Au temps de ma mère



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La croix du chemin


Les croix du chemin font partie de l’héritage religieux du Québec. Venue de France, la tradition d’élever des croix monumentales s’implante seulement là où s’installent des communautés d’origine française. Aux 17e et 18e siècle, la plupart des croix érigées marquent la prise de possession du territoire. Au siècle suivant, plus particulièrement sur les bords du Saint-Laurent, les croix du chemin se multiplient et on y pratique des rituels religieux. Cette coutume se perpétue jusqu’au début des années ‘60. Les motifs à l’origine de leur érection comme les rites qui y sont associés livrent un aspect particulier de l’âme religieuse québécoise. Le motif d’érection reste inconnu pour la moitié des 2965 croix répertoriées. Plus de deux croix sur trois sont associées à une manifestation officielle de la religion. Les autres doivent leur raison d’être à un vécu religieux plus personnel qui s’éloigne parfois de la religion formelle.


La première catégorie compte les croix pour commémorer un événement ou un personnage. Plusieurs arborent un signe physique de leur raison d’être et comporte souvent une inscription : «À la douce mémoire de... , décédé accidentellement le 24 juillet 1956, âgé de 32 ans». Les Québécois n’hésitent pas à s’associer à la construction d'un signe matériel attestant leur appartenance religieuse.


Une autre catégorie intrigue, celle des croix votives. lancine testament domine ici. Le Yahvé créateur de l’univers physique et vengeur auprès dune humanité pécheresse est partout présent, tellement que le Fils n’existe plus. La croix, comme les chapelets et les médailles, constitue un catalyseur pour une population fortement éprouvée. Elle constitue un moyen de prévenir le malheur. Considérant la symbolique profonde de cet objet, son ornementation bénéficie de soins attentifs. Ainsi, il existe jusqu'à 514 variétés de motifs ornementaux. Sa disparition subite pendant les années ‘60 a de quoi étonner. Les changements sociaux et politiques nés de la Révolution tranquille ont bouleversé le comportement religieux des Québécois. L’urbanisation contribue à éloigner la population de ses traditions religieuses. De plus, l’éducation est graduellement prise en charge par l’État au détriment de l’Église. Le coup de grâce vient avec le concile du Vatican II. Tout le caractère mystérieux des rites religieux disparaît avec le latin, la soutane et l’abandon des cycles parallèles au calendrier agricole. Il ne reste que quelques témoins sur le bord des routes peu fréquentées Dun patrimoine religieux aujourd'hui disparu.