Au temps de ma mère



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Un empire grandissant


En 1865, le climat est prêt pour l'affirmation du droit exclusif de l'Église sur l'éducation. Celle-ci réclame rien de moins que le contrôle de tout l'enseignement donné dans les écoles. Le système de l'éducation du Québec continue d'être divisé en deux secteurs, catholique et protestant. Le 15 juillet 1867, le ministère de l'Instruction publique est créé. Ses principales fonctions sont d'assumer toutes les fonctions du surintendant de l'Instruction publique et toutes celles qui pourront lui être attribuées par le lieutenant-gouverneur en conseil ; de pourvoir à l'établissement d'écoles d'adultes et à l'instruction des ouvriers , artisans et autres. Devant les protestations des ultra-montains et des évêques, le gouvernement Chauveau adopte en 1869 une autre loi qui crée deux Conseils de l'Instruction publique, l'un pour les catholiques et l'autre pour les protestants. Le comité des catholiques est composé de quatorze membres dont sept évêques et autant de laïcs. Pour sa part, le conseil protestant compte sept membres.


C'est ce comité qui prend les vraies décisions sur l'enseignement, le ministre voit ainsi ses pouvoirs limités. Par une nouvelle loi adoptée en 1870, on permet à la communauté juive de payer ses taxes et d'organiser son système d'école selon son choix. En général, les autres religions s'associeront à la religion protestante plutôt que catholique. Les autorités religieuses catholiques sont peu accueillantes envers les membres d'autres religions. En 1875, une nouvelle loi est adoptée par le gouvernement de Boucher de Boucherville:


1- Séparation du comité catholique d'avec le comité protestant.

2 -Les évêques sont membres ex-officio de ce conseil.

3-Ce conseil a le contrôle sur l'enseignement, les livres et l'argent voté pour l'Éducation.

4- Le surintendant de l'éducation est chargé de l'exécution des décisions du Conseil de l'éducation. Le poste de ministre de l'Instruction publique est aboli. Cette structure demeurera jusqu'en 1964 lors de la création du ministère de l'éducation.


Le traitement des instituteurs demeure dérisoire, autour de 200$ par an. Dans certaines régions, l'institutrice reçoit 60 $ pour l'année. Avec ce faible montant, elle doit payer sa nourriture et chauffer l'école. Les lois sur l'Instruction publique reconnaissent deux classes d'instituteurs : les instituteurs laïques et ceux appartenant au clergé et aux congrégations religieuses. Ces derniers sont exemptés de l'examen. Pour les laïcs, il en est tout autrement. En effet celui-ci doit montrer des aptitudes morales et intellectuelles. L'instruction obligatoire décrétée par l'État apparaît comme une mesure socialisante.


L'Église cherche surtout à contrôler l'enseignement supérieur. Pour elle c'est un bastion protégeant ses pouvoirs temporels et spirituels. Les communautés religieuses se multiplient. Les secteurs de la santé et de l'éducation sont sous tutelle religieuse. Chaque secteur d'activité est bien réglementé. Après 1840, l'enseignement classique se développe rapidement. Séminaires et collèges se multiplient. Cependant, tous les diplômés de ces institutions religieuses ne sont pas destinés à la prêtrise. Beaucoup vont vers le commerce, l'agriculture, la médecine ou le droit.. On parle de la réforme des collèges classiques où l'enseignement du latin est prédominant. Une étude démontre qu'il y avait, toutes proportions gardées, plus de personnes dans la province de Québec qu'en France qui entreprennent des études classiques. Dans la seconde moitié du 19e siècle, l'Université Laval et tous les collèges classiques et séminaires appartiennent au clergé. Dans les écoles normales, le principal est un prêtre. Les directeurs et les professeurs des écoles classiques étaient en grande majorité des prêtres. Plutôt que de s'adresser au Parlement du Canada-Uni pour obtenir une nouvelle université, les autorités religieuses du Québec décident de demander une bulle papale ainsi qu’une charte royale. Cette dernière est obtenue facilement en 1852, tandis que la seconde est octroyée beaucoup plus tard en 1876. La nouvelle institution, l'Université Laval, comprend quatre facultés : théologie, droit, médecine et art. La vie des étudiants est strictement réglementée. La fréquentation des théâtres, des maisons de jeux et celles ou l'on vend à boire est rigoureusement interdite... Un règlement d'hygiène proclame un bain par trimestre et un lavement de pied à tous les quinze jours. Mais une grande chicane s'amorce. L'Université Laval veut contrôler tout l'enseignement universitaire catholique francophone dans la province de Québec. Elle voit d'un mauvais oeil les projets d'établissement d'une nouvelle université à Montréal. En 1867, l'École de chirurgie et de médecine de Montréal obtient une entente avec l'Université de Cobourg en Ontario.


Cette affiliation durera 23 ans. L'Université Laval décide à son tour d'établir une succursale à Montréal. Une grande contestation contre ce projet aboutit devant le pape, qui tranche en faveur de Québec. L'École de médecine de Montréal fait une nouvelle demande à Rome qui lui accorde une constitution papale. On se retrouve ainsi avec deux sièges universitaires. Les facultés de médecine rivales sont finalement fusionnées. La paix revient alors sur le plan universitaire.