Au temps de ma mère



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La naissance au 19e siècle


Au 19e siècle, tout ce qui concerne la naissance d’un enfant est secret et strictement féminin. Tout d’abord, ce qui relève de la sexualité est tabou. Lorsqu’une « femme part en famille », elle n'en parle généralement pas, si ce n’est à son mari ou à la rigueur à sa mère, ses soeurs ou ses proches amies. Elle cache même longtemps les formes qu’elle prend par le port de vêtements amples, un grand tablier par exemple. Le secret est évidemment de rigueur avec les enfants qui ne l’apprendront qu’après l’accouchement et dune manière détournée, le plus souvent en leur disant que leur mère « a acheté » ou encore que les sauvages sont venus l’apporter. Il ne faut pas s’étonner de cette croyance qui veut que le bébé se trouve automatiquement marqué par tout ce qui concerne sa mère durant la grossesse. On évitera de parler de l’enfant à naître, car c'est alors lui donner existence. C'est donner au « Malin » une emprise sur un petit être sans défense. La mère court des risques lors de l’accouchement : beaucoup de femmes meurent en couche ou des suites de l’accouchement. Pour se protéger, beaucoup de femmes porteront durant leur grossesse une ceinture de toile appelée ceinture Sainte- Marguerite, protectrice des femmes enceintes à qui on demandera surtout de veiller au bon accouchement.


Lors de l’accouchement, l’exclusion des hommes est extrêmement courante. Ils sont envoyés dans une pièce adjacente, voire dans la grange, et il faudra un événement exceptionnel, comme une tempête de neige, pour que leur présence soit indispensable. Les enfants sont envoyés chez des voisins. Pendant très longtemps dans les campagnes, c'est une femme experte, la sage-femme, qui pratiquait les accouchements, assistée par la mère de l’accouchée, une de ses soeurs ou une voisine. Dans les villages la présence du médecin sur place a incité les familles à lui faire appel. La présence de la sage-femme est requise comme assistante du médecin.


Dans les campagnes comme dans les villes jusqu'à l’avènement de l’hospitalisation obligatoire dans les années 1950, beaucoup de femmes ont préféré accoucher chez elles. C'est l’hospitalisation qui fera de l’accouchement un événement médical. Si l’accouchement présente des difficultés et que la vie de l’enfant se trouve menacée, le médecin, la sage-femme ou le père procèdent immédiatement au baptême ; le complément du baptême se fait ensuite à l’église.


Prénommer l'enfant


La mortalité infantile étant relativement forte, on craint que le nouveau-né meure avant d’avoir été fait enfant de Dieu. Ainsi, le baptême se déroule-t-il très tôt après la naissance, parfois dans les heures qui suivent.

Celui-ci sert d’ailleurs d’acte civil, car jusque récemment le seul état civil existant était religieux. Le premier prénom se fait en fonction de l’appartenance à l’Église. Pour les catholiques, il se nomme donc Joseph ou Marie selon le sexe.


Les autres prénoms s’inscriront dans la grande chaîne familiale et seront généralement en rapport avec les parents, particulièrement en ce qui concerne le dernier prénom des aînés, ou du parrain et de la marraine dans le cas des autres enfants. Ce dernier prénom pourra relever tout autant de la mode que du hasard, par exemple le nom du saint du jour. Prénommer un enfant avait une profonde signification sociale.

Le choix du parrain


Le choix du parrain ou de la marraine n’est pas le fruit du hasard et avait une profonde signification sociale. En tant que parents substituts de l’enfant, ceux-ci s’engagent à prendre à charge la vie sociale de leurs filleuls et à pourvoir à leur éducation en cas de malheur survenant aux parents biologiques. Souvent, même si cela n’est pas logique, le choix se porte dans le cas des aînés sur les grands-parents paternels s’il s’agît d’un garçon ou maternels si c’est une fille. On demandera ensuite aux frères ou aux soeurs des parents en respectant l’alternance et finalement, dans le cas des « grosses familles », aux propres frères et soeurs du nouveau-né.


La cérémonie du baptême qui fera de l’enfant un nouveau membre de la communauté paroissiale peut donc avoir lieu. Généralement, le père, le parrain et la marraine y assistaient. Souvent la famille fait appel à une personne autre qu’une parente pour porter l’enfant : la sage-femme ou la fille engagée qu’on veut ainsi honorer. Le port par l’enfant d’un très beau trousseau était de mise. Ce dernier, généralement fait par la mère, la grand-mère ou une tante, devait servir pour la naissance du premier enfant de la famille et tous les autres qui devaient suivre. À la fin de la cérémonie, avant de revenir à la maison pour une collation offerte par les parents, le bedeau sonnera les cloches de l’église paroissiale au prorata de la somme payé par le parrain qui, en tant que second père, annonce ainsi à toute la communauté paroissiale qu’elle compte un membre de plus.