Au temps de ma mère



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L'École




L'école régissait notre vie quotidienne. Pour s’y rendre, le trajet était parfois pénible. En hiver, les rues étaient déblayées par des charrues tirées par des chevaux... laissant ainsi une image du XIXe siècle. Rues mal déblayées ou non, il n'en fallait pas moins se rendre à pied à l'école, beau temps, mauvais temps, le transport scolaire n'existant pas à l'époque. Cet imposant édifice de briques rouges était le domaine des Frères Sainte-Croix. Bâtiment vieillot, il avait un intérieur correspondant à sa fonction. Les planchers des corridors en bois craquaient au passage des élèves. La discipline y était très stricte et gare au frère directeur. Cet énigmatique personnage était rarement visible, ce qui en faisait une figure redoutée par tous les élèves. Les classes étaient généralement surpeuplées. On y retrouvait des enseignants “religieux" quelquefois compétents, mais souvent ignorants. En effet, ils ne devaient leur permis d'enseignement qu'à leur soutane car, d'après la loi de l'instruction publique québécoise, tout religieux était de facto reconnu qualifié pour l'enseignement. Il faut admettre que nous retrouvions parfois des enseignants ou enseignantes à la vocation réelle qui savaient aller chercher en nous la soif du savoir et éveiller l'intérêt pour les matières arides de l'école. Cependant, il est évident que de tout temps apprendre, malgré toutes les théories modernes, demande toujours un effort.


La formation de l'intellect comme du physique ne se fait pas sans quelques douleurs. Le cours primaire pour plusieurs enfants de mon époque était la seule formation de base accessible au peuple. Pour une petite élite, il y avait toujours le cours classique.


Le monde de mon enfance en était un où la vie était réglementée et planifiée, laissant peu de place à l'initiative personnelle. Même la messe dominicale était obligatoire pour les enfants des écoles publiques. Nous devions alors nous rendre à l'école où les présences étaient prises et de là, en rangs, nous nous dirigions vers l'église paroissiale. Il en était de même au mois de mai où le chapelet à l'église, le soir après souper, était fortement conseillé. Un congé de devoir nous était offert contre une présence à l'office religieux. Toute notre vie ou presque était régie par les diktats ecclésiastiques. Péché ou pas ? Telle était la question que nous devions nous poser.Parfois, je m'aventurais sur la Côte-Vertu où je connaissais un jeune de mon âge. M'y rendre était une véritable expédition. Il y avait, plus à l'ouest, un quartier anglophone où il ne fallait jamais mettre les pieds car il était peuplé par de “méchants” protestants. On ne badinait pas avec ça à l'époque...