Au fil des saisons: le temps des fêtes
L'hiver au séminaire était long. Dès l'apparition de l'automne, c'était le signal du début d’une période de l'année où nous hivernions sans presque sortir. Les activités sportives extérieures étaient presque exclues en ce qui me concerne, car je traînais avec moi une affection pulmonaire très agaçante surtout par temps froid : l'asthme. Pour un pensionnaire, une telle maladie a souvent pour résultat de l’isoler des autres. On doit donc apprendre très vite à être autosuffisant et à ne pas dépendre des autres, sinon c'est infernal. Il ne faut pas trop s'apitoyer sur son sort, car il existe une infinité de maladies dont les effets sont beaucoup plus graves. Cependant, pour un adolescent qui n’a pas de référence vis-à-vis les autres, sa maladie est la pire catastrophe qui puisse exister. Il est certain que cela influence entre autres le caractère d'une personne. Lorsqu'on est en crise, on n'est pas nécessairement facile à vivre. D'autre part, la maladie forge le caractère en donnant plus d'audace et de volonté. Je réussis donc à me tirer d'affaires, malgré les obstacles inévitables qu'un tel handicap peut avoir. Le temps de l'Avent marquait la venue rapprochée du temps de Noël et du Jour de l'An. Nous anticipions sur ce congé à venir, nous le désirions tant ! Le temps de Noël était précédé au niveau liturgique par un temps de pénitence et de recueillement. Intérieurement, ce sont les réjouissances à venir qui nous intéressaient. Quelques jours avant Noël, nous procédions avant notre départ à un ménage règle. Nous lavions les planchers et appliquions la couche de cire qui allait faire reluire comme un miroir le terrazzo des planchers. Nous faisions cela avec enthousiasme et souvent au son des chants traditionnels de Noël. Richard Verrault était mon favori. Tout cela nous mettait dans une ambiance particulière. Deux jours avant Noël c'était le grand départ. Je devais me rendre par autobus à Saint-Jean où mes parents venaient de déménager. C'était un voyage pas tellement long. Il s'effectuait par l'intérieur des terres où nous traversions plusieurs villages ensevelis sous la neige. J'admirais ce décor féerique le coeur joyeux, car j'allais pour deux semaines fêter avec mes cousins et cousines de la campagne.
Toute mon enfance est tournée vers Saint-Marcel et la campagne. Pour moi, ce n'est pas la ville qui m'intéressait mais la campagne, celle de mes ancêtres. C'est toujours elle qui est mon point de référence. Nous idéalisons souvent notre enfance. Le petit village de Saint- Marcel n'avait peut-être rien d'extraordinaire, mais à mes yeux c'était un paradis terrestre ou presque. La nostalgie du passé nous fait souvent revivre ce dernier d'une façon idyllique, mais que de bons souvenirs cela évoque. Comment oublier un Noël dans la petite église de Saint-Marcel! Souvenirs de messe de Minuit où l'éblouissement des lumières semble représenter cet humble bâtiment comme un lieu divin. À mes yeux, il pouvait se comparer à la splendeur des cathédrales gothiques européennes. L'atmosphère était telle que les mots me manquent pour décrire l'ambiance de ce moment privilégié. On ne peut imaginer une messe de minuit sans le Minuit Chrétien, souvent mal chanté mais faisant toujours vibrer la foule. L'émotion était souvent à son comble. C'était le moment magique de la cérémonie où les frissons nous parcourent tout le corps.
C'étaient les vacances... la liberté retrouvée. Ce long congé de Noël durait jusqu'à la fête des Rois. Je savais alors que le prochain congé serait éloigné et qu'il y aurait entre les deux les longs et durs mois de l'hiver. Janvier et février étaient les mois les plus froids et les plus enneigés de l'hiver, mais en mars ou avril viendrait la fête de Pâques et le printemps. En attendant, il fallait traverser