où le gouvernement fédéral serait la créature des provinces et non le contraire. C’est dans cet esprit qu’il convoque la première conférence des premiers ministres des provinces canadiennes. Malgré les maigres résultats de cette conférence, le prestige du Québec est accru.


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Mercier et les chemins de fer


L’une des principales tâches qu’il assigne aux chemins de fer c’est de promouvoir la colonisation. L’un ne va pas sans l’autre. Ainsi, les subventions vont au développement des chemins de fer dans les régions de colonisation. Le chemin de fer est développé au Lac Saint-Jean, région propice au développement de la colonisation et dans les Laurentides, fief du curé Labelle. De plus, cela encourage la jeunesse à demeurer au Québec plutôt que d’émigrer aux États-Unis. Le rail va également aider au développement des villes et des manufactures aussi bien que des richesses naturelles. Sa politique des chemins de fer entre en conflit avec les intérêts du Pacifique canadien. Son programme de subventions laisse présager qu’il entend augmenter le rôle économique de l’État au niveau économique et social. Il veut par sa politique ferroviaire adapter les structures économiques du Québec à celle d’une société moderne. Il croit fermement que la Confédération se brisera bientôt et que le Québec doit être prêt à assumer ses pleines responsabilités.


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Mercier et la colonisation


À cette époque, la colonisation joue un rôle prépondérant dans la société québécoise. Tous les éléments de la société, intellectuels, syndicats, clergé, en sont les promoteurs. C’est surtout dans le but d’éviter une saignée de Canadiens français vers les États-Unis que l’on propose ce mouvement. Pour aider à la colonisation, il faut aider les colons dans le processus d’allocation des terres, la construction de routes et régler les conflits entre les marchands de bois et les colons. Mais, Mercier sait que la colonisation n’est pas le remède à tous les maux économiques dont souffre le Québec. Pourtant, il légifère afin de distribuer une terre gratuite aux parents de douze enfants. La terre devient un patrimoine familial insaisissable. Les conflits apparaissent entre les commerçants et les colons pour le partage du bois sur les terres qui leur sont allouées. En effet, le gouvernement Mercier désire que les colons puissent avoir le droit exclusif d’exploiter le bois de leurs terres, ce à quoi vont s’opposer avec succès les marchands de bois anglophones. Le clergé joue un rôle indispensable dans le développement des nouvelles paroisses. La présence du prêtre missionnaire devient indispensable au développement du territoire. C’est ainsi qu’il invite l’abbé Labelle à l’aider au ministère de l’Agriculture en tant que sous-ministre. Ce geste est très apprécié du grand public. Grâce au mouvement de colonisation, plusieurs régions du Québec seront peuplées par des Canadiens français.


Pour aider l’agriculture, il développe des écoles et des programmes de conférences subventionnées par l’État. Peu à peu, l’industrie laitière apparaît comme la solution aux problèmes agricoles du Québec. Mercier souhaite une économie rurale prospère et rentable qui saura s’intégrer aux exigences d’une économie capitaliste. Il développe donc une politique interventionniste. Il considère la ville comme un milieu de progrès et de civilisation au grand mécontentement du clergé. En somme, un Québec tourné vers l’avenir suivra l’exemple des États-Unis dont il admire le dynamisme économique.


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Mercier et l’éducation


Mercier se fait l’instigateur d’une éducation à l’avantage des masses axée sur l’enseignement primaire et pratique, soit une instruction qui prépare à l’industrie et au commerce. L’instruction devient la gardienne d’un gouvernement démocratique. Pour lui, «s’instruire c’est s’enrichir». L’instruction permet à chaque citoyen de profiter de la prospérité nationale. C’est le seul moyen de sortir les Canadiens français de leur situation d’infériorité socio-économique. Mercier prend donc le parti des non-instruits étant lui-même issu d’une famille de cultivateurs. Il croit à l’instruction obligatoire, ce qui ne fait pas l’affaire du clergé qui revendique le contrôle de l’éducation.


Il déplore les mauvaises conditions de travail des enseignants. À l’époque, ces derniers sont souvent payés de 50$ à 60$ par année, pendant qu’aux États-Unis leur salaire est souvent supérieur à 1000$. Il favorise nettement les enseignants laïques pour l’école primaire. Mercier doit composer avec le Conseil de l’instruction publique formé, depuis 1875, de tous les évêques du Québec pour une moitié et de laïcs pour l’autre moitié. Cela laisse l’emprise du clergé sur l’ensemble du système d’éducation publique. Il favorise également l’école du soir pour permettre à un plus grand nombre possible d’analphabètes d’apprendre les rudiments de l’écriture, de lecture et de calcul. Il reçoit pour ce projet l’appui de l’Église. Mercier comprend qu’à cause de ses moyens financiers limités, l’État ne peut exclure le clergé de ses entreprises sociales.


Honoré Mercier est un homme d’avant-garde. Il considère que le Québec constitue une nation, car les Québécois possèdent une religion, une langue, un territoire et un État. Il désire établir des relations avec l’extérieur. Il croit fermement que les investissements publics vont susciter des financements privés, ce qui va favoriser le développement des villes et des campagnes. Il a la conception d’un État moderne qui joue un rôle important pour la collectivité. Il croit que l’État doit exercer une forme de contrôle sur les différentes composantes des activités économiques et sociales. Il favorise une fonction publique forte et compétente. Il considère que le système d’enseignement doit être axé davantage sur l’apprentissage des métiers de l’industrie. L’ idéologie qu’il propose est différente de celle proposée par l’Église, celle-ci étant davantage basée sur la tradition. Il propose un État provincial qui devient la plate-forme de la nationalité. Il pense finalement que le droit du Québec au titre de nation ne pourra se réaliser qu’en modifiant le pacte confédératif.


Il est donc le représentant d’une idéologie libérale et nationaliste qui veut renforcer le rôle de l’État. Cependant, cette idéologie est en contradiction avec les groupes dominants de la société québécoise que sont le clergé et les grands pouvoirs économiques anglophones. Son idéologie sera reprise en partie par Godbout et, plus tard, par la Révolution tranquille de Lesage.



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